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Un coup d’État sous nos yeux

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Dessin de Haddad paru dans Al-Hayat, Londres.

 

 

Un coup d’État sous nos yeux

 

Jean-Claude Juncker avait donné le ton à la fin janvier : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens », avertissait le président de la Commission européenne, quatre jours après le vote des Grecs. Cinq mois plus tard, la vérité apparaît encore plus crue : aucun gouvernement ne sera toléré s’il ne respecte pas l’agenda néolibéral que s’est fixé l’Europe et auquel la crise de la dette va servir de levier. Du Sud au Nord, le modèle social européen sera démantelé pour rendre les travailleurs plus « compétitifs ». Coupable de résister à ce projet, le gouvernement de Syriza doit se soumettre ou s’en aller !

 

Exagérations ? Malheureusement pas. Car c’est bien à une tentative de coup d’État larvé à l’encontre d’Alexis Tsipras que l’on assiste. Le rejet mercredi du plan d’austérité proposé par Athènes – 8 milliards d’euros sur deux ans, pesant principalement sur les gros revenus et les entreprises – l’a mis en exergue de façon spectaculaire : le remboursement de la dette est aujourd’hui secondaire pour Bruxelles et Berlin, ce qui importe c’est d’étouffer toute velléité de suivre une voie alternative à la « flexibilisation » du marché du travail, à la baisse des revenus sociaux et aux privatisations.

 

Et pour acculer Tsipras, tous les moyens sont bons. Comme, par exemple, de multiplier les propos alarmistes afin de provoquer la panique chez les épargnants et causer une crise de liquidités. Ou, comme l’a fait la patronne du FMI, Christine Lagarde, de menacer de déclarer le défaut grec le 1er juillet, alors que les usages admettent un délai de grâce d’un mois.

 

À ce chantage financier s’ajoutent désormais des méthodes de déstabilisation politique dignes des pires puissances impériales. Ainsi, la volonté d’humilier publiquement le Premier ministre grec, en le convoquant mercredi matin pour – prétendument – affiner le compromis, mais, en réalité, lui signifier le veto des créanciers. À l’élève Tsipras, on rendit même une copie de son plan, raturée et commentée en rouge vif, du plus bel effet… Une vexation qui fait écho aux propos de Mme Lagarde, une semaine plus tôt, réclamant « un dialogue avec des adultes dans la pièce ».

 

Comme par enchantement, cet être de raison est apparu quatre jours plus tard à Bruxelles, sous les traits de Stavros Theodorakis, leader de To Potami, un petit parti d’opposition de « centre gauche » pesant 6 % de l’électorat, invité en grande pompe au dîner des chefs d’État lundi soir à Bruxelles, avant de rencontrer le lendemain le commissaire européen Pierre Moscovici. De quoi alimenter les rumeurs savamment distillées quant à la préparation d’un gouvernement d’« union nationale » sans Tsipras, alors que celui-ci dispose pourtant de la majorité au parlement...

 

Bien sûr, le gouvernement de Syriza ne s’effondrera pas pour si peu. Mais il faut travailler l’opinion, suggérer qu’une page se tourne et placer des pions pour la suite.

 

La prétendue « généreuse » proposition communiquée hier par les créanciers s’inscrit dans ce même élan. Inadmissible pour la majorité de Syriza (retraite à 67 ans, baisse des rentes pour les plus pauvres) comme pour ses alliés souverainistes (hausse de la TVA sur les îles, seconde coupe dans l’armée), elle vise à isoler Tsipras et à le jeter dans les bras de To Potami et du Pasok, ruinant le projet alternatif porté au pouvoir en janvier. Ou, au moins, à lui faire porter le chapeau de la rupture et de ses conséquences.

 

Quarante ans après les pays du tiers-monde, l’Europe ne fait pas seulement connaissance avec les plans d’ajustement structurel, mais aussi avec les méthodes de coercition politique qui ont servi à les imposer, avant la Grèce, en Amérique latine et en Afrique. Sous les yeux impassibles de millions d’Européens d’ores et déjà soumis à la dictature invisible des marchés.

 

 

Par Benito Perez - lecourrier.ch – le 27 juin 2015.

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Sexe, pouvoir et emploi en Belgique

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>>> Pour une meilleure lisibilité des tableaux , veuillez cliquer ici



Sexe, pouvoir et emploi en Belgique

Par Joël Girès

 

 

On entend souvent dire aujourd’hui que les hommes et les femmes sont pratiquement égaux en Belgique. Malheureusement, c’est loin d’être le cas. Examinons cela à travers leur répartition sur le marché du travail. Observer les inégalités dans l’emploi est important, celles-ci étant extrêmement déterminantes (dans le sens qu’elles ont un fort impact sur toutes les autres – sur les inégalités de revenu, de santé ou de logement, par exemple) [1].

 

Pour voir quelle est la situation en Belgique, j’ai classé les individus selon leur emploi [2]. Les données proviennent d’une enquête récente pratiquée dans toute la Belgique [3]. L’étude présentée ici ne considère que les personnes qui ont un emploi ou qui sont demandeuses d’emploi (elles ont entre 20 et 60 ans) [4]. La classification possède 11 catégories. Les chefs d’entreprise sont les personnes qui contrôlent les moyens de production (les entreprises). Les indépendants sont les personnes ayant un emploi, mais qui ne sont pas subordonnés à un employeur. Les salariés constituent quant à eux la plus grande partie de la population. Ils se définissent comme soumis à la volonté d’un employeur. Cependant, les situations sont diverses au sein des salariés. C’est pourquoi ceux-ci sont différenciés selon leur autorité sur le lieu de travail et les privilèges associés à leur emploi. L’autorité est définie par le fait de superviser d’autres salariés. Ce critère permet de différencier les superviseurs des travailleurs.

