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Belgique - Tax shift : voici les mesures

Belgique - Tax shift : voici les mesures | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : © EPA

 

 

Belgique - Tax shift : voici les mesures


Le gouvernement a bouclé son budget et le tax shift cette nuit. Quoi de neuf ? Le précompte mobilier passe à 27 %, sauf pour les livrets d’épargne. La TVA sur l’électricité remonte à 21 % pour les particuliers... Le diesel coûtera plus cher, le tabac aussi.

 

3 priorités et 3 engagements. Voici comment le Premier ministre Charles Michel a résumé l’accord sur le tax shift. Celui-ci a été bouclé en fin de nuit et annoncé sur Twitter, comme lors de l’accord sur l’aide à la Grèce.

 

 

Les 3 priorités

 

« Jobs, jobs, et jobs »

 

 

Les 3 engagements

 

· L’embauche doit coûter moins cher, il faut supprimer le handicap salarial.

· Davantage de pouvoir d’achat pour le citoyen.

· L’équilibre et l’équité.

 

 

  Quoi et combien ?

 

Pour les détails, il faudra attendre. En conférence de presse, assez peu de détails ont été dévoilés, ceux-ci étant réservés au Parlement.

  

COMMENT ?

 

La répartition

 

Le gouvernement découpe le virage fiscal en quatre morceaux :

· 37 % reposant sur des revenus qui ne sont pas liés au travail

· 27 % de l’écofiscalité

· 18 % venant d’un fonctionnement plus efficace de l’État

· 17 % venant de la consommation

 

En outre, si les décisions sont prises pour les objectifs, que les enveloppes sont fixées, le modus operandi de nombreuses mesures n’a pas encore déterminé. En cause, les répercussions sur l’Entité II (communautés, régions, pouvoirs locaux).

 

En prenant en compte les 2 milliards d’euros déjà réalisés au début de la législature, le virage fiscal représentera en vitesse de croisière une somme de 7,2 milliards d’ici 2018.

 

Sur l’ensemble de la législature, la pression fiscale globale aura diminué.

 

 

Comment y arriver ?

 

  • Entreprises & travailleurs

 

Un montant de 100 millions d’euros supplémentaires sera consacré au soutien du pouvoir d’achat des bas et moyens revenus.

 

100 euros

À la fin de la législature, les travailleurs devraient gagner en moyenne quelque 100 euros par mois en plus.

 

Le gouvernement veut également favoriser la compétitivité des entreprises et supprimer l’écart salarial avec les pays voisins.

 

Conformément à l’accord de gouvernement, les cotisations sociales sur les salaires devront baisser de 33 % à 25 %.

 

Une somme de 430 millions d’euros sera en outre affectée au développement des petites et moyennes entreprises. 

 

Une harmonisation du précompte mobilier sur les droits d’auteur est prévue.

 

 

  • Énergie

 

La TVA sur l’électricité passera bel et bien de 6 % à 21 %, à partir du 1er septembre. Conséquence : selon le comparateur de prix Killmy Bill, la facture annuelle des ménages s’alourdirait en moyenne d’une centaine d’euros.

 

Le coût de la diminution à 6 % décidée par le gouvernement précédent en faveur des ménages était la principale cause du trou dans le budget. Il s’élève jusqu’à présent à 500 millions d’euros. Autre problème de la mesure décidée sous Di Rupo : des failles dans la législation permettent à certains professionnels de bénéficier du taux réduit.

 

 

 

Taxe sur la plus-value boursière. Voilà bel et bien cette fameuse taxe sur les plus-values boursières, surnommée « taxe Marc Coucke », en référence à la revente, par Marc Coucke d’Omega-Pharma pour un 1,45 milliard. Cette taxe portera sur les plus-values boursières au-dessus d’un certain niveau. À noter que les moins-values seront aussi prises en compte. Une taxe sur la spéculation visera les actions détenues moins de six mois sera prélevée.

 

Une hausse du précompte mobilier de 25 à 27 % est décidée, mais elle ne touchera pas les livrets d’épargne

 

 

  • Santé & environnement

 

Alcool. Les accises seront augmentées dès 2016 :  +2,5 euros sur la bouteille d’alcool fort, +10 centimes sur la bouteille de vin, +1 centime sur la bière.

 

Sodas et alcopops. Une taxe sera négociée avec les différents secteurs et sera fonction de la nocivité du produit. Une enveloppe de 150 millions d’euros sur trois ans a été budgétée.

 

Tabac. Le paquet de cigarettes augmentera de 70 centimes et celui de tabac à rouler de 1,85 euro.

 

Diesel et essence. Les accises seront augmentées sur le diesel de 1,3 centime chaque année jusqu’en 2018, mais certains professionnels seront épargnés. Les accises sur l’essence, elles, vont diminuer.

 

 

L’assainissement budgétaire

 

L’assainissement budgétaire se déroule quant à lui par le biais d’économies.

Un fonctionnement « plus efficace » de l’État devrait rapporter 700 millions d’euros. Il est aussi question de 100 millions d’euros économisés par le biais des mutualités, de mesures en matière de chômage, d’un démantèlement accru du régime des prépensions et d’une activation des prépensionnés qui devraient rapporter respectivement 20 millions et 45 millions.

 

 

 

Par Sophie Leroy - lecho.be – le 23 juillet 2015.

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Il y a la Grèce, et il y a... l’autre drame de l’UE

Il y a la Grèce, et il y a... l’autre drame de l’UE | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : LEON NEAL / AFP

 

 

Il y a la Grèce, et il y a... l’autre drame de l’UE

 

L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) vient de sonner l’alarme sur le chômage de long terme avec un argument fort : les 10 premières années de la carrière sont déterminantes pour le reste de la vie professionnelle.

 

L’Organisation explique que la génération qui a commencé à chercher du travail au moment de la crise financière de 2008/2009 se trouve maintenant à un point de basculement de sa carrière, et que ses perspectives de carrière de long terme sont fonction de ce qui s’est passé au cours de cette première décennie d’activité.

 

Or, pour un grand nombre de jeunes, celle-ci a été marquée par le chômage, entrecoupé de périodes d’emplois précaires. Le chômage des jeunes atteint 24 % en France, et il dépasse les 50 % en Espagne et en Grèce.

 

Beaucoup sont cantonnés à des emplois à temps partiel : aux Pays-Bas, c’est le cas d’un actif sur deux (51,7 %), mais ce type de contrat est aussi fréquent en Suisse (36,8 %). En Autriche, en Belgique, au Danemark, en Allemagne, en Norvège, en Suède et au Royaume-Uni, plus d’un quart de la population ne travaille qu’à temps partiel. Pour certains, il s’agit d’un choix personnel, mais pour les autres, d’une précarité subie.

 

L’OCDE s’inquiète également de la montée du chômage de long terme, en particulier chez les jeunes. Plus d’un tiers des chômeurs de l’OCDE se trouvent dans cette situation depuis au moins un an, et leur proportion a augmenté de 77 % depuis 2007.

 

En mai, 42 millions de personnes étaient encore sans emploi dans les 34 pays membres de l’organisation, soit 10 millions de plus qu’en 2008. En outre, la croissance des salaires est restée désespérément faible, de l’ordre de 0,5 % par an en moyenne depuis 2007.

 

 

 

PAR AUDREY DUPERRON - express.be – le 10 juillet 2015.

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En finir avec la double conjuration de Washington et de Bruxelles

En finir avec la double conjuration de Washington et de Bruxelles | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Illustration : kiosqueinternational.com


 

En finir avec la double conjuration

 de Washington et de Bruxelles

 

« Le seul ennemi du peuple, c’est son gouvernement. » Cette phrase prêtée à Danton résonne aujourd’hui d’une tragique actualité dans une Europe aux relents totalitaires (1). Le projet européen a en effet échappé aux nations et à leurs peuples pour accoucher d’un monstre glacé piloté par des technocrates sans âmes (2). Gangréné par un capitalisme-terminal façon Goldman-Sachs, il rançonne désormais sa population, poussant des peuples entiers dans la précarité pour satisfaire la voracité de ses parrains. Au plan extérieur, il est totalement soumis à son souteneur étasunien qui utilise dès lors librement son sol pour y exporter ses passes d’armes, en attendant d’y régurgiter ses OGM et son hamburger aux hormones à grands coups de TTIP. Pour reprendre le contrôle de leur destin et échapper à la guerre, les peuples d’Europe vont donc devoir en finir avec cette double conjuration de Washington et de Bruxelles.

 

 

Guerre US sur sol européen

 

S’agissant de l’agressivité de l’Empire US, les dernières nouvelles sont éloquentes. L’OTAN ne cesse ainsi d’engraisser (3) et continue son expansion vers l’Est en bombant le torse (4). Les USA acheminent même en ce moment leurs propres armes lourdes dans 7 pays européens (5). Ce à quoi les Russes répondent en annonçant le renforcement de leur arsenal nucléaire (6). Tous les ingrédients de la guerre sont là, ne manque que l’étincelle.


 

À l’intérieur du Bloc atlantiste lui-même, le pseudo-scandale des écoutes du portable de Merkel a débouché sur les révélations de collaboration intense entre les Services secrets allemands et la NSA pour espionner… les autres Européens (7). Quant au nouveau pseudo-scandale des écoutes des présidents français, Obama a promis pour la dix-septième fois, en se mordant les lèvres pour ne pas rire, de ne plus écouter ses laquais qui de toute façon, il le sait bien, se coucheront à la fin (8). L’attentat survenu en France vendredi a d’ailleurs balayé tout cela plus vite qu’attendu.


Plus besoin d’en rajouter sur la grand-guignolesque indignation/mobilisation anti-NSA (9) (de grâce, lisez ce texte flamboyant de Philippe Grasset qui dit tout de l’âme molle de la pègre au pouvoir).

 

Retour donc à l’union sacrée atlantiste antiterroriste, c’est tellement plus simple de servir.
Donc au final, l’organigramme du Bloc reste limpide. Tout en haut, l’Empire US et tout en bas, l’Europe.
Résultat de courses : pour tenter de persévérer dans son être, l’Empire US peut tranquillement préparer l’Europe à devenir son champ de bataille dans le cas d’une confrontation militaire avec la Russie.
 Tout le montage ukrainien (10) n’aura d’ailleurs servi qu’à cela.



 


Occupation de l’Europe

 

En phase terminale d’effondrement – du fait de sa décomposition systémique couplée à l’agonie du dollar et à la pression des pays Brics – l’Empire US veut en effet se ménager la possibilité de renverser la table le cas échéant.
Pour l’heure, cette Guerre Froide 2.0 lui a permis de créer une stratégie de tension à l’échelle internationale et destinée à perdurer des années contre la Russie.

 

Elle lui permet surtout de fracturer durablement l’Eurasie pour empêcher la constitution d’un Bloc Euro-Brics concurrent. Elle lui assure enfin la pérennité de la soumission européenne, le contrôle militaire du continent, bref, son occupation de fait.
Reste que si la manœuvre échoue à contrer la montée en puissance de la Russie et des Brics, alors les USA pourront toujours se laisser tenter par l’aventure militaire en rêvant de Trente nouvelles Glorieuses, et à la dictature absolue qu’ils pourront y installer grâce à un « reload » complet du Système enfin expurgé de l’insoutenable dissidence qu’aura permise la parenthèse de l’Internet libre.



 

 

Eurogroupies lobotomisées

 

Or si le détonateur de la crise ukrainienne a pu être armé sur le sol de l’Europe ; si cette guerre froide frauduleuse a pu s’y développer, c’est bien grâce à la trahison d’une élite de technocrates européens amoureux de leur servitude, car toujours hypnotisés par les paillettes hollywoodiennes.

