L’euro au plus bas : le Nord doublement gagnant ? | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

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L’euro au plus bas : le Nord doublement gagnant ?

Par Bruno Colmant (*)

 

 

À long terme, les cours de change reflètent toujours la force ou la faiblesse d’une économie.


La zone euro pénétrant dans une zone froide de déflation et de faible croissance, il est intuitif que l’euro se déprécie par rapport à une devise comme le dollar.


Pendant longtemps, la politique monétaire restrictive de la BCE a d’ailleurs artificiellement renforcé l’euro alors que toutes les banques centrales des pays développés avaient assoupli leur politique monétaire.


Cette même BCE est désormais obligée de procéder, elle aussi, à un assouplissement monétaire, mais dont l’effet sera atténué par son caractère tardif. C’est ce qui explique la chute de l’euro.


Mais cette chute n’est jamais qu’un retour à la normale.


En effet, si la BCE avait suivi le rythme de la politique monétaire américaine, le cours de l’euro par rapport au dollar aurait peut-être été de 0,90 USD/EUR, à comparer à 1,40 USD/EUR il y a quelques mois.


Mais si la chute de l’euro est salutaire pour stimuler les exportations, encore faut-il s’interroger sur les pays qu’elle va effectivement favoriser.


En effet, certains pays sont des exportateurs nets (Allemagne, Pays-Bas) tandis que d’autres sont des importateurs nets (France) avec le reste du monde (c’est-à-dire hors de la zone euro).


En bonne logique, un euro faible devrait favoriser les pays qui ont un déficit de la balance commerciale (qui mesure l’excédent des exportations sur les importations) avec le reste du monde.


Inversement, dans un système de cours de change flottants, un pays qui dégage un surplus commercial voit sa devise s’apprécier, corrigeant de facto ce même surplus.


Mais, dans le cadre de la zone euro, les pays exportateurs nets, tels l’Allemagne et les Pays-Bas, bénéficient non seulement d’un marché intérieur qui n’exige pas de réévaluation de leur devise (puisque cette dernière, l’euro, est commune) mais aussi d’un euro faible qui va renforcer leur surplus commercial dans leurs échanges avec le reste du monde.


Ces pays sont doublement gagnants.


Jour après jour, l’euro démontre son inadaptation à des économies différentes et asynchrones dans le cycle économique.


L’euro a permis aux pays du Nord de l’Europe de bénéficier d’un marché intérieur qu’une monnaie commune leur ouvrait sans appréciation de leur devise tandis que l’euro faible permet aujourd’hui de renforcer cet avantage compétitif vers le reste du monde.


Théoriquement (mais cela est impensable et entraînerait des effets collatéraux eschatologique), les pays du Sud de la zone euro devraient dévaluer leur monnaie.


C’est d’ailleurs ce que la Commission Européenne a essayé de leur imposer sous la forme d’une « dévaluation interne », c’est-à-dire d’une baisse forcée du coût du travail censée les rendre plus concurrentiels. Avec l’insuccès que l’on sait.

 

 

Par Bruno Colmant (*) - blogs.lecho.be – le 5 mars 2015

 

(*) Bruno Colmant est membre de l’Académie Royale de Belgique, Docteur en Économie Appliquée (ULB) et Master of Science de l’Université de Purdue (États-Unis). Il enseigne la finance appliquée et l’économie à la Solvay Business School (ULB), à la Louvain School of Management (UCL), à l’ICHEC, à la Vlerick Business School et à l’Université de Luxembourg. Sa carrière est à la croisée des secteurs privés, publics et académiques.