 

Les privilèges de l’emploi occupé sont ceux en termes de salaire et de prestige. Ils sont abordés en distinguant 3 catégories d’emplois : les emplois très privilégiés désignent les emplois de juge, médecin ou ingénieur par exemple, qui donnent accès à de hauts salaires (ce type de personne vit dans un ménage qui gagne en moyenne, pour tous ses membres [5], 3 510 € net) et à beaucoup d’estime ; les emplois moyennement privilégiés désignent les emplois tels ceux d’infirmier, d’électricien ou d’enseignant dans le secondaire, considérés comme estimables, mais cependant moins bien payés (revenu net du ménage : 2 852 €) et réputés que les précédents ; les emplois peu privilégiés regroupent les emplois déconsidérés, peu valorisants et mal payés (revenu net du ménage : 2 523 €), comme les emplois d’ouvriers de manutention ou d’employés de bureau, à la poste ou dans l’administration [6].


En ce qui concerne les demandeurs d’emploi, ils sont classés selon leur dernier emploi. Les demandeurs d’emploi n’ayant jamais travaillé sont, eux, regroupés au sein d’une catégorie spécifique, représentant la part de la population active la plus démunie. Le résultat apparaît dans le tableau 1. (Voir ci-dessus)

 

Dans ce tableau, les cases ont été coloriées en orange lorsque l’on est sûr de trouver significativement plus d’hommes que de femmes dans la catégorie considérée [7].


Il est frappant de constater à quel point les positions de pouvoir sont occupées bien plus souvent par des hommes que des femmes. En effet, les hommes sont surreprésentés parmi les chefs d’entreprise et les superviseurs. Les deux seules catégories où les femmes sont surreprésentées (cases bleues du tableau) sont les travailleurs peu privilégiés et les personnes n’ayant jamais travaillé, position la plus défavorisée ! Détaillons ces résultats.

 

Si l’on considère uniquement les propriétaires d’entreprise (figure 1 – dans celle-ci ne sont repris que les propriétaires d’entreprise avec au moins 1 salarié), on remarque que ce sont pour 70 % d’entre eux des hommes. Et si l’on regarde du côté des salariés qui ont de l’autorité sur leurs lieux de travail (figure 2), la proportion est semblable : elle est de deux tiers. Par contre, si l’on considère la catégorie des travailleurs peu privilégiés (figure 3), ceux-ci comprennent une majorité de femmes [8].

Ainsi, dans le monde de l’emploi, les donneurs d’ordres sont bien souvent des hommes, et ceux qui les reçoivent, des femmes...

 

Revenons maintenant sur la question des privilèges associés aux emplois [9]. Dans la figure 4, on peut voir la répartition par sexe des emplois selon les privilèges qu’ils ouvrent. On remarque que les hommes en emploi occupent plus souvent que les femmes des postes très et moyennement privilégiés, et moins souvent des postes peu privilégiés [10].

 

Le diplôme est généralement invoqué pour justifier que certains ont de « meilleurs » emplois que d’autres (ceux-ci étant plus « qualifiés »). Or, si l’on s’intéresse au plus haut niveau de diplôme obtenu par les hommes et femmes [11], les différences ne vont pas dans le même sens que celles montrées pour les postes privilégiés. En effet, la figure 5 indique une proportion semblable d’hommes et de femmes ayant des diplômes de l’enseignement supérieur de type long [12]. Et si l’on prend aussi en compte les diplômes de l’enseignement supérieur de type court, on peut considérer les femmes sur le marché de l’emploi comme étant plus diplômées que les hommes [13] ! Malgré cela, les femmes occupent moins souvent les postes les plus privilégiés.

 

Les chiffres ne permettent pas de voir quels mécanismes sont à la base de cette inégalité ; on peut néanmoins penser que celle-ci est produite par le fait que les secteurs où la présence de femmes est importante (enseignement, santé, social) sont moins valorisés (socialement et financièrement), par le fait que les femmes ont moins de temps à consacrer à une carrière, s’occupant encore bien davantage que les hommes des tâches domestiques et ménagères, et par les discriminations sexistes dans le monde du travail [14].

 

 

Par Joël Girès - inegalites.be – le 1er mars 2015

 

 

Notes

[1] 

Voir Alain Bihr et Roland Pfefferkorn, Le système des inégalités, Paris, La Découverte, 2008.

[2] 

La classification utilisée est inspirée de celle développée par le sociologue Erik Olin Wright : Class counts. Student edition, Cambridge, Cambridge University Press, 2000. Son opérationnalisation est issue des procédures que H. Leiulfsrud, I. Bison et E. Solheim proposent dans le document Social class in Europe II.

[3] 

Il s’agit de The European Social Survey (ESS). La base de données est librement accessible sur le site : http://www.europeansocialsurvey.org.

[4] 

Sont exclus de l’échantillon les étudiants, les personnes ne travaillant pas du fait d’un handicap ou d’une maladie durable, les retraités et les personnes au foyer.

[5] 

Je ne dispose que du revenu du ménage, et pas du salaire individuel de la personne. Ce dernier montrerait sans doute des différences plus importantes.

[6] 

Cette échelle des postes plus ou moins privilégiés est créée sur base du nom du métier occupé par la personne. Je pars de l’idée que certains groupes professionnels ont agi pour faire reconnaître leur emploi comme plus « complexe » que d’autres, légitimant par là divers privilèges, notamment en termes de salaires.

[7] 

L’enquête ayant été menée auprès d’un échantillon d’un peu plus de 4 700 personnes, on ne peut parfois pas dire si de petits écarts en pourcentage se retrouvent effectivement dans la population belge en général. Ce n’est pas le cas des cellules coloriées en orange ou en bleu, dont il est presque certain que la surreprésentation est réelle.

[8] 

Les écarts présentés par les figures 1 à 3 sont tous statistiquement significatifs.

[9] 

Ce point ne concerne donc que les salariés.

[10] 

Concernant les postes privilégiés, tous les écarts de proportion entre hommes et femmes sont statistiquement significatifs.

