France - Loi renseignement : « un mensonge d’État », dit le bâtonnier | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


Loi renseignement : « un mensonge d’État »,

dit le bâtonnier

Par Patrice de Plunkett (*)

 

Ce qu’il faut savoir pour comprendre dans quel engrenage la classe politique pousse (par peur) la société française :

 

Déployés sans le contrôle des juges, les super-pouvoirs de surveillance de la vie privée ne viseront qu’en partie à « lutter contre le terrorisme ».

 

C’est là qu’est l’engrenage.

 

Comme aux États-Unis avec le Patriot Act de GW Bush, ces super-pouvoirs vont aussi, voire surtout, servir à museler les lanceurs d’alertes économico-financiers et à réprimer les mouvements sociaux : aussi bien Notre-Dame des Landes (ou les résistances à l’agro-industrie) que la Manif pour tous ou n’importe quoi d’autre.


Ces actions contestataires de toute sorte, il suffira de les classer comme atteintes « à la sécurité nationale » ou aux « intérêts essentiels de l’économie »... Invoquer ces « principes généraux » – comme dit M. Cazeneuve – permettra au ministère de l’Intérieur de contourner le pouvoir judiciaire.

 

Comme le dit le bâtonnier de Paris Pierre-Olivier Sur : « Ce projet de loi est un mensonge d’État. Le président de la République l’a présenté lui-même récemment à la télévision comme un texte essentiel pour lutter contre le terrorisme, alors qu’il va s’appliquer bien au-delà, à beaucoup d’autres domaines. Sous couvert de prévention des « violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale », va-t-on remettre en question le droit de manifester ? […] Ce texte est un fourre-tout où domine l’arbitraire. »

 

Pas seulement l’arbitraire. Surtout la peur. Nos « dirigeants » craignent des troubles : ayant abdiqué depuis plus de vingt ans le politique entre les mains du financier, ils se savent désarmés devant les crises. Mais c’est tout de même à eux que le peuple demandera des comptes ; ils le savent, et ils savent qu’au-dessus d’un certain volume de colère exprimée les choses prennent des proportions. Comment se sortir de ce piège ? En multipliant les outils de contrôle préventif, qui permettront (croient-ils) d’empêcher l’expression des colères.

 

Par ailleurs, les intérêts économiques et financiers veulent pouvoir empêcher de nouveaux Snowden ; et ces intérêts savent se faire servir.

 

Enfin (et d’une façon générale), la nouvelle loi s’inscrit dans le processus de la postdémocratie, qui est la substitution de l’algorithme technique au débat politique. Explication : les fameuses « boîtes noires » qui seront installées sur le Net, et qui vont espionner toute la population, sont conçues pour produire (par algorithme) une délation permanente en fonction de paramètres électroniques, censés baliser des comportements prétendus criminels. Qui aura défini ces paramètres ? Des techniciens anonymes, programmés par les « services », ces derniers fonctionnant sous le seul contrôle de leur hiérarchie ! L’autorité publique colonisée par la vision policière de l’histoire ! Vision dont on connaît les lacunes et les erreurs de perspective...

 

Le projet de loi sera sans aucun doute voté – et par la plupart des députés de droite, au garde-à-vous dès qu’ils entendent le mot « sécurité ». Il suffit de voir M. Ciotti (Le Figaro 04/05) faire semblant de croire que cette loi ne servira qu’à l’antiterrorisme : quand il nous explique que la loi va fournir « un cadre juridique » au renseignement, on dirait le Pr Sloterdijk expliquant que le néolibéralisme « prescrit la liberté dans le cadre de la loi ».

 

Le Conseil constitutionnel peut-il valider une loi pareille ? Le bâtonnier estime que non. On va bien voir...  Si c’est oui, tout sera dit.

 

 

 

Par Patrice de Plunkett (*) - plunkett.hautetfort.com – le 4 mai 2015

 

 

(*) Patrice de Plunkett, né à Paris le 9 janvier 1947, est un journaliste et essayiste français, qui codirigea le Figaro Magazine… (Source : Wikipédia).