 


Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale en effet, la fascination exercée par les États-Unis ne s’est hélas jamais démentie pour cette génération d’eurogroupies lobotomisées par des décennies de soft power US.
 Malgré les massacres de masse en Irak ; malgré le chaos organisé au Moyen-Orient ; malgré les morceaux de cervelles d’enfants qui pendouillent aux parkas de ses GI ; malgré la généralisation de la torture et de l’espionnage ; malgré le mépris affiché de Washington pour ses laquais, les États-Unis restent imperturbablement un grand frère un peu turbulent, mais sympathique.

 

Un constat encore plus vrai désormais dans des pays d’Europe de l’Est trop fraîchement libérés du traumatisme soviétique. 
Toute cette élite se laisse d’autant plus volontiers bercer par l’illusion de la vertu américaine qu’elle en est surtout totalement prisonnière. Sept décennies de domination US ont en effet conduit à l’imbrication des structures économiques des deux continents au point que nos technocrates européens, définitivement vaincus aussi bien dans leurs rêves que dans leur ADN, ne réussissent même plus à imaginer de futurs hors la soumission aux USA. 
D’où le constat que pour en finir avec Washington, il faut d’abord en finir avec cette élite bruxelloise illégitime.

 

 

Bruxelles contre les peuples

 

S’agissant de l’Europe donc, les dernières nouvelles sont également éloquentes. Sur le front du racket intérieur, on a d’abord l’Eurogroupe contrôlé par le kaiser allemand qui cherche à briser définitivement les reins de la Grèce pour sauver sa monnaie de singe et, accessoirement, son racket en bande organisée sous couvert de plan d’austérité.

 

Rappelons par exemple que si les fameux programmes d’aide à la Grèce se sont bien élevés à la somme faramineuse de 310 milliards d’euros, 270 milliards n’ont jamais franchi la frontière grecque puisqu’ils ont directement été renflouer les caisses de banksters privés.

 

En 5 ans de solidarité européenne, la Grèce a ainsi perdu 1 million d’emplois et 30 % de ses entreprises ; le PIB a chuté de 25 % ; les salaires ont baissé de 38 % ; les retraites se sont effondrées de 45 % et les seules choses qui ont augmenté, ce sont la mortalité infantile (+43 %) ; le taux de chômage (+190 %) ; la dette publique (+35 %, ce qui prouve au passage que les prêts du FMI étaient illégaux) et le taux de pauvreté (+98 %).

En Grèce, deux personnes se suicident désormais tous les jours.

 

Franchement, on se demande ce qui se serait passé si l’Europe n’avait pas voulu aider, mais couler la Grèce.

 

 

L’Europe libérée des chaînes de la démocratie


 

Durant les négociations avec Athènes, l’Eurogroupe n’a ainsi jamais voulu trouver un accord juste et décent, mais punir le Gouvernement Tsipras pour sa résistance. Comme le souligne Jacques Sapir, il est clair que les pays de l’Eurogroupe voulaient à tout prix « sauver leur politique d’austérité » et « maintenir le flux d’argent engendré par les remboursements de la Grèce, car ce flux profite largement aux institutions financières de leurs pays » (11). On en est désormais au point où les technocrates européens en viennent à comploter contre Syriza en rêvant d’une « révolution orange » qui renverserait le parti au pouvoir (12).

 

Fameuse leçon de démocratie s’il en est.

 

Dans le sud de l’Europe, la solidarité de Bruxelles a aussi fait des miracles comme en Espagne, où 600’000 personnes ont déjà perdu leur logement depuis 2008, et où le chômage des jeunes dépasse les 50 % (13). Mais la victoire de Podemos, qui fait écho à celle de Zyriza, signe peut-être là aussi un début de résistance dans ce pays.

 

Mais qu’à cela ne tienne, l’austérité pour les peuples, les gros bonus pour les banksters et le corporate power, la soumission à l’Empire US : tels sont les ingrédients de la formule magique concoctée pour tous par Bruxelles.

 

Et si cela ne plaît pas, c’est le même prix. En déclarant, entre deux dérapages avinés (14), qu’« il ne peut y avoir de décision démocratique contre les Traités européens », le Président de la Commission européenne et ancien spécialiste de l’évasion fiscale au Luxembourg, Jean-Claude Juncker, a en effet confirmé que l’Europe s’était définitivement libérée des chaînes de la démocratie.

 

Peut-être, le traitement abject réservé au peuple grec et l’ouverture du territoire européen aux aventures militaires américaines serviront-ils d’électrochoc pour mettre un terme à cette dérive affolante.

 

En tout état de cause, il est désormais clair que pour éviter la guerre et permettre aux peuples de reprendre leur destin en mains, il faut en finir la double conjuration de Washington et de Bruxelles.

 

C’est-à-dire avec le fascisme mou de la technocratie européenne actuelle ; refonder une Europe des peuples dans le respect de la souveraineté des nations ; et libérer cette nouvelle Europe du joug étasunien.

 

Vaste programme, certes.

 

 

 

Par entrefilets.com, le 26 juin 2015


 

 

 

Notes :

1 (Brève et rare incursion du torchon bobo-altantiste Libération dans le monde du réel) La raison délirante de l’Europe, un nouveau fascisme mou ?

2 J’ai vécu dans votre futur et ça n’a pas marché

3 Doublement de la force de réaction rapide de l’OTAN

4 Exercices de l’OTAN en Lettonie : des B-52 s’entraînent à larguer des bombes

5 Armes lourdes US dans 7 pays européens

6 La Russie pourrait renforcer son arsenal nucléaire pour contrer la menace US (en 2015 : 40 missiles balistiques)

7 Comment les services secrets allemands et la NSA ont espionné la France

8 Les Européens : tous espionnés, le sachant et contents de l’être ([Obama promet de ne plus écouter Hollande]

9 Le fardeau du Général

10 Enfumage ukrainien, contre-propagande

11 Les intérêts spéciaux des Européens dans l’affaire grecque

12 La Grèce, la politique et l’économie  ///  Quand « Le Monde » rêve d’un putsch contre Tsipras

13  600.000 Espagnols ont perdu leur logement

14 Juncker the drunker se lâche

14bis  Un Président à 60 %.

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Diogène Senny : dettes fatales ou le leurre des fausses indépendances africaines

Diogène Senny : dettes fatales ou le leurre des fausses indépendances africaines | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : Diogène Senny. Crédit : Institut Schiller

 

 

Diogène Senny : dettes fatales ou le leurre des fausses indépendances africaines

 

Voici la transcription de l’intervention de Diogène Senny, secrétaire général de la Ligue panafricaine — UMOJA (LP-U), lors de la conférence internationale de l’Institut Schiller des 13-14 juin 2015 à Paris.

 

 

Chers Camarades,

 

Nous voilà à nouveau réunis comme en octobre 2014 à Francfort, en Allemagne, autour de l’initiative prise par les BRICS et ce, grâce aux camarades de l’Institut Schiller, auxquels nous remercions et saluons l’engagement constant. Nous saluons aussi nos amis de Solidarité et Progrès, Jacques Cheminade, Odile Mojon et tous les autres, pour leurs efforts inlassables à maintenir le lien entre nous.

 

Enfin, je salue nos amis de CADTM (Comité d’annulation de la dette tiers-monde), dont Éric Toussaint et Damien Millet, qui se battent depuis des années pour dénoncer l’immense scandale des dettes odieuses et illégitimes.

 

 

I. Introduction

 

Chers Camarades,

 

Nous avons intitulé notre intervention : « Dettes fatales ou le leurre des Indépendances africaines ». Pour comprendre la problématique de la dette fatale qui assaille l’Afrique, il convient de revenir à ses origines et aux raisons qui ont conduit à son développement. Après avoir démontré que la dette africaine est une reconquête savamment orchestrée du néocolonialisme, il sera aisé à tout un chacun de la caractériser d’odieuse et d’illégitime.

 

Par conséquent, son annulation n’est pas une sollicitation de la générosité des créanciers, mais une réparation et une justice rendue aux peuples trahis.

 

 

II. Les origines et les raisons de la dette africaine

 

Au tournant des indépendances africaines dans les années 1960, les anciennes puissances coloniales sont confrontées à deux défis : empêcher par tous les moyens la montée au pouvoir dans les anciennes colonies des régimes nationalistes-panafricanistes et, confrontées à la Guerre froide et aidées en cela par les États-Unis, empêcher l’URSS d’avoir des alliés en Afrique, donc d’accéder aux minerais, ce qui était jusque-là l’exclusivité occidentale.

 

Globalement, l’Occident réussit à écarter les nationalistes soit par des assassinats (c’est le cas de Lumumba au Congo en 1961), soit par des guerres et des massacres à grande échelle (c’est le cas des leaders de l’UPC, l’Union des populations du Cameroun), soit par divers artifices, en jetant les opposants en prison ou en exil (c’est le cas d’Abel Goumba en Centrafrique en 1964, après l’accident mystérieux en mars 1959 de Barthélémy Boganda).

 

Dans les quelques pays où les régimes s’allient à l’URSS, l’Occident garde malgré tout une présence et profite de la moindre occasion pour renverser les pouvoirs afin d’installer des régimes qui lui sont favorables et serviles ; par exemple le renversement et l’assassinat de Thomas Sankara illustrent parfaitement ce dernier cas.

 

L’Occident mettra tout en œuvre pour garder la mainmise sur les anciennes colonies. L’une des armes qu’il va utiliser est la dette, prétextant dans les discours officiels reproduire le succès du plan Marshall à l’Afrique, alors qu’en réalité, la raison essentielle est de maintenir une emprise géopolitique stratégique et avoir un accès aux minerais comme à l’époque coloniale. Ainsi, l’adage suivant a été parfaitement appliqué : celui qui contrôle les finances d’une nation n’a pas besoin du contrôle total sur la gestion politique intérieure pour être le vrai patron, en tirant les ficelles en coulisses.

 

Au moins trois phénomènes historiques ont permis à l’Occident de disposer des moyens financiers colossaux pour réaliser sa mainmise sur l’Afrique. En premier lieu, au moment des indépendances africaines en 1960, les banques privées occidentales regorgent d’eurodollars issus des prêts faits par les États-Unis aux Européens dans les années 1950, destinés au plan Marshall dans le cadre de la reconstruction d’après-guerre.

 

Pour éviter le retour massif de ces eurodollars aux États-Unis, à cause non seulement de la forte inflation que cela allait provoquer dans l’économie américaine, mais aussi du risque d’assèchement de l’or dans les coffres-forts américains, comme le stipulaient les accords en vigueur, c’est-à-dire d’échanger les remboursements contre de l’or ; les Occidentaux vont inciter leurs banques à prêter massivement à des taux avantageux aux pays africains nouvellement et nominalement indépendants.

 

Naturellement les régimes africains, dont l’Occident a pris soin de s’assurer l’allégeance, vont se montrer intéressés, surtout à des fins personnelles, par un tel déferlement de capitaux.

 

Le deuxième phénomène historique qui explique l’explosion de la dette africaine est le choc pétrolier de 1973 provoqué par un quadruplement soudain des prix du pétrole. Les émirs des pays du Golfe vont déposer les immenses quantités de dollars résultant des profits réalisés par les ventes de pétrole dans les banques occidentales. C’est le phénomène dit des pétrodollars.

 

Ces pétrodollars s’additionnant aux eurodollars liés au financement de la reconstruction de l’Europe dévastée par la guerre vont à nouveau affluer vers l’Afrique. Ainsi, en vingt ans, de 1960 à 1980, la part privée de la dette du tiers-monde va exploser. Quasiment de 0 au début des années 1960, elle atteint 2,5 milliards de dollars en 1970 puis 38 milliards de dollars en 1980.