[11] 

La classification des diplômes comprend quatre niveaux. Le niveau supérieur long désigne les personnes qui ont un diplôme de l’enseignement supérieur non universitaire de type long, universitaire, ou un doctorat. Le niveau supérieur court désigne les personnes dont le diplôme le plus élevé est un graduat. Le niveau secondaire supérieur désigne les personnes qui ont au maximum un diplôme du secondaire supérieur (général, technique ou professionnel). Le niveau secondaire inférieur désigne les personnes qui ont au maximum un diplôme du secondaire inférieur (général, technique ou professionnel). Ce dernier niveau comprend également les personnes qui ont au maximum un diplôme du primaire ou qui n’ont aucun diplôme.

[12] 

En effet, la différence de proportion d’hommes et de femmes ayant des diplômes de l’enseignement supérieur long n’est pas statistiquement significative.

[13] 

Mis à part le niveau de diplôme le plus élevé, les écarts de proportion entre hommes et femmes concernant le niveau d’éducation sont tous statistiquement significatifs.

[14] 

Voir le rapport très complet Femmes et hommes en Belgique. Statistiques et indicateurs de genre. Édition 2011.

 

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Économie du partage & travail

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L’économie du partage vient d’être transposée

au marché du travail : devez-vous vous inquiéter ?

 

L’économie du partage vient d’être transposée sur un nouveau domaine : le marché du travail. Noam Scheiber du site New Republic observe avec inquiétude les débuts d’une nouvelle app, « Wonolo » (contraction de « Work. Now. Locally «, « Travaillez. Maintenant. Localement »). Créée par 2 développeurs de San Francisco, Yong Kim et AJ Brustein, elle permet aux entreprises américaines de diffuser des offres d’emplois pour des postes qui doivent être pourvus sur des délais très courts, dans l’après-midi, ou dès le lendemain matin, par exemple. 

Wonolo fournit des emplois et une source de revenus réguliers à de nombreuses personnes qui ne parviennent plus à trouver un poste stable, ni même à décrocher un entretien d’embauche. Grâce à ces « missions », ces employés peuvent montrer leurs compétences, et espérer décrocher un contrat de travail pérenne. De plus, ils profitent de la possibilité de travailler sur des plages horaires de leur choix, ce qui peut être intéressant pour les parents de jeunes enfants.


En outre, les salaires sont souvent plus attractifs que sur les autres plateformes de travail freelance, pour une raison très simple : sur ces dernières, les freelances proposent eux-mêmes leur taux horaire, ce qui génère une âpre concurrence ; mais sur Wonolo, ce sont les employeurs qui indiquent le salaire horaire qu’ils offrent. Néanmoins, ce salaire est dépourvu des assurances maladie et autres avantages que les employeurs peuvent parfois offrir à leurs employés fixes. Et les utilisateurs ont peu de possibilités de le négocier : ils sont beaucoup plus nombreux que les postes à pourvoir. L’un des fondateurs explique que plus de 90 % des emplois proposés sont pourvus, parfois dans les minutes, voire les secondes de la publication de l’offre correspondante.


Mais on pourrait aussi imaginer que des entreprises décident d’adopter systématiquement ce système pour combler leurs besoins ponctuels en ressources humaines, plutôt que de procéder à des recrutements classiques.


Par le passé, les entreprises avaient tendance à se constituer des effectifs très étoffés pour faire face aux périodes de forte activité. Dans les périodes plus calmes, certains de leurs employés se trouvaient désœuvrés… mais ils avaient un emploi stable. Plus récemment, les gestionnaires des ressources humaines ont pris l’habitude de ne recruter que des effectifs minima, correspondant aux périodes les plus calmes, et de faire appel à des salariés temporaires pour faire face aux pics d’activité. La multiplication d’apps telles que Wonolo, qui semble inévitable, risque donc d’intensifier ce mouvement, et d’augmenter la proportion d’emplois précaires proposés sur le marché du travail.


Pour le moment, les emplois pourvus par Wonolo sont surtout des emplois requérant peu de formation et comportant des tâches répétitives, mais on peut aussi imaginer que de nouvelles applications soient adaptées à des emplois plus exigeants en termes de qualifications. Lorsque ce sera le cas, l’effet sera de transférer le risque économique sur les employés, ce qui rendra le travail moins sûr et moins stable, en particulier pour les employés les moins qualifiés, explique Susan Houseman, une économiste du travail à l’Upjohn Institute.


Enfin, cette tendance ne fait que corroborer les prévisions du Rapport Intuit 2020, paru en décembre 2013, et qui indiquait que 40 % de la population active seront composés de contractuels, d’intérimaires, d’indépendants et de freelances en 2020.

 



PAR AUDREY DUPERRON — express.be – le 25 novembre 2014


futurisgood.org's curator insight, November 27, 2014 5:01 AM

40% des travailleurs seront des indépendants en 2020 aux USA. Avec des solutions technologiques qui favorisent leur accès aux missions courtes qui sont principalement offertes par les entreprises clientes, on assiste à une révolution:

dominique turcq's curator insight, November 28, 2014 4:54 AM

Le marché du travail devient de plus en plus un marché plus transparent, plus efficace. Chacun à sa manière y devient une commodité. Nous l'étions tous déjà mais nous pensions que aussi que nous étions uniques... La transparence c'est aussi cela.

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Italie - Matteo Renzi : « le démolisseur »

Italie - Matteo Renzi : « le démolisseur » | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it



Italie - Matteo Renzi : « le démolisseur » !

Par Chiara Filoni

 

En Italie, l’offensive néolibérale continue avec force et frappe de plein fouet la population, à commencer par les plus précaires (jeunes, immigrés et femmes). Le nouveau gouvernement de Matteo Renzi pousse à l’extrême ces politiques dites « structurelles » déjà entamées par les exécutifs antérieurs (Letta, Monti et Berlusconi) dans le but déclaré de rendre le pays plus compétitif et de promouvoir cette sacro-sainte croissance qui est surtout synonyme de bénéfices exclusifs pour les détenteurs de capitaux et les entreprises.

