L’Holodomor, un révisionnisme ukrainien de l’histoire | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it



L’Holodomor, un révisionnisme

ukrainien de l’histoire

Par Laurent Brayard (*)

 

L’Holodomor est le nom qui a été donné au « génocide » ukrainien orchestré au début des années 30 par le régime soviétique de Staline. La Grande famine de 1932 à 1933 ne faisait suite d’ailleurs qu’à celles qui eurent lieues sous son prédécesseur, Lénine, qui est moins souvent cité comme responsable de la mort par la faim de centaines de milliers de civils dans la Russie Soviétique devenue en 1922, l’Union soviétique.

 

L’Holodomor fait l’objet d’une intense propagande des nationalistes ukrainiens depuis la fin des années 30, dans le sillage des manipulations historiques orchestrées par les principaux chefs de file, dont Stepan Bandera ne fut pas le dernier. Ce crime est une grande douleur et est traversée de luttes politiques qui commencèrent dans les milieux des migrants ukrainiens à travers le monde, notamment et surtout du Canada, des États-Unis, de l’Amérique du Sud, d’Australie et d’Europe. Ils avaient été quelques millions à fuir l’Ukraine dans les années 30, quelques centaines de milliers après la défaite de 1945, les nationalistes ukrainiens ayant choisi dès l’ascension d’Hitler au pouvoir en 1933 de le servir jusqu’à la mort.

 

L’Union soviétique lutta de toute la force de sa propagande, à l’instar de Staline puis de ses successeurs contre ce fait historique qu’était la Grande famine. La terrifiante dictature de Staline, la chape de plomb, la terreur indicible qui fut organisée dans toute l’Union soviétique ne fut que partiellement dénoncée après sa mort en 1953 et  par la politique de déstalinisation lancée par Khrouchtchev à partir de 1956. Mais le régime soviétique persista à nier l’existence même de cette famine, le danger de la remise en question du système étatique, le danger de s’avancer à entrer dans une politique de repentance verrouilla pendant longtemps l’histoire de la Grande famine. Elle eut lieue pourtant et n’est niée par presque personne à l’heure actuelle en Russie. C’est une juste victoire de l’histoire face à l’infamie.

 

Elle débuta en Union soviétique par la politique à marche forcée de la collectivisation. Dans ce système imposé bêtement par Staline, les paysans devaient se rassembler dans des collectivités, les kolkhozes ou les Sovkhozes de plus petite taille. Toute la terre et les moyens agricoles étaient alors nationalisés, les réformes agraires pour lesquelles les paysans avaient au départ soutenu la Révolution, étaient enterrées. Ils avaient pourtant cru aux paroles de Lénine, promettant le partage équitable des terres, afin que les plus démunis d’entre eux puissent vivre de leur labeur.

 

Les paysans furent rapidement considérés d’un mauvais œil. Ils n’avaient pas vu les résultats de la Révolution, ils avaient vu au contraire les réquisitions arbitraires, cinq ans de guerre civile, les massacres et au début des années 20, déjà la disette et la famine, celle qui avait été vécue dans les villes durant le dur hiver de 1916-1917. Ils furent rangés comme contre-révolutionnaires, certains luttèrent contre la Révolution rouge, d’abord alliés des bolcheviques, ils préférèrent combattre dans les armées vertes de paysans et d’ouvriers, de Nestor Makhno en Ukraine, d’Antonov en Biélorussie et Russie et dans d’autres régions du pays.

 

Après l’écrasement des blancs en 1921, les derniers à se tenir face à l’Armée rouge furent justement ces insurgés, ouvriers et paysans dans diverses parties de l’Union soviétique. Ils furent impitoyablement écrasés par Lénine et Trotski dans le cours de l’année 1922. La répression fut réellement sanglante, détruisant déjà des zones agricoles entières, réduisant à la famine et plongeant le pays dans un marasme hallucinant.

 

Staline alla plus loin, ayant poussé à la construction d’un système concentrationnaire celui du goulag à partir de la fin des années 20, il lança le pays vers une industrialisation à grande vitesse, engloutissant main d’œuvre d’esclaves et effort du Peuple dans ce projet pharaonique qui eut quelques belles réussites au milieu de drames humains atroces. C’est dans cette situation, que les campagnes incapables de nourrir les villes furent contraintes de se plier à la collectivisation.

