France - Affaire Sid Ahmed Ghlam : Valls et Sarkozy poussent dans le même sens (et en font des tonnes) ... pour caser la « loi renseignement » ! | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


France - Affaire Sid Ahmed Ghlam : Valls et Sarkozy poussent dans le même sens...

pour caser la « loi renseignement » ! 

 Par Patrice de Plunkett (*)

 

Explications et interrogations :

 

Deux déclarations créent l’ambiance :

 

Manuel Valls, hier (aux paroissiens catholiques de Villejuif) : « Vouloir s’en prendre aux églises, c’est s’en prendre à un symbole de la France, c’est l’essence même de la France qu’on a voulu viser... »

Nicolas Sarkozy, hier aussi : « Face à un certain nombre d’individus prêts à tout, il faut accepter que la sécurité prime sur un certain nombre de règles. »

 

La phrase de Sarkozy, confirmée ce matin à France Info par Frédéric Péchenard*, concerne le vote de la « loi renseignement ». Il s’agit de faire taire ceux des élus UMP qui combattaient ce projet de loi instaurant une surveillance de masse, sur le modèle Bush 2001. À l’UMP, la loi était soutenue par NKM : « la guerre contre les terroristes rend légitime de déplacer un peu le curseur entre sécurité et libertés... » Mais il était combattu par Pierre Lellouche (« ce projet donne trop de pouvoirs à l’exécutif ») ou par Patrick Devedjian (« les moyens de surveillance existaient déjà, mais n’ont pas permis d’éviter les attentats »). Sarkozy veut réduire au silence Lellouche, Devedjian et autres avocats inquiets ; la surveillance de masse lui conviendrait très bien.

 

Au moment où Sarkozy pousse ses troupes à soutenir le Patriot Act de Valls, voilà Valls qui s’en vient séduire les catholiques censés être des piliers de l’UMP...  Ne serait-ce pas un peu lié, ça aussi, au problème de la « loi renseignement » ? Ce Golem inquiétait une partie de l’opinion, et les catholiques de droite se croient visés par l’Élysée et Matignon depuis les histoires de 2013 ; le Premier ministre va donc dans des paroisses pour y proférer, devant les caméras, une phrase tellement catholiques-et-Français-toujours qu’on ne l’a jamais entendue chez LMPT : les églises, a dit le Premier ministre, sont « l’essence même de la France » ! Venant de lui c’est un peu gros ; on connaît son peu d’affinités avec le catholicisme. Mais le projet de loi vaut bien une messe.

 

En allant à Villejuif, M. Valls devait penser que M. Cazeneuve avait fait le nécessaire pour traumatiser les catholiques. Or les paroissiens locaux – comme l’Église dans son ensemble – n’ont pas réagi comme M. Valls l’escomptait. Interviewés par France Info, ils ont répondu en relayant le propos du porte-parole de la conférence épiscopale, Mgr Ribadeau-Dumas : « Nous ne devons pas céder à la peur. Nous appelons tout le monde au calme. Il n’y a pas de raisons de s’alarmer de manière disproportionnée... Il serait dangereux de regarder l’autre avec méfiance ; il faut garder ce climat d’accueil et de bienveillance vis-à-vis de ceux qui entrent dans les églises... »


Les catholiques sincères n’oublient pas que les premières victimes du djihadisme en France furent, dans l’ordre : 1. des musulmans, 2. des juifs, 3. les hyperathées de Charlie Hebdo, 4. à nouveau des juifs.

 

Revenons au fond politique de l’affaire : le débat sur la « loi renseignement »... MM. Sarkozy et Valls nous affirment que l’affaire Ghlam prouve l’urgence d’une loi de surveillance de masse, qui dispensera les services de rendre des comptes aux juges. Or ce n’est pas du tout ça que prouve l’affaire Ghlam ! Le suspect était connu et repéré. La police était renseignée sur lui. Ce qui s’est passé (et que s’est-il réellement passé ?) n’est pas venu d’une insuffisance du renseignement, mais d’une insuffisance de l’action : la police aurait dû être sur le terrain, à contrôler ce que faisait M. Ghlam. Comment un suspect qui est allé en Turquie, qui ne cache pas sa volonté d’aller en Syrie, et qui fréquente des mosquées sulfureuses, peut-il stocker des armes dans sa chambre de résidence sans que la police intervienne ?

 

C’est cela que le gouvernement devrait nous expliquer, au lieu de miser sur notre effroi pour nous vendre un Patriot Act. Le délire des djihadistes est effrayant (quoique les paroissiens de Villejuif disent avec flegme : « nous ne nous laisserons pas effrayer »), mais encore plus effrayant est le fait que la police de M. Cazeneuve soit incapable d’intervenir avant les attentats... sauf quand elle tombe sur le djihadiste par hasard, quand il a fait un faux pas.

 

Dernier point à propos du délire des djihadistes. Ils voient la France (et le reste de l’Europe) comme la terre d’on ne sait quels « croisés » agressant l’oumma par christianisme... alors que l’Europe est déchristianisée. Ses mobiles dans les guerres afghanes n’étaient pas chrétiens. Les mobiles de la France dans les guerres africaines non plus. Ni le type de société installé en Occident. Ce que les djihadistes appellent « chrétienté » n’a rien de chrétien, sinon des toponymes et des monuments. Si M. Ghlam et ses pareils veulent réellement attaquer des églises, et s’ils croient en les attaquant s’en prendre à l’UE, leur erreur de perspective est infinie.

 

 

 

Par Patrice de Plunkett (*) - plunkett.hautetfort.com – le 23 avril 2015

 

Note :

* directeur général de l’UMP, ex-directeur général de la Police nationale.

 

(*) Patrice de Plunkett est un journaliste et essayiste français, qui codirigea le Figaro Magazine… (Source Wikipédia)