Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL
686.4K views | +1 today
Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL
La Gazette des campus de LLN et de WSL-UCL ainsi que diverses infos intéressantes visant la vérité ou l'autre vérité (qui que ce soit qui la dise, mais sans forcément prôner l'auteur).  -  Duc
Curated by Koter Info
Your new post is loading...
Your new post is loading...
Scooped by Koter Info
Scoop.it!

Les réformes du chômage en Belgique. La mise en cause d’une indemnisation à durée illimitée

Les réformes du chômage en Belgique. La mise en cause d’une indemnisation à durée illimitée | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Dessin : ysope.over-blog.net

 

 

Les réformes du chômage en Belgique. 

La mise en cause d’une indemnisation

à durée illimitée

 

À ne pas lire la richesse de l’histoire des formes de l’indemnisation du chômage en Belgique et notamment les expériences de déconnexion du salaire et de l’emploi dont elle est porteuse, les organisations syndicales, en s’arcboutant au contraire sur un modèle assurantiel, sont réduites à l’impuissance face aux attaques faites aux droits des chômeurs.

 

En Belgique, l’institution d’une « assurance-chômage » générale et obligatoire date de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Jusque-là, les travailleurs pouvaient s’affilier sur une base volontaire à des caisses syndicales éventuellement subsidiées par les pouvoirs publics. À partir de 1945, ce sont désormais des cotisations sociales obligatoires qui financent majoritairement l’ensemble de la sécurité sociale (complétées, en cas de besoin, par des recettes fiscales). Elles sont versées à l’Office national de la sécurité sociale (ONSS) qui les redistribue ensuite entre les différentes branches de la sécurité sociale.

 

 

1945 : un forfait salarial illimité

sans condition de durée de cotisation

 

En matière de chômage, un organisme public est créé en 1945 pour assurer la gestion paritaire du système (allocations des fonds, aide au placement, contrôles, etc.). Rebaptisé l’Office national de l’emploi (ONEm) en 1961, ce dernier a depuis vu ses missions de contrôles et de placement progressivement scindées selon une distinction linguistique (néerlandophone, francophone) à partir de 1978, puis régionalisées à partir des années 1980.

 

Dans ce dispositif, les syndicats ont réussi à garder leur rôle historique d’intermédiaire dans le paiement des allocations de chômage, ce qui explique en partie le taux de syndicalisation particulièrement élevé du pays (plus de 50 %). En effet, bien qu’il soit également possible de percevoir ses allocations de chômage par le biais d’une caisse « neutre » – la CAPAC (« Caisse auxiliaire de paiement des allocations de chômage ») –, le fait de s’affilier à un syndicat s’accompagne d’une série d’avantages appréciés des chômeurs (versement anticipé des allocations, assistance juridique, etc.). Côté syndical, cela a toutefois eu des conséquences ambiguës, Faniel y voyant par exemple une des principales causes du « processus de modération et de bureaucratisation des appareils syndicaux belges » tout en reconnaissant que « ce système a également contribué à consolider les organisations syndicales et leur a permis d’accéder à des leviers d’intervention dans la vie socio-économique, y compris pour assurer une défense réelle de leurs affiliés sans emploi (et plus largement des chômeurs) » [1]

 

En matière d’indemnisation, la législation de 1 945 traduisait à la fois l’objectif prioritaire du plein-emploi et une logique de solidarité entre travailleurs salariés censée venir pallier les cas de chômage temporaire (et involontaire). En effet, si c’est bien le versement d’une cotisation préalable qui ouvre en priorité le droit à l’indemnisation, aucune durée minimale de cotisation n’était prévue pour en bénéficier (certains jeunes y ayant même droit sur la seule base de leurs études, dans la mesure où celles-ci les préparaient à l’exercice d’un travail salarié). En outre, une fois acquise, l’indemnisation ne souffrait (en principe) d’aucune limitation dans le temps. Enfin, son montant était fixé forfaitairement à 50 % « du salaire minimum d’un manœuvre adulte » pour les hommes, et 50 % « du salaire minimum d’une femme adulte » pour les femmes, éventuellement majoré ou minoré de 10 % en fonction de la commune de résidence.