 

Enfin, le troisième phénomène de cette explosion de dette est ce qu’on appelle « l’aide liée », qui est de source bilatérale, c’est-à-dire accordée entre États directement. L’aide liée est une sorte de subvention indirecte des grandes entreprises occidentales, dont les intérêts sont payés par les peuples africains. Cette pratique date de la crise qui frappe l’Europe à partir des années 1973-1975, connue sous le nom de « la fin des Trente glorieuses », c’est-à-dire la fin des trente années de forte croissance due principalement aux capitaux investis dans le cadre du plan Marshall.

 

En fait, pour trouver des débouchés aux marchandises qui ne trouvent plus preneurs en Occident à cause de la baisse du pouvoir d’achat, l’idée est d’accorder des prêts exclusivement destinés à acheter des marchandises fabriquées dans le pays créancier, même si elles ne sont pas moins chères ou les mieux adaptées au plan de développement du pays acheteur. De 6 milliards de dollars en 1970, l’aide bilatérale explose et s’élève à 36 milliards de dollars en 1980.

 

Alors, chers Amis,

 

Quiconque a bien suivi l’historique et les raisons de l’explosion de la dette africaine qui deviendra fatale et mortifère pour les peuples conclura avec nous que toutes ces initiatives n’ont rien à voir avec de la générosité et le souci du développement, d’autant que les régimes africains alignés sur l’Occident et bénéficiaires de ces immenses transferts étaient ostensiblement despotiques, corrompus et vénaux.

 

La Guerre froide, le pompage des matières premières et l’aide liée ont justifié le soutien financier, voire même militaire, à une bande de dictateurs crapuleux et dangereux contre leurs peuples, d’Idi Amin Dada de l’Ouganda, en passant par Mobutu du Zaïre, Mengistu d’Éthiopie, Samuel Doe du Libéria, Bokassa de la Centrafrique, qui rivalisaient dans la brutalité, dans la folie dépensière et dans l’indifférence totale face aux besoins primaires et fondamentaux de leur peuple.

 

On se souvient encore que le couronnement de Bokassa en 1977 (avec l’accord du Vatican), grand admirateur de Napoléon 1er et grand ami de Giscard d’Estaing, coûta un cinquième du budget annuel de la nation centrafricaine, soit près de 22 millions d’euros. Des détournements colossaux de Mobutu déposés dans les comptes en Occident à près de 8 milliards de dollars alors que la dette du Zaïre, lors de sa chute en 1996, s’élevait à 12 milliards de dollars.

 

Aux deux acteurs du financement de la dette déjà mentionnés plus haut, les banques occidentales pour la part privée et les États occidentaux pour la part bilatérale avec l’aide liée, il faut aussi mentionner la paire FMI – Banque mondiale pour ce qui est de la part multilatérale. Nulle au début des années 1960, la part multilatérale de la dette africaine a atteint 1,2 milliard de dollars en 1970 puis 15,5 milliards de dollars en 1980.

 

Dette privée, dette bilatérale et dette multilatérale, en tout et pour tout en 1980, l’Afrique croule sous le poids de 89 milliards de dollars de dette, mais sans système de santé viable, sans infrastructures de qualité, sans système éducatif et la misère est toujours grandissante. Que sont devenus les 89 milliards de dollars empruntés par les pouvoirs publics ? Quid du développement humain ?

 

Rappelons qu’en 1980, la dette africaine est libellée en dollars, en francs français, en deutsche marks, en livres sterling et en yens japonais, ce qui oblige les États africains à se procurer des devises fortes pour rembourser les prêts contractés.

 

Bon an, mal an, l’Afrique règle sa dette jusque-là. Cependant, sous l’effet conjugué de la chute des cours des matières premières et de la hausse brutale des taux d’intérêt du dollar et de la livre sterling au début des années 1980, l’Afrique, comme l’ensemble du tiers-monde endetté, se trouve incapable désormais de rembourser. Ainsi est née la crise de la dette avec l’entrée en scène des thérapies de choc et de la médecine de cheval de la paire FMI – Banque mondiale, Club de Paris, Club de Londres et consorts.

 

 

III. La crise de la dette et les thérapies de choc du FMI et de la Banque mondiale

 

À l’instar du Mexique, qui annonce publiquement en août 1982 son impossibilité de rembourser la dette à cause de la baisse du prix des matières premières et de l’explosion des taux d’intérêt, la plupart des pays africains annoncent aussi leur impossibilité de payer.

 

Cette crise débouche sur un étranglement, d’autant que les banques occidentales refusent d’accorder des nouveaux prêts tant que les anciens ne sont pas remboursés. Le monde allait droit vers un défaut de paiement massif et historique en cascade.

 

Afin d’éviter les faillites bancaires successives qui allaient s’ensuivre, le FMI et les pays industrialisés accordent de nouveaux prêts pour permettre aux banques privées d’éviter les faillites. C’est l’effet « boule de neige » qui consiste à contracter de nouveaux prêts pour rembourser des emprunts antérieurs.

 

Mais les nouveaux prêts seront conditionnés par l’adoption des PAS (plans d’ajustements structurels) allant jusqu’à la perte de la souveraineté en matière économique.

 

Depuis les années 80, y compris après le retour du multipartisme au début des années 1990, les PAS relookés en PPTE aujourd’hui, se traduisant par des baisses massives de salaires, le gel drastique des recrutements, l’arrêt des subventions aux services de base (santé, électricité, eau courante, éducation…), privatisation des sociétés d’État et mise massive au chômage…, ont été appliqués brutalement contre les populations.

 

Tout se passe comme si les populations africaines devraient subir la double peine. Après avoir subi les affres des régimes dictatoriaux, elles sont sacrifiées régulièrement sur l’autel des remboursements des dettes odieuses et illégitimes, contractées par ces mêmes régimes injustes avec la complicité des créanciers véreux. Le cynisme atteint son comble, lorsque les populations doivent subir aussi le remboursement des dettes contractées pour des achats d’armes de guerre ayant causé des milliers de morts parmi elles lors des conflits successifs.

 

D’après la CNUCED, entre 1970 et 2002, l’Afrique a reçu 540 milliards de dollars en prêts, mais elle a remboursé 550 milliards de dollars et elle en doit encore 295 milliards.

 

D’après les travaux du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), en ce qui concerne l’Afrique subsaharienne, les flux sortants vers l’étranger, à travers le service de la dette et le rapatriement des bénéfices des transnationales, sont quasiment équivalents aux flux entrants au sein de la région au titre de l’aide publique au développement et de l’envoi de ressources par les migrants, avec même un solde négatif d’un milliard de dollars. En 2012, le rapatriement des bénéfices de la région la plus appauvrie de la planète a représenté 5 % de son PIB contre 1 % pour l’aide publique au développement.

 

Dans ce contexte, il convient de se demander : qui aide qui ?

C’est pourquoi un audit de la dette africaine est une exigence.

 

 

IV. Nous exigeons un audit citoyen de la dette africaine

 

Instrument de souveraineté, l’audit citoyen consiste à analyser de manière critique la politique d’emprunts suivie par les autorités du pays et à répondre à de nombreuses questions.

 

Par exemple : pourquoi l’État a-t-il été amené à contracter une dette qui ne cesse d’enfler ? Au service de quels choix politiques et de quels intérêts sociaux la dette a-t-elle été contractée ? Qui en a profité ? Était-il possible ou nécessaire de faire d’autres choix ? Combien d’intérêts ont été payés, à quels taux, quelle part du principal a déjà été remboursée ? Comment des dettes privées sont-elles devenues « publiques » ?

 

Les menaces de la mise au ban de la communauté internationale ne sont qu’une façon de décourager les États à franchir le pas. Car, contrairement aux idées reçues, les travaux récents de deux économistes, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, ont dénombré 169 défauts de paiement qui ont duré en moyenne trois ans, entre 1946 et 2008.

 

Mais en tant qu’organisation politique, notre organisation, la Ligue panafricaine – UMOJA, est consciente que la question de la dette africaine est une question éminemment politique. Il ne suffit pas de vouloir ou de réclamer l’audit de la dette, encore faudrait-il créer le rapport de force favorable pour engager les États africains dans cette voie.

 

C’est pourquoi, face aux créanciers rassemblés sous la bannière du FMI et de la Banque mondiale, un front uni contre la dette est aussi un objectif panafricaniste.

 

 

 

Par la Rédaction de Solidarité & Progrès – le 19 juin 2015.

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BELGIQUE - ALLOCATIONS D’INSERTION : SANCTIONS EN RAFALES

BELGIQUE - ALLOCATIONS D’INSERTION :  SANCTIONS EN RAFALES | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


BELGIQUE - ALLOCATIONS D’INSERTION :

SANCTIONS EN RAFALES

Par Yves Martens (CSCE)


Sous la précédente législature, le gouvernement Di Rupo a détricoté le système des allocations de chômage sur la base des études. Entre 2010 et 2014, le nombre de personnes indemnisées a baissé de 19.000 unités. En janvier 2015, presque autant ont été exclues...


La limitation dans le temps des allocations d’insertion (chômage sur la base des études) est la mesure qui a fait le plus de bruit. Elle a tenu en haleine les médias, les syndicats et associations et, plus tardivement, les politiques. Ce régime, aujourd’hui pratiquement démantelé, existe depuis le début de l’assurance chômage. Il a été élargi au fur et à mesure que l’accès au chômage sur la base du travail a été rendu plus difficile (1).


A contrario, les restrictions apportées depuis 2012 n’ont guère été compensées par un assouplissement de l’octroi sur la base du travail. Pour seule modification, on a allongé de trois mois la période de référence au cours de laquelle le travailleur doit accumuler le nombre de jours de travail requis – qui reste, lui, toujours aussi élevé.


Le gouvernement Di Rupo s’en est pris à la fois aux conditions d’admissibilité au chômage, aux conditions de conservation de l’allocation acquise, et à la durée d’indemnisation. Le rapport annuel 2014 de l’Onem permet un premier bilan chiffré des deux premières mesures. Un rapport de l’Onem au ministre de l’Emploi, datant de début mars 2015, donne, lui, des indications partielles sur la dernière mesure.



 

On accède plus difficilement aux allocations...


La première façon de diminuer artificiellement les chiffres du chômage, c’est d’en retarder l’accès. Deux dispositions adoptées par le gouvernement Di Rupo vont dans ce sens. D’abord, le stage d’insertion (anciennement stage d’attente) a été rallongé de neuf à douze mois en 2012.


Résultat ? Une forte augmentation du nombre de jeunes en stage : 21 % de plus en 2014 par rapport à 2011 ! Pour rappel, le stage est la période durant laquelle le jeune ayant terminé ses études et qui est sans emploi ne bénéficie encore d’aucune allocation. Mais c’est surtout le contrôle des efforts de recherche d’emploi durant le stage, instauré au 1er août 2013, qui complique l’accès au droit et maintien des jeunes en stage, parfois indéfiniment. Avant même d’avoir droit aux allocations, le jeune doit donc désormais subir l’activation du comportement de recherche d’emploi, appliquée depuis 2004 aux chômeurs indemnisés. Le tout assorti de conditions supplémentaires. Pour que le stage d’insertion soit considéré comme concluant, le jeune doit obtenir deux évaluations positives. Chaque évaluation négative prolonge de six mois le stage. En outre, en cas d’évaluation négative, le jeune doit demander lui-même la nouvelle évaluation, six mois plus tard, sans quoi la prolongation se poursuit automatiquement !


La première évaluation est prévue au septième mois du stage, la seconde au onzième mois. Ces entretiens d’évaluation ont débuté en février 2014. Lors de l’évaluation du septième mois, 13.148 jeunes ont vu leur stage prolongé de six mois : 6.507 pour évaluation négative, 6.641 pour absence à l’entretien. Lors de celle du onzième mois, 8.951 jeunes ont vu leur stage prolongé de six mois : 3.998 pour évaluation négative, 4.953 pour absence à l’entretien. Parmi ceux qui, après avoir reçu une première évaluation négative, ont pu passer la nouvelle évaluation six mois plus tard, on compte 388 évaluations négatives. Des jeunes voient ainsi leur droit aux allocations repoussé de semestre en semestre : la spirale de l’échec.


