Covid-19 : comment l'avocat Christophe Lèguevaques compte utiliser le CAC 40 pour aider les petites entreprises | La lettre de Toulouse | Scoop.it

Christophe Lèguevaques porte cette action via son cabinet MySmartCab.

 

L’avocat toulousain Christophe Lèguevaques lance une nouvelle action collective en justice, via la plateforme en ligne MySMARTcab.fr. Objectif ? Annuler la distribution des dividendes des entreprises du CAC 40, les rachats d’actions ainsi que les versement des bonus aux traders, afin de créer une contribution de solidarité exceptionnelle pour les TPE/PME affectées par la crise de covid-19 et financer "un plan de relance écologique". Ouverte aux entreprises, commerçants, artisans et professions libérales depuis le 2 avril, l’action compte déjà près de 1 000 inscrits en quelques jours. Ainsi, un recours va être déposé auprès du Conseil d'Etat. Dans une interview accordée à La Tribune, Me Christophe Lèguevaques expose les détails de cette action et annonce son intention d'en lancer deux autres, contre l'État au sujet des masques et sur la question des loyers commerciaux pour les boutiques.

 

La Tribune : vous avez lancé une action collective en ligne qui invite le gouvernement, au "nom de la solidarité nationale", notamment à geler la distribution des dividendes des entreprises du CAC 40. Pour quelle(s) raison(s) ?

 

Christophe Lèguevaques - Nous lançons cette action car il y a deux mondes qui s'affrontent. D'un côté, il y a tout un tas de petites entreprises, qui sont très affectées par la crise du coronavirus. Par exemple, et comme d'autres secteurs d'activité, 250 000 hôtels et restaurants en France sont fermés et n'ont plus aucune activité. Pour ces différentes entreprises, l'État a décidé de créer un fonds de solidarité à hauteur d'un milliard d'euros. Or, ce n'est pas grand chose. De l'autre côté, il y a des sociétés richement dotées qui vont distribuer dans les semaines qui viennent plus de 50 milliards d'euros de dividendes. De plus, elles vont procéder à des opérations de rachat d'actions et à la distribution de bonus, sachant que les bonus d'un trader sont supérieurs à un million d'euros. Ces grands groupes font cela alors qu'ils connaissent très bien le contexte actuel et n'ont pas à l'esprit la solidarité nationale.

Nous avons l'impression que le gouvernement est dur avec les salariés et n'hésite pas à remettre en cause des droits acquis, tout en demandant gentiment aux entreprises du CAC 40 de faire un petit effort, sans pour autant prendre des normes juridiques impératives qui permettraient à toutes les entreprises d'être traitées de la même manière. C'est à la fois une rupture de l'égalité et un manquement au devoir de solidarité qui est imposé par la Constitution.

 

Lire aussi : Linky : deux avocats toulousains lancent une procédure collective contre Enedis

 

 

La Tribune : comment allez-vous procéder alors pour mettre en application ce besoin de solidarité, afin d'aider les entreprises de petite et moyenne tailles ?

 

C.L - Nous avons trouvé une solution qui est le référé liberté. Au nom de plusieurs libertés, nous allons expliquer au Conseil d'État que comme le gouvernement n'a pas fait les choses comme il faut et qu'il faut prendre un certain nombre de mesures juridiques opérationnelles.

 

La Tribune : lesquelles vous proposez ?

 

C.L - MySMARTcab en propose trois. La première consiste à geler les opérations financières de type distribution de dividendes, rachat d'actions et paiement des bonus aux traders. Cela peut représenter beaucoup de liquidités qui resterons à disposition des entreprises. Le second niveau, un peu ambitieux, consiste à dire qu'il faut prévoir une contribution exceptionnelle de solidarité à hauteur de 75 % des dividendes, soit environ 37 milliards d'euros. Cette somme, et c'est le troisième volet, servira à financer le fonds de solidarité des TPE/PME, l'hôpital public et un plan de relance écologique.

 

La Tribune : via cette action collective en justice donc, vous souhaitez relier le besoin d'un plan de relance économique, en sortie de crise, au besoin d'une transition écologique ?

 

C.L - Nous devons tous commencer à imaginer le monde d'après. Cela ne peux pas être le monde que nous avons connu jusque-là. Il faut se préparer au grand changement climatique qui s'annonce et qui aura des conséquences autrement plus importantes que celles du covid-19. Cela demande à la fois un effort d'invention, de création, de mobilisation, etc. Ainsi, nous éviterons certains comportements égoïstes de gens qui prennent leurs bénéfices et oublient de jouer collectif.

 

La Tribune : comment les intéressés peuvent soutenir cette action collective ?

 

C.L - Nous avons ouvert à tous (citoyens, contribuables, syndicats de salariés, associations, fondations ou ONG, et entreprises) cette action collective, gratuite, jeudi 2 avril via noublionsrien.fr. C'est un site support pour toutes les actions collectives que nous allons lancer dans le cadre du covid-19. Nous nous étions fixés comme objectif d'atteindre 1 000 requérants d'ici mardi 7 avril à 12h, et nous les avons obtenu en 72h, ce qui prouve la forte mobilisation autour de cette question. Là, nous sommes en train de vérifier les différents dossier afin de déposer le plus vite possible, probablement jeudi 9 avril, la demande de référé liberté au Conseil d'État.

 

La Tribune : vous évoquez d'autres actions à venir via cette plateforme en lien avec la crise sanitaire. Quelles seront ces prochaines actions collectives ?

 

C.L - La prochaine action concernera la responsabilité de l'État au sujet des masques de protection. Nous sommes en train de travailler sur l'angle par lequel nous allons prendre ce dossier.

Nous pensons également proposer aux petites entreprises une action pour suspendre, voire obtenir une exonération, du paiement des loyers commerciaux durant la période de confinement. Cela représente un enjeu très important, notamment pour les boutiques qui se retrouvent dans des situations désespérées et désespérantes. Elles sont fermées par autorité de l'État et n'ont plus la possibilité, sauf exceptions très rares, de vendre et donc réaliser du chiffre d'affaires. Et pendant ce temps, les loyers commerciaux, qui sont souvent importants, continuent à courir. Il serait fair-play que les grands propriétaires acceptent de passer l'éponger sur les deux ou trois mois de confinement. Cette action devrait permettre à un maximum de petits commerçants et artisans de faire face et survivre. Si l'on veut éviter qu'il y ait trop d'entreprises en sauvegarde ou en redressement judiciaire, il faut de la solidarité entre ceux qui ont les moyens et ceux qui ne les ont pas.

 

Par Israa Lizati