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Grèce : comment Tsipras a renversé la situation

Grèce : comment Tsipras a renversé la situation | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : Alexis Tsipras s’avère un redoutable adversaire pour Angela Merkel (Crédits : REUTERS/Hannibal Hanschke)

 

 

Grèce : comment Tsipras a renversé la situation

 

En agissant avec prudence et détermination, Alexis Tsipras a su contourner la stratégie du « nœud coulant » des Européens. Désormais, la pression est de nouveau sur Angela Merkel.

 

Et si, désormais, la pression dans l’affaire grecque s’exerçait surtout sur les... Européens ? À mesure que l’on se rapproche de la date cruciale du 9 avril, où l’État grec devra débourser 458 millions d’euros au FMI, on assiste en effet à un remarquable retournement. Progressivement, le gouvernement grec, en ayant su ne pas céder sous la pression de ses créanciers, retrouve une position de force qui est celle, naturelle dans les négociations de ce type, du débiteur face à son créancier et où ce dernier doit accepter les conditions du premier ou risquer de tout perdre.

 

 

La stratégie européenne

 

Pourtant, voici encore dix jours, lorsqu’Alexis Tsipras se rend à Berlin pour rencontrer la chancelière, la situation d’Athènes semble désespérée. Et chacun pense que le nouveau premier ministre va céder. Les Européens continuent alors à appliquer leur stratégie du « nœud coulant. » L’idée est simple : le temps joue alors, croit-on à Bruxelles, pour les créanciers. Les dépôts des banques grecques se vident, la situation économique se dégrade, la BCE peut, à tout moment, faire imploser le système bancaire grec en coupant l’accès à la liquidité d’urgence. La pression va être telle sur Alexis Tsipras que ce dernier va être contraint d’accepter les conditions de ses créanciers. Ces conditions, on en a eu confirmation mercredi dernier, sont politiques : c’est l’acceptation de « réformes » du marché du travail et des pensions qui ne sont pas urgentes sur le plan économique, mais qui permettent « d’annuler » politiquement l’essentiel du programme et du message de Syriza. C’était là l’essentiel. Tout à cette stratégie, l’Eurogroupe n’a cessé de rejeter les propositions de réformes présentées par la Grèce, quatre à ce jour. Elles n’étaient pas assez complètes, pas assez précises, pas convaincantes.

 

Cette stratégie européenne se fondait sur une certitude : que la Grèce refuserait de renverser la table en faisant défaut ou en envisageant la sortie de la zone euro. Certitude pas entièrement dénuée de sens puisque, avant l’accord du 20 février, le gouvernement hellénique avait fait de sérieuses concessions pour éviter la « rupture. » Mais en réalité, c’était le point faible du dispositif européen. En face, Alexis Tsipras a donc développé sa propre stratégie qui, semble-t-il aujourd’hui, porte ses fruits.

 

 

Temporiser pour renforcer sa position

 

La première partie de cette stratégie est la « temporisation. » Athènes a joué le jeu que les Européens voulaient lui faire jouer. Faire un peu plus de concessions chaque semaine. En février, il a abandonné son idée d’annulation d’une partie de la dette publique. Un peu plus tard, il a refusé de prendre des « mesures unilatérales », puis il a accepté à chaque refus, de venir présenter de nouvelles listes de réformes et même de mettre en place certaines privatisations. Les Européens ont compris ces mouvements comme des reculs et s’en sont félicités. Mais en réalité, ces concessions ne leur étaient pas destinées. Il s’agissait de montrer au peuple grec la volonté de son gouvernement de négocier avec l’Europe, donc son engagement sincère à demeurer dans la zone euro. Tout en ne cédant pas sur l’essentiel, autrement dit, sur ce pour quoi les Grecs (au-delà du seul vote Syriza) avaient voté : la fin de l’austérité et de « l’humiliation » du peuple grec.

 

Avec cette stratégie de temporisation, Alexis Tsipras donnait l’impression aux Européens qu’ils se renforçaient, alors qu’en réalité, ils s’affaiblissaient. Plus le temps passait, plus les Grecs s’exaspéraient de l’attitude européenne, et plus Alexis Tsipras devenait populaire par sa capacité à ne pas céder. Les exigences de la nouvelle troïka ressemblaient de plus en plus à celle de l’ancienne. De plus en plus, les négociations ressemblaient à une nouvelle façon de vouloir « humilier » les Grecs. Et progressivement, le mot « rupture » (rixi) est devenu de plus en plus dans l’air du temps en Grèce.  Le 25 mars, jour de la fête nationale, il a été prononcé par le ministre des Finances Yanis Varoufakis, en réponse à un message de soutien envoyé de la foule : « il faudra nous soutenir après la rupture », a-t-il répondu.