C’est « efficace » pour faire « diminuer le chômage », si l’on entend par là le nombre de chômeurs indemnisés. En 2014, le nombre de premières admissions au bénéfice des allocations d’insertion a ainsi diminué de 3.191 unités en 2014 par rapport à la moyenne des années 2012 et 2013 (2). On peut déjà affirmer que ce chiffre explosera en 2015.


Le gouvernement Michel a en effet décidé que la première demande d’allocations d’insertion après le stage d’insertion devra dorénavant être introduite avant le vingtcinquième anniversaire (auparavant avant le trentième anniversaire) du demandeur.


 

... et on les conserve plus difficilement

 

Depuis 2004, pour conserver son allocation, il faut sans cesse prouver à l’Onem ses efforts de recherche d’emploi. Les sanctions pour évaluation négative sont, depuis le début, plus fortes pour les bénéficiaires d’allocations d’insertion. Le gouvernement Di Rupo leur a de surcroît appliqué une nouvelle procédure « d’activation du comportement de recherche d’emploi plus intensive (contrôles plus fréquents et sanctions encore plus lourdes). Elle est entrée en vigueur le 9 août 2012.


La procédure se caractérise par le choix que doit faire le chômeur entre une réponse écrite et un entretien avec un « facilitateur ». Ceux qui ont déjà vécu une mauvaise expérience avec l’Onem peuvent être tentés d’opter pour la procédure écrite. Mais attention au piège ! Une chose est de répondre en direct aux questions d’un contrôleur ; une autre, de compléter de manière exhaustive un document écrit. La différence est frappante : sur les 17.705 informations écrites reçues et traitées, 32,3 % seulement ont donné lieu à une évaluation positive, pour 54,2 % des 24.617 entretiens menés.


En cas d’évaluation non concluante, le chômeur est convoqué, en principe dans le mois, pour une évaluation définitive. Sur 15.903 entretiens d’évaluation définitive, 73,7 % ont donné lieu à une évaluation négative, soit 9.586 personnes subissant une suspension des allocations de six mois (au lieu de quatre mois précédemment). La grande majorité n’arrive donc pas à renverser l’évaluation négative initiale. 2.968 personnes ont demandé la réouverture de leur droit après les six mois de suspension. 92,4 % ont opté pour l’entretien d’évaluation, ce qui montre sans doute qu’elles ont compris le danger de la procédure écrite. Parmi l’ensemble des demandes déjà traitées, 39 % ont subi une nouvelle évaluation négative et ont vu leurs droits suspendus pour une nouvelle période de six mois minimum. Les suspensions des allocations arrivent donc plus tôt et sont plus longues dans cette nouvelle procédure (3).


 

La fin de droit


Le gouvernement Di Rupo a limité à trente-six mois, à partir du 1er janvier 2012, les allocations d’insertion. La FGTB wallonne a régulièrement dénoncé cette mesure et ses impacts, en faisant des estimations périodiques du nombre de personnes concernées. Suite aux différentes mobilisations, des dispositions ont été prises dans les semaines précédant les élections de mai 2014 pour adoucir partiellement la mesure et prendre (mieux) en compte la situation des travailleurs à temps partiel (prise en compte de périodes de travail prolongeant le droit), ainsi que celle des personnes présentant des difficultés d’ordre médical ou psychologique (le statut MMPP prolonge le droit de la personne de deux ans si elle bénéficie d’un accompagnement spécifique de la part de l’organisme régional de l’emploi).


Les Régions avaient obtenu jusqu’à la fin du mois de février 2015 pour dé- terminer les personnes pouvant bénéficier de la prolongation de deux ans pour raisons d’ordre médical ou psychologique. Les résultats de ce processus n’ont pas été clairement communiqués : les organismes régionaux argumentent qu’il est trop tôt pour en tirer toutes les conclusions (lire l’article en p. 10). Pour la prise en compte des périodes de travail, la situation est, s’il est possible, plus confuse encore. Des prolongations de droit qui auraient dû être automatiques n’ont pas du tout été appliquées, ou alors seulement à la demande expresse du bénéficiaire. Dans ce contexte, beaucoup de personnes n’ont pas eu accès à leurs droits. Les acteurs (Onem, Forem/Actiris, organismes de paiement) ont joué au ping-pong, souvent de bonne foi, l’application concrète des décisions politiques ayant manifestement été insuffisamment préparée et coordonnée.


Du coup, le bilan chiffré n’est pas clair non plus. L’Onem a établi, début mars, à 18.432 le nombre de personnes en fin de droit au 30 janvier 2015. Il s’agit donc de celles qui étaient arrivées au bout de leur crédit de trente-six mois au 31 décembre 2014, auxquelles s’ajoutent celles qui avaient eu quelques jours de prolongation se terminant avant la fin janvier. Le nombre de 18.432 est supérieur aux estimations de l’Onem, et inférieur à celles de la FGTB wallonne. La différence vient certainement, d’une part, des exclusions intervenues avant la date fatidique du 31 décembre 2014 et de l’autre, des prolongations de droit. Mais, tant que l’on ne connaîtra pas le nombre exact de MMPP et de prolongations pour périodes de travail ou pour formation, le brouillard restera épais. Il faudra sans doute attendre le printemps 2016 et la parution du rapport annuel 2015 de l’Onem pour y voir enfin totalement clair.


On peut néanmoins mettre en évidence quelques tendances qui ne seront vraisemblablement pas remises en cause par ces corrections. 63 % des exclus sont des femmes. 29 % sont des chefs de ménage, et, parmi ceux-ci, 75 % de femmes. Donc, dans beaucoup de cas, des familles monoparentales. En théorie, il s’agit de la catégorie pour laquelle le CPAS devrait d’office prendre le relais. En pratique, c’est loin d’être le cas (lire les articles des pp. 20 à 27).


Les quinze communes les plus touchées (en nombre absolu) se répartissent comme suit : dix en Wallonie (Charleroi, Liège, La Louvière et Mons en tête), quatre à Bruxelles (dans l’ordre Bruxelles Ville, Schaerbeek, Molenbeek et Anderlecht) et une en Flandre (Anvers). Il s’agit des communes déjà les plus frappées par la pauvreté, et dont les CPAS sont dès lors souvent déjà à la limite de leur capacité d’accueil.


 

Des exclusions, mais pas d’emploi


Les nouvelles procédures (pendant le stage d’insertion et pour les bénéficiaires d’allocations d’insertion) ont abouti à un total de 33.002 suspensions de six mois. Sur une année complète, cela représente, dans les statistiques, une « diminution » du nombre de chômeurs de 16.501 unités (33.002 divisés par 2), sans que cela corresponde à un seul emploi gagné ! Il faut y ajouter 6.326 allocataires d’insertion suspendus à durée indéterminée pour absence à un entretien. Notons que toutes ces périodes de suspension, pendant lesquelles le chômeur ne perçoit aucune indemnité, sont comptées dans le calcul du crédit de trente-six mois de droit aux allocations d’insertion. Des personnes peuvent donc se retrouver en fin de droit tout en n’étant déjà plus indemnisées depuis une ou plusieurs périodes de six mois.

**

 

Les chiffres clés de 2014


— Stage prolongé de six mois : 22.487


— Nouveaux bénéficiaires : 3.191 en moins (par rapport à la moyenne 2012-2013)


— Suspension de six mois des allocations : 10.515


— Bénéficiaires : 19.071 en moins (par rapport à 2010)


— Fin de droit aux allocations : 18.432 (en janvier 2015), dont 63 % de femmes

 

**

Ces différentes mesures combinées permettent de présenter des chiffres du chômage indemnisé en baisse, mais sans pour autant que la situation sociale des personnes se soit améliorée, bien au contraire.


Ces sanctions ont entraîné en 2014 une diminution de 9,4 % du nombre de bénéficiaires d’allocations sur la base des études par rapport à 2013 (4). La baisse est encore plus forte par rapport à la période précédant toutes ces mesures : près de 20.000 bénéficiaires en moins. Cela sans tenir compte donc des milliers de personnes arrivées en fin de leur droit aux trente-six mois d’allocations. Celles-là n’apparaîtront pleinement que dans le rapport annuel 2015 de l’Onem qui sera publié au printemps 2016.


Le droit aux allocations sur la base du travail n’a, lui, guère été assoupli, et laisse de nombreux travailleurs à temps partiel, en majorité des femmes, dans une situation de stress permanent : il faut jongler entre la charge de travail, le respect des obligations imposées aux chômeurs et le calcul de leur crédit de trente-six mois qui, malgré les périodes de travail, s’épuise, petit à petit, inexorablement…

 

 

Par Yves Martens (CSCE) - article extrait du numéro 87 de la revue Ensemble ! – juin 2015.

 

Notes :

(1) Pour plus de détails sur l’histoire et l’évolution des allocations de chômage sur la base des études, lire notre étude sur le site www.ensemble.be

(2) Onem, Rapport annuel 2014, Vol. II, pp. 129 à 134 et p. 207

(3) Onem, Rapport annuel 2014, Vol. II, pp. 118 à 128

(4) Onem, Rapport annuel 2014, Vol. II, pp. 4 et 52-53

 

 

 

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« Non, le chômage ne baisse pas aux États-Unis ! La preuve officielle par le BLS, l’INSEE américain ! »

« Non, le chômage ne baisse pas aux États-Unis ! La preuve officielle par le BLS, l’INSEE américain ! » | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Illustration : leblogfinance.com

 

 

 

« Non, le chômage ne baisse pas aux

États-Unis ! La preuve officielle

par le BLS, l’INSEE américain ! »

Par Charles Sannat (*)

 

C’est la reprise, d’ailleurs… « regardez, l’économie américaine n’a jamais créé autant d’emplois… ou alors vous dites que les statistiques sont mensongères »… Et évidemment, si vous avez l’outrecuidance de dire que les statistiques sont fausses, vous serez immédiatement taxé de complotisme prémédité aggravé, ce qui va chercher une peine vers la perpétuité de nos jours.

 

 

Les statistiques ne sont pas fausses…

elles sont faussées, nuance !

 

Par exemple, on vous explique actuellement que les USA, dans les 12 derniers mois, ont créé 2 millions d’emplois ! Houlala, voilà une bonne nouvelle.

 

Sauf que ce chiffre est totalement faux. On peut, dans une lecture parfaitement malhonnête intellectuellement, lui faire dire cela, mais une lecture attentive et objective des chiffres ne peut que conduire le lecteur à une conclusion radicalement différente.

 

 

Deux exemples : les « self-employed » et les temps partiels subis…

 

Les « self-employed » c’est un peu l’équivalent de nos auto-entrepreneurs aux USA. Et selon certaines études, plus de 53 % de ces auto-entrepreneurs avaient plus de 45 ans… Vous savez que je suis un fervent défenseur en France du régime de l’auto-entreprise, car il permet à des gens exclus (à partir de 40 ans, on est trop vieux) durablement du marché du travail de bricoler un peu par eux-mêmes et d’accéder ainsi à une forme de dignité au-delà d’un salaire mirobolant.

 

Il ne s’agit donc pas de critiquer ce régime fut-il français ou américain. Non en revanche, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique, la réalité économique des auto-entrepreneurs est exactement la même, à savoir qu’il s’agit majoritairement de ce que l’on appelle des seniors (les plus de 40 ans, et j’en fais désormais partie) et le revenu moyen de ces auto-entrepreneurs est très faible. Aux USA, cela inclut par exemple toutes les activités de baby-sitting ou qui, chez nous, sont regroupées sous le vocable « aide à la personne ».