 

On est donc loin d’une prestation contributive dont le montant et la durée dépendraient des contributions passées, puisque deux jours ou vingt ans de cotisations donnent droit à une même indemnisation forfaitaire et illimitée dans le temps. Mais il ne s’agit pas non plus d’assistance. D’abord, parce que l’allocation repose sur une exigence (même purement formelle) de réciprocité : il faut avoir au moins vocation à contribuer un jour au système pour en bénéficier. Ensuite, parce qu’elle couvre un risque, le chômage, dont la simple réalisation suffit à la fonder, indépendamment de l’éventuel état de besoin de son bénéficiaire. Logiquement, les corollaires de ce système sont, d’une part, l’exclusion des travailleurs indépendants et des femmes au foyer, ou encore des vagabonds qui relèvent quant à eux de l’assistance publique, et d’autre part, la possible exclusion temporaire des personnes en « chômage volontaire » après refus ou démission d’un « emploi convenable » ou licenciement pour faute.

 

 

La construction d’un modèle assurantiel-solidaire

 

Dans les trois décennies qui suivent 1945, on assiste à une consolidation du système sur une base assurantielle-solidaire selon une double dynamique. D’une part, soucieux de limiter les « abus » potentiels, le gouvernement met en place des dispositifs destinés à les encadrer. En 1951, il introduit une durée minimale de cotisation pour lutter contre les « affiliations abusives » (dix mois, réduits à trois mois pour les moins de dix-huit ans). Cette condition sera renforcée en fonction de l’ancienneté à partir de 1961, toujours pour éviter des affiliations de dernières minutes de la part de travailleurs n’ayant jamais cotisé (par exemple les travailleurs indépendants).

 

Parallèlement, en 1948, les sanctions pour « chômage volontaire » sont renforcées, tandis qu’apparaît en 1951, un mécanisme de contrôle du « chômage anormalement long » qui vise surtout les catégories de chômeurs (des femmes en particulier) réputées ne pas avoir besoin d’un emploi ou peu motivées à en (re) trouver un. Les sanctions sont toutefois rarement appliquées et elles dépendent de l’avis d’une commission consultative régionale paritaire, ce qui en diminue encore la systématicité.

 

D’autre part, cette fois sous la pression des revendications syndicales, le régime d’indemnisation du chômage est étendu à de nouvelles catégories de bénéficiaires, comme d’autres jeunes ou certains travailleurs à temps partiel. Mais surtout, les montants sont régulièrement revalorisés, soit par la suppression progressive des discriminations entre chômeurs (entre hommes et femmes, entre différentes catégories de commune, etc.), soit par des réévaluations ponctuelles. Plus encore, la logique salariale de l’indemnité s’affirme contre la logique du forfait, d’abord avec le passage de 50 % à 60 % du salaire minimum de référence en 1962, et surtout avec l’introduction en 1971, du mode de calcul fondé sur un pourcentage du dernier salaire (60 % la première année puis 40 % à partir de la seconde année, sauf pour les « chefs de ménage »), tandis qu’est posée, en 1974, la liaison des montants à l’évolution générale des salaires, hors index.

 

Ces avancées participent de la socialisation croissante du salaire qui s’observe alors en Belgique comme ailleurs et qui passe non seulement par une hausse de la part du salaire indirect dans la masse salariale, mais également par le développement d’institutions politiques de négociation des montants, évolutions et autres conditions de l’ensemble des salaires : les « Accords interprofessionnels » (AIP) négociés tous les deux ans entre patronat et syndicats à partir des années 1960 en sont probablement l’expression la plus aboutie. En matière de chômage, les syndicats y défendent avant tout le renforcement du caractère solidaire du régime d’indemnisation, de même qu’une augmentation des montants alloués de manière à assurer des conditions de vie décentes aux chômeurs. Cette dernière position les avait d’ailleurs poussés à se montrer réticents au calcul de l’allocation sur la base du dernier salaire, dans la mesure où ils craignaient ses effets sur les inégalités de revenus entre chômeurs (dans les faits, celles-ci seront limitées par des montants plafonds relativement bas et des montants planchers supérieurs au salaire minimum) [2].

