Bob Marley et la folle histoire du cannabis (partie 1/2) | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Bob Marley et la folle

histoire du cannabis (partie 1/2)

Par Jean-Marc Dupuis

 

 

Quand on parle de santé naturelle, de plantes médicinales, vient toujours le moment où l’on vous demande votre avis sur le cannabis.

Le cannabis est le nom latin d’une plante extrêmement banale, le chanvre.

 

 

Le chanvre, plante de nos campagnes

 

Le chanvre est connu et utilisé par l’homme depuis sans doute plus de 10 000 ans pour faire des cordes, des tissus, de l’huile (les premiers moteurs diesel fonctionnaient à l’huile de chanvre ! [1]), manger les graines et plus récemment faire du papier (la première Bible de Gutenberg fut imprimée sur du papier de chanvre [2]).

 

C’est une plante très fibreuse, originaire d’Asie, mais son utilité était si évidente qu’elle s’est vite répandue dans toutes les civilisations, des Chinois aux Romains en passant par les Égyptiens, la Mésopotamie, puis les Européens, les Arabes, le Mexique, puis le monde entier au XIXe siècle.

 

Les graines de chanvre étant parfois consommées comme nourriture, on suppose que les gens s’aperçurent de ses effets psychotropes (modification de conscience).


En effet, le chanvre contient des substances actives appelées « cannabinoïdes », dont le plus puissant est le tétrahydrocannabinol (THC), suivi du cannabidiol (CBD).

 

 

Cannabis, marijuana, haschich

 

Cannabis, marijuana et haschich sont des noms qui se réfèrent à différentes parties de la plante :

 

  • Le cannabis est la plante entière ; la teneur globale en THC (substance psychotrope) varie selon les espèces.
  • La marijuana, ce sont les fleurs femelles non fécondées du chanvre (ou cannabis) et séchées. La teneur en THC peut varier de 1 % à 20 %.
  • Le haschich est la résine du chanvre, raclée sur les feuilles et fleurs du sommet de la plante pour former une pâte brune. Elle est plus riche en THC (10 % à 30 %).
  • L’huile essentielle du chanvre peut être extraite grâce à des solvants. Elle est beaucoup plus riche en THC (80 %).

 

Il existe toutes sortes de moyens de consommer ces produits (en infusion, en vaporisation, sous forme de gâteau…), mais le plus courant est de les fumer, mélangés avec du tabac, ce qui s’appelle un « joint ».

 

Cette pratique est illégale dans la plupart des pays pour un usage « récréatif ». Mais un nombre croissant de pays dépénalisent la possession de petites quantités de cannabis pour un usage personnel et autorisent l’usage thérapeutique du cannabis : Canada, Australie, Pays-Bas, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande et une vingtaine d’États américains.

 

 

Effets immédiats du cannabis

 

L’effet immédiat des cannabinoïdes est de diminuer la tension artérielle, musculaire, la coordination, provoquant une impression de flotter (être « high » ou « stone »), et diminuer la mémoire à court terme.

 

Le cœur bat plus vite, les yeux rougissent, la bouche est sèche, l’appétit augmente.

 

On parle donc d’une modification de l’état physique et psychique, qui explique le succès du chanvre dans les rites chamaniques et religieux (nous y reviendrons en détail).

 

Selon la quantité de THC et selon les individus, cet état peut être ressenti comme plus ou moins agréable, et plus ou moins violent.

Si certains parlent d’une détente et d’une euphorie provoquées par le cannabis, 430 000 personnes se rendent chaque année aux urgences des hôpitaux aux États-Unis pour des crises comme des attaques de panique ou des bouffées délirantes provoquées par le cannabis [3].

 

 

À long terme : baisse du QI, échec scolaire, schizophrénie, suicide

 

À long terme, l’usage régulier du cannabis réduit le QI (Quotient Intellectuel) de 3 à 6 points chez l’adulte, et de 8 points chez ceux qui commencent à l’adolescence, selon une grande étude néozélandaise réalisée en 2012. L’attention, la mémoire et la vivacité intellectuelle sont perturbées, et ce de façon accentuée et persistante [4].

 

Ces résultats ont été confirmés par une étude qui vient de paraître dans The Lancet, et qui indique que les adolescents de moins de 17 ans qui fument du cannabis tous les jours ont 60 % plus de risques de ne pas terminer leurs études secondaires et de ne pas réussir l’examen final, par rapport à ceux qui n’ont jamais fumé.

 

Bien plus grave encore, selon l’analyse, les fumeurs quotidiens de cannabis ont 7 fois plus de risques de commettre une tentative de suicide et 8 fois plus de risques de faire usage d’autres drogues plus tard dans leur vie [5].

 

Très inquiétant aussi, la consommation de cannabis est associée à une forte hausse du risque de schizophrénie, une grave maladie mentale [6].

 

Enfin, le cannabis fumé dégageant les mêmes toxines de combustion que le tabac (goudrons, monoxyde de carbone, radicaux libres…), il a les mêmes effets que celui-ci sur la hausse du risque cardiaque, de cancer du poumon, les dents jaunes, etc.

