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Immigration : l’Europe paie les pots cassés

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Légende photo : Danielle Ryan

Source du dessin (en dessous) : boxdessins.over-blog.com


 

 

Immigration : l’Europe paie les pots cassés

La couverture médiatique sur la crise des migrants en Europe ignore la cause principale : l’OTAN

Par Danielle Ryan

 

Les médias semblent déterminés à ne pas mettre le doigt sur la principale cause de la vague d’immigration clandestine que subit l’Europe, c’est-à-dire le chaos et la misère provoqués par la politique des États-Unis en Libye, en Syrie, en Irak, au Yémen et en Somalie.

 

L’ampleur de cette crise que subit l’Europe ne doit pas être sous-estimée. Elle est vraiment sans précédent. Ce qui est plutôt sous-estimé, on peut même dire complètement ignoré par les médias de masse, sont les causes réelles de cette crise.

 

Le débat autour de l’immigration clandestine en Europe se passe presque entièrement sans référence aux causes de ce récent afflux de migrants originaires d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. L’éléphant dans le magasin de porcelaine se nomme OTAN et personne ne veut vraiment en parler.

 

Des centaines d’articles, construits autour de chiffres, de propositions et de prédictions, évitent pourtant d’établir le moindre lien entre une cause et son effet. Les journaux d’actualités semblent stupéfaits, la mâchoire tombante, à la vue des photos d’apocalypse qu’ils voient arriver sur leurs bureaux, et pourtant personne n’a l’air de vouloir en tirer une déduction évidente. Elle est pourtant si simple et logique qu’il est difficile à comprendre pourquoi elle n’est pas énoncée régulièrement et à voix haute.

 

Cela tient peut-être au fait que les journalistes sont si conditionnés à présenter les stratégies américaines et de l’OTAN sous un jour positif que cette déduction ne leur vient même pas à l’esprit. Ou alors ils sont tellement embarrassés qu’ils essayent de détourner l’attention de leur ancien et fort soutien aux différentes interventions militaires occidentales dans ces pays.

 

Il résulte de cette attitude une histoire faite pour croire que cette crise est apparue de manière soudaine et aléatoire. On assiste à une conversation sur la manière de gérer ces arrivées de bateaux remplis de Libyens cherchant à traverser la Méditerranée, comme si la Libye était un pays qui venait tout juste d’exploser et sans aucune raison apparente.

 

Le débat fait rage sur que faire de ces migrants, ce qui se comprend, car c’est effectivement le problème urgent ; mais nous avons aussi besoin de débattre sur la politique, celle de l’OTAN, qui a été le catalyseur de cette crise.

 

Même si l’Europe réussit à formuler une solution au problème, celle si ne sera qu’un cautère sur une jambe de bois, car elle ne s’adressera qu’aux symptômes. En vérité, à quoi sert de panser votre blessure alors que le gars qui vous a blessé est encore dans la pièce avec son couteau ? Pas besoin d’être très malin pour deviner comment l’histoire se terminera.

 

Même si la cause est parfois mentionnée, à contrecœur, par les médias, elle ne l’est que brièvement et de manière abstraite lorsque, par exemple, un auteur en parle en utilisant le terme conflit ou fait mention de nouvelles flambées de violence dans ces pays.

 

Les éditeurs du New York Times, quant à eux, adorent mettre carrément la faute sur le dos de l’Europe. Comme dans cet article qui dit que la crise des migrants « met en évidence les erreurs politiques de l’Europe ». Un autre article, écrit par le comité éditorial, fait la leçon aux Européens sur la meilleure manière de gérer la situation.

 

En avril, le chef de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a plaidé pour une solution globale à la crise et promis que l’OTAN aiderait à stabiliser la situation. Le rôle de l’alliance dans la stabilisation de l’Afghanistan est une partie de cette solution globale à la crise des migrants en Méditerranée, a-t-il dit.