 

Cette dynamique va être interrompue avec le chômage de masse et le ralentissement économique qui s’installent à partir du milieu des années 1970. Entre 1973 et 1983, le nombre de chômeurs passe de 125 000 à 700 000. Malgré des variations conjoncturelles mineures, ce niveau se maintiendra par la suite, mettant à mal le consensus sur un régime assurantiel-solidaire censé couvrir un chômage limité et temporaire. Au contraire, alors que celui-ci apparaît de plus en plus massif et de longue durée, les réformes vont se succéder. Malgré des trajectoires parfois ambiguës en raison du contexte institutionnel propre à la Belgique, celles-ci iront toujours dans le sens d’un recul général du droit des chômeurs.

 

 

Entre « allocation tutélaire » et « salaire différé »

 

Schématiquement, on peut distinguer deux grandes vagues de réformes. La première s’étend de 1 980 à 2 004 et elle a principalement pour effet de rapprocher l’allocation de chômage d’une logique d’« allocation tutélaire » propre aux régimes assistantiels [3]. Cela passe d’abord par la réintroduction d’une forte sélectivité en fonction des besoins, en particulier dans la lignée de la création en 1980 du statut de « chômeur cohabitant ». Celui-ci introduit en effet une distinction entre les chômeurs (surtout des chômeuses en réalité) n’ayant pas d’enfant à charge et qui sont domiciliés avec au moins une autre personne disposant d’un revenu, et les autres, qu’ils soient « chefs de ménage » ou « isolés ». À ce titre, ils ou elles voient leurs conditions d’indemnisation régulièrement dégradées, que ce soit au niveau des montants, des contrôles, ou encore de la durée avec par exemple l’introduction en 1986 de l’exclusion automatique des cohabitants dont la durée de chômage excède une moyenne calculée en fonction de leur lieu de résidence. Et cela alors qu’elles/ils ont payé des montants de cotisations identiques à ceux des « chefs de ménage » ou des « isolés ».

 

Dans un second temps, la dérive de l’allocation de chômage va porter sur le comportement attendu de ses bénéficiaires. En effet, si les chômeurs ont toujours été considérés comme devant rechercher un emploi, jusque-là cette obligation était restée largement « passive ». Elle concernait le seul chômage « volontaire » et/ou « anormalement long ». Plus encore, alors que les changements de politique économique favorisaient l’installation d’un chômage de masse structurel dans le courant des années 1980, des évolutions réglementaires étaient venues conforter l’idée qu’un nombre élevé de chômeurs étaient tout simplement perdus pour le marché de l’emploi et qu’il fallait tenir compte de cette nouvelle réalité : facilitation des conditions d’indemnisation pour les travailleurs à temps partiel involontaires, possibilité de cumuler des heures de travail rémunérées dans les secteurs public ou associatif avec ses indemnités de chômage, multiplication des dispenses pour les « chômeurs âgés », etc.

 

Or, la situation change à partir des années 1990, notamment avec l’émergence des réflexions sur « l’État social actif ». Il s’agit désormais d’« activer » les prestations sociales pour éviter qu’elles n’entretiennent une forme d’« assistanat » chez leurs bénéficiaires, par exemple en les liant à l’obligation faite aux chômeurs de prouver qu’ils recherchent activement un emploi. En Belgique, ce principe est introduit en 2004. Il est alors défendu au nom du tri qu’il permettrait d’effectuer entre « bons » et « mauvais » chômeurs, une condition « indispensable », selon ses promoteurs, pour pérenniser certains des fondements mêmes du système, à commencer par son caractère illimité dans le temps ou encore l’existence d’un régime spécifique d’allocations perçues sur la seule base des études, les allocations d’attente (rebaptisées « allocations d’insertion » en 2012). Prévues à l’origine pour les « jeunes », celles-ci permettent en réalité à de nombreux travailleurs précaires de bénéficier d’allocations de chômage dans la mesure où les conditions d’accès aux allocations sur base d’un travail en Belgique sont parmi les plus restrictives des pays de l’OCDE.

