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Photo : char américain en manœuvre

 


Maintenant Porochenko tente de calmer Washington !

Par Patrice de Plunkett (*)

 

Kiev reconnaît que les rebelles retirent leurs armes lourdes, mais Washington parle désormais un langage de guerre :

 

► Washington débarque des blindés et des troupes en Lettonie, vers la frontière russe ! Ce fait se double d’une fièvre de langage des officiels américains : affirmant que la Russie envahit l’Ukraine et menace les pays baltes, leurs informations « sorties de nulle part » (selon le ministre russe Lavrov) sont un discours de casus belli. Londres surenchérit, jouant comme d’habitude le rôle de provocateur* : « Poutine sape les règles de la paix en Europe », clame le ministre conservateur Hammond. Et d’enchaîner sur « Munich 1938 », comme si Moscou avait l’intention d’attaquer l’Ouest... Sans oublier le rôle du Polonais Tusk, homme de Washington à la tête de l’UE.

 

► La manœuvre américaine assujettit les Européens politiquement, au moment où le TTIP va les assujettir économiquement. Elle ne vise sans doute pas – souhaitons-le ! – à déclencher une guerre ouverte avec la Russie. Mais elle peut la déclencher, puisqu’elle consiste à la frôler et qu’elle en prend délibérément le risque.

 

Ainsi Washington plongerait l’Europe dans une guerre pour les seuls intérêts américains : la guerre que l’on avait réussi à éviter en 1950-1960 (quand l’URSS était une menace globale) éclaterait en 2015, quand la Russie cherche simplement à ne pas se laisser encercler par l’OTAN ! Encerclement que les États-Unis construisent ouvertement depuis 1993, après avoir promis en 1991 de ne pas le faire.

 

► Il faut écouter la propagande de guerre émise par la voix grinçante de Victoria Nuland, sous-ministre de M. Obama aux affaires européennes : la manipulatrice du putsch de Maïdan en 2014, celle qui disait à son ambassadeur à Kiev : « fuck EU ! ». Or Mme Nuland est la femme du plus dangereux des bellicistes néoconservatives : Robert Kagan, concepteur dès 1998 de l’invasion de l’Irak**, installé aujourd’hui à Bruxelles... Depuis quelques jours, elle parle un langage encore plus violent que le général Dempsey. Affirmant – sans aucune photo satellite – que « des milliers de soldats russes » sont déployés dans le Donbass, elle suggère qu’une invasion si massive appelle une contre-invasion américaine. C’est avec ce genre de bidonnages que l’on déchaîne les cataclysmes.

 

► Le plus extraordinaire, c’est que le président de Kiev, Petro Porochenko, tente de calmer les Américains ! « Nous constatons que les rebelles soutenus par la Russie ont retiré une partie considérable de leurs armes lourdes », soulignait-il à la télévision ukrainienne le 9 mars, parlant « d’avancées majeures dans l’application des accords de Minsk 2 ». M. Porochenko sait que l’Ukraine est au bord de l’effondrement économique...

 

► C’est le moment que Washington choisit pour franchir une ligne rouge dans l’escalade verbale, et déployer une force d’intervention blindée à proximité de la frontière russe. L’opération s’intitule Atlantic Resolve : tout un programme. Son premier résultat est de démanteler le système de concertation militaire est-ouest : se considérant comme provoqué par Atlantic Resolve, le Kremlin annonce qu’à compter d’aujourd’hui 11 mars, il se retire provisoirement du traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE).

 

Counterpunch, le mensuel US d’Alexander Cockburn, lance l’alerte : http://www.counterpunch.org/. Selon ce magazine anti-establishment, Washington estime que le monde ne devrait pas contenir une chose comme la Russie, mais seulement les États-Unis, « État hégémonique comptant plus de mille bases militaires à travers la planète, onze groupes navals et un budget militaire dépassant celui des autres grands pays ».

 

Pourquoi Washington veut-il la peau de l’État russe ? Parce que le président russe « a osé faire face à l’empire américain, ses doubles standards et son mépris des autres pays, cultures et valeurs ». Poutine est inacceptable aux yeux de Washington, en ce sens qu’il fait exister – par les moyens de la vieille realpolitik – une logique autre que celle de l’empire américain, alors que cet empire se croyait devenu depuis 1991 l’horizon indépassable de la planète.

 

D’où l’offensive anti-russe de Washington, amorcée dès 1993, mais réellement déployée depuis la première élection de Poutine (2000)... Selon Counterpunch, « les efforts conjugués de l’OTAN et d’une UE encore plus belliqueuse, afin de s’élargir jusqu’aux frontières russes, n’ont rien à voir avec la démocratie : ils constituent la propagation du pouvoir impérial sous couvert de démocratie. »

 

« Washington préparait depuis 1994 la venue de forces pro-américaines au pouvoir en Ukraine », expliquait l’ex-agent de la CIA Scott Rickard en mars 2014. Le magazine de gauche américain n’hésite pas à dire que Washington (coiffant Bruxelles) a parrainé le putsch de Maïdan en février 2014, et que la réaction géopolitique de Moscou était inéluctable. Il souligne que Mme Nuland était à Kiev peu avant le putsch. Ajoutons qu’elle ne se cachait pas de téléguider le très extrémiste futur Premier ministre Iatseniouk (qu’elle appelle affectueusement « Iat » »), épaulé par des troupes de nostalgiques de 1941... Les enregistrements téléphoniques ont été divulgués et jamais démentis.

 

Commentaire de Counterpunch : « Imaginez ce qui arriverait si des hommes politiques russes allaient au Mexique appeler un mouvement antiaméricain à renverser le gouvernement élu et à le remplacer par des dirigeants prorusses. Et si ce mouvement était en outre animé par des nazis, imaginez quelle serait la réaction des États-Unis ! »

 

 Dans une interview à CNN, le 2 janvier 2015, Obama a commis un lapsus révélateur en disant que les USA avaient pu « faire transférer » le pouvoir ukrainien en des mains alliées, un an plus tôt.

 

► Le résultat est le chaos. C’était peut-être le but recherché. Comme au Proche-Orient... Souvenons-nous que ce chaos (au travers duquel enfoncer les lignes d’acier du pouvoir impérial) est prôné par la stratégie de la déstabilisation permanente, théorie des néoconservateurs*** qui reviennent autour d’Obama après avoir tiré les fils de GW Bush.

 

 

 

Par Patrice de Plunkett (*) - plunkett.hautetfort.com – le 11 mars 2015

 

 

Notes :

* cf. les mensonges de Tony Blair en 2003 sur Saddam Hussein.

** M. Kagan avait écrit au président Clinton dès le 26 janvier 1998, pour lui expliquer que l’invasion de l’Irak était nécessaire aux intérêts américains. S’en sont suivis 2003 et le le chaos actuel. L’épouse de M. Kagan veut faire la même chose en Russie.

*** ici le mot « conservateurs » est un mensonge radical : les néocons ne veulent rien conserver, mais tout déstabiliser, condition du maintien du pouvoir mondial des USA dans les conditions du XXIe siècle. (Menteurs aussi, quoique différemment, les « libéraux conservateurs » français : ils sont à la fois partisans du système économique et opposés en paroles à certains de ses effets sociétaux).

 

  

(*) Patrice de Plunkett, né à Paris le 9 janvier 1947, est un journaliste et essayiste français, qui codirigea le Figaro Magazine… (Source : Wikipédia