 

Dire qu’il y aurait une reprise de l’emploi et de la croissance économique parce que le nombre d’auto-entrepreneurs augmenterait et serait assimilé à de la création d’emplois serait totalement malhonnête économiquement, car la véritable reprise économique se matérialiserait par la reprise de l’emploi salarié et par l’embauche massive par des entreprises. Pas par l’inscription de milliers de désespérés en plus au régime de l’auto-entreprise, histoire de tenter le tout pour le tout, mais sans grand espoir.

 

Or en mai 2014, les « self-employed » US étaient au nombre de 8 millions et 399 000 environ. Un an plus tard, en mai 2015, ils sont 9 millions et 142 000… soit tout de même 743 000 « créations d’emplois » en un an.

 

Cela représente presque 50 % des créations que l’on vous annonce dans les grands médias à grands coups de communiqués victorieux.

 

Le reste des créations d’emplois ? Vous les trouverez sans problème dans le bas du tableau du BLS dont je vous joins le lien en bas de page. Le BLS c’est le Bureau of Labor Statistics… cela peut se traduire par le « bureau des statistiques du travail ». C’est l’organisme gouvernemental officiel en charge de ces sujets aux USA. On ne peut pas faire plus officiel. C’est dramatique. Là encore, on voit qu’il n’y a aucune reprise économique matérialisée par de l’emploi réel et de qualité.

 

Il ne faut pas non plus oublier que le taux de participation à la population active n’a jamais été aussi bas depuis les années… 70 ! Les gens sont tellement sûrs de ne pas trouver de travail qu’ils se retirent tout simplement du marché du travail et ne sont plus comptabilisés.

 

Enfin, le salaire horaire aux États-Unis, si l’on fait abstraction d’une ou deux annonces tonitruantes comme McDo qui va augmenter un poil ses équipiers (ce qui ne fait pas, loin de là, l’économie US), eh bien il est officiellement en hausse de 1,7 % avec une inflation de 1,3 %, autant dire que l’on est loin, très loin de la surchauffe.

 

Pour tout dire, en réalité, aux États-Unis, comme en Europe et de façon générale dans le monde occidental, nous assistons à la paupérisation massive des populations. La raison est assez simple. Nous avons voulu faire rentrer dans l’économie mondiale des pays à « bas coûts ». Ce qui devait arriver arriva. Nous assistons et nous subissons un immense mouvement d’ajustement économique, et ce n’est pas tant l’Asie qui monte que nous qui descendons.

 

Tout le monde l’a parfaitement compris. On ne veut juste pas vous le dire officiellement, car cela serait trop déprimant.

 

Il est déjà trop tard, préparez-vous.

 

 

 

Par Charles SANNAT (*) - objectifeco.com – le 9 juin 2015

 

 

(*) Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques.

 

http://translate.google.com/translate?hl=en&sl=es&tl=fr&u=http%3A%2F%2Fcnsnews.com%2Fnews%2Farticle%2Fali-meyer%2F6652000-more-americans-working-part-time-not-choice&sandbox=1

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Si Baltimore n’était pas aux États-Unis...

Si Baltimore n’était pas aux États-Unis... | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


Si Baltimore n’était pas aux États-Unis...

Par Manuel E. Yepe

 

Le quotidien « The Washington Post » a publié il y a quelques jours une curieuse analyse spéculative réalisée par ses journalistes à propos de ce qu’auraient divulgué les grands médias occidentaux. Il s’agissait d’une situation qui s’est déroulée dans la ville de Baltimore, dans l’État du Maryland, suite à la vague de contestation qui a suivi la mort le 19 avril dernier du jeune Noir états-unien Freddie Gray alors qu’il se trouvait sous garde policière.

 

Selon cette analyse, si ces faits avaient eu lieu dans n’importe quelle région en dehors des États-Unis, la réaction aurait été approximativement la même : de nombreux analystes internationaux auraient présagé l’éclosion d’un « printemps » du même type que les printemps arabes en faisant l’éloge de la mobilisation des jeunes à travers des réseaux sociaux.

 

 

Les gouvernements du monde entier auraient exprimé leur préoccupation face au racisme et à la violence d’État. Ils auraient alors condamné le traitement infligé aux minorités ethniques et la corruption des forces de sécurité lorsqu’ils auraient évoqué la brutalité policière.

 

Londres aurait émis un communiqué appelant le régime du pays en question à freiner les excès des agents de sécurité de l’État impliqués dans les traitements brutaux appliqués aux membres des minorités ethniques. Elle exigerait l’application de la loi de manière égale pour tous les citoyens, qu’ils soient noirs ou blancs, ainsi que le respect des droits de l’homme, et condamnerait le régime pour atteinte à la démocratie.

 

L’ONU, de son côté, aurait également émis une déclaration condamnant la militarisation et la brutalité policière « que nous avons observées les deux derniers mois » en mettant la pression sur les forces de sécurité pour que ces dernières entament une véritable enquête sur la mort de Freddie Gray. « Il n’y a pas d’excuse pour la violence policière excessive ». De plus, l’ONU aurait exhorté le gouvernement de cette Nation à rendre publiques les informations relatives à la violence policière pour assurer plus de transparence et réduire la corruption dans le système judiciaire.

 

Les organisations internationales qui plaident pour la défense des droits de l’homme auraient saisi la communauté internationale en demandant que soit facilité l’asile des minorités ethniques noires du pays.

 

Bien sûr, rien de ce qui vient d’être énoncé ne sera appliqué au gouvernement du pays coupable de ces violences puisque ces faits se sont déroulés et continueront, personne n’en doute, de se dérouler aux... États-Unis.

 

Une analyse d’un autre type avait été publiée par le quotidien états-unien « The New York Times » un peu avant. Cette dernière affirmait que 1 500 Afro-Américains avaient été éliminés récemment aux États-Unis. Parmi eux, six personnes noires âgées de 24 à 54 ans avaient disparu suite à une mort prématurée ou suite à un emprisonnement.

 

Selon le dernier recensement réalisé aux États-Unis, les homicides sont la première cause de décès des jeunes Noirs. Les États-Unis sont le pays qui compte le plus de prisonniers au monde (avec 5 % de la population mondiale et 25 % de la population mondiale emprisonnée). Des 2,3 millions de prisonniers, 40 % sont des Afro-américains alors que ces derniers ne représentent que 12,6 % de la population totale. Ainsi, un Noir a six fois plus de « chance » de passer par la case prison qu’un Blanc. Les États-Unis sont la Nation développée qui accuse le plus grand fossé économique entre les riches et les pauvres et l’inégalité est encore plus grande s’agissant des salaires. Les 3 % des familles les plus riches possèdent plus du double que les 90 % les plus pauvres. Ce fossé ne cesse de s’élargir depuis la fin du XXe siècle.

 

Les familles afro-américaines ont été les plus affectées par la crise des subprimes de 2008. Vers la fin du XXe siècle, la richesse d’une famille blanche de classe moyenne était six fois plus importante que celle d’une famille noire. Aujourd’hui, la famille blanche possède une richesse douze fois plus importante qu’un foyer afro-américain. Ces disparités se reproduisent tragiquement notamment à cause du chômage qui frappe plus fortement les citoyens qui n’ont pas la peau blanche.

 

 

 

Par Manuel E. Yepe - Investig’Action – le 29 mai 2015

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« La vélocité de la monnaie au plus bas aux USA depuis… 1959 ! Et c’est pô bon signe !! »

« La vélocité de la monnaie au plus bas aux USA depuis… 1959 ! Et c’est pô bon signe !! » | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


« La vélocité de la monnaie au plus bas aux USA depuis… 1959 ! Et c’est pô bon signe !! »

 

Je vais vous gratifier aujourd’hui d’un édito exceptionnellement court dans la mesure où tout est dit ou presque dans ce graphique. Il a ceci d’admirable d’ailleurs qu’il illustre parfaitement la crise quasi ininterrompue depuis le tout début des années 2000 qui frappe l’ensemble des économies occidentales. Qu’elles soient libérales ou plus « socialistes », le modèle économique n’a plus aucune importance, tout le monde est touché (en dehors des pays émergents qui devaient émerger et qui désormais le sont et peuvent donc commencer à couler eux aussi… ce que l’on voit avec les taux de croissance chinois de moins en moins flamboyants).

 

Sur ce graphique, on voit parfaitement la « reprise » de 2003 à 2006 qui est liée (d’ailleurs partout dans le monde) à la constitution d’une bulle immobilière massive et à un recours au crédit au-delà de toute raison. On voit que durant ces trois années-là, la vitesse de circulation de la monnaie augmente (c’est ce que l’on appelle la « vélocité » et je reviendrai sur la définition). Quand elle augmente, c’est tout bon, c’est la croissance économique qui est là. (La vraie, hein, pas la fausse dont on vous parle depuis 2007.)

 

 

Un seul constat s’impose : il n’y a jamais eu de reprise aux USA, c’est un mensonge !

 

D’ailleurs, vous remarquerez que la vélocité de la monnaie aux USA, eh bien elle est en baisse continue depuis 2007, sauf pendant quelques mois entre 2009 et 2010 et cette très légère hausse est liée aux plans de relance économiques en particulier les fameuses primes à la casse pour acheter des voitures neuves. Sinon, depuis 2007, cet indicateur baisse de façon assez désespérante.

 

Vous devez comprendre qu’il NE PEUT PAS y avoir de croissance économique avec une vélocité de la monnaie en baisse pour ne pas dire en chute libre depuis presque 15 ans maintenant. C’est une impossibilité technique et économique.

 

 

La vélocité de la monnaie c’est quoi ?

 

Bon, c’est un truc à la fois super compliqué et méga simple. Super compliqué parce que pour les pas forts en math, il y a des équations du type MV=PQ et toussa et toussa, MAIS… on peut simplifier cela pour que tout le monde puisse aisément comprendre la logique. Si Pierre reçoit son salaire et qu’il le dépense aussi sec chez Jacques, qui lui-même court chez Paul pour acheter ce qu’il vend et que Paul se rue chez Luc et ainsi de suite, l’argent circule de main en main de plus en plus vite, et plus l’argent circule vite plus c’est bon pour l’économie, car les gens dépensent, investissent, produisent, vendent, achètent… Évidemment, plus l’argent circule vite, plus il y a de croissance économique et plus il y a également d’inflation… logique.

 

Donc quand on vous explique qu’il y a une croissance forte aux USA, que la reprise est là et bien sûr que tout va bien se passer et que le chômage baisse, eh bien cela devrait se voir dans la vitesse de circulation de la monnaie. Naturellement on ne voit rien, car il n’y a rien à voir, mais comme beaucoup ne veulent plus travailler et prendre simplement la peine d’aller chercher ce type de statistiques sur les sites officiels de la FED (la Banque centrale américaine), eh bien on entretient (volontairement et passivement) les croyances fausses véhiculées par les discours officiels totalement lénifiants.

 

 

Alors que va-t-il se passer maintenant ?

 

Donc il n’y a pas de croissance.

Donc le chômage il baisse, mais c’est uniquement parce que l’on arrête de compter les chômeurs.

Les pauvres ? De plus en plus nombreux et de plus en plus affamés.

Les taux remontent…

Le pétrole aussi…

Alors que va-t-il se passer ?

Rien de bon.

Quand ? Je n’en sais rien. Mais la situation est irrémédiablement compromise et ce n’est pas nouveau. Les autorités politiques et monétaires n’ont fait qu’une seule chose : elles ont gagné du temps.

Mais les faits sont simples. Nous sommes au plus bas depuis 1959…

Il est déjà trop tard, préparez-vous.

 

 

 

Par Charles SANNAT (*)lecontrarien.com – le 7 mai 2015

 

Source : FED de Saint-Louis, USA. Parfaitement officielle et pas sortie de mon chapeau… Pour vérifier par vous-même, c’est ici !!

  

(*) Charles Sannat est diplômé de l'École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'EÉtudes Diplomatiques et Stratégiques.

