Un tribunal international pour le crash du Boeing MH17 à Donetsk ou l’ouverture du bal des hypocrites | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Un tribunal international pour

le crash du Boeing MH17 à Donetsk

ou l’ouverture du bal des hypocrites

 

 

Le 17 juillet 2014, l’avion de la Malaysian Airlines et ses 298 passagers s’écrase dans la région de Donetsk, au plein milieu du champ de bataille, trajet que lui a fait suivre le contrôleur aérien de Dniepropetrovsk et en baissant significativement sa hauteur de vol, aujourd’hui cette personne est partie très loin et très longtemps en vacances.

 

Alors que les experts internationaux ne se sont pas pressés sur le terrain et ont laissé détruire les éléments de preuve, la Hollande demande la création d’un Tribunal international pour mener l’enquête. Plus d’un an après les faits. Pourtant une Commission internationale d’enquête existe. Des rapports divers et variés ont été publiés. Mais les conclusions ne semblent pas satisfaire. Il faut donc ne prendre aucun risque et lancer la justice politique internationale. Puisque personne ne s’intéresse à ce qui s’est passé. L’intérêt est le potentiel de capitalisation politique de l’évènement. Et il est conséquent.

 

Rappelons que ce crash est plus que surprenant et soulève beaucoup de questions. Nous avions alors traité en détail ces aspects ici :


Comment un avion de ligne peut survoler une zone de guerre sans que les autorités internationales de l’aviation civile ne l’interdisent ?


Pourquoi le contrôleur aérien ukrainien a-t-il fait dévier et baisser la route de cet avion pour le faire passer à portée de tir juste sur le champ de bataille où l’aviation militaire ukrainienne bombarde Donetsk et ses environs ?


Comment l’avion a-t-il été abattu, par un avion de guerre ukrainien aperçu à proximité avant le crash, par un système de missile et alors lancé par qui ?

 

Bref beaucoup de questions auxquelles les enquêteurs internationaux, donc indépendants et compétents, ne se sont pas pressés de répondre. Ne se sont tellement pas pressés qu’ils n’y ont toujours pas répondus.

 

Ce qui a laissé le champ libre à la spéculation et aux accusations gratuites. Le grand classique : la Russie est responsable, voire V. Poutine aurait lui-même tiré depuis le Kremlin, qui sait ? En tout cas si la Maison-Blanche accusait directement la Russie alors que les corps n’avaient pas encore eu le temps de refroidir, elle est rapidement revenue sur ses accusations pour ensuite la blanchir. Seule évidemment l’Ukraine, que tout semble impliquer, continue à soutenir l’improbable, mais c’est déjà une caractéristique de son mode de gouvernance

 

Pendant ce temps là, rappelons que la communauté internationale laisse les corps pourrir en pleine chaleur, les experts n’arrivent pas et les instances internationales intiment aux combattants de Donetsk de ne toucher à rien pour ne pas « gêner » l’enquête, laissant l’armée ukrainienne continuer à bombarder la zone et détruisant d’autant les preuves.

 

Finalement, les combattants font comme ils peuvent, par souci sanitaire et humain, ils récupèrent les corps, les répertorient et les placent au froid. Quand finalement les experts arrivent, l’armée ukrainienne reprend les bombardements pour les empêcher d’accéder au lieu du crash, bloque leurs déplacements, empêche le travail. Les débris restent sur place jusqu’en novembre, date à laquelle un miracle se produit et des experts hollandais trouvent le temps de se rendre sur place pour en rapatrient quelques morceaux.

 

Toujours pas de résultats des boîtes noires, pourtant déclarées en bon état. Et tellement en bon état que le pouvoir ukrainien, sans rien révéler de ce qui a été trouvé, a commencé hors présence des experts internationaux, de travailler sur les boîtes noires. Ce qui n’a dérangé personne, sauf le ministère des Affaires étrangères russe qui a demandé, en vain, des explications et la diffusion de l’information recueillie.

 

Sans plus entrer dans les détails, il apparaît clairement que non seulement l’enquête n’est pas sérieuse, mais que manifestement elle n’intéresse pas beaucoup ceux qui sont censés la mener.

 

Dans le silence persistant de la Commission internationale, différentes versions sont avancées. La Russie et les autorités du Donbass avancent deux versions principales, à savoir que le Boeing a été descendu soit par un avion militaire ukrainien qui volait à proximité à ce moment-là, comme l’ont affirmé des témoins sur les lieux, soit par un tir de missiles BUK ukrainien, qui ont été localisé dans la zone.

 

L’Ukraine accuse et la Russie et les combattants, selon les situations, d’avoir descendu le Boeing avec le système de missile BUK, qui n’est plus exploité en Russie depuis longtemps et a été remplacé par un système plus moderne et que les combattants ne sont pas en mesure de manœuvrer et, selon leurs dires ne possèdent pas.

 

Les Malaisiens expliquent qu’il n’y a pas eu d’erreur de l’équipage ni de défauts majeurs dans l’appareil.

