Ayguevives. Zodiac Nautic en plein naufrage | La lettre de Toulouse | Scoop.it

Depuis quinze jours, plus aucun camion ne sort de l’usine d’Ayguevives, au sud de Toulouse. Dans les années 1990, ce site de production du fabricant français de bateaux pneumatiques Zodiac, construisait jusqu’à 180 bateaux par jour. Ces derniers temps, la moyenne est tombée à douze. Placée en redressement judiciaire le 2 avril par le tribunal de commerce de Nanterre, la société Z Marine, plus connue sous son nom commercial Zodiac Nautic, a six mois pour trouver un repreneur et échapper à la liquidation. Six mois après le dernier plan social qui s’est soldé par la perte de soixante-dix emplois dont cinquante-cinq à Ayguevives, dans les ateliers haut-garonnais, le moral des salariés est au plus bas.

« On se laisse mourir. Aucune action n’a lieu pour tenter de sauver l’entreprise. On imagine tous que la fin est proche et que seule la marque Zodiac sera rachetée. Pourtant les carnets de commande sont pleins mais on ne peut plus les honorer. Les caisses sont vides, l’entreprise a 10 millions d’euros de dettes », témoigne l’un d’entre eux. Un autre, plus optimiste, veut « attendre le coup de sifflet final avant de baisser les bras ». « On ne travaille plus avec le même enthousiasme qu’il y a dix ans, mais il faut continuer à y croire. C’est vrai que c’est dur. On dirait que le mot d’ordre de ces fonds d’investissement est de détruire cette belle entreprise française qu’est Zodiac Nautic. Avec notre savoir-faire et notre machine technologique, nous pourrions faire beaucoup d’autres structures gonflables que des bateaux. »

 

120 emplois menacés au total

Comme le personnel, sous le choc du placement en redressement judiciaire de Z Marine, les élus du comité d’entreprise pointent la responsabilité des fonds d’investissement qui ont conduit ce fleuron du nautisme français à prendre l’eau. Il est clair pour eux que « ce naufrage est la conséquence de la gestion calamiteuse des fonds d’investissements, obsédés par le rendement financier à court terme, au mépris des salariés et de la pérennité de l’entreprise ».

Le groupe Zodiac, devenu aujourd’hui Zodiac Aerospace, avait revendu en 2007 sa branche marine et loisirs au fonds d’investissement américain Carlyle. Le nouvel actionnaire avait revendu le secteur plaisance de l’activité marine six ans plus tard à un autre fonds américain, OpenGate Capital, qui en a confié la gestion à la société Golden Licorn International présidée par Olivier Sauty de Chalon. Mais le dirigeant, qui n’a pas d’ailleurs pas donné suite à nos questions, ne semble pas être l’homme de la situation.

En effet, souligne le comité d’entreprise « malgré un carnet de commandes lui permettant d’atteindre ses objectifs de chiffre d’affaires (…), par manque de trésorerie, la société n’est malheureusement pas en mesure d’effectuer les approvisionnements nécessaires à la mise en production de ses bateaux ». Les restructurations et les plans sociaux successifs qui se sont traduits par 500 licenciements selon les représentants du personnel, la fermeture des usines de Rochefort (Charente-Maritime) et de Saint-Jean-d’Illac (Gironde), ont laissé la société Z Marine « exsangue ».

Le sauvetage des 120 salariés restants et de cette marque historique est-il encore possible ? Le temps presse. Le bail des locaux d’Ayguevives, qui appartiennent toujours à Carlyle, expire en juin. Les élus du comité d’entreprise s’en remettent aux responsables politiques pour les aider à trouver un « repreneur responsable et respectueux des emplois pour une reprise de l’activité au plus tôt ». Mais seront-ils entendus ?

 
Johanna Decorse