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Indiens d’Amérique : un génocide tranquille et presque achevé

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Illustration : divers groupes ethniques de l'Amérique. (Source : fr.wikimini.org)


 

Indiens d’Amérique :

un génocide tranquille et presque achevé

 Par Stéphane Trano (*)


Un jour d’avril 1973, un militant noir américain pour les droits civiques, Ray Robinson, qui a longtemps suivi Martin Luther King, débarque à Wounded Knee, dans le Dakota du Sud. Il souhaite apporter son soutien à la cause des « Native Americans », ainsi que l’on nomme les Indiens aux États-Unis, qui manifestent contre les injustices dont ils sont victimes dans le pays.

 

Wounded Knee est un lieu emblématique et de sinistre mémoire. C’est là, en effet, que furent massacrés et jetés dans une fosse commune entre 150 et 300 hommes, femmes et enfants au matin du 29 décembre 1890, par le 7e régiment de Cavalerie du Colonel James Forsyth.

 

Sitôt arrivé dans ces lieux où réside toujours une petite communauté indienne, Ray Robinson appelle sa femme qui lui demande de rentrer à la maison, inquiète, car elle sait que la situation sur place est explosive. Elle ne le reverra jamais. Après avoir reçu l’annonce de la mort de son époux, Cheryl n’a jamais pu savoir ce qui était arrivé à son mari ni où son corps avait été enterré.

 

Voilà quelques jours, quarante ans plus tard, Cheryl a fait le voyage de Détroit à Sioux City pour témoigner de son histoire. Le gouvernement américain refuse toujours de communiquer sur le sort de son mari, officiellement parce que le cas est toujours en cours d’investigation par le bureau du FBI de Minneapolis.

 

À Wounded Knee, plus personne ne se souvient de Ray Robinson. Un épisode parmi tant d’autres dans l’histoire des militants de la cause des Indiens d’Amérique, qui n’a jamais bénéficié d’un large soutien populaire et que beaucoup voudrait voir s’éteindre.

 

Et de fait, cynisme et indifférence se conjuguent pour ensevelir année après année la mémoire des peuples indiens presque entièrement anéantie en Amérique du Nord.

 

On ne va pas le nier, les Apaches, les Cheyennes, les Iroquois, les Sioux ou les Esquimaux ne nous inspirent pas, la plupart du temps, un sentiment extrême de culpabilité. Mais ce n’est rien comparé au pays du Western et de la Country. Pas plus que le Jazz ou le Blues ne suscitent leur part de tristesse chez leurs amateurs et ne réveillent chez eux les souvenirs tragiques des lynchages des Noirs, ces genres populaires ne renvoient à la réalité d’un génocide toujours en cours dans l’indifférence générale.

 

Lorsqu’un Américain de l’Illinois souhaite acheter ses cigarettes à bas prix (un paquet coûte ici actuellement 10 dollars), il prend la route du sud de l’État ou de l’Indiana voisin, pour s’approvisionner dans l’un des territoires octroyés aux tribus indiennes locales. Là, il paiera son paquet de cigarettes 4 dollars en moyenne. Dans un certain nombre de ces tribus, qui sont des milliers à travers les États-Unis, on peut également se procurer de l’alcool à bon marché, jouer au casino (dans 452 d’entre-elles) ou, si l’on se sent possédé par le mal (ce qui est très en vogue), consulter un shaman. Il est toujours très exotique de s’offrir une escapade dans ces drôles d’endroits. Pourtant, l’Américain moyen ne s’y risque pas trop.

 

En effet, 2,1 millions de ces Indiens, soit l’écrasante majorité, vivent largement sous le seuil de la pauvreté. La vision offerte par bien des campements tient purement du bidonville. Et une fois passées ses limites, c’est un voyage en enfer qui commence. L’alcoolisme y prend des proportions catastrophiques. Le chômage y bat tous les records du pays. La maladie s’y propage et tue comme dans les pires zones de la planète. Le suicide, celui des jeunes en particulier, crève le plafond des statistiques. Les Indiens vivant à l’extérieur des tribus n’y reviennent eux-mêmes que pour se faire soigner lorsqu’ils n’ont pas, chose courante, accès au système de santé américain

 

 

Anthony B. Bradley est Professeur de Théologie au King’s College de New York et Spécialiste des questions raciales aux États-Unis. « Si quiconque pense que le gouvernement fédéral sait ce qui est bon pour les communautés locales, explique-t-il, il ferait bien de visiter une Réserve Indienne Américaine. Les Natifs Américains [Indiens d’Amérique, NDA] sont aujourd’hui plongés dans le cauchemar de la privation de soins et d’économie qui est la conséquence directe des problèmes crées par le Gouvernement lequel, en imposant des solutions sensées résoudre les problèmes, rend ceux-ci bien pire en retirant aux communautés leur autonomie. »

 

Tel est le prix à payer pour les Indiens d’Amérique, afin de rester sur la terre de leurs ancêtres, grâce aux concessions faites par le gouvernement fédéral. Pourtant, les États abritant ces réserves n’ont de cesse de rogner ces droits et de tenter de récupérer par tous les moyens ces espaces.

 

Pire, une certaine propagande laissant entendre que les Indiens d’Amérique auraient fait le choix de vivre dans ces conditions a fort bien fonctionné dans l’esprit collectif. Or, cela repose sur une contre-vérité historique. 

 

En effet, peu rappellent le grand mouvement de délocalisation qui fut la conséquence de l’Indian Removal Act [Loi sur le Retrait Indien, NDA] lequel, au milieu du XIXe siècle, contraint les Indiens à délaisser leurs terres historiques au gouvernement pour se concentrer dans les zones qui leur étaient réservées en échange. En 1890, il était devenu interdit aux Indiens de sortir hors de leurs réserves afin de s’approvisionner en nourriture.

 

Une étude du Professeur Jeffrey E.Holm, de l’Université de Médecine du Nord Dakota, a mis en évidence que le changement de régime alimentaire imposé durant des décennies aux tribus indiennes a engendré une surmortalité aujourd’hui toujours existante, en raison des pathologies qu’elles ont engendrées pour des peuples qui ne pouvaient plus se nourrir comme ils l’avaient fait durant des millénaires.

 

En 2010, les États-Unis, dans la foulée du Canada, furent le dernier pays au monde à ratifier la Déclaration des droits des Peuples indigènes aux Nations-Unies. Une des rares concessions faites par un pays qui place souvent l’Histoire au dernier rang de ses préoccupations, si ce n’est pour en offrir une version idéalisée. Mais en l’espèce, il est impossible d’idéaliser la réalité sur laquelle s’est construite l’Amérique. En effet, 90 % des tribus amérindiennes ont disparu à la suite de l’arrivée des Européens en Amérique du Nord, la plus grande partie à cause des maladies, la partie restante par les armes.

 

Mais ce n’est pas tant cette réalité historique qui rend ces jours-ci le rôle du Professeur James Anaya complexe, en tant que Rapporteur spécial des Nations-Unies sur les Peuples indigènes. Bien que, pour la première fois de leur histoire, l’organisation se penche, du 23 avril au 4 mai, sur le sort des Indiens d’Amérique, ce qui en soi est déjà un événement notable, c’est avant tout pour regarder en face une réalité qui n’est pas celle du passé, mais celle du présent.

 

Cette réalité concerne les 2,7 millions d’Indiens vivant actuellement sur le territoire des États-Unis, et qui constitue l’un des cas de violation des droits de l’homme à grande échelle le plus emblématique de toutes les nations développées.

 

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

 

  • Les Indiens d’Amérique vivent en moyenne 6 ans de moins que les autres Américains
  • Ils ont 770 % de risques en plus de mourir d’alcoolisme
  • Ils ont 665 % de risques en plus de mourir de Tuberculose
  • Ils ont 420 % de risques en plus de mourir de Diabète
  • Ils ont 280 % de risques en plus de mourir d’accidents
  • Ils ont 52 % de risques en plus de mourir de Pneumonie et de Grippe

(Source : Commission des États-Unis sur les Droits civils, 2004:8)

 

Les Indiens d’Amérique se sont vus accorder la citoyenneté américaine en 1924. Mais ils ont pour longtemps encore été exposés au même sort que les Noirs américains, empêchés d’accéder à l’enseignement scolaire, victimes de la ségrégation.


Ce n’est qu’en 1969 qu’ils se sont organisés, dans la foulée de la loi sur les Droits civils des Indiens votée l’année précédente. C’est à cette époque qu’ils ont obtenu ce dont les Américains blancs jouissaient depuis deux siècles : la liberté d’expression et d’information, la protection contre les recherches et les arrestations arbitraires, le droit d’engager un avocat pour se défendre, la protection contre les punitions inhumaines et dégradantes, contre les cautions excessives, l’abolition de la peine systématique d’un an d’emprisonnement ou de 5 000 dollars d’amende quel que soit le délit commis, le droit d’être jugé par un jury, et ainsi de suite.

 

Mais à l’heure actuelle, aucun Indien d’Amérique, citoyen des États-Unis, n’a accès à la plénitude des droits des autres citoyens américains. Une réalité qui peut prendre des aspects accablants pour l’Administration américaine. Ainsi, le 6 novembre 2008, le Gouverneur du Dakota du Sud, Michael Rounds, décrète l’état d’urgence, car son État est recouvert par une épaisse couche de neige et de glace qui le paralyse. Mais les réserves indiennes seront exclues du dispositif. 

 

Mais le pire pour ces tribus à l’heure actuelle vient probablement de la pression des États pour s’accaparer leurs terres. Les conflits sont nombreux à travers tout le pays. Ils sont allumés sous divers motifs, comme la volonté du Gouverneur de New York, en 2007, d’étendre la taxation de l’État aux territoires de la Nation des Seneca, ce qui a engendré une violente bagarre juridique. Et bien que les territoires laissés aux Indiens soient pour la majorité pauvres en ressources et difficiles d’accès, leur contestation par les États qui les abritent est de plus en plus courante

 

Toutefois, la pente naturelle démographique et sociologique suivie par cette population dont la Constitution américaine fait fi devrait se résoudre par le procédé le plus naturel du monde dans les décennies qui viennent : l’extinction

 

Lire le rapport de l’Organisation Survival

 

 

Par Stéphane Trano (*) - marianne.net – le 23 avril 2015

 

(*) Stéphane Trano est journaliste politique et écrivain. Il est membre de la principale organisation professionnelle des journalistes aux États-Unis (Society of professional journalists, Indianapolis), de la Missouri school of journalism (Columbia) et de la Fédération internationale des journalistes (Bruxelles).

 

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Économie : pour la droite libérale, c’est Apocalypse now

Économie : pour la droite libérale, c’est Apocalypse now | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


Économie : pour la droite libérale,

c’est Apocalypse now

Par Patrice de Plunkett (*)

 

... si elle découvre les constatations des économistes à la conférence de l’INET (1) (Institute for New Economic Thinking), réunie à Paris jusqu’à demain 11 avril :

 

Le pape François avait donc raison ? Ses méprisants détracteurs avaient tort ? La partie critique des pages économiques de La joie de l’Évangile vient d’être confirmée (involontairement) à la 6e conférence annuelle de l’INET, réunie à Paris au siège de l’OCDE autour d’intervenants comme Joseph Stiglitz, Thomas Piketty  et même George Soros.

Voici le tableau (2) bossé par l’INET, qui a décidé – un peu tard – de « confronter les théories économiques avec la réalité du terrain » :

 

Robert Johnson, président de l’INET : « Lors de la crise financière de 2008, nous avons compris que les paradigmes mêmes de la théorie économique avaient échoué : les économistes étaient responsables de mauvaises décisions parce que leurs théories ne rendaient pas compte de la réalité. »

 

► Depuis sa conférence fondatrice en 2010, l’INET soumet à la critique les trois principaux piliers de la théorie économique dominante :

 

1. Premier dogme : « les marchés peuvent s’autoréguler parce que le comportement des acteurs économiques est rationnel ». Ce dogme était faux ! Depuis 2008, « nous savons que les marchés sont radicalement incertains », explique Johnson. Tout modèle reposant sur le culte des marchés « est voué à l’échec ».

