Comment améliorer la performance sociale chez les sous-traitants chinois ? | La lettre de Toulouse | Scoop.it

Martine Combemale, fondatrice et directrice de l’ONG toulousaine Ressources humaines sans frontières (RHSF). 

 

L'IAE Toulouse et l'ONG toulousaine Ressources humaines sans frontières viennent de remporter le Prix du meilleur cas de management international 2015 de l'Association francophone de management international (AFMI). L'objectif : améliorer la performance sociale en Chine.

 

Martine Combemale, vous êtes directrice de l’ONG toulousaine Ressources humaines sans frontières (RHSF), en quoi imposer des codes de conduite et des audits sociaux à ses sous-traitants est-il insuffisant ?
Certaines entreprises n’adaptent pas leur code de conduite à la situation du pays. Du coup l’entreprise produit des documents papiers montrant qu’elle respecte le code de conduite alors que sur le terrain, cela n’est pas possible. En Chine, les heures de travail importantes sont culturelles et le système de management des entreprises est un système de rémunération soit à la tache, soit à la tache et à l’heure, avec un salaire minimum très bas, même s’il augmente régulièrement. Quand on analyse la structure des rémunérations, elles correspondent à 50% au salaire de base et 50% aux heures supplémentaires. Or vous pouvez imposer toute ce que vous voulez à vos sous-traitants, aucun salarié n’acceptera de diminuer ses heures supplémentaires. Donc il risque de partir à la concurrence. Il faut donc envoyer des auditeurs, non pour regarder si il y a des heures supplémentaires - il y en a -, mais pour voir comment l’entreprise pourrait ne pas avoir d’heures supplémentaires.

Comment avez-vous construit ce cas pratique, récompensé par le Prix ATLAS-AFMI ?
Ce travail est issu d’un projet tripartite entre l’ONG RHSF, l’entreprise Petzl, spécialisée dans les équipements de haute sécurité, et l’entreprise chinoise Polyunion. L’idée étant de donner des outils aux entreprises sous-traitantes pour construire une politique RH qui leur permette d’intégrer la politique RSE de leurs donneurs d’ordre.

Qu’avez-vous montré sur le modèle de management RH qui pourrait émerger en Chine ?
La Chine n’a pas du tout intégré que les RH sont une ressources avec laquelle on travaille pour améliorer la stratégie de l’entreprise. Pour eux, c’est un coût qu’il faut diminuer. Notre angle de travail a été le fait que Polyunion a beaucoup de turnoverNous leur avons dit qu’en travaillant sur les RH, nous pouvions avancer sur ce point. Concernant les heures supplémentaires, nous avons montré qu’après neuf heures de travail, la productivité diminue et qu’il n’y a donc aucun intérêt à travailler au-delà de 60 heures par semaine, même en termes financier puisque la perte de salaire pouvait être compensée par une prime. Pendant plus de deux ans, notre ONG a ensuite travaillé sur la mise en place du nouveau système de management, et sur son appropriation par les ouvriers, habitués à la mentalité « plus tu travailles, plus tu gagnes ». Nous sommes la première ONG à avoir vécu dans une entreprise pour mettre en place un système. Nous avons accepté de le faire car c’est un projet pilote, et notre volonté est d’en faire un système de management qui pourrait être appliqué à tous.

Comment les donneurs d’ordre occidentaux peuvent-ils accompagner ce transfert de technologie social ?
Avant de poser des codes de conduire, il faut regarder avec le sous-traitant si, dans ses valeurs, il peut intégrer ce code. Ensuite, il faut d’analyser sa propre politique d’achat. Qu’est-ce que je demande à mes acheteurs ? De respecter un code de conduite. Mais sont-ils évalués sur la réussite ? Enfin, il faut aussi remonter sa chaine de sous-traitance et identifier les points à risques. C’est le processus suivi par Polyunion. Ils ont rencontré les parties prenantes qu’on leur avait identifiées en Chine et en Malaisie avec, comme point de vigilance, les heures de travail. Pourquoi tout cela a marché ? Parce que nous sommes partis de leur problématique : le turnover et que nous avons parlé business et non pas droits humains.

Le cas pratique a été récompensé. Une entreprise chinoise peut témoigner. Quelles sont les étapes suivantes ?
Nous venons de franchir une étape. Maintenant nous devons avancer avec l’Université de Pékin pour faire un transfert de compétences, pour qu’il y ait des formateurs sur place pour former les managers chinois. 

 
Propos recueillis par Aurélie de Varax