 

La force la plus brutale fut employée, un Sibérien, Christophor Glottof, raconte dans ses mémoires qu’elle arriva plus tardivement dans l’Extrême Orient soviétique mais que la collectivisation était redoutée et jugée sévèrement par tous. Elle frappa durement l’Ukraine et toutes les grandes régions de l’Union soviétique qui étaient tournées vers l’agriculture. L’Ukraine le grenier à blé historique de la Russie fut particulièrement touchée, non moins que d’autres régions, dans le Kouban, sur les rives de la Volga, dans les plaines de Russie, du Kazakhstan, de Voronej, de Koursk, dans le Nord du Caucase.


Les chiffres sont difficiles à donner, les propagandes ukrainiennes sont venues semer le trouble au point d’atteindre ceux de 7 à 10 millions de victimes dans la définition ukrainienne de « l’Holodomor ». La réalité plus prosaïque se situerait entre 5 à 7 millions de victimes, dont environ 2,5 à 3,5 millions dans les frontières de l’Ukraine de 2013.


Ce qui est avéré c’est que Staline devant l’annonce des difficultés à nourrir les villes surpeuplées du pays ayant accueilli en quelques années des milliers de réfugiés des campagnes, ayant poussé les paysans dans les usines se retrouvait dans l’affreux dilemme d’une disette générale. Cyniquement, ayant sous les yeux l’exemple de la Révolution de 1917 et la révolte des villes, il ordonna la saisie des récoltes et la collectivisation forcée afin de nourrir prioritairement les zones urbaines. Cet ordre criminel fut la cause de la mort de millions d’innocents dans les campagnes.

 

La mort de tant de gens ne pouvait passer inaperçu, des cadres du Parti communiste s’insurgèrent, pensant naïvement qu’enfermé dans le Kremlin, Le Petit Père du Peuple n’était pas au courant de la situation. En 1933, pour faire taire les rumeurs en Occident, il invita à une visite de l’URSS et de l’Ukraine, Edouard Herriot qui fut trimballé dans un pays où tout au long de son voyage une immense pièce de théâtre avait été préparée : figurants et acteurs souriants et enthousiastes, magasins et étals remplis en abondance, lieux préparés à l’avance pour faire croire à l’opulence des récoltes, au bonheur des populations au point qu’à son retour, le débonnaire Herriot déclara trompé et stupide : « Lorsque l’on soutient que l’Ukraine est dévastée par la famine, permettez-moi de hausser les épaules ! ».


Les paysans écrasés et transformés en koulaks ennemis du Peuple, les opposants envoyés dans les goulags, Staline procéda dès 1934 au lancement de la terreur, à savoir le désengorgement des villes en fixant des quotas « d’ennemis du Peuple » à déporter. Cette seconde terreur s’ajouta à la suivante, provoquant plusieurs vagues de déportations de masse jusqu’à son point culminant entre 1936 et 1938, la Grande terreur dont nous ne sommes pas certain véritablement des chiffres, pas moins de 2 millions de déportés, probablement 4 ou 5 millions de victimes supplémentaires.

 

Les nationalistes ukrainiens et la diaspora s’évertuèrent bientôt à transformer le cas général de l’Union soviétique, en un génocide qui n’aurait frappé que l’Ukraine et qui aurait été organisé que dans l’intention de détruire le peuple ukrainien. Cette affirmation, longuement instrumentalisée, savamment manipulée a conduit à l’un des mensonges historiques dont sont aujourd’hui friands les politiciens ukrainiens dans le sillage de Porochenko et Iatseniouk.

 

Il est bon de rappeler que durant la Grande famine, au moins la moitié des victimes furent des gens habitants en dehors des frontières de l’Ukraine de 2013 et que fait essentiel, la Galicie, région la plus occidentale de l’Ukraine, dont la capitale est Lvov ne se trouvait pas alors dans les frontières de l’Ukraine soviétique mais dans celle de la Pologne reconstruite en 1918. De fait les populations russophones de l’Est de l’Ukraine furent particulièrement touchées.

 

Ce fait est capital, car ce sont justement les Ukrainiens de cette région occidentale qui se plaignent le plus, qui ont le plus révisés l’histoire, niés les vérités, alors que justement ils n’eurent en aucune manière à souffrir de la Grande famine dont nous avons évoqué le triste souvenir.

 

L’Holodomor est donc devenu un instrument politique qui fut utilisé en plusieurs phases pour lutter contre l’Union soviétique (non sans fondement parfois) et désormais contre la Fédération de Russie (de manière parfaitement injuste).

 

Cette propagande fut financée d’abord par la diaspora ukrainienne en exil, par l’Allemagne nazie, puis bientôt par l’Occident aux prises avec l’Union soviétique dans la Guerre froide.