 

Bien vu de la part d’un chef d’une alliance, faite pour la défense et la sécurité, mais qui a poursuivi pendant des années une stratégie de déstabilisation offensive dans les régions même d’où sont originaires les personnes fuyant, par centaines de milliers, cette situation. Mais les commentaires de Stoltenberg et les actions de l’OTAN sont facilement décodables avec un peu de logique.

 

Le modus operandi de l’OTAN est clair. Cette tactique, employée à chaque fois, implique la déstabilisation totale d’une région suivie prestement par la mise en place d’une solution de l’OTAN au problème. Couplé à l’utilisation de porte-paroles mentant sans vergogne ou feignant l’ignorance (Jen Paksi, Marie Harf…) et de médias assez complaisants pour régurgiter la ligne officielle, sans remise en question, et vous obtenez la situation actuelle.

 

L’intervention de l’OTAN en Libye de 2011 a été autorisée par les Nations Unies sur des bases humanitaires et a abouti à la mort de 50 000 à 100 000 personnes et au déplacement de 2 millions d’autres. Belle réussite humanitaire.

 

De même, à la suite de la campagne américaine de déstabilisation en Syrie dans le but de renverser Bashar al-Assad et de faciliter (et même soutenir) l’avènement d’EI dans la région, un nombre impressionnant de 10 millions de personnes ont été déplacées (selon Amnesty international) et les pays européens doivent maintenant recoller les morceaux. L’Allemagne, par exemple, s’est engagée à héberger 30 000 réfugiés syriens. La Suède, qui ne fait pas partie de l’OTAN, a avancé des chiffres identiques.

 

Il faut quand même avoir conscience que ces chiffres promis par les pays européens sont pâlichons comparés au nombre de personnes déjà accueillies par les pays du Moyen-Orient. Le Liban accueille 1,1 million de réfugiés syriens, la Jordanie plus de 600 000, l’Irak presque un quart de million et la Turquie 1,6 million.

 

Il existe par contre un pays qui s’en sort bien, du moins à ce niveau là, ce sont les États-Unis. Ils ont hébergé moins de 900 réfugiés syriens en quatre ans de guerre. Des fonctionnaires américains ont présenté la sécurité nationale comme excuse pour ne pas en accueillir plus et quand même prétendu vouloir voir ce chiffre augmenter.

 

 

Débat non autorisé

 

On peut aussi percevoir entre les lignes une deuxième faute journalistique : dans les pays européens où un afflux massif d’immigrants du Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord a provoqué de sérieux problèmes sociétaux, où les migrants ont du mal à s’assimiler (pour un ensemble de raisons allant des politiques gouvernementales aux croyances religieuses radicales), les médias occidentaux n’autoriseront personne à en parler franchement et cloueront au pilori tous ceux qui s’y essayent.

 

En Suède par exemple, ou la maladie du politiquement correct en est à un stade encore plus avancé que dans le reste de l’Europe, toute tentative de débat sur la cohérence de la politique d’immigration toutes portes grandes ouvertes est cataloguée de raciste. Et, ironie du contexte suédois, le pays fait face à une crise du logement et en manquera donc pour héberger les gens qu’ils ont promis d’accueillir. Quel bon sens dans la planification !

 

Il en résulte un mélange explosif pour l’Europe. Un intenable mélange d’afflux migratoire, de politique extérieur qui perpétue cet afflux, de médias complaisants et une épidémie de politiquement correct qui a contaminé tout le continent.

 

Recette pour une crise migratoire : parler beaucoup de migrants, ne dites pas pourquoi ils fuient et traitez quiconque en fait un problème de raciste – Succès garanti. Vous gagnerez même une partie gratuite si vous pouvez, en passant, relier cela avec un peu d’agression russe, de Vladimir Poutine et d’OTAN comme alliance défensive.

 

Quelques pays européens tentent une approche plus dure et se font réprimander pour cela. La Hongrie par exemple voudrait construire une barrière le long de sa frontière avec la Serbie comme celles déjà construites le long des frontières Grèce–Turquie et Bulgarie-Turquie. Là encore, cela lui a valu d’être accusée de xénophobie et de racisme de la part des médias et des instances politiques européennes.