 

En février 2014, le Premier ministre Renzi (le plus jeune de l’histoire de la République italienne) est arrivé au gouvernement suite à la crise interne du parti démocrate (PD) et à la démission de son prédécesseur Enrico Letta. Désigné pour prendre le secrétariat du PD (parti majoritaire à la chambre des députés depuis les élections du mois de février), Renzi est pour la plupart des Italiens celui qui les a sauvés de l’instabilité typiquement italienne des gouvernements de gauche. C’est pourquoi il est considéré comme le sauveur, l’homme de la grande coalition gouvernementale alliant gauche, centre et droite, qui met tout le monde d’accord.

 

Bien que surnommé « Il Rottamatore » (« Le démolisseur »), en référence à sa volonté d’envoyer la vieille classe dirigeante italienne à la casse, le Premier ministre ne sait pas vraiment illustrer en la matière... Il a plutôt contribué activement à la démolition des droits sociaux conquis par la population italienne depuis les années 60. Dans certains domaines, comme le droit du travail et les privatisations, ses politiques vont même bien plus loin que celles de ses prédécesseurs.

 

 

« Jobs act » ou « jobs destruction » ?

 

Le taux de chômage en 2015 atteint le niveau record de 13 % de la population active. Chez les jeunes le taux atteint 44,2 % |1| (dans le Sud deux jeunes sur trois n’ont pas de travail). Les « Neet » (Not in Education, Employment or Training), c’est-à-dire les jeunes inscrits ni à l’école, ni à l’université et qui ne cherchent plus de travail sont plus de 2 millions, soit 24 % des jeunes entre 15 et 29 ans. Le précariat atteint aussi les plus de 50 ans : sur les 24,5 millions des Italiens de plus de 50 ans, seul un sur quatre est actif. |2|

 

Face à cette situation difficile, les différents gouvernements qui se sont succédé ont toujours déclaré vouloir lutter contre le chômage et pour l’emploi, mais avec des résultats désastreux.

 

Par exemple, le « Jobs act », la dernière réforme du marché du travail créée par l’exécutif de Renzi, parachève deux décennies de réformes visant à libéraliser le secteur du travail et à le rendre toujours plus précaire.

 

Dans la propagande gouvernementale, le Jobs act passe comme la recette infaillible pour la réduction du chômage, l’embauche des jeunes et la relance économique.

Alors qu’en réalité, il se relève, être l’instrument privilégié de la précarisation des rapports de travail.

 

De fait, il est vrai que d’un côté la loi semble éliminer ou simplifier certains types de contrats précaires (qui ont été uniquement réduits en nombre, mais pas améliorés du point de vue des conditions de travail). D’un autre côté, elle légalise une période d’essai excessivement longue où il y a très peu de protections pour les travailleurs et rend précaire même le bon vieux contrat à durée indéterminée.

 

La nouveauté la plus importante de la réforme est « le contrat à protections croissantes », un type de contrat à durée indéterminée qui s’applique à tous les nouveaux embauchés à partir de l’entrée en vigueur de la réforme (le 7 mars 2015). |3| Ce type de contrat prévoit que le travailleur ne bénéficie plus du droit aux prestations sociales qui sont normalement appliquées aux contrats de travail normaux (CDD et CDI). Ce droit est certes prévu, mais sera appliqué après une certaine durée qui sera établie par des décrets d’application. En revanche, les gains pour les entreprises sont bien réels, car celles-ci ne doivent verser aucune cotisation patronale pendant ce laps de temps.

 

Mais les avantages pour les entreprises ne s’arrêtent pas là ! En effet, tout change aussi en matière de licenciement. Pour les nouveaux embauchés, la règle d’application de l’article 18 qui concerne le licenciement sans juste cause |4| se restreint. Le nouveau contrat en effet introduit la possibilité pour l’entreprise de payer une indemnité aux travailleurs au lieu de les réintégrer dans le lieu de travail (comme prévu par l’article 18 avant ces réformes) même en cas de licenciement injuste (la réintégration est acceptée seulement dans le cas d’« inexistence du fait matériel contesté »). |5|

 

L’autre belle nouveauté du Jobs Act concerne la loi Poletti (du nom du ministre du Travail) relative aux régimes des contrats à durée déterminée (qui vont de plus en plus remplacer des anciens CDI). Si avec l’ancienne loi (2001), un CDD devait être motivé par l’entreprise pour des « raisons à caractère productif, technique, d’organisation ou de substitution », le nouveau décret prévoit que l’entreprise ne doit plus aucune explication aux travailleurs. La seule limite établie concerne le nombre de ces contrats : pour les entreprises avec plus de 5 salariés les CDD ne peuvent pas dépasser 20 % du total des contrats signés. Par contre, en dessous des 5 salariés il n’y a aucune limitation (il faut rappeler que 94,4 % des entreprises en Italie sont des microentreprises). |6| De plus, avec cette réforme, un CDD peut être renouvelé au maximum 8 fois dans un délai de 36 mois.

 

Il serait bon de remémorer aux politiciens qu’en Italie en seulement cinq ans (de 2008 à 2013) 1 million d’emplois se sont évaporés, avec un effondrement du nombre de CDI (- 46,4 %) qui ont laissé la place aux CDD (+19,7 %). |7| Cela montre comment la précarité et la flexibilisation du travail, favorisée par les différentes réformes, ne créent pas de l’emploi, mais au contraire en détruit. Et la nouvelle réforme va encore un peu plus contribuer à cette destruction.

 

Enfin, le gouvernement a dédié tout un chapitre de sa réforme aux plus jeunes, qui s’appelle « Buona scuola » (la « bonne école »). Le type d’école promu par le gouvernement prend comme modèle celui de l’Allemagne : les programmes scolaires doivent s’aligner aux exigences du marché du travail. Cela signifie que les formations doivent être orientées afin que les élèves coopèrent et participent aux projets des entreprises, ce qui remet en question non seulement le caractère public des écoles, mais surtout leur objectif d’éducation et d’émancipation.

