Toulouse. Face à la « honte de prendre l'avion », Airbus imagine de voler sans polluer | La lettre de Toulouse | Scoop.it

Airbus se lance un défi écologique : livrer des avions capables de voler sans émission polluante dans les dix ans. La révolution pourrait venir de Toulouse. Explications.

 

Le défi est lancé. Dans une interview accordée au Frankfurter Allgemeine Zeitung, Guillaume Faury, le tout nouveau président d’Airbus, estime que l’avionneur de Toulouse doit introduire des moteurs électriques dans ses avions dès la prochaine décennie.

 

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Le trafic aérien en hausse

L’enjeu est de taille. Le transport aérien serait déjà responsable de 2 % à 3 % des émissions de CO2 au niveau mondial. Ces émissions sont en hausse chaque année. Selon l’Association internationale du transport aérien (IATA), le transport aérien mondial doit croître en moyenne de 3% par an au cours des 20 prochaines années.

La révolution pourrait venir de Toulouse. En octobre 2018, Safran Electrical & Power, dont le siège est à Blagnac (Haute-Garonne), a dévoilé un nouveau moteur électrique destiné aux aéronefs hybrides et électriques de demain. Avec cette nouvelle gamme de moteurs, l’équipementier expliquait prendre « un virage stratégique majeur », ouvrant des « marchés prometteurs ». 

 

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De son côté, malgré l’abandon de l’avion tout électrique E-Fan (un appareil qui ne consommait pas de kérosène), Airbus dit continuer à investir dans des prototypes tout électrique :

Nous investissons, par exemple, dans nos petits prototypes entièrement électriques appelés City-Airbus et Vahana. S’ils sont opérationnels, nous augmenterons progressivement la taille des machines.

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Par ailleurs, en partenariat avec Siemens et Rolls-Royce, Airbus travaille sur un aéronef utilisant une propulsion hybride, mêlant à la fois des moteurs électriques et des moteurs à combustion. Un démonstrateur à propulsion hybride pourrait voler dès 2020.

Du carburant à base de sucres

En attendant, Airbus propose déjà aux compagnies de prendre livraison de nouveaux avions en utilisant un mélange de biocarburants. Celui-ci est conçu à base de sucres. Les livraisons ont été effectuées en 2016 depuis Toulouse, avec 10% de biocarburant par avion.

 

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La « honte de prendre l’avion »

En appelant à des avions sans émission polluante, Guillaume Faury veut donner des gages à des passagers soucieux des enjeux environnementaux. En Suède, par exemple, la « honte de prendre l’avion » plombe déjà le trafic aérien.

 

« Cela fait longtemps que la filière aéronautique travaille à la réduction des émissions », souligne Yann Barbaux, le président du pôle de compétitivité Aerospace Valley. « Mais la marche technologique est plus haute que dans l’automobile. Il s’agit de faire voler des avions d’une centaine de tonnes… Guillaume Faury nous met la pression pour aller plus vite. Il faut désormais une rupture technologique. C’est la grande priorité des motoristes. Nous mettons toutes les forces dans la bataille ».

 

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Yann Barbaux rappelle l’objectif de la filière aéronautique mondiale : que chaque avion émette quatre fois moins d’émissions de CO2 d’ici 2050, par rapport à 2005. Selon le président d’Aerospace Valley, le défi lancé par Guillaume Faury n’est pas utopique :

À l’horizon 2030, une nouvelle génération d’avions doit voir le jour, sans doute grâce à l’électrique. Les déclarations du président d’Airbus sont cohérentes avec l’objectif de la filière aéronautique mondiale fixé à 2050, le temps de renouveler l’intégralité de la flotte.

« Nous avons des champions »

Le pôle de compétitivité dit avoir identifié tout un écosystème autour de la production d’énergies renouvelables. « Nous avons des champions sur la place toulousaine, notamment l’IRT Saint-Exupéry et le laboratoire LAPLACE qui travaillent sur l’avion électrique et la filière à combustible ».

 

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Dans un avenir proche, Yann Barbaux promet des aéroports décarbonés : « Des piles à combustible, une filière 100% renouvelable, seront utilisées pour les avions pendant les mouvements au sol ».

Face à la pression sociétale, le président d’Aerospace Valley tient à préciser que d’importants progrès ont déjà été réalisés :

L’A320neo, par exemple, émet près de 20 % d’émissions de CO2 en moins que son prédécesseur. Cet appareil a une consommation en kérosène de 2 litres au cent par passager, contre une moyenne de 3 litres au 100 pour le conducteur d’une voiture parmi les plus performantes.

 

Hugues-Olivier Dumez