Taux d’intérêt : la mèche d’un terrifiante bombe monétaire | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Illustration : 2012un-nouveau-paradigme.com



Taux d’intérêt : la mèche d’une

terrifiante bombe monétaire

Par Bruno Colmant (*)


Lorsqu’on croit voir la lumière au bout du tunnel, c’est parfois… un train qui arrive en face.


Croyant engager la zone euro vers la sortie de crise, c’est donc peut-être un terrible crash frontal qui se prépare. Il est d’ailleurs d’une envergure qui est impensable, tant les paramètres économiques sont déséquilibrés.



Que se passe-t-il ?


Face à une déflation qu’elle a niée pendant deux ans, la BCE fut acculée à mettre en œuvre un immense programme de rachat d’actifs, qualifié d’assouplissement monétaire.


Il s’agit de racheter des obligations d’État auprès des banques et des compagnies d’assurances et de les transformer en monnaie. On parle d’ailleurs de « monétisation » de la dette publique. La BCE exerce donc une pression à l’achat sur les obligations d’État. Cela conduit à une augmentation de leur prix et donc à un taux de rendement qui est proche de zéro, voire négatif.


Cette situation est l’aboutissement d’une somme incalculable d’erreurs de jugement dont l’amplitude donne le frisson : la BCE et les autorités politiques européennes ont entretenu une monnaie forte et des restrictions budgétaires alors que l’économie réelle s’effondrait sous la récession et le chômage.


En un mot comme en cent : ces responsables ont fait pire que leurs grands-parents dans les années trente.



Et maintenant, que va-t-il se passer ?


Si la BCE poursuit son programme, tel qu’elle s’y est engagée, les taux d’intérêt vont s’enfoncer dans une telle négativité que les banques et entreprises d’assurances seront incapables d’assurer une rentabilité satisfaisante. De facto, le secteur financier sera nationalisé.


Par contre, si la BCE arrête prématurément son programme de rachat d’actifs, les taux d’intérêt et le cours de change de l’euro remonteront en flèche, étouffant toute possibilité de reprise économique.



Que faire ? 


Il faudra admettre que les États doivent temporairement aggraver leur déficit et leur endettement dans le but de relancer des programmes d’investissements, mais aussi – arrêtons l’hypocrisie ambiante – de payer des dépenses courantes, les pensions et les soins de santé dont RIEN n’est provisionné. Il faut donc stimuler la DEMANDE. Et il faudra continuer à faire tourner la planche à billets en espérant l’inflation.


Mais nous sommes très loin du compte.


Je l’ai souvent écrit : les dirigeants de la Commission Européenne précédente et de la BCE portent une responsabilité écrasante de leurs erreurs répétées devant l’Histoire.




Par Bruno Colmant (*) - blogs.lecho.be – le 20 avril 2015.



(*) Bruno Colmant est membre de l’Académie Royale de Belgique, Docteur en Économie Appliquée (ULB) et Master of Science de l’Université de Purdue (États-Unis). Il enseigne la finance appliquée et l’économie à la Solvay Business School (ULB), à la Louvain School of Management (UCL), à l’ICHEC, à la Vlerick Business School et à l’Université de Luxembourg. Sa carrière est à la croisée des secteurs privés, publics et académiques.