 

 

Cannabis : un usage très ancien et répandu

 

L’historien grec Hérodote (450 av. J.-C.) raconte que les Scythes (une peuplade des bords de la mer Noire) dressaient de petites tentes de laine serrée où ils organisaient des bains de vapeur à partir de fleurs de chanvre brûlées dans un vase contenant des pierres rougies qui « entraînaient la confusion des participants », un effet qu’Hérodote n’avait pas l’air de trouver formidable.

 

L’historien romain Pline l’Ancien témoigne lui aussi que les effets des graines de cannabis étaient connus :

 

« Certains mangent les graines frites avec des sucreries. Les graines apportent une sensation de chaleur et si consommées en grandes quantités, affectent la tête en lui envoyant des vapeurs chaudes et toxiques. »

 

La première interdiction date de 1378, lorsque l’émir Soudoun Sheikouni interdit la culture du chanvre en Égypte, à Joneima, et condamne ceux pris en train d’en consommer à avoir les dents arrachées.

 

Mais en réalité, personne ne songea à créer une psychose autour du chanvre jusqu’au XXe siècle.

 

Il y en avait partout, c’était indispensable pour les cordes, les tissus, le papier, et les enfants des paysans – qui tous avaient du chanvre dans leur jardin – ne semblaient pas particulièrement obsédés par l’envie d’en cueillir et d’aller en fumer en cachette au fond des bois.

 

 

Effets thérapeutiques du cannabis : peu spectaculaires

 

D’un point de vue thérapeutique, on connaissait les effets du chanvre, qui n’ont rien de spectaculaire d’ailleurs.

 

L’abbesse allemande Hildegarde de Bingen (1098-1179) en cultive dans le jardin du couvent, aux côtés d’autres simples. Elle préconise son usage pour combattre les nausées (anti-émétique) et contre les douleurs de l’estomac. Les personnes qui en consomment s’aperçoivent également que cela relaxe les muscles.

 

Ces effets du cannabis (antinausée, antidouleur, relaxant) seront rappelés par un médecin irlandais au XIXe siècle, William Brooke O’Shaughnessy, et le cannabis continuera son petit bonhomme de chemin dans les pharmacies, y compris aux États-Unis où il fait partie de la pharmacopée officielle (substances reconnues et autorisées pour leur effet médicinal) jusqu’en 1936.

 

Actuellement, l’engouement pour le cannabis (nous parlerons des causes plus loin) a déclenché de nombreuses tentatives de démontrer que c’était une extraordinaire plante médicinale.

 

 

Fausses informations sur le cannabis

 

Certains sites peu fiables (par exemple Wikipédia) prétendent qu’il faudrait en donner aux enfants pour traiter le trouble du déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH), aux autistes, aux paraplégiques, aux parkinsoniens, aux cancéreux, aux malades atteints d’Alzheimer, en cas d’ulcère, de diarrhée, de migraine, de maladie auto-immune, aux dépressifs, aux schizophrènes, aux insomniaques, aux drogués même pour soigner la dépendance à la cocaïne.

 

C’est totalement faux. Et quand Wikipédia recommande le cannabis en cas de schizophrénie et autres troubles mentaux, c’est criminel.

 

On sait au contraire que l’usage de la marijuana à l’adolescence augmente le risque de psychose à l’âge adulte [7], en plus de provoquer une baisse temporaire des facultés cognitives [8].

 

 

Les véritables études scientifiques qui ont été réalisées n’ont fait que confirmer ce que Hildegarde de Bingen (et probablement les chamans des millénaires avant elle) savaient déjà : que le cannabis aide contre les nausées, stimule l’appétit, relaxe les muscles et a un certain effet antidouleur.

 

Dans ce cadre, on pouvait supposer qu’il serait susceptible d’aider les patients traités par chimiothérapie contre le cancer (qui ont des nausées et des douleurs), les malades du sida (qui perdent l’appétit), les personnes ayant des tensions incontrôlables et douloureuses dans les muscles (épilepsie, sclérose en plaque, syndrome de Tourette [tics nerveux]).

 

 

 

Par Jean-Marc Dupuis - santenatureinnovation.com – le 1er février 2015

 

Notes :

[1] Wikipedia : Chanvre – Huile

[2] Wikipedia : Chanvre – Histoire

[3] Highlights of the 2011 Drug Abuse Warning Network (DAWN) Findings on Drug-Related Emergency Department Visits

[4] Ados : fumer régulièrement du cannabis abîmerait durablement le cerveau

[5] Le cannabis chez les jeunes augmente les risques d’échec scolaire

[6] CANNABIS AND SCHIZOPHRENIA A Longitudinal Study of Swedish Conscripts

[7] Arseneault L, Cannon M, et al. Cannabis use in adolescence and risk for adult psychosis : longitudinal prospective study.BMJ. 2002 Nov 23 ; 325(7374) : 1212-3.29.

Barnes TR, Mutsatsa SH, et al. Comorbid substance use and age at onset of schizophrenia. Br J Psychiatry. 2006 Mar ; 188:237-42.

[8] Grant I, Gonzalez R, et al. Non-acute (residual) neurocognitive effects of cannabis use: A meta-analytic study.J Int Neuropsychol Soc. 2003 Jul ; 9(5) : 679-689.30.