 

 

« Sblocca Italia » et privatisations

 

Renzi et son gouvernement ne sont pas seulement responsables de la précarisation galopante, véritable fardeau de la péninsule, mais aussi du processus de privatisation du secteur public déjà entrepris dans les années 90. Dans un contexte de liquidation de tous les secteurs (santé, éducation, énergie, poste), le premier ministre déclare vouloir reprendre la privatisation du service de l’eau (que les Italiens avaient refusée avec un référendum en 2011), vouloir opérer une fusion des entreprises (de 8000 à 1000), mais aussi poursuivre avec la privatisation de l’ENEL (la plus grande entreprise énergétique du pays, déjà fortement privatisée), des postes italiennes et des chemins de fer (pour 40 % du capital). [http://it.ibtimes.com/poste-enel-fe...]]

 

La privatisation de l’eau, la soi-disant nécessité de grands travaux publics (très coûteux et qui se font même parfois contre l’avis des mairies) et la réutilisation des incinérateurs font partie du « Sblocca Italia » (débloquer l’Italie), un autre décret- loi voté fin 2014.

 

 

Quelles mobilisations ?

 

Le 5 mai tous les travailleurs et les travailleuses de l’éducation descendront dans la rue pour lutter contre le décret-loi la « Bonne école ». Il s’agit d’une grève générale du secteur éducatif organisée par la délégation syndicale unitaire (RSU) pour protester contre un projet d’école élitiste, ne prévoyant pas de plan d’embauche pour les enseignants qui attendent depuis 7 ans le renouvellement de leurs contrats et qui plus est proposé fait sans consultation des syndicats. Presque sept ans après la manifestation unitaire contre les politiques du gouvernement Berlusconi concernant l’éducation, tout le secteur de l’éducation est prêt à se mobiliser à nouveau !

 

En Italie, l’automne et l’hiver passés ont été marqués par les protestations contre le Jobs Act et le « Sblocca Italia ».

 

Plusieurs mobilisations ont eu lieu dans les villes et les provinces concernées par la construction de projets inutiles. Un réseau s’est aussi mis en place entre plusieurs mairies se déclarant « anti décret-loi ». Concernant le Jobs Acts, des étudiants, des syndicats de base, des activistes des centres sociaux et des associations ont commencé à se ressembler dans les plus grandes villes du pays à partir du 14 novembre. Le cri est le même partout : « Grève sociale ! »

 

Ce mot d’ordre n’a pas été choisi par hasard : cette grève a été pensée surtout pour ceux et celles qui ne sont pas représenté. e. s par un syndicat à cause de la précarité de leur contrat de travail, de leurs conditions de chômage ou de leur travail indépendant sans protection, mais qui manifestent contre ces lois qui protègent uniquement les entreprises. Parmi les autres revendications, parallèlement à l’élimination du Jobs Act et au rétablissement de l’article 18, il y a le salaire minimum européen, un revenu de base universel, la fin du travail non rémunéré, la gratuité de la formation et la stabilisation des précaires. Qu’importe si le chemin est long, nous gagnerons !

 

 

Par Chiara Filoni - relecture par Anouk Renaud et Laïla Benzzi

 - cadtm.org – le 30 avril 2015.

 

 

Notes :

|1| http://www.ilsole24ore.com/art/noti...

|2| http://www.huffingtonpost.it/luigi-...

|3| Pour les travailleurs embauchés avant l’application de la réforme, l’ancien contrat à durée indéterminée (et toutes les règles qui en relèvent) continue de s’appliquer.

|4| L’article 18, une des lois les plus piétinées par les gouvernements néo-libéraux, concerne les licenciements discriminatoires et a été modifiée à plusieurs reprises (sous le gouvernement Monti : voir aussi http://cadtm.org/Italie-L-imposture...). Cette loi concerne toutes les entreprises avec au moins 15 travailleurs et tous les travailleurs avec un CDI, soit un total de 57,6% des travailleurs.

|5| http://tg24.sky.it/tg24/politica/20...

|6| http://ec.europa.eu/enterprise/poli...

|7| http://www.ilsole24ore.com/art/noti...

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France - Derrière les plans sociaux, le business des cabinets de reclassement

France - Derrière les plans sociaux, le business des cabinets de  reclassement | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : manifestation de salariés de Sanofi à Paris, en janvier 2013 (Photothèque Rouge/JMB)

 

France - Derrière les plans sociaux,

le business des cabinets de « reclassement »

 

« Il reste 230 salariés à qui il faut trouver une solution, mais je ne doute pas un seul instant que ce sera fait. » En visite à l’abattoir porcin Gad, à Josselin (Morbihan), menacé de liquidation judiciaire, Manuel Valls est plein d’enthousiasme en cette froide matinée de décembre 2014. Mais pour les salariés de l’abattoir qui restent sur le carreau, après la reprise d’une partie de l’activité par Intermarché, son discours a un air de déjà vu. La manière dont se sont conclus trois des plus retentissants plans « sociaux » des dernières années ont de quoi rendre méfiants les employés en sursis.

 

En juin 2013, l’enseigne culturelle Virgin Megastore, trop endettée, dépose le bilan : 960 disquaires et libraires se retrouvent à la porte des 26 magasins. Un an plus tôt, c’est le leader du poulet industriel Doux, plombé par des erreurs d’investissements et des délocalisations hasardeuses, après avoir été le premier bénéficiaire des subventions agricoles – 50,5 millions d’euros en 2012 (lire notre article) ! Le spécialiste du poulet surgelé place son pôle de produits frais en liquidation judiciaire : un millier de volaillers sont licenciés. En 2012, l’entreprise pharmaceutique Sanofi scie sa branche recherche : ce champion du versement de dividendes à ses actionnaires et des « bonus de bienvenue » (4 millions d’euros pour le nouveau PDG Olivier Brandicourt) annonce la suppression d’un millier d’emplois d’ici fin 2015. Sur ses sites de Montpellier et de Toulouse, les effectifs – respectivement 1 500 et 600 salariés – sont réduits de moitié (lire ici).