 

Cela n’empêche pas ces deux « particularismes » d’être à leur tour attaqués, à partir de 2012, par une nouvelle vague de réformes dont la logique sous-jacente s’inspire cette fois du « j’ai cotisé, j’ai droit » propre au modèle du « salaire différé ». Cela passe d’abord par l’introduction de la dégressivité accrue et généralisée des allocations de chômage, une manière détournée de saper la portée du principe d’illimitation dans le temps du versement de ces allocations. Jusque-là, seuls les chômeurs « isolés » et « cohabitants » voyaient leurs allocations diminuer après un an de chômage (respectivement à 50 % et 40 % du dernier salaire). Désormais, toutes les catégories de chômeurs sont visées, selon un rythme qui tient compte de leur passé professionnel.

 

Après un maximum de quarante-huit mois de chômage, les montants cessent de tenir compte du dernier salaire pour atteindre des sommes forfaitaires de 1 090,70 € pour les chefs de ménage, 916,24 € pour les isolés et 483,86 € pour les cohabitants. En « contrepartie », le gouvernement a assoupli les conditions d’accès à ces allocations et il en a également augmenté les montants en début de période (65 % durant les trois premiers mois, au lieu de 60 % auparavant), autant de signes supplémentaires de sa volonté de renforcer le lien entre contribution et prestation.

 

Parallèlement, il s’est également attaqué, cette fois plus directement, au régime spécifique des allocations sur la base des études, qui n’ont pas de fondement contributif. Le bénéfice de ces allocations a été limité à un maximum de trente-six mois à compter du trentième anniversaire, une mesure qui a entraîné 18 432 exclusions pour le seul mois de janvier 2015. En outre, alors qu’il fallait jusque-là avoir été inscrit comme demandeur d’emploi durant neuf mois pour en bénéficier (à condition d’en faire la demande avant trente ans et d’avoir terminé un cycle complet d’études), ce délai a été porté à douze mois et il est désormais ponctué de deux contrôles de recherche d’emploi, dont l’échec peut à chaque fois reporter l’échéance de six mois.

 

Sur ce point, de nouvelles modifications introduites en 2014 vont encore plus loin, d’une part en abaissant à vingt-cinq ans (contre trente ans auparavant) l’âge maximal pour demander à bénéficier de ces allocations, et d’autre part en exigeant que les personnes qui en font la demande avant vingt et un ans puissent témoigner de la réussite d’un cycle d’études complet...

 

L’objectif est clair – et assumé comme tel – seuls quelques étudiants auront encore le droit de bénéficier de cette exception au principe assurantiel, les autres étant plutôt invités à se tourner vers les Centres publics d’action sociale (CPAS) pour (éventuellement) toucher le Revenu d’intégration sociale (RIS), l’équivalent belge du RSA français.

 

 

Comment sortir d’une position syndicale défensive ?


Les principaux syndicats belges peinent à dépasser des positions strictement défensives qui ne leur permettent, dans le meilleur des cas, que de limiter la casse. Cette situation tient en partie à la matrice « assurantielle-solidaire » dans laquelle ils continuent d’inscrire leurs revendications en matière de chômage. En effet, celle-ci repose sur l’idée d’un financement des « inactifs » par les « actifs ». Dans un contexte de chômage de masse, elle prête donc naturellement le flanc aux discours alarmistes sur l’insoutenabilité du déséquilibre qui en résulte, justifiant à la fois la lutte contre les « profiteurs » et la baisse généralisée des conditions d’indemnisation. Ne reste alors aux syndicats que le recours à un registre moral qui ne pèse pas lourd face à l’évocation des « contraintes économiques » et une défense de l’emploi dont on sait tout ce qu’elle a pu signifier de reculs sociaux ces dernières décennies.

 

Pourtant, une autre solution existe. Elle consiste à défendre le droit au chômage comme expression d’un droit politique au salaire, déconnecté de toute référence à l’emploi. Un tel droit s’appuie évidemment sur la revendication connexe d’une maîtrise collective (et politique !) des conditions de production et de reconnaissance de la valeur économique, dont la socialisation du salaire initiée à partir de 1945 a justement offert un vecteur privilégié avec lequel il serait dès lors urgent de renouer.