 

 

L’offensive feutrée

 

Désormais assuré de ses arrières, Alexis Tsipras a pu passer à l’offensive pour placer les Européens en difficulté. Offensive feutrée : le Premier ministre sait qu’il a tout à perdre d’une confrontation frontale, où la petite Grèce serait isolée face à ses 27 « partenaires » unis dans la volonté de faire céder le gouvernement. Son but est sans doute toujours de parvenir à un accord sans rupture, aussi dément-il toutes les « fuites » et continue-t-il officiellement de croire à une entente. Il a même continué à faire preuve de bonne volonté, avec la présentation de la nouvelle liste de réformes en 26 points présentée le 1er avril. Mais il sait que pour parvenir à ses fins, il devait rééquilibrer le rapport de force entre la Grèce et ses créanciers. Et pour cela, il a envoyé des messages clairs que, désormais, la rupture devenait possible.

 

 

Le rapprochement avec Moscou

 

Ces messages sont de deux types. Le premier, c’est le renforcement des liens avec la Russie. Alexis Tsipras, le 31 mars, a donné le ton de sa très attendue visite à Moscou le 8 avril en affirmant que les « sanctions contre la Russie ne mènent nulle part. » C’était un désaveu de la politique orientale de Bruxelles qui avait de quoi inquiéter à la Commission. La menace à peine dissimulée était qu’Athènes pourrait bien défendre les intérêts russes dans l’UE, particulièrement si l’UE se montrait sévère avec la Grèce... Or, un refus d’aller plus avant dans la confrontation avec la Russie de la Grèce pourrait faire sortir du bois d’autres pays peu enthousiastes à cette idée : Chypre ou la Hongrie, par exemple.

 

 

Le risque du 9 avril

 

Le deuxième message est plus direct : c’est celui que la Grèce préparerait désormais la rupture. Jeudi 2 avril, Reuters a publié une information officiellement démentie (évidemment) par Athènes comme quoi, lors de la réunion de travail de l’Eurogroupe (Euro working group) du 1er avril, le représentant grec aurait informé ses « partenaires » que, faute d’un accord, la Grèce ne paierait pas le FMI le 9 avril. Ce vendredi 3 avril, un article du Daily Telegraph, signé Ambrose Evans-Pritchard, généralement bien informé, affirme, de sources grecques, que le gouvernement hellénique prépare concrètement la rupture, en envisageant de prendre le contrôle des banques et d’émettre des « lettres de créance » gouvernementales ayant valeur monétaire. Ce serait évidemment une première étape vers une sortie de la zone euro.

 

 

Le temps ne joue plus pour les Européens

 

Dès lors, la pression s’exerce aussi sur les Européens. S’ils poursuivent leur stratégie de « nœud coulant », ils risquent gros. Certes, si la Grèce ne paie pas le FMI le 9 avril, elle ne sera pas immédiatement considérée par l’institution de Washington en défaut. Il faut un mois pour que le FMI reconnaisse qu’une « obligation est manquée. » Or, cette déclaration peut provoquer un séisme, car alors le Fonds européen de stabilité financière (FESF) devra légalement réclamer le remboursement des sommes versées à la Grèce. Ce qu’Athènes ne saurait réaliser. Le défaut grec envers ses créanciers européens sera alors effectif. La Grèce n’aura alors sans doute plus accès à la liquidité de la BCE, mais les pays de la zone euro devront accepter des pertes considérables sur les garanties accordées au FESF. Sans compter évidemment que la BCE devra également tirer un trait sur les 6,7 milliards d’euros que la Grèce doit lui rembourser cet été.

 

Subitement donc, la situation des Européens est moins magnifique. Et le temps ne joue plus en leur faveur. Le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem ne peut plus guère dire, comme début mars, que la pression financière sur la Grèce est une bonne chose, car elle favorise les réformes. Désormais, elle pourrait bien mettre en danger les gouvernements de la zone euro. C’est précisément le but que visait Alexis Tsipras qui, sans doute, ne cherche pas réellement la rupture, mais bien plutôt un accord où il puisse imposer « ses » réformes sans passer sous les fourches caudines de la logique de l’ancienne troïka. Un prochain Euro working group est prévu pour le 8 avril, le jour de la visite d’Alexis Tsipras à Moscou et la veille de l’échéance du FMI. Les Européens devront alors désormais soigneusement peser les risques qu’ils acceptent de prendre.

