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La Gazette des campus de LLN et de WSL-UCL ainsi que diverses infos intéressantes visant la vérité ou l'autre vérité (qui que ce soit qui la dise, mais sans forcément prôner l'auteur).  -  Duc
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« Être paysan, c’est vouloir être libre, travailler au rythme des saisons, travailler avec la nature »

« Être paysan, c’est vouloir être libre, travailler au rythme des saisons, travailler avec la nature » | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Illustration : Confédération paysanne


 

« Être paysan, c’est vouloir être libre, travailler au rythme des saisons, travailler avec la nature »

 

« Pour beaucoup d’entre nous, l’autonomie du paysan n’est plus qu’un rêve, et la prolétarisation du métier se confirme. » Le texte est lu par des paysans le 17 juin 2015, à Amiens, à l’issue du procès en appel des neuf militants de la Confédération paysanne poursuivis pour des actions menées contre l’usine des 1 000 vaches, en Picardie. Dans l’attente du jugement, le 16 septembre, le syndicat dénonce un libéralisme qui « se nourrit aussi de nos utopies, qui les avale et les recrache, pour mieux avancer ». Si les alternatives qui se multiplient partout sur le territoire contribuent à bâtir d’autres mondes, le changement passe aussi par un engagement collectif, énonce l’appel d’Amiens.

 

Nous sommes paysans… Être paysan, c’est vouloir être libre, travailler au rythme des saisons, travailler avec la nature, les animaux… Être paysan, c’est se voir confier cette noble tâche : produire pour l’alimentation de tous ! Alors, partout dans le monde, des centaines de millions de paysans produisent de la nourriture, en lien avec leurs territoires... et ils en sont fiers !

 

Ces dernières décennies, nous, paysans des pays riches, avons commencé à perdre quelques fragments de notre métier, à perdre surtout de l’autonomie. La banque permet l’emprunt, mais impose aussi les options de production. Les industriels fournissent matériel, semences et produits de traitement, parfois nécessaires, mais qui enchaînent les paysans à une recherche infinie de rendement. Les grandes chaînes de distribution assurent la commercialisation des produits – elles imposent aussi le prix payé aux paysans et obligent à produire du volume pour assurer un revenu. Beaucoup de lois et de réglementations ont accompagné cette mise en dépendance du métier de paysan.

 

 

« L’autonomie du paysan n’est plus qu’un rêve »

 

Tout se passe comme si le paysan mettait sa force de travail à disposition d’employeurs puissants, souvent invisibles, et impitoyables. Pour beaucoup d’entre nous, l’autonomie du paysan n’est plus qu’un rêve, et la prolétarisation du métier se confirme. Cette évolution s’accélère aujourd’hui, brutalement : usines à vaches, serres géantes à tomates, énormes surfaces de production de céréales… Avec ces gigantesques entreprises qui créent une pression maximale sur les paysans et qui accaparent les terres, il y a une réelle volonté d’industrialiser l’agriculture !

 

Les acteurs de l’agro-industrie ont d’abord investi à leur profit les outils d’amont et d’aval, souvent créés et mis en place par les paysans. Ils s’emparent maintenant du cœur même de notre métier : la production. Ils veulent appliquer les mêmes logiques industrielles : concentration, mise en situation de monopole, recherche du coût de production toujours plus bas, à n’importe quel prix, les travailleuses et travailleurs comme variable d’ajustement… Effroyable logique qui pense pouvoir s’affranchir de la moindre considération pour ceux qui en sont victimes !

 

 

Une nourriture qui n’a plus de lien avec la terre

 

L’industrialisation de l’agriculture, de la bouffe abondante et bon marché prétend être l’assurance d’une alimentation suffisante pour l’humanité, avec ce qu’elle impose comme coûts sociaux, écologiques et climatiques ! Elle est surtout la réponse cynique à la paupérisation des populations par les politiques libérales, et le meilleur moyen de mieux les ponctionner par les loyers, les transports, ou les marchandises à obsolescence programmée... C’est l’intolérable réalité d’une nourriture qui n’a plus de lien avec la terre, qui n’est que production artificielle imposée par les logiques standardisantes du business et du commerce international, pure destruction du mode alimentaire des peuples, totale négation du principe de souveraineté alimentaire, de la liberté de chacun de choisir son alimentation.