 

Ni suspect, ni victime, le chômeur devient ainsi un producteur à part entière, dont la rémunération préfigure une pratique salariale débarrassée des institutions capitalistes du marché du travail, de la propriété lucrative et de la mesure de la valeur par le temps [4]. Outre son intérêt politique, cette position a l’avantage de rejoindre les préoccupations d’un nombre croissant d’actifs pour qui le problème n’est pas tant de « trouver du travail » que de faire reconnaître, notamment par le biais d’un salaire, le travail qu’ils réalisent déjà, mais en dehors de la sphère de l’emploi. En effet, pour ces militants, bénévoles, artistes et autres « producteurs hybrides », l’allocation de chômage est moins vécue comme une « aide » temporaire que comme la condition de possibilité de leur propre production alternative. Or, face à cette réalité, le discours syndical du retour à l’emploi ignore tout ce qui s’est développé, précisément sans subordination à un employeur, durant ces trente dernières années, en Belgique comme ailleurs, mais particulièrement en Belgique du fait du caractère illimité dans le temps de l’allocation de chômage [5].


En le reconnaissant et en passant de la revendication du plein emploi à celle du salaire à vie et de maîtrise par les salariés de l’outil de travail, les syndicats ne sortiraient-ils pas d’une double impuissance ? Vis-à-vis du gouvernement et des employeurs tout d’abord, qui se heurteraient alors à des mots d’ordre qu’ils récusent radicalement alors qu’ils ont beau jeu aujourd’hui de prétendre qu’ils partagent les mêmes préoccupations fondamentales que les syndicats en matière de création d’emplois. Vis-à-vis, ensuite, de nombre de jeunes qui refusent le marché du travail et de chômeurs qui, en n’étant plus vus par les syndicats comme des « travailleurs sans-emploi », viendraient enrichir l’action collective de leur militantisme.

 

 

 

Par Cédric Leterme econospheres.be – le 3 juin 2015

 

Références :

Faniel J., « Belgique — Le système d’assurance-chômage : un particularisme en sursis ? », Chronique internationale de l’IRES, n° 108, 2 007.

Friot B., L’enjeu du salaire, La Dispute, Paris, 2 012.

Higelé J.-P., « Quel salaire pour les chômeurs ? », Les notes de l’IES, n° 4, 2 009.

Monaco M., Müller T. et Pascon G., Choming Out, D’Une Certaine Gaieté, Liège, 2 012.

Palsterman, P., « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 21, n° 1806, 2 003, p. 5-48.

No comment yet.
Scooped by Koter Info
Scoop.it!

Belgique - La police condamnée pour le NO BORDER 2010

Belgique -  La police condamnée pour le NO BORDER 2010 | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


Belgique -  La police condamnée pour le

NO BORDER 2010

 

NO BORDER : SEPTEMBRE 2010 – LA POLICE DE BRUXELLES CONDAMNÉE À INDEMNISATION ET PRÉJUDICE MORAL

 


Cinq militant-es No Border ont eu le courage et la détermination de citer l’État et la Zone de police de Bruxelles Capitale-Ixelles devant le Tribunal de première instance. Ce sont leurs arrestations préventives et abusives, menées de manière violente dans un climat de répression généralisée qu’elles-ils ont souhaité voir condamner.

 

Leur cas fut significatif de l’ensemble des arrestations dont ont été victimes de très nombreuses personnes à cette période à Bruxelles. En effet, dans le contexte de la semaine du camp No Border en septembre 2010 il ne faisait pas bon avoir l’air d’un-e participant-e au camp organisé pour réfléchir et dénoncer les politiques capitalistes en ce comprises celles, racistes et européennes à l’égard des migrants.