 

 

La pression revient sur Angela Merkel

 

Comme à la veille du 20 février, Alexis Tsipras renvoie Angela Merkel à ses responsabilités. Il sait que la chancelière n’est pas prête à prendre le risque d’une sortie de la Grèce et de la zone euro et d’un défaut de ce pays sur ses engagements vis-à-vis du contribuable allemand. Ce serait politiquement très risqué. Elle a, le 20 février, désavoué clairement la stratégie de Wolfgang Schäuble qui minimisait les risques d’un Grexit et exagérait ses avantages. Peut-elle revenir en arrière alors que, dans son camp politique, la grogne contre une nouvelle aide à la Grèce prend de l’ampleur ? Toute la question est là. Alexis Tsipras a, en tout cas, placé la chancelière dans une situation difficile : ou prendre le risque politique d’un défaut grec ou prendre le risque politique d’une aide « sans réformes » à la Grèce. Choix cornélien qui va sans doute occuper la chancelière tout ce week-end de Pâques.

 

 

Tsipras Cunctator

 

Reste qu’Alexis Tsipras, longtemps sous-estimé par la presse étrangère, a fait preuve d’une intelligence stratégique de premier plan dans cette affaire et qui n’est pas sans rappeler celle de Fabius Cunctator, le général romain qui usa les Carthaginois victorieux d’Hannibal durant la Deuxième Guerre punique. Le Premier ministre grec n’est certes pas assuré de remporter la victoire, mais il a prouvé qu’il était un des rares dirigeants européens à pouvoir tenir tête, sur le plan tactique, à Angela Merkel.

 

 

 

Par Romaric Godin - latribune.fr – le 3 avril 2015.

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Quand aurons-nous un premier ministre belge de la trempe de Alexis Tsipras ?


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Vidéo. Nigel Farage : « L’Union Européenne est face à un tournant historique »

Vidéo. Nigel Farage : « L’Union Européenne est face à un tournant historique » | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


Vidéo. Nigel Farage : « L’Union Européenne est face à un tournant historique »

 

Après les élections législatives en Grèce et la victoire du parti d’extrême gauche Syriza, Nigel Farage pose la question devant les parlementaires européens, de savoir si l’Union Européenne reconnaîtra le droit au peuple grec de mettre en place les réformes espérées.

 

 

 

 

Par l’agenceinfolibre.fr – le 12 février 2015

Koter Info's insight:


Mais l’Union Européenne n'est pas démocrate, son président l'a déjà affirmé !


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Grèce : pourquoi le blocage semble indépassable

Grèce : pourquoi le blocage semble indépassable | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : Alexis Tsipras a déposé une nouvelle liste de réformes à Bruxelles. (Crédits : reuters.com)

 

 

Grèce : pourquoi le blocage semble indépassable

 

La troisième liste de réformes du gouvernement grec ne semble pas convenir aux Européens. La question de la nature des réformes et l’enjeu politique rendent un accord improbable.

 

Encore une fois, la Grèce a présenté ce week-end une liste de réformes au « groupe de Bruxelles » (nouveau nom trouvé à la troïka qui regroupe les représentants du FMI, de la Commission européenne et Banque Européenne). Et encore une fois, la situation semble bloquée. Le jeu du chat et de la souris continue, pendant que la situation de l’économie grecque se détériore à vue d’œil.

 

 

La troisième liste de réformes grecques

 

Le vendredi 27 mars, Athènes a donc envoyé à Bruxelles une nouvelle — la troisième — liste de réformes. D’après ce qu’on en sait, les autorités grecques prévoient de dégager avec ces réformes 3 milliards d’euros et un excédent primaire de 1,5 % du PIB en 2015 — cet objectif a toujours été celui visé par Syriza. Le tout avec une croissance estimée à 1,4 % qui semble optimiste, mais rappelons que le 20 février, l’Eurogroupe avait promis de définir l’objectif d’excédent primaire « en relation avec les circonstances économiques. »

 

Que prévoit exactement cette « liste de réformes » qu’Alexis Tsipras avait promise à ses partenaires européens à l’issue du mini-sommet du 19 mars ? Il s’agirait d’abord largement d’améliorer les rentrées fiscales du pays, notamment par une modernisation de la collecte d’impôts, et sur le combat contre l’évasion fiscale. Le gouvernement grec entend aussi vendre des licences de jeux en ligne et de radiodiffusion (les licences de télévision n’ont jamais été officiellement attribuées) et prend en considération certaines privatisations. Un relèvement progressif de 42 % à 45 % du taux supérieur d’imposition sur le revenu (un des plus aisés à collecter, car prélevés à la source) est également au menu.

