Belgique : paradis ou enfer fiscal ? | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : © Belga - Ye Pingfan

 

  

Belgique : paradis ou enfer fiscal ?

 

L’impôt sur le revenu est une invention relativement récente qui, dans les pays coloniaux, a servi à compenser le tarissement des revenus des colonies.

 

C’est un impôt quelque peu absurde, car il taxe le travail produit par l’être humain et donc sa créativité. Plus aucun parti politique ne nie qu’il a atteint en Belgique des hauteurs intersidérales.

 

Ce que l’on dit moins, c’est que cet impôt est d’autant plus démotivant qu’il est progressif : plus un travailleur gagne de l’argent, monte dans la hiérarchie, plus il paie d’impôt. La progressivité qui, en elle-même, est un concept « juste » (chacun paie selon ses possibilités) freine en définitive l’ambition créatrice. À partir d’un certain seuil de revenus, mieux vaut, pour éviter de voir son salaire marginal fondre comme neige au soleil, observer fidèlement le principe d’incompétence de Peter.

 

Trois paliers d’imposition seraient amplement suffisants pour satisfaire les tenants de la justice fiscale sans décourager l’initiative individuelle.

 

Le tax shift dont on parle tant est une des clés pour alléger cet impôt. Annoncé à cors et trompettes par le gouvernement Michel, il est repris à son compte par des partis d’opposition comme le cdH tandis que le PS est persuadé que MR et N-VA n’auront, in fine, pas le courage politique suffisant.

 

Le glissement revêt en fait deux phénomènes pas forcément incompatibles : un transfert massif de l’impôt sur le travail vers les taxes indirectes et/ou vers une taxation sur le capital. L’équation est complexe : on ne peut pas faire fuir le Capital et l’État a peu de marge de manœuvre si ce n’est augmenter concomitamment les taxes indirectes. Or même à taux inchangé, le shift aurait des effets bénéfiques sur le salaire poche, entraînant vraisemblablement des dépenses de consommation supplémentaires et une augmentation des recettes issues de ces taxes indirectes.

 

Pour autant, la TVA à 21 % qui frappe des produits ou services soi-disant « de luxe » a eu de tout temps du mal à passer. L’automobile du navetteur qui se lève tôt et fait fonctionner l’économie du pays est-elle un luxe ? Une maison neuve pour y loger sa famille, un privilège ? Les propriétaires se demandent également pourquoi ils doivent payer un précompte immobilier sur un bien qui leur appartient et dans lequel ils vivent. Ils y voient un impôt sur la « fortune » déguisé. De même, la TVA sur le gaz/électricité peut-elle être qualifiée d’équitable ? Elle fait penser aux moyenâgeuses taxes sur le sel.

 

La taxe plate en apparence très injuste (riches et pauvres paient le même taux d’impôt) se révèlerait plus efficace que notre législation fiscale ultra-complexe qui profite aux riches.

 

Autre paradoxe : La taxe plate, en apparence très injuste (riches et pauvres paient le même taux, par exemple : 25 %) se révèlerait plus efficace que notre législation fiscale ultra-complexe qui débouche sur un labyrinthe réglementaire qui profite aux riches, friands des niches fiscales que leur déterrent de coûteux avocats fiscalistes. Rien à attendre du gouvernement actuel de ce côté. Le concept est trop osé et seuls quelques états au monde l’ont mis en place.

 

Nos concitoyens vivent tout aussi mal le principe des droits de succession. Même en ligne directe, ceux-ci peuvent atteindre près du tiers du capital. Une nièce héritant de sa tante paie des droits presque identiques à une héritière qui n’a aucun lien familial. Encore une fois, l’idée semble juste : frapper les fils à papa qui sont nés le cul dans le beurre et rendre une part de son dû à la collectivité déshéritée. Mais, quand on y pense, le capital résiduaire du décédé est au fond le montant net de ce qu’il a pu épargner et faire échapper au Trésor sa vie durant. Si l’héritier conserve le capital, ses propres descendants paieront une troisième fois et ainsi de suite.

 

En outre, la « qualité » de l’impôt belge (qui calcule l’efficacité des services publics par rapport au taux d’imposition) est faible dans notre pays.

 

Bref : l’impôt, qui est la première des solidarités et sans lequel nous n’aurions ni infrastructure, ni transport, ni route, ni école, apparaît à nos concitoyens comme une spoliation. Le Fisc est davantage craint que la police. Les anciens ministres des Finances sont rarement appréciés du grand public. Le citoyen a l’impression que sa raison d’être est de payer des impôts ; qu’il travaille plus pour la collectivité (et les « profiteurs ») que pour lui-même.

 

Abreuvés par le scandale de la fraude fiscale mondialisée qui nourrit les paradis fiscaux, nos compatriotes contribuables ont plutôt l’impression étrange de vivre dans un enfer fiscal.

 

 

 

Par Nicolas De Pape, journaliste - levif.be – le 3 juin 2015.