 

On nous place sous la dépendance alimentaire de quelques grands groupes industriels et financiers, assurant ainsi notre soumission. Car c’est aussi leur domination politique qui est en jeu, telle qu’elle se manifeste déjà dans les accords de libre-échange actuellement négociés par l’UE avec l’Afrique de l’Ouest, les États-Unis ou le Canada. Nous ne pouvons pas laisser faire, nous soumettre à cet ordre des choses, comme si tout cela était l’ordre inéluctable de l’évolution de l’humanité ! En n’agissant pas, nous nous rendrions coupables, nous deviendrions complices de ceux qui régissent le monde à leur unique profit. Nous avons le devoir de nous remettre en question, de tout remettre en question !

 

 

« Donnons-nous les moyens de l’espoir ! »

 

Alors oui, il faut agir. Les alternatives se multiplient, partout, elles essaiment sur cette envie qui bouillonne de dire NON, de faire autrement. Elles sont l’image de ce que nous pouvons devenir, elles font vivre l’espoir qu’une autre société est possible. Alors, rejoignons-les, agissons chez nous, partout, au quotidien, sans relâche. Donnons-nous les moyens de l’espoir ! Mais cela ne suffira pas… Le libéralisme se nourrit aussi de nos utopies, il les avale et les recrache, pour mieux avancer. Notre engagement doit être collectif, il doit être politique ! Les attaques quotidiennes sur nos espoirs ne doivent pas parvenir à nous faire baisser les bras ! L’histoire récente est pleine de victoires, ne l’oublions pas ! On peut gagner !

 

Alors, attachons-nous à nos causes communes. Nous, paysans, battons-nous pour notre autonomie et nos savoir-faire. Nous paysans, avec vous tous, citoyens, luttons contre l’industrialisation de l’agriculture qui veut nous balayer. Nous tous, citoyens, pas seulement consommateurs, revendiquons le choix de notre alimentation. Nous tous, citoyens, refusons de brader notre démocratie à la surveillance généralisée et au bon vouloir des multinationales. Réinventons notre engagement politique. Prenons conscience que nous avons le pouvoir, exerçons-le ensemble !

 

Texte de la Confédération paysanne

 

 

 

Par bastamag.net – le 26 juin 2015.


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Boris Cyrulnik : « Peu d’enseignants ont conscience de leur impact affectif sur les enfants »

Boris Cyrulnik : « Peu d’enseignants ont conscience de leur impact affectif sur les enfants » | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : B.Cyrulnik (c) DRFP Odile Jacob

 

Boris Cyrulnik : « Peu d’enseignants ont

conscience de leur

impact affectif

sur les enfants »

 

Boris Cyrulnik est le « psy » le plus célèbre et le plus apprécié de France. Alors que les réformes du collège et des programmes alimentent les débats, il nous livre son diagnostic sur l’école.

 

— Vous avez cosigné une tribune du Monde intitulée « Contre l’école inégalitaire, vive le collège du XXIe siècle ». Qu’est-ce qui vous a motivé à entrer dans le débat autour de la réforme du collège ?

 

C’est le constat que l’école a perdu sa capacité d’intégration : intégration des enfants des classes sociales défavorisées et intégration des enfants issus de l’immigration. Dans ma génération, seuls 3 % des enfants faisaient des études supérieures, mais lorsque j’étudiais la médecine, il y avait plus de 10 % d’enfants « pauvres », contre moins de 2 % actuellement.

 

Désormais, en France, faire un bon parcours scolaire suppose d’abord d’habiter dans les quartiers où sont situés les bons lycées et d’avoir accès à la culture. Car ce n’est pas la pauvreté qui provoque l’échec scolaire, c’est l’éloignement des sources de culture.

 

 

— Le psy que vous êtes n’explique quand même pas cette fracture par la seule carte scolaire !

 

Non en effet, l’autre facteur déterminant c’est l’importance des interactions préverbales. Les bébés qui, avant de savoir parler, sont sécurisés par une niche sensorielle riche et une stabilité affective éprouveront leur entrée à l’école comme une exploration amusante. Ils représentent deux enfants sur trois et ce sont les futurs « bons élèves ». Les autres, insécurisés à cause d’un drame familial (mort, maladie, conflits parentaux…) ou parce que leurs conditions d’existence sont difficiles, vont acquérir un attachement insécurisant. Pour eux, la première rentrée sera souvent perçue comme un petit trauma et beaucoup continueront à vivre la scolarité comme une épreuve.