 

Globalement, cette liste ressemble aux deux précédentes envoyés les 23 février et 6 mars. Athènes serait cependant prête à relever certains taux de TVA sur les produits de luxe et sur les boissons alcoolisées pour satisfaire ses partenaires européens, mais on est loin du programme qui avait « fuité » dans la presse allemande lundi 23 mars et qui prévoyait un relèvement de la TVA sur les séjours dans les îles égéennes et un relèvement de l’âge légal de départ à la retraite. Cette « fuite » apparaît désormais plus comme un message envoyé aux autorités grecques que comme une « information » issue de ces dernières.

 

 

Blocage entre Bruxelles et Athènes

 

Au regard de ce programme, il semble évident qu’Alexis Tsipras n’a pas cédé aux vœux des Européens. Il a repris et développé ses « réformes » précédentes. Déjà, ce lundi 30 mars, les informations qui transpiraient dans le Wall Street Journal laissaient entendre que le « groupe de Bruxelles » n’était guère satisfait de cette liste qui était jugée « incomplète et trop imprécise. » Du reste, il semble improbable qu’un accord soit trouvé cette semaine, notamment après l’Eurogroupe téléphonique prévue ce mercredi. On n’a donc en réalité guère avancé.

 

Pourquoi ? Là encore, les informations parues dans la presse financière anglo-saxonne ne laissent aucun doute. Le refus de cette liste de réformes repose sur l’absence de deux réformes : celle des retraites et celle du marché du travail. Il semble désormais évident que le « groupe de Bruxelles » ne donnera son feu vert au financement grec que si et seulement si le gouvernement d’Athènes accepte de mettre en place ces deux réformes. On conçoit donc dans ces conditions la réalité de l’initiative théoriquement laissée au gouvernement grec pour réaliser sa liste de réformes.

 

 

Les deux raisons de la position des créanciers

 

Pourquoi les créanciers insistent-ils sur ces deux réformes ? Pour deux raisons. La première est financière. Les dirigeants européens et leurs administrations sont persuadés que ces « réformes structurelles » sont des leviers de croissance potentielle qui, en favorisant la compétitivité coût du pays, lui permettront de mieux rembourser ses dettes. Mais au-delà de cette position, il existe évidemment aussi une raison politique (car rappelons que c’est là le seul véritable objectif de ce groupe de créanciers). Mais il serait naïf de ne pas non plus y voir un but politique : en faisant accepter ces mesures par un gouvernement « de la gauche radicale », on fait évidemment perdre toute radicalité à ladite gauche, on fait plier Syriza et on le ramène dans la logique économique qui est celle de la zone euro : seules les « réformes » qui visent à réduire le coût du travail sont d’authentiques réformes. La victoire que visent les créanciers est aussi idéologique. Il s’agit de détruire toute alternative.

 

On voit donc mal les Européens céder sur ces principes. Du reste, leur attitude prouve qu’ils n’y sont pas prêts. Depuis le 20 février, ils rejettent systématiquement les propositions de réformes venant d’Athènes afin d’imposer — sous la pression d’une situation financière et bancaire de plus en plus tendue — « leurs » réformes. Alexis Tsipras peut-il alors céder ? En réalité, le contenu de cette troisième liste montre aussi que le gouvernement grec est arrivé au bout de ses concessions. Contrairement à ce qu’on pouvait attendre la semaine passée, il n’y a pas eu de reddition de l’exécutif hellénique. Il y a eu quelques concessions supplémentaires, par exemple, sur des mesures ciblées de TVA et sur les privatisations, mais l’essentiel, le rejet de la logique austéritaire est conservé.