 

 

Des millions d’euros pour reclasser les salariés

 

Face à ces restructurations, le gouvernement brandit sa parade : le reclassement. « L’État prendra ses responsabilités pour qu’aucun ne soit abandonné sur le bord de la route », promet François Hollande aux volaillers de Doux. « Le gouvernement sera vigilant sur le sort des salariés afin qu’ils soient tous reclassés », assure aux salariés de Virgin Aurélie Filipetti, alors ministre de la Culture. Toute entreprise de plus de 50 salariés qui en licencie au moins dix est tenue de prévoir un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour aider les salariés remerciés à trouver un nouveau job. Ces plans intègrent de nombreux dispositifs : contrat de sécurisation professionnelle (CSP), formations, congés de reclassement, aides à la mobilité ou à la création d’entreprises…

 

L’intersyndicale de Virgin a ainsi signé un PSE « digne et décent ». 15 millions d’euros obtenus à l’issue de l’occupation de magasins par les salariés, dont un tiers consacré à la formation. Soit trois fois plus qu’initialement prévu [1]. « Un budget énorme par rapport à d’autres plans », diagnostique Anthéa, l’organisme rémunéré par l’enseigne culturelle pour accompagner le millier de futurs chômeurs.

 

Ces budgets prévus pour sauvegarder l’emploi bénéficient en partie aux « opérateurs privés de placement » (OPP) chargés d’accompagner les futurs chômeurs dans leur quête d’un nouvel emploi et d’organiser les formations ou les mobilités professionnelles. Elles sont devenues incontournables en cas de plan social. PME ou grandes entreprises y recourent pour reclasser les salariés remerciés.

 

Elles s’appellent Anthéa pour Virgin, Altédia pour Sanofi, Catalys Conseil et Sodie pour Doux. Toutes vantent leur expertise en matière d’accompagnement des sans-emploi et la vendent au prix fort : Anthéa facture ses services 1,8 million d’euros à l’enseigne culturelle, et brandit d’impressionnantes performances avec un taux de reclassement de 80 % [2].

 

« Le reclassement des chômeurs et des salariés est devenu un véritable business. Les tarifs pratiqués varient entre 2 000 et 3 000 euros par salarié suivi. À ce prix-là, la note globale affole rapidement les compteurs. À titre d’exemple, lorsqu’une usine de 1 000 salariés met la clé sous la porte, une société de reclassement peut espérer toucher plus de deux millions d’euros », décrit Cyprien Boganda, auteur du livre « Le business des faillites » [3].

 

Les politiques ont multiplié les promesses, les millions ont coulé à flots. Mais trois ans plus tard, que sont ces salariés devenus ? Ont-ils vraiment été reclassés, ou sont-ils allés grossir le cortège interminable des chômeurs ? L’argent a-t-il été utilisé à bon escient ?

 

 

Seuls 10 à 15 % des salariés licenciés retrouvent un CDI

 

« Le réveil est douloureux », lance un ex-salarié de Virgin. Un coup d’œil aux chiffres suffit pour comprendre. 10 à 15 % des personnes qui ont été licenciées retrouvent un CDI [4]. Que font les autres ? Une petite moitié alterne contrats courts et inactivité... L’autre moitié est au chômage, certains vivotent au RSA. Mais cela ne se voit pas de suite. Grâce au contrat de sécurisation professionnelle qui maintient la quasi-totalité du salaire pendant un an, « le traumatisme n’est pas immédiat », commente Nadine Hourmant, déléguée FO de Doux. Une fois l’année écoulée, l’allocation chômage, moins avantageuse, est censée prendre le relais.

 

Chez Doux, la situation est tellement critique que les syndicats ont négocié en tout douze mois complémentaires, soit deux ans de CSP. Tout le contraire du « reclassement rapide » promis par la direction au moment de la faillite... Plutôt âgés, après trente ans dans la même entreprise, les abatteurs de poulet breton ont pourtant bénéficié d’un « accueil prioritaire » dans les agences locales de l’emploi. Mais seul un licencié sur cinq a décroché un emploi de plus de six mois dans des secteurs relativement variés.

 

Deux ans après le plan social, 40 % des 3,5 millions d’euros de budget n’étaient toujours pas dépensés. Ces 1,4 million d’euros restants seront redistribués aux licenciés de Doux en avril prochain [5]. Rien de surprenant pour Joseph d’Angelo, de la fédération agroalimentaire CGT qui militait pour une réappropriation collective de l’entreprise. « La conjoncture est catastrophique », tonne-t-il.

 

 

Hémorragie de « départs volontaires » chez Sanofi

 

La crise touche aussi le secteur culturel. La moitié des 845 anciens de Virgin inscrits au programme de reclassement ont signé un contrat de travail, selon l’association des anciens salariés « les Gilets Rouges ». Mais un peu moins de 20 % sont en CDI. Au prix d’une longue attente, certains s’en sortent. À 50 ans, Philippe Royet, ancien responsable des stocks du magasin des Champs-Élysées, a d’abord tenté le secteur immobilier. Puis il a quitté le « melting-pot du chômage » en octobre pour devenir éditeur à la boutique vidéo parisienne des éditions L’Harmattan. Un CDI, enfin.

 

Sanofi-Aventis a opté pour une autre stratégie : zéro licenciement affiché, du moins officiellement. Ce qui n’a nullement empêché l’hémorragie de « départs volontaires ». Avec ses 33 milliards d’euros de chiffre d’affaires, la multinationale de la santé a « les moyens d’acheter la paix sociale et de débourser assez pour convaincre les collègues de partir », regrette Marion Layssac, syndicaliste Sud sur le site de Montpellier. Son homologue toulousain, Laurent Besson, accuse la « big pharma » d’avoir joué le « pourrissement de la situation ». Les chiffres sont éloquents : 700 personnes sont parties volontairement du site de Montpellier, et 340 de Toulouse. Destination : la retraite anticipée ou le déménagement vers un autre site de l’entreprise. Ou l’aventure : la moitié des partants tente sa chance avec les grandes entreprises locales, ou se forme à de nouveaux métiers.

