Patrice Lumumba : 54 ans après ou la trahison du Congo «colonial» | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


Patrice Lumumba : 54 ans après

ou la trahison du Congo « colonial »

 

Trahies en de nombreuses occasions, ses idées politiques lui ont coûté la vie, avec la bénédiction des puissances occidentales.

 

Janvier dernier a marqué les 54 ans de la mort de Patrice Lumumba, le premier de l’histoire de la République Démocratique du Congo à être élu Premier ministre par ses concitoyens. Son assassinat, perpétré grâce à la complicité des intérêts occidentaux, entre autres, a signé l’arrêt de mort du jeune pays indépendant au profit d’une dictature de fer pendant plus de trente ans.

 

Il avait été proclamé héros national en 1966 sur ordre de Mobutu Sese Seko, celui-là même qui le moment venu n’a pas hésité à le trahir. Patrice Émery Lumumba s’était acquis le respect de son peuple par sa lutte incessante contre le colonialisme, et par ses revendications pour la liberté, l’indépendance et l’égalité. D’abord comme journaliste critique de la situation au Congo, plus tard, comme activiste pour l’indépendance de son pays. L’engagement vis-à-vis de ces principes finit par porter ses fruits lorsque, de manière inattendue, la Belgique décida d’accorder l’indépendance à l’ancien Congo Belge (30 juin 1960).

 

Peu de temps après, le peuple congolais consacra la lutte de Lumumba en l’élisant Premier ministre lors des élections de cette même année. Cependant, après son accession au pouvoir, l’attendait une annus horribilis (« année horrible ») aux conséquences dramatiques. Par certains aspects, l’indépendance accordée par la Belgique se révéla être un cadeau empoisonné : en effet, les clauses pactées stipulaient que la République Démocratique du Congo assumerait la dette belge sur son territoire, de sorte que le nouvel État partait déjà avec un handicap : l’endettement. De la défection belge, et de son empressement à rapatrier ses effectifs des secteurs sanitaire, administratif et de l’enseignement (entre autres) sans se préoccuper de leur remplacement, découla le naufrage de l’économie congolaise.

 

En outre, la Belgique, bien qu’ayant abandonné le Congo à son destin, n’avait cependant pas hésité une seule seconde à soutenir les sécessionnistes du Katanga afin de garder la main mise sur les importantes ressources minérales de la région et de fait, réussirent à y déployer des troupes. Lumumba fit valoir devant l’ONU les droits de souveraineté et d’inviolabilité du territoire et exigea le retrait immédiat des troupes belges. Mais, tant l’ONU que les États-Unis tournèrent le dos au gouvernement congolais, de sorte que le Premier ministre, dans la logique bipolaire de la Guerre froide, n’eut d’autre solution que de se tourner vers l’URSS.

 

Cette attitude provoqua la montée au créneau des secteurs rebelles de l’intérieur, et l’effervescence des services secrets étasuniens, plus encore que des Belges, qui n’avaient aucun intérêt à ce que le cœur de l’Afrique devienne un chaudron marxiste menaçant de contaminer un continent entier. Bien que Patrice Lumumba n’ait jamais adhéré aux idéaux marxistes, et qu’il ait été un rouage essentiel dans le Mouvement des pays non alignés, il fut malgré tout obligé de prendre certaines décisions dans un contexte pour le moins hostile, où l’unique allié possible n’était autre que Moscou.

 

La liste de ses ennemis ne cessa de s’allonger. Un grand nombre de ses initiatives politiques n’eurent pas l’heur de plaire ni dans le pays ni à l’étranger et provoquèrent de multiples trahisons. La première intervint quelques mois après son arrivée au pouvoir, lorsque le Président Joseph Kasa-Vubu, s’appuyant sur une mesure légalement douteuse, révoque le Premier ministre et son gouvernement.

 

La seconde fut encore pire : après sa destitution, Lumumba est arrêté sur ordre de Joseph-Désiré Mobutu, sur la foi de renseignements des services secrets étasuniens et belges. Toutefois, et malgré l’évidente implication de la CIA étasunienne, le rôle joué par certains secteurs congolais est indéniable. Patrice Lumumba vivra ses derniers jours, séquestré quelque part dans la plaine katangaise, victime de tortures incessantes de ses ravisseurs congolais et européens. Différentes thèses ont été émises au sujet de son assassinat, mais une chose est certaine, le 17 janvier 1961, sur l’ordre d’agents européens, l’ex Premier Ministre fut exécuté, criblé de balles par des compatriotes congolais.

 

Finalement, en 1966, Patrice Émery Lumumba fut réhabilité et proclamé « héros national » par l’un de ceux qui l’avaient trahi. Ce qu’a voulu ignorer Mobutu Sese Seko, c’est le fait que les Congolais lui avaient déjà accordé cet honneur, de nombreuses années auparavant, en l’investissant Premier Ministre librement élu de la République Démocratique du Congo, en reconnaissance de sa lutte pour l’indépendance et la liberté du pays et de ses habitants.

 

 

 

Par Pablo Arconada pour Guinguinbali - traduit de l’espagnol pour El Correo par : Florence Olier-Robine - El Correo. Paris, 6 mars 2015.

 

 

Pour comprendre la vengeance occidentale contre « l’insolence » de Lubumba : « Lumumba, muerte de un profeta el día de la Independencia » Fr/En

 

Voir aussi ce film en intégralité « Lumumba » (HISTOIRE VRAIE)