 

2. Deuxième dogme : « les politiques économiques doivent laisser les marchés parvenir à leur équilibre naturel optimal exprimé par le niveau relatif des prix et des échanges ». Encore faux !

Baptisé « courbe de Philips », ce dogme a conduit à d’autres faux dogmes :


a) la réduction massive des dépenses publiques, censées être « le premier facteur de distorsion des prix » ;

b) l’interprétation du chômage comme conséquence du « manque de flexibilité de l’emploi »... Ces théories sont contraires à la réalité, constate maintenant l’INET.

 

Depuis les années 1990, en effet, l’offre et la demande sur le marché de l’emploi ne déterminent plus la formation des prix : celle-ci vient de « la mondialisation des chaînes de valeur » (3), de « la financiarisation de l’économie » (le casino global) et de « la capacité des firmes multinationales géantes à bouleverser l’économie d’un territoire en bougeant à leur guise des masses considérables de valeurs ou de technologies » !

 

Le faux dogme du « prix d’équilibre naturel » génère « austérité et chômage » selon Joseph Stiglitz... Or, pour rompre avec ces erreurs, l’INET propose une hérésie majeure aux yeux des libéraux : restaurer le rôle du politique dans l’économie. C’est ce que demandent les papes depuis vingt-cinq ans (même si des « fidèles » français s’obstinent à refuser de suivre les papes dans ce domaine crucial) : après saint Jean-Paul II et Benoît XVI, François demande que le politique oblige l’économie à tenir compte du bien commun.

 

C’est ce que l’INET demande aussi, en insistant pour que l’on considère comme « biens communs » – éléments non marchands dans l’économie – le climat, la biodiversité et les ressources naturelles ; attitude évidemment incompatible avec le libéralisme, pour lequel tout doit être soumis au marché.

 

3. Troisième faux dogme : « le libre fonctionnement des marchés permet d’accroître la richesse de tous et de chacun ». De cette erreur (vieillie, mais encore professée par le FMI et l’OMC) découle l’absurde théorie du ruissellement (trickle-down), selon laquelle l’enrichissement des riches profite mécaniquement aux pauvres...


En condamnant cette théorie des « retombées » (comme « n’ayant jamais été vérifiée dans la réalité »), l’exhortation apostolique du pape François avait scandalisé les chroniqueurs du Figaro, de L’Opinion, des Échos et de Valeurs Actuelles sur le plan économique :  d’où leur campagne oblique pour déconsidérer ce pape sur le plan... religieux. Mais voilà que l’analyse bergoglienne est confirmée par des observations d’économistes !

 

Depuis le putsch ultralibéral des années 1990, disent-ils, les inégalités vont croissant : actuellement les revenus du 1 % de Terriens les plus riches sont équivalents à ceux des 61 % les plus pauvres (démonstration d’un économiste de la Banque mondiale). Un économiste néerlandais montre les méfaits de la financiarisation de l’économie mondiale : le volume des crédits affectés à la sphère financière a explosé depuis trente ans, atteignant 200 % du PIB mondial à la fin des années 1990, puis 400 % en 2007, monstrueuse disproportion par rapport à l’économie réelle ; et la tendance s’aggrave malgré la catastrophe de 2008... 

 

Dans son article du Monde, Reverchon cite cette phrase : « Les fondamentalistes du marché seront les derniers à bouger, comme l’ont été les universitaires marxistes en Union soviétique, qui ont défendu leurs positions jusqu’à la date de leur mort, alors que leur monde s’était écroulé ». L’observation est exacte, bien qu’elle soit de George Soros.

 

L’INET, créé en 2010, est une fondation financée à l’origine par le même Soros, en compagnie des PDG de Blackberry et du fonds Warburg Pincus : groupes d’intérêts peu portés sur les remises en cause.

 

Mais le fait est là : le diagnostic de l’INET détruit les dogmes devenus pensée unique officielle après 1990. Dogmes auxquels le PS s’est rallié de longue date... Dogmes qui sont (encore aujourd’hui) la Loi et les Prophètes de la droite libérale française ! Pour cette droite, le constat de l’INET est une apocalypse. Elle se gardera donc d’en parler.

 

Nous, en revanche, cette destruction du dogme économique par des économistes nous intéresse. Pour deux raisons :


1. c’est une repentance de la caste coupable ;

2. c’est un retour au réel, partageable par tous les hommes de bonne volonté puisque la réalité est la même pour tout le monde. Les catholiques comptant parmi les hommes de bonne volonté (auxquels fut annoncée la paix sur la terre), ils ne devraient pas manquer de méditer sur cet événement.  À condition que l’information leur parvienne...

 

Bien entendu, les économistes de l’INET ne mettent en cause que le dogme ultralibéral ; ils ne sortent pas du paradigme productiviste. Ce qu’ils proposent n’est donc qu’une demi-révolution. Mais leur demi-révolution consiste à rompre avec le libéralisme : ce n’est pas rien, même si cette rupture inaugurale n’a encore lieu que dans des intelligences.

 

Une rupture concrète exigerait que le politique ressuscite, et que les Etats (miraculeusement réinventés) prennent l’offensive pour changer de système à l’échelon international. On en est loin.

 

Les États s’en remettent à la planète financière depuis trente ans, et la quasi-totalité de la classe politique adhère – en l’absence de croissance ! - au mythe de la croissance infinie.

 

 C’est une secrétaire d’État socialiste qui ânonnait en 2013, dans un forum du PS : « Le progrès il est dans le fait de passer nos frontières et de passer nos limites... » En ce cas, le progrès est réalisé par les multinationales et les fonds spéculatifs, fer de lance du sans limites. Et les bigots de ce « progrès », à gauche et à droite, resteront sourds aux avertissements de la réalité.

 

 

 

Par Patrice de Plunkett (*) - plunkett.hautetfort.com – le 11 avril 2015.


(*) Patrice de Plunkett est un journaliste et essayiste français, qui codirigea le Figaro Magazine… (Source Wikipédia).



Notes :  

(1) dont cinq prix Nobel d’économie... (NDLGazette : Le conseil scientifique de l’INET compte notamment Joseph Stiglitz [prix Nobel 2001], James Mirrlees [prix Nobel 1996], Amartya Sen [prix Nobel 1998], James Heckman [prix Nobel 2000], George Akerlof [prix Nobel 2001] et Michael Spence [prix Nobel 2001] [Source Wikipédia] 

(2) synthèse par Antoine Reverchon [Le Monde Culture & Idées, 11/04].

(3) Glossaire : « La chaîne de valeur désigne l’ensemble des activités productives réalisées par les entreprises en différents lieux géographiques au niveau mondial pour amener un produit ou un service du stade de la conception au stade de la production et de la livraison au consommateur final. Ces activités englobent selon les cas la recherche-développement, la conception, la production, la commercialisation, la distribution, la vente au détail, et parfois même la gestion et le recyclage des déchets. L’intensification de la mondialisation des chaînes de la valeur a entraîné un niveau sans précédent d’interdépendance entre les pays associés aux chaînes d’approvisionnement. »

 

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Espagne - Podemos entre dans l’arène en Andalousie

Espagne - Podemos entre dans l’arène en Andalousie | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

 

Espagne - Podemos entre

dans l’arène en Andalousie

Par Cécile Thibaud (*)

 


« Nous allons gagner l’Andalousie !

Et ensuite nous gagnerons le pays. »



Dimanche, les élections régionales seront le premier test pour le parti sur la scène politique nationale.


Les applaudissements fusent. Ce dimanche 15 mars, à Séville, le cercle des militants de Podemos du quartier de Triana est en campagne. Il a invité les sympathisants du nouveau parti à se retrouver pour une promenade en bateau sur le Guadalquivir qui traverse la ville. Un acte mi-fête, mi-politique, pour mobiliser les bonnes volontés dans la dernière ligne droite avant les élections régionales de dimanche prochain.

 

À bord, parmi les participants, se trouve Manu Calvo, biologiste, venu en famille, avec Rocio, sa compagne, et leurs deux enfants. « Nous avons tellement voté durant des années en nous bouchant le nez, en cherchant le moins mauvais des partis, qu’il est bon d’aller voter enfin en positif. »

 

 

Galop d’essai

 

Pour Podemos, les élections andalouses sont un galop d’essai, avant les municipales et les autres élections régionales qui auront lieu à la fin de mai, puis les législatives attendues à la fin de l’année. Les rues de Séville sont tapissées d’affiches de la candidate socialiste (PSOE) sortante, Suzana Diaz, et de son adversaire du Parti populaire (PP) à droite. Faute de budget, rares sont celles de Teresa Rodriguez, la jeune professeure de littérature de 34 ans qui se présente pour Podemos à la présidence de la région.

 

Les sondages donnent un peu d’avance au PSOE, mais son hégémonie est remise en question par la montée de Podemos sur sa gauche et de Ciudadanos sur sa droite, qui pourraient bien récolter presque autant de votes et forcer un jeu d’alliances incommode pour ceux qui ont gouverné sans partage depuis 1982.

 

 

Du jamais vu

 

Du jamais-vu dans ce fief socialiste. Dans les villages andalous, on vote PSOE de père en fils, parce que c’est le parti qui a défendu les paysans contre les grands propriétaires terriens, raconte Juan Cordoba, ingénieur en industries renouvelables de 64 ans, socialiste déçu, qui s’était mobilisé dès le début du mouvement des Indignés. « C’est un vote viscéral marqué par des générations de misère aux champs. »

 

Autour de lui, sur le bateau, les banderoles violettes aux couleurs de Podemos claquent au vent. Les discussions s’enflamment. Les slogans virent au flamenco. Paqui Maqueda, 50 ans, républicaine convaincue, affirme entre deux pas de danse : « Le PSOE a oublié son S de socialiste et son O d’ouvrier. Nous ferons ce qu’il aurait dû faire : gouverner à gauche ! »

 

Chez les participants, le même constat : le PSOE n’a pas transformé l’économie andalouse. « Nous sommes producteurs agricoles, mais nous n’avons pas d’industrie de transformation des aliments ni d’industrie textile alors que nous cultivons le coton. C’est tout ça qu’on veut changer », explique Javier Marco Morales, employé de la marine marchande.

 

 

Le chômage à 35 %

 

« D’accord, on ne crève plus de faim, mais l’Andalousie compte 35 % de chômage, le taux le plus fort d’Europe ! s’exclame-t-il. Qu’a fait le PSOE ? Rien ! Il s’est contenté de monter un système d’allocations et de créer un réseau de dépendance clientéliste malsain. » Cette allégeance pourrait bien arriver à son terme alors que l’historique syndicat des journaliers est en train de se rallier à Podemos, qui a promis une réforme agraire.

 

Le meeting de clôture de campagne avant le scrutin de dimanche aura lieu ce soir, dans le vélodrome de Dos Hermanas, près de Séville. C’est là qu’ont eu lieu tous les grands rassemblements triomphants du PSOE, depuis l’époque de Felipe Gonzalez. Mais cette fois, c’est Podemos qui y sera. Tout un symbole.

 

 

Par Cécile Thibaud (*)24heures.ch – le 19 mars 2015

(*) Cécile Thibaud vit à Madrid depuis onze ans, avec son mari et ses deux filles. Elle est journaliste et correspondante pour L’Express et La Tribune de Genève. Avant de s’installer en Espagne, elle était chef adjointe au service société de L’Express, après avoir été reporter pour Le Nouvel Économiste et pour Télérama. (livredepoche.com)

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Inauguration de la BCE : on reprend leur fête en main !