 

 

Un « mini Pôle-Emploi » débordé

 

« On commence à peine à utiliser les 5 millions consacrés à la formation », s’étrangle Christian Allègre, syndicaliste de Sud à Montpellier. Chacun cherche la « moins mauvaise solution » non sans stress, anxiété ou « pétages de plomb ». Heureusement, les experts de la reconversion professionnelle veillent à limiter le désastre social. « Rebondir après un licenciement économique, c’est possible », s’enthousiasme Catalys Conseil sur son site internet. Et de poursuivre, psychologue : « Il faut accepter un temps nécessaire à la reconstruction mentale du salarié. Il y a un fort sentiment d’appartenance à la grande entreprise. » Ces marchands de nouvelles vies professionnelles sont-ils à la hauteur ?


Altedia, le prestataire de Sanofi, a mis sur pied une sorte de « mini Pôle Emploi », témoignent des salariés montpelliérains. Ceux-ci y présentent leur projet personnel et leur éventuel intérêt pour un autre poste. Un logiciel répartit les postulants en fonction de leurs caractéristiques – âge, ancienneté, salaire. 40 consultants accompagnent les 350 salariés. Mais gérer des métiers aussi spécifiques que chimiste ou biologiste requiert une certaine compétence. Et Altedia se révèle bientôt n’être qu’une simple « boîte de messagerie », renvoyant les questions précises à la direction des ressources humaines de Sanofi. « On attendait parfois la réponse deux ou trois mois », poursuivent des employés. Sans parler des nombreuses erreurs de gestion à la limite de la confidentialité. Un salarié reçoit même une lettre d’avertissement de Sanofi pour avoir proposé une idée d’atelier à Altedia. Son sujet : « Comment éviter les plans sociaux ? »

 

 

Dix mois d’attente « pour rien »

 

« On redonne confiance à ceux qui sont cassés moralement », défend Valérie Garau, du cabinet Anthéa, qui accompagne les salariés de Virgin. Au téléphone, elle décrit le suivi individualisé de ces néo-chômeurs. « Redonner confiance » à Zeff, 23 ans passés à conseiller les amateurs de musique du « Megastore » Champs-Élysées, n’a pas été facile. Lors du premier rendez-vous, Anthéa se présente aux anciens employés parisiens de l’enseigne dans le sous-sol d’un bâtiment cossu de la capitale. « C’était comme un dieu capable de nous sauver des eaux », se souvient Zeff. Cela ne dure pas. Alors que débutent les entretiens individuels pour cerner le projet professionnel, « on m’a demandé de faire mon CV tout seul, de l’organiser moi-même ». Il faudra une mise au point ferme entre l’association des anciens salariés de l’enseigne culturelle pour que le suivi s’améliore : « Ma conseillère m’a obtenu des formations coûteuses, je lui dois beaucoup », reconnaît aujourd’hui Zeff. À 49 ans, il a pu lancer son label de musique et a écrit un livre en hommage aux salariés, Virgin Mega Story.

 

Beaucoup n’ont pas eu droit à la même sollicitude. Licenciée après 8 ans passés au siège social de Clichy, Virginie Sako souhaitait monter sa boutique de prêt-à-porter féminin. Elle demande à cumuler l’aide à la création d’entreprises avec le budget de sa formation manquée, car sa conseillère, malade, n’avait pas été remplacée. Le refus tombe... dix mois plus tard. « C’est de l’arnaque : ils m’ont fait miroiter un projet qu’ils ont rejeté. J’ai passé tout ce temps dessus pour rien. J’ai subi un préjudice. » Virginie vient de prendre un avocat pour obtenir d’Anthéa des dommages et intérêts. À 37 ans, elle est désormais gestionnaire d’auxiliaire de vie par intérim.

 

 

Atelier « image de soi » et « relooking » pour futurs chômeurs

 

Ignorance, incompétence ou pur abandon des salariés, les dieux du coaching ne semblent pas aussi présents que promis. À tel point que « la plupart de ceux qui ont un boulot l’ont trouvé par eux-mêmes », relève Nadine Hourmant, du côté du volailler Doux. Un nouveau job décroché sans l’aide de Pôle Emploi ni des cellules de reclassement. Celles-ci vantent pourtant leurs « techniques de recherche de l’emploi », comme cet atelier « image de soi » ou « relooking » pour plaire aux employeurs. « Je n’ai pas besoin de me changer, je suis moi », raille Nathalie Griffon, qui a travaillé pendant 23 ans sur la chaîne de poulets Doux à l’usine de Pleucadeuc (Morbihan). Une formation lui a bien été proposée : à 120 km de son domicile, dans un organisme non agréé par Pôle Emploi, sans aucuns frais de déplacement remboursé.

 

Inemployables chômeurs ? Pas vraiment : CAP en poche, Nathalie exerce depuis mai dernier comme cariste-magasinière chez un transporteur breton. À la première vague de licenciements d’octobre 2012, elle part suivre une formation de trois mois, et envoie... un seul CV. À 44 ans, elle a dégoté seule son CDD de 6 mois renouvelables, loin du monde de l’outplacement individualisé. Les cabinets de reclassement ? « Cela peut être pratique pour les CV ou les lettres de motivation. Mais ceux qui croient en ces cabinets vont vite déchanter », prévient-elle.

 

Si certains voient dans ces cabinets un « mal nécessaire » au « bilan mitigé », la plupart les accusent d’être « largement survendus ». « Ce sont des marchands de soupe qui servent à déresponsabiliser l’État », accuse la syndicaliste Nadine Hourmant. Pour se défendre, des organismes invoquent la loi qui « oblige les entreprises à faire appel à des opérateurs pour accompagner les salariés ». En réalité, si le Code du travail impose aux entreprises une obligation de reclassement, il n’évoque le recours à ce type de service qu’à titre indicatif.