 

Mais cela fait partie du jeu, n’est-ce pas ? Si les soutiens aux guerres de l’OTAN peuvent centrer le débat sur le fait que quiconque voulant critiquer la politique d’immigration soit raciste, nous éviterons ainsi de nous demander pourquoi les migrants débarquent en masse et pourquoi ils font face à de si sévères conditions chez eux.

 

Oksana Boiko de Russia Today a récemment essayé d’aborder le sujet avec Peter Sutherland, le représentant de l’ONU pour les migrations internationales et le développement, mais cela ne mena nulle part. Elle argumenta que l’on ne peut avoir de débat au sujet de l’immigration en Union européenne sans s’occuper d’abord du cœur même du problème, mais elle s’aperçut que la politique de l’OTAN est un sujet dont on ne peut pas discuter.

 

Débattre de la crise migratoire européenne sans reconnaitre le contexte dans lequel elle est apparue est inutile. Cela reviendrait à demander aux Américains de débattre des brutalités policières sans aborder la question du racisme. Les deux sujets sont intimement interconnectés et toute solution émergeant d’un débat biaisé serait vouée à l’échec.

 

En tous cas, il semble que pour l’instant l’Europe doive continuer à débattre de cette crise migratoire en termes de quoi faire sans penser à comment l’arrêter et rester ainsi à tourner dans ce cercle vicieux.

 

La solution évidente serait que l’OTAN arrête ses campagnes de déstabilisation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, mais cela nécessiterait d’abord de reconnaitre et accepter des vérités un peu dures a avaler.

 

 

 

Par Danielle Ryan (Russia Insider) – traduit par Wayan, relu par Diane pour le Saker francophone - le 23 juin 2015.

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Ligne directe avec Vladimir Poutine

Ligne directe avec Vladimir Poutine | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : alors que le président Obama évite de répondre aux questions de ses concitoyens et n’intervient en public qu’en lisant des prompteurs, le président Poutine a improvisé une longue séance de questions-réponses avec son peuple.

 

 

 

Ligne directe avec Vladimir Poutine

Par Thierry Meyssan (*)

 

 

 

Les autorités russes publient peu de documents sur leur vision du monde. Aussi l’émission « Ligne directe » avec Vladimir Poutine offre-t-elle une occasion rare d’évaluer l’évolution de la perception des choses par Moscou. Au-delà de la performance du président, qui a répondu durant 4 heures aux questions de ses concitoyens, on retiendra que la Russie semble renoncer à régulariser ses relations avec les États-Unis et se préparer à un long isolement de l’Occident.

 

Le 16 avril dernier, Vladimir Poutine s’est livré à un invraisemblable exercice : répondre durant quatre heures d’affilée aux questions de ses compatriotes, en direct sur trois chaînes de télévision et trois stations de radio. Les organisateurs ont reçu durant l’émission plus de 3 millions d’appels téléphoniques et ont posé 74 questions au président [1].

 

Même si certaines questions étaient manifestement préparées, d’autres étaient improvisées. Les réactions de Vladimir Poutine exposent nettement sa pensée.

 

 

Comment gouverner

 

En premier lieu, le président a expliqué sa vision des institutions sans faire référence aux catégories occidentales de « République » (service de l’Intérêt général) ou de « Démocratie » (gouvernement du peuple par le peuple), ni au concept de son conseiller Vladislav Sourkov de « Démocratie souveraine » (c’est-à-dire d’une gestion populaire sans interférence étrangère).

 

Selon lui, le rôle de l’État est de venir en aide à ses administrés et celui des dirigeants politiques de maintenir l’unité du peuple et la stabilité. Ainsi explique-t-il qu’il a rejeté telle décision — qui serait raisonnablement souhaitable — parce qu’elle briserait l’unité du peuple. De la même manière s’oppose-t-il à des changements législatifs fréquents, affirmant que les gens ne peuvent faire confiance à des dirigeants qui modifient constamment les règles du jeu. Il manifeste un désintérêt complet pour la gestion occidentale avec ses exonérations fiscales catégorielles et ses allocations proportionnelles aux revenus. Il conçoit au contraire son rôle comme celui d’ordonnateur de grands projets et de concepteur de règles le plus simple possible.