 

 

— Les enseignants ont-ils un rôle à jouer dans cette « sécurisation » de l’enfant ?

 

Oui, mais ils ne se pensent pas dans ce rôle-là. Nous avons en France de bons enseignants, motivés, bien formés et désireux de bien faire leur métier. Mais peu ont conscience de l’impact affectif qu’ils ont sur les enfants. Certains instituteurs, professeurs de collège et de lycées, vont rassurer et réconforter les enfants par leur façon d’être, leur manière de parler, leur attention à reprendre autrement une explication mal comprise… Généralement, ils ne s’en rendent pas compte. Un encouragement, une appréciation de leur part qui serait perçue comme des banalités par des adultes, auront chez un gamin en recherche de sécurisation, une valeur inestimable. Ce sera un événement émotionnel fort qui participera à structurer sa personnalité. D’ailleurs, lorsqu’on évoque avec des étudiants leurs motivations à suivre telle ou telle filière du Supérieur, il y a presque toujours le souvenir d’un enseignant en particulier.

 

 

— Enseigner, éduquer, faire de l’assistanat social… estimez-vous qu’on demande trop aux enseignants ?

 

Absolument ! Les enseignants sont formés et payés pour instruire or, on leur demande de plus en plus d’éduquer. Non seulement ce n’est pas leur rôle, mais c’est aussi très compliqué, car le nombre d’enfants agressifs a beaucoup augmenté. Les problèmes anxieux de ces gamins ne naissent pas à l’École, mais c’est là qu’ils s’y expriment.

 

À mon époque nous faisions beaucoup de bêtises, mais nous admirions nos profs et cela ne posait aucun problème entre nous. Bien sûr, une très large majorité d’élèves continue d’avoir de l’estime pour leurs enseignants, mais ce sont les élèves les plus rebelles qui impriment l’ambiance d’une classe. En 2015, les élèves qui apprécient les enseignants sont une majorité… silencieuse.

 

 

— Comment le psychiatre explique-t-il que l’école cristallise systématiquement les tensions dans la société ?

 

Parce que s’y joue quelque chose de fondamental, ce dont nous avons tous conscience.

 

L’enjeu social de l’école est devenu faramineux. Quand j’étais enfant, il y avait un concours d’entrée pour accéder au lycée. Sur 40, quatre ont été autorisés à se présenter à l’examen, trois ont été reçus, dont votre serviteur. Mais il n’y avait aucune humiliation pour les autres, tout aussi fiers que nous d’aller apprendre un métier d’artisan, d’ouvrier ou de paysan. Aujourd’hui les parents associent le fait de rater sa scolarité à celui de rater sa vie. Et désormais ce qui construit notre identité sociale, c’est le diplôme. Résultat, la « sélection » est extrêmement forte et précoce. Tout cela avec l’aval des parents qui surinvestissent le rôle de l’école ; il suffit de constater combien d’entre eux paniquent à l’idée que l’on puisse assouplir des rythmes scolaires alors que toutes les études sérieuses en ont confirmé le bien-fondé.

 

 

— Justement, si vous occupiez pendant quelques heures le fauteuil de ministre de l’Éducation nationale, quelle(s) décisions(s) prendriez-vous ?

 

Celle de fuir ce poste à toutes jambes ! (rires) L’enjeu est si grand, l’institution si lourde à manœuvrer qu’elle me semble impossible à réformer. Nous serions toutefois bien inspirés de prendre exemple sur les pays nordiques. Comme eux, il nous faudrait nous intéresser à la sécurisation des tout petits, retarder leur entrée à l’école, ne pas attribuer de notes en primaire, raccourcir la durée des cours, confier des activités éducatives à des tiers issus du monde de la culture ou du sport, etc. Dans les pays d’Europe du Nord, on recense 1 % d’illettrés ; ils sont plus 10 % en France. Chez eux le nombre de suicides d’adolescents a diminué de 40 % en 10 ans ; chez nous c’est un fléau.

  

Il ne faut jamais oublier que l’intelligence est incroyablement plastique, qu’un mauvais élève peut devenir bon en l’espace de quelques mois quand il est dans un milieu sécure. Or, plus un système est rigide – et le nôtre l’est – moins il tient compte de cette plasticité de l’intelligence.

 

 

 

Par Olivier Van Caemerbèke - vousnousils.fr - le 8 juin 2015.

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