 

Et la « commission indépendante » qu’ils mirent en place, dans son volumineux rapport de 584 pages, ne s’est pas plus prononcée sur l’origine du crash. Le terrain est trop glissant. 

 

La question est à ce point délicate, que la Commission d’enquête internationale a elle-même éludé la réponse dans son rapport intermédiaire de septembre 2014, dans lequel, avec le plus grand sérieux, elle explique que le Boeing est tombé, a explosé en vol suite à un facteur extérieur. C’est beau, c’est grand. 

 

Et maintenant, alors que nous attendons tous avec une impatience difficilement contenue, le chef-d’œuvre, que dis-je, le parangon de l’enquête internationale compétente et indépendante, qui doit arriver à maturité pour octobre 2015 et être présenté à nos yeux ébahis, que proposent les Hollandais : la création d’un tribunal pénal international sous l’égide de l’ONU, qui serait le seul à même de mener l’enquête.

 

Et là tout de suite, des questions surgissent : qu’est-ce qu’ils ont fait pendant plus d’un an si « seul » un Tribunal international peut mener l’enquête ? Pourquoi maintenant alors que le rapport final doit être présenté à l’automne, ou n’y a-t-il pas de rapport définitif ? 

 

Car pour être clair, dans le cas présent, un Tribunal international n’apportera strictement rien en terme de justice et d’équité. Pourquoi ?

 

  • La Commission internationale a déjà récupéré tout ce qu’elle pouvait/voulait, a déjà laissé pourrir le reste des preuves sur place. En matière de preuves, rien de plus ne pourra être fait par ce Tribunal. Si la Commission est incapable de le faire, il faut affirmer son incompétence technique et l’échec des experts internationaux et hollandais qui se sont rendus sur place.


  • L’indépendance de la Commission est censée être garantie par la pluralité de nationalité des membres qui la composent, à savoir des représentants de l’Ukraine, de la Malaisie, de la Hollande, de la Russie, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Si un Tribunal doit être plus « indépendant », il faudrait alors tout d’abord enfin reconnaître la partialité de la Commission internationale et son échec éthique cette fois.

 

Donc, techniquement rien ne justifie la création d’un Tribunal international. Sauf à déplacer le problème sur un autre plan. Les différents pays, à l’exception de l’Ukraine évidemment, ont reconnu que la Russie n’était pas responsable du crash de l’avion. Or, ici, l’on peut reposer la question sous un autre angle, comme cela est d’ailleurs déjà le cas, puisque les Hollandais affirment déjà :

 

« la Russie sera obligée soit de céder, soit d’utiliser son droit de véto en risquant de se montrer comme l’obstacle principal de la justice dans le cas d’un crime de masse de civils innocents ».

 

Et moi qui pensais, naïvement, que, à ce jour, l’obstacle essentiel à la réparation du drame subi par 300 personnes innocentes était l’incompétence, plus ou moins volontaire, de cette Commission, le fait de ne pas avoir envoyé les experts de suite, le fait de ne pas avoir sécurisé immédiatement le périmètre pour l’enquête, le fait de n’avoir pas ramené tout de suite l’intégralité des morceaux de l’avion pour le reconstituer et visualiser la manière dont la carcasse fut touchée. Et également la faute de l’armée ukrainienne qui bombardait la zone. Mais non je me trompais. C’est quand même la faute de la Russie, ce pays qui devient de suite un État terroriste sans avoir même tiré.

 

Peu importe. Car notre cher ami continue sa diatribe en précisant que l’on pourra alors faire d’une pierre deux coup et ainsi en 2016 les pays de l’UE auront un fondement pour exiger le renforcement des sanctions contre la Russie. Il semblerait qu’il ait ainsi dévoilé le véritable but de l’enquête internationale, et même de la création d’un Tribunal : juger la Russie pour la condamner. D’une manière ou d’une autre. En fait, peu importe la manière.

 

Donc, si l’on revient sur terre un instant. La Commission d’enquête internationale est en échec pour des raisons tenant tout autant à son manque de volonté de mener à bien une enquête indépendante, qu’à son incapacité à s’extraire des conflits politiques. Pour sortir de l’impasse et faire semblant de garder la face, ces incompétents exigent la création d’un Tribunal international, devant faire le sale travail à leur place, alors que leur rapport définitif est attendu dans quelques mois. Sans que la procédure ait encore débuté devant le Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie est déjà sommée de donner un accord en blanc, car le futur mandat de l’hypothétique tribunal n’est pas délimité, et ce sous peine d’un renforcement des sanctions.

 

L’on peut en effet imaginer l’indépendance et l’objectivité de cette Commission internationale.

 

Autrement dit, le grand bal des hypocrites est ouvert. Chacun peut y participer. Mais dépêchez-vous, les invités sont nombreux, il risque de ne pas y avoir assez de place pour tout le monde. 

 

 

 

Par Karine Bechet-Golovko  - russiepolitics.blogspot.ru – le 25 juin 2015.