 

 

La politique économique

 

Comme dans tous les pays, les questions des citoyens portaient d’abord sur les problèmes économiques. La Russie vient de traverser une grave crise suite aux embargos occidentaux (les prétendues « sanctions ») et à la baisse du prix mondial du pétrole. Le pouvoir d’achat des retraités a été maintenu, mais compte tenu de l’inflation, celui des actifs a baissé d’environ 10 %.

 

Pour Vladimir Poutine, le problème principal vient de la baisse du prix du pétrole et des chutes de revenus que celle-ci a provoquées. Il considère que son pays doit s’adapter à cette nouvelle donne qui risque de durer. Par contre, les embargos ne diminuent en rien la richesse du pays, mais le contraignent à se réorganiser. Ils permettent même une pause après la période de concurrence féroce qui a suivi l’adhésion à l’OMC. La Russie doit en profiter pour sauver son agriculture, partiellement menacée. Elle doit le faire pour ses agriculteurs, mais aussi par nécessité stratégique. L’embargo a montré que le pays n’était pas autosuffisant et que sa Sécurité alimentaire pouvait être menacée.

 

Vladimir Poutine ne pense pas que les gesticulations occidentales — y compris la manipulation des dettes privées pour en rendre débiteur le Gouvernement — menacent le système bancaire russe. Il estime pouvoir parvenir à stabiliser le rouble avant la fin 2016.

 

 

La politique extérieure

 

Définissant sa politique étrangère, Vladimir Poutine affirme ne pas avoir d’ambition impériale. Il critique même la manière dont l’URSS avait imposé à ses partenaires son propre modèle économique et admet que la Russie paie aujourd’hui cette erreur.

 

Il affirme toutefois sa responsabilité pour protéger tous ceux, qu’ils aient ou non un passeport russe, qui se définissent comme de culture russe.

 

Invité à préciser qui sont les ennemis de la Russie, il cite le terrorisme, la xénophobie et le crime organisé. Il affirme que son pays ne désigne aucun État comme ennemi et prie les autres États de lui rendre la réciproque.

 

Ceci étant posé, il considère les États-Unis comme un empire, même s’il ne les désigne pas formellement ainsi, et les accuse de ne pas avoir d’alliés, mais uniquement des vassaux.

Il observe qu’ils adulaient Boris Eltsine jusqu’à ce que celui-ci leur tienne tête en Yougoslavie et qu’ils le couvrent alors d’insultes.

 

D’une manière générale, il leur reproche ce qu’il critiquait de l’URSS, à savoir de chercher à imposer aux autres leur propre modèle économique. Et de conclure qu’ils échoueront pareillement et devront en payer le prix.


À propos de l’Ukraine, il considère que Washington a manipulé les frustrations des gens en leur parlant de nationalisme. Ainsi prennent-ils la Russie, qui a investi 32 milliards de dollars chez eux, comme un ennemi, mais les États-Unis comme un allié, alors qu’ils n’ont investi que 5 milliards de dollars.

 

Il affirme que la Russie a perdu pour des raisons de politique intérieure locale, sans préciser quels anciens alliés ukrainiens de son pays il met en cause. Pour lui, il importe de sauver les populations de culture russe du Donbass et de Lougansk, ce pourquoi il entend faire appliquer les Accords de Minsk.

 

 

Pour définir les alliances russes, Vladimir Poutine cite trois organisations :

 

— les BRICS ;

— l’Organisation du Traité de Shanghai ;

— et l’Organisation du Traité de sécurité collective, qui est une alliance militaire. Mais pas l’Union économique eurasiatique qui semble encore embryonnaire.