 

La liste des pays qui ont reconnu l’Holodomor est caractéristique. Elle comprend d’abord une série de pays qui furent les asiles par les lignes d’exfiltrations des rats des nazis : comme l’Argentine, l’Australie, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie, l’Equateur, l’Espagne, les Etats-Unis, le Mexique, le Paraguay et le Pérou, tous pays qui accueillirent après 1945 la plus grande quantité d’anciens nazis, oustachis et collaborateurs des hitlériens de toute l’Europe. Les autres pays sont des nations ayant eu des régimes fascistes (Italie) ou des pays pour certains alliés à l’Allemagne nazie d’Hitler ou tombés du mauvais côté du Rideau de Fer (Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Tchéquie, Slovaquie) et ayant eu beaucoup à souffrir de l’occupation soviétique.

 

Nous trouvons également la Géorgie entrée en conflit avec la Russie en 2008 et liée à l’Ukraine partiellement (Saakachvili) et se plaçant comme ennemie de la Fédération russe ainsi que le Vatican également pour des raisons idéologiques et religieuses et qui ne fut pas l’un des pays les moins actifs dans l’exfiltration des nazis. 

 

Suite à la Révolution orange de 2004 qui tourna bientôt au brun avec la Révolution de l’Euromaïdan en 2013, l’Ukraine dirigée par le très « américain » président Iouchtchenko avait décidé en 2006 de qualifier l’Holodomor de génocide initié par le régime soviétique contre le Peuple ukrainien en niant la nature absolument bien plus large de ce dernier et en le réduisant là-encore à sa simple expression ukrainienne.

 

Cette propagande est devenue très active sur le terrain politique en Occident, amenée dans les débats par la diaspora ukrainienne soutenue par des politiciens locaux. Les Nations-Unies avaient pourtant mis en garde dès 2003, en rappelant que les crimes de la Grande famine de 1932-1933 avaient touché des populations ukrainiennes, russes, kazakhes, tatares et d’autres peuples de l’Union soviétique.

 

La poussée et les manipulations ukrainiennes permirent cependant d’enfoncer un coin dans la vérité dans l’Union européenne elle-même, par une déclaration du Parlement européen et une résolution reconnaissant l’Holodomor en Ukraine « un crime effroyable perpétré contre le Peuple ukrainien et contre l’Humanité » en se gardant d’évoquer et d’avaliser le mot génocide.

 

Cet hiver en France, dans les murs même de Notre-Dame de Paris, les Ukrainiens firent dirent une messe pour le génocide de l’Holodomor et distribuèrent des tracts politiques racistes et virulents faisant le relai anachronique entre l’Union soviétique et la Russie, oubliant d’ailleurs au passage que Staline et Beria, les pires bouchers du XXe siècle, faisant d’ailleurs figurer Adolf Hitler et Heinrich Himmler au rang d’amateurs, étaient Géorgiens… 

 

Ainsi se font les révisionnismes, ainsi sont insultées les victimes oubliées, tandis que celles qui se disent victimes mais ne le furent jamais viennent souiller la cohorte des morts. Ainsi se ridiculisent des parlements et des assemblées, décidant à la place des historiens ce qui est bon d’écrire ou de ne pas écrire, quel peuple à le droit à la considération génocidaire, ou ceux au contraire mais à l’écart : ici les Indiens, le plus terrifiant génocide de toute l’histoire de l’Humanité, plus loin le Sürgünlik des Tatars, ailleurs le génocide arménien, en France celui des Vendéens…

 

Des historiens, très sérieusement, nous disent que le terme génocide n’ayant été inventé que pour l’occasion du Tribunal de Nuremberg en 1945, il ne peut être en aucun cas appliqué à des événements tragiques antérieurs… un procédé bien pratique pour enterrer dans les larmes et les limbes de l’histoire des victimes qui décidément n’ont parfois pas fini de mourir. 

 

 

 

Par Laurent Brayard (*) - tribulationsmoscou.blogspot.be – le 15 juin 2015

 

(*) Laurent Brayard est historien (Master II) et a été journaliste et rédacteur dans un grand média public russe à Moscou. Il a vécu expatrié en Russie plusieurs années et a travaillé sur plusieurs livres d’histoire jusqu’à présent tournés vers les correspondances privées. Russophone et russophile, il a voyagé dans plusieurs pays de l’ancien espace soviétique et a parcouru l’Ukraine d’Est en Ouest en 2009. C’est naturellement qu’il a décidé en 2013 la rédaction d’un livre consacré à ce qui se passe en Ukraine, suite aux événements dramatiques qui ne faisaient que commencer. Il vient de publier un livre L’Ukraine, le Royaume de la désinformation aux éditions Tatamis (source : Agoravox.tv)