 

 

La réhabilitation de la parole politique en Grèce

 

Surtout, là aussi, il semble peu probable qu’Athènes cède sur les deux « réformes » exigées par les Européens. D’abord, parce qu’elles seraient en contradiction totale avec les engagements de Syriza et ses alliés. Certes, les promesses, peut-on dire, sont faites pour être oubliées. Sauf que Syriza a déjà oublié plusieurs de ses promesses : le gouvernement a ainsi convenu qu’il fallait relever progressivement le salaire minimum. On peut imaginer qu’il puisse renoncer à la réévaluation des retraites. Mais ce que demandent les Européens est différent : c’est un oubli total des engagements par l’adoption d’une politique opposée à celle visée par Syriza. Or, les Européens oublient ce que peut valoir le respect de la parole politique dans un pays où elle a tant été dévaluée. La popularité d’Alexis Tsipras tient à ce respect de ses engagements et c’est une popularité qui dépasse les seuls rangs de Syriza. Quiconque s’est rendu en Grèce pendant la campagne électorale a pu mesurer les attentes de ce point de vue. Trahir cette attente serait mettre en danger rien moins que la démocratie hellénique. Alexis Tsipras n’est pas prêt à prendre ce risque.

 

 

Le refus de la logique économique des créanciers

 

Mais ce refus se base aussi sur une logique économique qui dénote un fossé immense sur la vision économique. Pour le gouvernement grec, ces réformes désirées par les Européens sont des mesures austéritaires. Elles ne permettront pas le redressement du pays. Du reste, n’oublions pas que le gouvernement précédent, pourtant « pro-européen », n’en voulait pas. Du point de vue grec, en effet, ces réformes représentent un « toujours plus » difficilement acceptable dans un pays qui a perdu plus de 24 % de son PIB et pour une population qui a vu son patrimoine fondre d’un tiers. Sur le marché du travail, ce que veulent les Européens, c’est réduire encore la capacité de négociations collectives salariales des syndicats (on notera que l’on est, ici, assez loin de la fameuse « économie sociale de marché » présentée souvent pourtant comme un modèle pour l’Europe). Or, cette capacité a déjà été largement amputée depuis 2010 et les salaires ont beaucoup baissé en Grèce, sans que pour autant, ni la croissance ni les exportations n’en profitent réellement.

 

Quant au système des retraites, demander de nouvelles coupes ou un allongement du report du départ à la retraite, c’est refuser de voir l’envers de la médaille, notamment le développement de la pauvreté dans le pays et l’importance qu’ont ces retraites pour soutenir le niveau de vie des plus jeunes. C’est aussi refuser de reconnaître que dans un pays où le taux de chômage est de 26 %, il n’y a pas de sens à reporter l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans (date totémique qui fait référence à la réforme allemande de 2007 qui prévoit, rappelons-le, l’application de cette réforme en... 2030 et qui a déjà été écornée par le gouvernement d’Angela Merkel qui a permis des départs à 63 ans).

 

 

Sacrifier le « court terme », encore une fois ?

 

Chacun sait que le problème du budget grec, c’est d’abord l’efficacité de la récolte des impôts — le gouvernement grec veut précisément s’y attaquer — et l’absence de vraie croissance dans le pays. Athènes demande que l’on enlève l’épée de Damoclès de ces « réformes » négatives pour l’emploi et la consommation au-dessus du pays afin, précisément, de favoriser la croissance. Face à lui, les Européens reprennent leur vieille chanson des « sacrifices d’aujourd’hui pour le bonheur futur. » Dans un pays dévasté depuis 5 ans par la crise et l’austérité, cette chanson n’est plus à la mode. Non seulement le « court terme » s’est mué en « long terme », mais il semble désormais vain de croire encore que la confiance des investisseurs renaîtra par ce type de « réformes. » Ce qu’il faut à la Grèce, c’est un soutien à sa demande intérieur et un plan de reconstruction industrielle. En théorie, l’intérêt des créanciers serait de participer à cette tâche. Mais la dimension politique de l’affaire leur ôte apparemment le sens de leurs intérêts.

 

 

La rupture inévitable ?

 

Bref, le blocage est total. Alexis Tsipras, par cette troisième liste de réformes a confirmé qu’il ne veut pas des deux « réformes » des retraites et du marché du travail que les Européens placent comme conditions absolues à leur soutien à la Grèce. Comme les créanciers ont tout intérêt à jouer la montre pour que le « nœud coulant » financier se resserre, un compromis est peu probable. La perspective d’une rupture semble désormais de plus en plus proche et il semble que chacun s’y prépare. Lors du défilé de la fête nationale du 25 mars, une femme a lancé un message d’encouragement à Yanis Varoufakis, le ministre hellénique des Finances. Ce dernier a répondu : « il faudra nous soutenir aussi après la rupture. » Faut-il y voir la preuve que cette rupture est acquise ? L’accord avec les créanciers semble en tout cas désormais très difficile.

 

 

 

Par Romaric Godin - latribune.fr – le 30 mars 2015

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