 

 

La politique de Défense

 

Le président Poutine cite le Tsar Alexandre III pour qui la Russie n’avait pour seuls véritables alliés que son Armée de Terre et sa Marine. Il confirme que son pays détient à peu près les mêmes capacités nucléaires que les États-Unis et conclut que l’on peut raisonnablement se ranger de ce point de vue aussi bien d’un côté que de l’autre. Enfin, il annonce, qu’en 2020, 70 % du matériel militaire aura été renouvelé. Les armées auront donc retrouvé leur puissance d’antan.

 

À propos des Mistrals commandés à la France, il note qu’il s’agissait alors plus de venir en aide aux chantiers navals français que de remplir un besoin russe ; une manière élégante de ne pas évoquer les pots-de-vins partagés à l’avance entre Nicolas Sarkozy et Dmitry Medvedev (qui ambitionnait alors de se représenter contre lui à la présidence). Il annonce qu’il ne demandera que le remboursement des sommes engagées s’ils ne sont pas livrés. Il faut admettre que la souveraineté et la fiabilité de la France ne sont plus ce qu’elles étaient depuis son retour au sein de l’état-major intégré de l’OTAN, poursuit-il.

 

Interrogé sur l’Émirat islamique, il observe que cette organisation a surgi en Irak et s’est nourrie de nombreux militaires irakiens qui avaient été marginalisés par l’occupant états-unien et les pouvoirs qu’il a mis en place. Il met en garde contre le danger que représentent les ressortissants russes et ceux de pays ex-soviétiques qui ont rejoint Daesh et qui peuvent revenir au pays y commettre des attentats.

 

 

La victoire fondatrice contre le nazisme

 

Vladimir Poutine multiplie les allusions à la « Grande Guerre patriotique », c’est-à-dire à la Seconde Guerre mondiale et à la lutte contre le nazisme. C’est en effet à ses yeux l’acte fondateur de la Russie moderne, celui par lequel des peuples très divers se sont unis pour leur liberté commune. Ce faisant, il admet que la Révolution de 1917, comme la création de la Fédération en 1991, ne sont pas des événements fédérateurs.

 

Cette référence le contraint à dénoncer sans possibilité de négociation la présence de nazis au pouvoir à Kiev, alors que l’Union européenne s’en accommode fort bien. Elle lui permet également de suggérer que les États-Unis sont les successeurs du IIIe Reich, ce qu’il avait explicité par le passé soulevant de violentes polémiques.

 

 

 

Par Thierry Meyssan (*) - RÉSEAU VOLTAIRE INTERNATIONAL | DAMAS (SYRIE) | 4 MAI 2015

 

 

Note :

[1] “Direct Line with Vladimir Putin”, by Vladimir Putin, Voltaire Network, 16 April 2015.

 

(*) Thierry Meyssan : consultant politique, président-fondateur du Réseau Voltaire et de la conférence Axis for Peace. Dernier ouvrage en français : L’Effroyable imposture : Tome 2, Manipulations et désinformations (éd. JP Bertand, 2007). Compte Twitter officiel.

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Listes noires : l’étrange étonnement des Européens

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Listes noires :

l’étrange étonnement des Européens

 

 

L’Europe des 28 était dans tous ses états, suite à la publication par Moscou d’une « liste noire » de 89 noms de personnalités européennes, interdites d’entrée en Russie.

 

De prime abord, on peut estimer que la réponse de Moscou – qui a d’ailleurs pris son temps pour confectionner cette liste – entre dans la logique de la réciprocité. L’Union européenne a sanctionné en 2014, près d’une centaine de personnalités russes auxquelles le territoire de l’Union a été interdit. Pour le profane cette réciprocité est normale. Or, au regard des réactions outrées de l’UE et de dirigeants européens, cela ne semblerait pas aussi évident. Ainsi, si l’UE se donne le droit de « sanctionner » des États ou des personnalités de ces États, la réciproque ne serait pas assurée.