 

 

Le « business du chômage », évalué à 250 millions d’euros

 

C’est dans les années 1980, lors des grandes restructurations de l’industrie métallurgique, que ces entités émergent. Internes à l’origine, le reclassement s’externalise progressivement. « Nous avons la conviction que c’est un marché fantastique », s’exalte en 1995 le PDG de Sodie, Jacques Périès, dans Libération. Sodie est alors une filiale d’Usinor, avant d’être intégré au groupe Alpha dont les activités vont du conseil aux comités d’entreprises à la gestion de restructuration... Une filiale du groupe, Secafi, conseille les représentants des salariés en cas de restructuration, Sodie s’en occupe ensuite pour les reclasser.

 

Des dizaines d’entreprises se partagent aujourd’hui le marché, de la petite association d’insertion à la holding, en passant par la filiale d’intérim. Un véritable « business du chômage », évalué à 250 millions d’euros, selon France Inter. Avec plus de 5 millions d’inscrits, Pôle Emploi opère depuis 2009 une « sous-traitance de capacité ». Traduction de cette novlangue managériale : l’accompagnement par le privé de 300 000 chômeurs, dont 60 000 licenciés économiques, en 2013. À la sortie d’un « plan social », nombre de licenciés émargent à la fois au chômage et aux programmes des cellules de reclassement. Plan social ou Pôle Emploi, on prend les mêmes et on recommence... Exemple ? Virginie Sako, ancienne de Virgin, était suivie par Sodie, qui s’occupe d’une partie des « reclassés » de Doux. Certains de ses collègues franciliens étaient accompagnés par Altedia, également en charge du plan de sauvegarde de l’emploi de Sanofi. D’autres encore avaient pour interlocuteurs Anveol, qui sous-traite pour Pôle Emploi le suivi des salariés de l’enseigne culturel.

 

 

Le public plus performant que le privé

 

« Les cabinets privés ont davantage intérêt à gérer des plans de sauvegarde de l’emploi, car l’enveloppe budgétaire est plus grande », avance la sociologue Claire Vives, auteure d’une thèse sur le sujet. Pour un « accompagnement renforcé », un sous-traitant de Pôle Emploi est rémunéré en trois fois par l’agence publique si le chômeur retrouve un travail, autour de 2 000 euros par personne suivie [6]. D’où l’empressement des professionnels à trouver n’importe quelle « sortie positive » afin de toucher la timbale. « Ils ne font pas dans la pérennité de l’emploi, glisse un ex salarié. Le seul atelier qu’ils m’ont proposé a été la visite d’un salon de l’intérim. »

 

« C’est scandaleux : on ferait mieux de renforcer le secteur public, plutôt que de donner tant d’argent au secteur privé qui n’a pas de meilleurs résultats », gronde Joseph D’Angelo, de la CGT. En juillet dernier, la Cour des Comptes a épinglé l’inefficacité des « opérateurs privés de placement », illustrant leurs faibles performances en matière de retour à l’emploi, inférieures à celles de Pôle emploi. En 2011 déjà, un rapporteur de la mission travail et emploi dénonçait « une pratique coûteuse et à l’efficacité économique contestable ».

 

 

Le sale boulot réservé à Pôle emploi

 

La loi de 2 005 a mis fin au monopole public du placement. Avant, l’accompagnement des demandeurs d’emploi demeurait une activité hors marché pour protéger justement les chômeurs, considérés comme vulnérables, d’un business de la misère. L’État ne semble pas vouloir tirer les leçons d’une décennie de dérégulation. Bien au contraire : le plan stratégique « Pôle Emploi 2015 » consiste à confier un « flux » plus important de chômeurs au privé. Le pôle public de l’emploi s’occupera des effectifs les « plus éloignés du marché du travail » tandis que le privé se concentrera sur les plus « autonomes ». Pour lui réserver de meilleures marges bénéficiaires ?


Les restructurations, elles, continuent. Sanofi cherche à vendre le site de Toulouse à la société Evotec, sans garantir l’avenir des salariés qui y travaillent encore. « On nous laisse mourir à petit feu », déplore de son côté Nadine Hourmant, de Doux, qui a vu disparaître en août dernier le comité de pilotage national pour les volaillers bretons. Sanofi a pourtant bénéficié de 150 millions d’euros en crédits d’impôt emploi (CICE) et recherche (CIR), sans aucune contrepartie. Quant au poulailler Doux, il a touché un milliard d’euros d’aides publiques en 15 ans. Pour combien d’emplois supprimés ?

 

 

Par Ludo Simbille - bastamag.net - le 25 février 2015

 Source : France Bleu


Notes :

[1

La présidente du groupe s’est elle aussi octroyée un départ « digne et décent » à hauteur de 330 000 euros, alors que le budget du PSE prévoyait 15 000 euros par salarié. Voir Mediapart.

[2]Sodie n’a pas souhaité nous répondre par souci de « déontologie » et de « confidentialité ».

[3« Le Business des faillites », Cyprien Boganda, La Découverte, janvier 2015.

[4] 14 % dans le cas de Doux, 15 % pour Virgin. Les chiffres sont légèrement plus élevés pour les cellules conventionnées par l’État : 18 % de CDI, selon la Dares.

[5]Chez Virgin, le liquidateur MJA a soldé le PSE en janvier 2015 sous forme d’indemnité versée aux salariés.

[6]Le prestataire perçoit 50 % de la somme une fois le chômeur accompagné. 25 % s’il trouve un travail en CDI ou un CDD de 6 mois, puis 25 % s’il est toujours en activité six mois après. Les OPP calculent leur rentabilité seulement sur les premiers versements, car les derniers sont trop aléatoires.


IP Consultants's curator insight, March 5, 2015 4:48 AM

Il faudrait peut-être s'interroger sur le niveau professionnel en coaching des consultants qui travaillent dans ces cabinets de reclassement ?

Christhild HORRENBERGER's curator insight, March 9, 2015 11:13 AM

Un regard critique sur le Business des faillites... - A découvrir.

Christhild HORRENBERGER's curator insight, December 18, 2016 9:07 AM
France - Derrière les plans sociaux, le business des cabinets de reclassement !