 

Tout au long de cette semaine, les violences physiques, psychiques, les insultes, les traitements dégradants se sont déroulés de manière révoltante de la part des forces de l’ordre qui avaient pris leurs marques. Partout dans Bruxelles, cavalerie, chiens, policiers en uniforme et en civil se sont déployés abusant de leurs droits en arrêtant les personnes soupçonnées par leur tenue vestimentaire, d’appartenir au camp No Border. Ces arrestations ont atteint le chiffre effarant de près de 500 au total. (289 le 29 sept et près de 200 le 01/10/2010).

 

Bien que les témoignages relatifs à ce que des personnes arrêtées ont subi de la part des forces de l’ordre furent alarmants et abominables, il était fort difficile de les transformer tous en plaintes en bonne et due forme. À l’époque le Légal team et la LDH reçurent des plaintes et témoignages par dizaines, mais les procédures pour porter plainte étant très compliquées, la confusion régnant à ce sujet, seules quelques-unes ont abouti.

 

C’est ainsi que 5 militantes allemandes avaient introduit une plainte contre des policiers et leurs agissements qu’elles subirent lors d’une arrestation et au commissariat « Amigo ». Elles avaient été arrêtées lorsqu’elles se baladaient en ville, en dehors de toute manifestation ou action. Elles-ils avaient été insultées, déshabillées, traitées de manière raciste, humiliée et, certains effets ont été dérobés. Menottées, brutalisées devant entendre « Deutschland über alles » et autres menaces. Ces plaintes cependant ne passèrent pas le cap de la Chambre du Conseil, puisque celles-ci ont décidé qu’elle ne disposait pas de « suffisamment d’éléments » pour renvoyer les 6 policiers accusés devant le tribunal correctionnel ! Rien donc, pas de suites, seul l’un des policiers a reçu un blâme en raison de la disparition de vêtements ! Et les victimes ont été condamnées à payer les frais de justice...

 

On le voit, les abus verbaux, psychologiques ou physiques de la part des policiers restent réellement quelque chose de très difficile à faire valoir devant la justice. Bien que les récits étayés des 5 plaignantes étaient particulièrement effrayants d’abomination, aucune sanction pour les policiers délinquants.

 

Mais vu les délais qui s’étaient déjà écoulés et devant l’absence de victimes qui souhaitaient porter plainte, seul le volet « arrestations abusives » a été retenu.

 

En effet, au-delà des excès du traitement subi avant et pendant l’arrestation, il y a l’arrestation elle-même. C’est bien de cela qu’a traité la citation de l’État et de la zone de Police au tribunal par les cinq militants-es, dont le jugement vient d’être prononcé.

 

Il s’agit des arrestations qui ont eu lieu le 29 septembre 2010, jour de l’euro-manifestation organisée par les syndicats européens, jour au cours duquel pas moins de 289 personnes ont été privées de leur liberté (arrestations dites préventives) et transférées aux Casernes d’Etterbeek (Centre de Rassemblement pour Personnes Arrêtées CRPA). Les personnes furent arrêtées dès le grand matin aux carrefours, sur le trottoir, dans le métro, sur les bancs en mangeant leurs sandwichs, sur le chemin vers le lieu de rassemblement et enfin pendant la manifestation.

 

Ces arrestations préventives arbitraires avaient été prévues par les autorités puisque le CRPA avait été aménagé en vue de celles-ci. Loin d’appliquer la belle théorie de la « gestion négociée de l’espace public » ou encore « d’opérer des arrestations en veillant à laisser l’opinion s’exprimer » ce fut exactement le contraire qui se passa. Les personnes arrêtées et emmenées ont dû attendre de longues, très longues heures avant de se voir libérer, une petite gaufre et beaucoup d’humiliation dans l’estomac…

 

C’est pour mettre l’État et sa police devant leurs responsabilités que les plaignants-es ont décidé de porter l’affaire en justice. L’énorme majorité des victimes de ces agissements n’ont pu ou voulu aller plus loin. En effet, le traumatisme psychologique ou l’éloignement ou encore le manque de crédit accordé au système judiciaire les ont découragées au fil du temps.

