TTIP/TAFTA/CETA - UN LIFTING POUR LA PROTECTION DES INVESTISSEURS | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


TTIP/TAFTA/CETA - UN LIFTING POUR LA PROTECTION DES INVESTISSEURS

 

Que penser des propositions de réforme de la Commission Européenne ?

 

Depuis janvier l´UE ne négocie plus la protection des investisseurs avec les États-Unis. Les négociations ont été interrompues parce que la critique sur le système de plainte des investisseurs (ISDS) était devenue très forte. Pourquoi les investisseurs auraient-ils le droit de poursuivre les gouvernements en justice quand ils croient que des mesures d´État entravent leurs profits ?

 

La Commission Européenne a tenu une consultation publique au printemps 2014. 150.000 personnes (!) y ont participé, 97 % ont dit « Non » aux mécanismes ISDS de toute sorte depuis janvier 2015, comme vous le savez. Néanmoins, la Commission insiste sur le fait que le système de protection des investisseurs ne doit pas être abandonné entièrement dans les accords de libre-échange TTIP/TAFTA et CETA, mais juste réformé. En quoi consistent exactement les propositions de « réforme » de l´ISDS qui sera rendu public par la Commission soit fin juillet, soit en septembre 2015 ? Il est bien possible que l´ISDS sera alors le thème du 11e tour de négociations de l’automne (pour lequel il n´y a pas encore de date).

 

En mai 2015, la Commissaire pour le Commerce, Cecilia Malmström, a proposé quelques amendements clés pour la réforme. Voici une revue critique de ces propositions.

 

 

1. Protection du droit de légiférer

 

La Commissaire propose d´écrire un paragraphe protégeant explicitement le droit des gouvernements à légiférer dans l´intérêt commun et ainsi, de créer un ancrage du « droit à légiférer » dans l'accord même.

 

Des telles clauses ne sont pas une nouveauté dans le droit de protection des investisseurs. Pourtant, en pratique ils n´ont joué qu'un rôle négligeable dans les plaintes des investisseurs. Selon la logique des Cours d´Arbitrage, les mesures d´État qui réduisent les profits sont jugées contre « les règles du jeu ». Ils nécessitent une justification spéciale.

 

Pour rompre avec cette compréhension préconçue, il faudrait d’abord réduire les droits de protection des investisseurs à un minimum acceptable, par exemple l’interdiction de discriminer ces entreprises par comparaison avec les entreprises nationales. Mais cela n´est pas prévu.

 

 

2. Les conflits d´intérêts des juges d´arbitrage

 

La Commission souhaite éviter les conflits d´intérêts des juges d’arbitrage en créant une liste des juges « fiables » et qualifiés.

 

Le système n´est pas remis en question par cette proposition. Comme actuellement, il y aurait des intérêts financiers considérables pour les juges de produire des décisions dans l´intérêt des investisseurs afin d’être rémunéré dans beaucoup de ces cas lucratifs. Même la commissaire Malmström le reconnait.

 

La commission ne prévoit pas de règles strictes pour protéger effectivement l´indépendance des juges, ce qui est un standard de base pour un État de droit. Pour ce faire on aurait besoin de durées de mandat fixes, de salaires fixes et d´une interdiction d’activités salariées dans le contexte des processus d´arbitrage.

 

 

3. Les moyens du Droit

 

Un petit pas a été fait par la Commission Européenne dans la direction de l´État de Droit avec la proposition d’introduire un mécanisme d’appel. On approuve bien sûr l´introduction d´un mécanisme d´appel pour le système ISDS. Pourtant, nous ne savons pas encore si la Commission suivra cette voie lors des négociations. Vu les conséquences considérables de ces décisions, une vérification approfondie nous semble absolument nécessaire. Elle devrait, en tant qu’instance d´appel nationale, non seulement examiner les questions juridiques et procédurales, mais également les éléments de fond.

 

 

4. Les conflits avec la protection légale nationale

 

Enfin, la Commission pense qu’il est injuste qu´un investisseur puisse contester les décisions d´une Cour Nationale devant une Cour Arbitrale, obtenant ainsi une seconde chance à la protection légale ou même une deuxième compensation. Elle souhaite mettre fin à ces pratiques en forçant les investisseurs à choisir entre les deux possibilités. Ainsi L´ISDS ne serait plus possible si l'investisseur a déjà mené une procédure devant une Cour suprême nationale. Le diagnostic de la Commission est erroné. Celle-ci pense que l´ISDS est équivalente aux Cours nationales européennes. Ce faisant, elle méconnait les processus d´arbitrage ainsi que les normes de protection matérielles qui apportent des avantages considérables aux investisseurs. En outre, il est problématique que les investisseurs ne soient pas obligés de porter plainte préalablement devant la Cour Nationale. Les propositions de la Commission n’y changent rien.

 

 

Bilan

 

En résumé, les réponses de la Commission sur les questions clés d'une réforme du système ISDS ne sont pas satisfaisantes. Malgré tous les changements de détail, elle avance toujours cette combinaison douteuse des privilèges des investisseurs et des possibles arbitrages faussés des juges. En même temps, la Commission veut garder le système actuel pour l´accord avec le Canada. Les nombreuses entreprises américaines disposant d’implantations au Canada seront ravies de bénéficier d’une telle porte de sortie. Pour stopper cela, il faut stopper la ratification de CETA !


Cet article contient des extraits de l´étude de PowerShift « Et ils ne bougent – pas ». Pour lire plus avant, nous vous recommandons l'analyse des propositions de réforme du réseau Seattle-to-Brussels.

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Par stop-ttip.org – le 23 juillet 2015.