 

Qu’y avait-il de surprenant à ce que la Russie prenne, contre l’UE, des mesures similaires en riposte aux interdictions qui touchent ses dirigeants et ses personnalités politiques, économiques et financières ? Or, cette donne n’est guère appréciée par l’UE dont un porte-parole a indiqué : « Nous n’avons aucune information sur la base légale, les critères (retenus) et le processus (qui a conduit à la prise) de cette décision. »

 

Ainsi, la légalité, et le processus d’évaluation seraient l’apanage de la seule UE dont les décisions seraient [seules] en phase avec la légalité et les critères internationaux. D’autant plus que le porte-parole de l’UE ajoute : « Nous considérons cette mesure comme étant totalement arbitraire et injustifiée, surtout en l’absence de clarification ultérieure et de transparence. » Les Européens rameutent les grands mots pour appuyer leur indignation. Que les dirigeants de l’UE punissent, que des Européens disent pis que pendre de leurs homologues russes, c’est ordinaire, approprié même. Mais que les Russes leur renvoient la balle, cela devient « arbitraire » et « injustifié ». Ce n’est plus du jeu. Les Européens nourrissent toujours cet esprit impérial – voire impérialiste teinté de supériorité – envers les autres, esprit qu’ils cultivent avec délectation : ne sont-ils pas les plus civilisés, les plus honnêtes, et ont toujours raison ? C’est leur droit de châtier « l’autre » qui doit s’incliner devant les décisions des « maîtres ».

 

L’UE avait sanctionné Moscou en 2014, après le retour de la Crimée dans la Fédération de Russie. Un retour logique si l’on s’en tient à l’appartenance ancienne de cette presqu’île à la Russie, cédée en 1954 à l’Ukraine par le secrétaire général du PCUS, Nikita Khrouchtchev, qui est d’origine ukrainienne. Pour des raisons stratégiques et politiques, l’UE n’a pas tenu compte de ce principe, ne se focalisant que sur le fait que les dirigeants putschistes ukrainiens étaient pro-occidentaux.

 

C’est uniquement cette donne qui a justifié, pour l’Europe, les sanctions prescrites contre Moscou. Par la même logique, c’est le processus inverse qui eut lieu avec la Serbie et le Kosovo, l’UE reconnaissant la province serbe comme État indépendant, au seul fait que le gouvernement serbe de l’époque était anti-occidental. Nous relevons ainsi qu’un principe à deux vitesses guide les actions de l’Union européenne. Ce qui est valable, selon l’UE, pour le Kosovo, ne l’est pas pour la Crimée. De fait, en sanctionnant économiquement et financièrement la Russie, l’Union européenne lui a déclaré une guerre qui ne dit pas son nom.

 

Ce nouvel épisode du bras de fer entre Européens et Russes montre combien le droit international reste fragile et la loi du plus fort usitée dès lors que ses protagonistes ne lui font référence que lorsque celui-ci ne contredit pas leurs décisions illégales. La supercherie est que les sanctions contre des États souverains, qui doivent, auraient dû, être du seul ressort de l’ONU et du Conseil de sécurité sont devenues monnaie courante de la part de l’Union européenne et des États-Unis qui produisent des « listes noires » des États, ONG et personnalités internationales qui ne se conforment pas à leur diktat. À moins de nous tromper, ces deux entités sont les seules au monde (avec l’ONU) à sanctionner des pays tiers, hors de leurs prérogatives. En d’autres termes, au nom de quel droit et de quelle juridiction les Européens et les États-Uniens sanctionnent-ils autrui ?

 

L’UE qui se préoccupe de ce qui se passe hors de ses frontières, ne fait rien en revanche pour mettre un terme à des pratiques discriminatoires à l’intérieur de ses limites territoriales où le racisme, la xénophobie et le fascisme ont pignon sur rue dans nombre de ses pays membres. Pourquoi punir la Russie, alors que l’Europe s’accommode quand elle ne soutient pas – le cas de l’Ukraine où des fascistes sont arrivés au pouvoir – des conduites contraires aux droits de l’homme qu’elle condamne chez les autres ? Cela montre de fait que dans un monde inégalitaire, les droits institutionnels ne sont que des chiffons et le droit du plus fort, reste toujours le meilleur.

 

 

 

Par Karim MOHSEN - legrandsoir.info – le 3 juin 2015.

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