 

Le verdict est tombé et est intéressant à plusieurs égards

 

Trois plaignants-es on été arrêté-es dans la station de métro Ribaucourt parmi une trentaine de personnes en chemin vers le point de départ de la manifestation. Les deux autres plaignants-es ont été privées de leur liberté alors qu’elles participaient pacifiquement à la manifestation.

 

Pour ce qui concerne les arrestations opérées dans le métro, le juge estime que le fait qu’une partie des personnes étaient grimées, apparaît comme une tentative de justification par la police, mais a posteriori de l’arrestation, celle-ci avait d’ailleurs visé tout le groupe, indépendamment d’un éventuel grimage ou non.

 

Il précise en outre qu’il est fréquent que des manifestants choisissent des accoutrements originaux pour retenir l’attention du public, des médias ou donner un côté ludique à la chose. Le principe étant que « l’on doit arrêter les gens pour ce qu’ils font, non pour ce qu’ils sont  ». Or, il n’y avait ni perturbation de la tranquillité publique, actuelle ou potentielle lors de l’arrestation ni infraction.

 

Le tribunal condamne donc la zone de police à une indemnisation pour ces trois plaignant-es.

 

Pour ce qui concerne les deux plaignants-es arrêtées lors de la manifestation, le jugement est teinté de compréhension de la part du tribunal. « Le contexte général était instable », il reprend aussi l’argument tant et tant de fois répété, soit la « présence de manifestants cagoulés qui n’était pas de bon augure. » La police ne pouvait donc pas opérer un tri à ce moment-là. Dans les faits cependant, c’est ce que la police a fait, puisque les forces de l’ordre « en civil » déguisées en manifestants cagoulés n’ont pas été arrêtées elles ! Pourtant elles étaient nombreuses. Lorsque ces policiers ont sorti leur matraque télescopique et ont frappé, des habitants aux fenêtres les avaient pris pour des manifestants. Gageons que depuis l’hélicoptère dont les images servent également lors des procès, il ne fut pas possible de distinguer les policiers cagoulés bâtons à la main des vrais manifestant, sans bâtons auxquels ils s’étaient mêlés jusqu’au moment de se lâcher sur eux.

 

Par ailleurs le tribunal estime que les forces de l’ordre ont pu considérer que la seule solution pour empêcher un trouble imminent de la tranquillité publique était d’organiser des arrestations préventives. Elles ne lui apparaissent pas disproportionnées. Et de conclure qu’il n’y a pas eu d’atteinte illicite à la liberté de se réunir ou manifester.

 

Les conditions de l’arrestation et de la détention sont elles, prises différemment en compte par le juge. C’est ainsi qu’il précise que le maintien des menottes pendant le transfert ne se justifiait pas sous la simple allusion vague que les personnes avaient un « profil peu collaborant ».

 

De même, coupant d’ailleurs ici court à une pratique que tentent de justifier les policiers à maintes occasions, il précise que la prise générale de photos n’apparaît pas justifiée. En effet, l’éventuel mélange de « profils » de manifestants ne permet pas de les traiter indistinctement. C’est en vain que les policiers invoquent que les photos étaient destinées uniquement à l’identification, puisque les plaignant-es étaient en possession de leur carte d’identité. Y aurait-il ici une autre raison, telle qu’un fichage européen à grande échelle pour que les États disposent de listes de personnes militantes qui mettent en question les politiques actuelles ?

 

Le juge rappelle que « la prise de photos de personnes soumises à une brève privation de liberté (…) ne peut se produire qu’en cas de nécessité pour l’identification ou à des fins judiciaires et ne peut donc JAMAIS être entreprise systématiquement  ».

 

Quant à la durée même de l’arrestation, il précise que le fait qu’elle puisse durer 12 heures maximum, ne signifie pas qu’elle puisse être maintenue si longtemps sans nécessité. Mais dans le cas présent il indique qu’il n’est pas possible de la caractériser comme une faute compte tenu des circonstances.

 

Le tribunal condamne la zone de police à un préjudice moral pour les deux plaignants-es.

Lire sur le site de indymedia.org (06/03/2015)

 

 

 

Par bonnes-nouvelles.be – le 8 avril 2015.

No comment yet.