Inauguration de la BCE : on reprend leur fête en main ! | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : jeune-nation.com


 

 

Inauguration de la BCE :

on reprend leur fête en main !

 

Actions transnationales contre l’inauguration de la BCE

 

Cette intimidante architecture du pouvoir est un symbole parfait de la distance qui sépare les élites politiques et financières des populations. Le personnel et le matériel de bureau sont déjà en cours d’installation. Mais la grande cérémonie d’inauguration – en présence de plusieurs chefs d’État européens et de l’oligarchie financière – est désormais annoncée pour le mercredi 18 mars.

 

Il n’y a pourtant rien à célébrer dans l’austérité et l’appauvrissement des populations ! Des milliers de personnes en colère et de militant-es déterminé-es de toute l’Europe vont bloquer les rues autour de la BCE et interrompre cette célébration du pouvoir et du capital, en ce jour de 144e anniversaire de la Commune de Paris. Nous allons prendre la fête en main et la transformer en lieu de jonction des résistances transnationales contre les politiques de crise en Europe et leurs conséquences catastrophiques, particulièrement pour les populations d’Europe du Sud.

 

La BCE joue un rôle important dans l’infâme Troïka, responsable de coupes brutales, d’un chômage croissant et même de la désintégration du système de santé en Grèce et dans d’autres pays de l’UE. Avec la Commission Européenne et le Conseil de l’UE, la BCE a promu l’austérité, les privatisations et la précarité. Ils n’ont eu aucune hésitation à faire chanter des gouvernements élus pour imposer leurs attaques contre les droits sociaux des populations. Alors que la crise se développait, l’UE est devenue ce régime de plus en plus autoritaire où le manque de participation démocratique est criant. Les contrôles meurtriers aux frontières et la militarisation croissante de la politique étrangère aggravent ce processus. Ils ne peuvent pas — et ne veulent même plus — nous représenter. Les élites dirigeantes ne peuvent plus rien nous offrir. Mais de nouvelles forces émergent de chaque lieu de vie, c’est notre responsabilité de construire les solidarités et une vraie démocratie par la base. Ils veulent le capitalisme sans la démocratie, nous voulons la démocratie sans le capitalisme !

 

Dans le même temps, nous devons être parfaitement conscients des dangers d’un racisme croissant et de la montée de l’extrême droite, cet immonde produit dérivé de la crise capitaliste. Tandis que leur intention est de relever les barrières autour et au sein de l’Europe, notre but est exactement à l’opposé : abattre les remparts de l’Europe forteresse.

 

Certes il est vrai qu’il n’y a plus aussi fréquemment de réunions d’urgence sur le sauvetage de l’euro et la solvabilité de certains États membres, mais cela ne signifie pas pour autant que la crise est derrière nous. Pour quelques pays, la stratégie du choc est loin d’être terminée et de nouvelles mesures brutales d’austérité sont encore imposées. Dans d’autres pays, nous faisons face à une nouvelle normalité faite d’incertitude et de pauvreté. Il est de toute façon évident depuis longtemps que les politiques déployées pendant la crise n’avaient rien de temporaire, elles étaient soigneusement implantées dans les États et les institutions de l’UE. Tout cela a préparé le terrain pour une nouvelle phase, un modèle de société de la précarité et de droits sociaux très limités. Mais nous refusons de nous y faire !

 

L’Allemagne est l’une des principales forces motrices de la politique d’austérité. Dans un sens, elle est à la fois le ventre de la bête du régime de crise européen et l’œil du cyclone où règne un calme relatif. Mais les attaques contre les droits sociaux, la précarité croissante et la pauvreté sont aussi une réalité en Allemagne. Il y a de multiples raisons pour les personnes vivant en Allemagne de se mobiliser pour une vie décente, pour l’égalité des droits et pour une vraie démocratie pour toutes et tous, quels que soient leur descendance, leur genre ou leur nationalité. Les actions contre la cérémonie d’inauguration de la Banque centrale européenne nous offrent l’occasion parfaite d’envoyer un signal clair de solidarité aux côtés de tou-tes les militant-es d’autres pays.

 

Pour toutes ces raisons, nous appelons à une forte participation internationale aux actions du 18 mars à Francfort. En plus d’une action massive de désobéissance civile, il y aura tout un éventail de manifestations, de blocages et autres formes d’actions. Les journées Blockupy 2012 et 2013 n’étaient que le commencement.

 

La protestation et la résistance seront de retour à Francfort – nous serons plus nombreux et déterminés que jamais !

 

 

Par Blockupy Frankfurt - legrandsoir.info - le 3 mars 2015

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GRÈCE : TSIPRAS S’EN PREND À L’ESPAGNE ET AU PORTUGAL

GRÈCE : TSIPRAS S’EN PREND À L’ESPAGNE ET AU PORTUGAL | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


GRÈCE : TSIPRAS S’EN PREND À

L’ESPAGNE ET AU PORTUGAL

 

Alexis Tsipras a accusé ce samedi devant les membres du comité central de Syriza le gouvernement de droite espagnol et le gouvernement portugais d’avoir essayé de torpiller les récentes négociations de la Grèce avec l’Union européenne au sujet de la reconduction de la dette.

 

Alexis Tsipras a notamment déclaré :


« On était sur un terrain miné, les forces conservatrices (en Europe) ont tenté de nous piéger pour nous conduire à une asphyxie financière »

« Ces puissances ne souhaitaient pas que l’exemple grec ait une influence sur d’autres pays, surtout dans la perspective d’élections en Espagne »

 

Eh oui, tout est dit dans ces 2 phrases. L’émergence de PODEMOS en Espagne fait craindre à l’exécutif du pays une bérézina électorale, la perte de la majorité absolue. Je suis donc témoin en Espagne d’une diabolisation constante de Syriza, une guerre sale relayée pratiquement tous les jours par les médias conservateurs espagnols, à savoir EL MUNDO, LA RAZON qui fait ses UNE sur le suicide annoncé de la nation grecque, et aussi le quotidien très proche des intégristes catholiques ABC.

C’en est au point que le journal LA RAZON a utilisé en gros titre le terme de PODEMOS GREC au lieu d’écrire SYRIZA ! Comme vous le voyez, la droite espagnole ne fait pas dans la dentelle ! Les tentatives d’amalgames sont grossières et les intentions de manipulations se voient à 2 années-lumière !... Mais les électeurs espagnols ne sont pas dupes comme le montrent les résultats de PODEMOS dans les sondages...

 

Les réseaux sociaux sont un bon contrepoids à l’artillerie lourde déclenchée dans les médias. Merci internet !... Et merci aussi à la chaîne privée SEXTA où travaille Jordi Evole et qui fait un bon travail d’information et de désintoxication.

 

Au moment où Rajoy s’emploie à discréditer les tentatives de Tsipras de tourner le dos aux politiques austéritaires qui ont conduit son pays dans une impasse, il faut rappeler que l’Espagne a bénéficié en 2012 d’un plan de sauvetage (les dirigeants de droite n’aiment pas qu’on leur rappelle et qu’on utilise ce terme... ils préfèrent parler de restructuration de la dette, mais, en fait, il s’agissait bien d’un sauvetage de 100 milliards d’euros).


Plan de sauvetage surtout destiné aux banques (dont certaines sont coupables de grandes malversations actuellement en jugement comme Bankia qui a affiché un déficit de 24 milliards), mais qui n’a eu aucun effet sur l’économie réelle puisque le pays culmine avec des taux records de chômage, notamment chez les jeunes (plus de 40 %... je suis témoin de cette situation dramatique chez les jeunes qui n’hésitent plus à faire la valise comme leurs grands-parents).

 

J’avais déjà annoncé une future guerre sale contre PODEMOS il y a quelques mois, et effectivement elle a lieu, et parfois dans des termes grotesques... mais le champ de bataille s’est déplacé également vers Athènes, car les forces conservatrices du Sud n’ont aucun intérêt à ce que Tsipras réussisse son pari de relever son pays, et pour ça, toutes les armes sont bonnes, même les plus viles.

 

Voici un lien qui vous en dira plus, pour ceux qui comprennent l’espagnol

http://www.publico.es/internacional/tsipras-acusa-espana-y-portugal.html

 

 

Par alea-jacta-est.ex-posteur.over-blog.com – le 1er mars 2015

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Un été sans emploi pour la jeunesse américaine

Un été sans emploi pour la jeunesse américaine | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


Un été sans emploi pour 

 la jeunesse américaine

 

Par André Damon

 

Cet été, seulement un adolescent sur quatre aura un emploi aux États-Unis, comparé à un sur deux il y a quinze ans. Le déclin des emplois pour jeunes est une composante majeure du chômage de masse qui perdure dans la foulée de la crise financière de 2008.

 

Malgré six ans de ce qui a été officiellement qualifié de « reprise » économique, la part des adolescents qui ont un emploi a peu changé depuis le pire de la récession. Une étude publiée par l’Université Drexten en mai démontre que malgré l’amélioration symbolique du taux de chômage officiel, la prévalence du chômage de masse pour les adolescents est symptomatique « de problèmes semblables à ceux connus durant la période de la Grande Dépression ».

 

La campagne électorale présidentielle de 2016 étant déjà déclenchée, ni les médias ni les candidats des deux partis de la grande entreprise ne daignent mentionner qu’il n’y a pas d’emploi d’été pour des millions de jeunes et des taux de chômage pratiquement sans précédent pour les jeunes. En ce qui les concerne, ce n’est pas important.

 

Il n’y a pas si longtemps, les programmes d’emploi d’été, bien qu’inadéquats et limités, étaient considérés comme une responsabilité gouvernementale essentielle. Maintenant, de tels programmes sont presque disparus.

 

L’élimination de ces programmes, comme d’autres réformes sociales de l’ère de la Grande Société, est liée au déclin du capitalisme américain, au mouvement des deux partis de la grande entreprise vers la droite, à la désindustrialisation et à l’ascension d’une aristocratie financière parasitaire.

 

La part des jeunes entre 16 et 19 ans qui travaillent l’été est passée de presque 52 pour cent en 2000 à 27 pour cent aujourd’hui, d’après l’étude Drexel. L’emploi à l’année pour adolescents est passé de 45 à 27 pour cent durant la même période.

 

Le chômage chez les adolescents est particulièrement concentré parmi les jeunes de sections pauvres et des minorités de la population. Moins de 20 pour cent des jeunes d’un foyer au revenu annuel inférieur à 20.000 $ avaient un emploi d’été en 2014, comparé à 41 pour cent pour les foyers avec un revenu annuel supérieur à 100.000 $. L’année dernière, seulement 19 pour cent d’adolescents noirs avaient un emploi d’été, comparé à 34 pour cent d’adolescents blancs.

 

Plusieurs processus reliés sont à l’origine d’un déclin radical des emplois pour jeunes. Dans le contexte d’une pénurie persistante d’emplois et de salaires en baisse, des travailleurs plus âgés acceptent désespérément des emplois qui étaient auparavant disponibles aux jeunes. Les employeurs, demandant une productivité et une flexibilité toujours plus grandes de la part de leurs travailleurs, sont moins enclins à s’adapter aux horaires scolaires des jeunes, pendant qu’un nombre grandissant de ces derniers travaillent sans rémunération dans des stages.

 

Mais le facteur le plus important dans le déclin de l’emploi d’été est l’effondrement dans le financement des programmes d’emplois d’été, particulièrement au niveau fédéral. En 1999, les subsides fédéraux représentaient 82 pour cent du financement des programmes d’emplois d’été pour New York City. Cet été, la contribution du gouvernement fédéral est nulle.

 

Le président Obama, malgré sa campagne en tant que défenseur des jeunes, a permis que le financement pour le programme d’emploi soit réduit année après année, particulièrement depuis l’imposition des coupes budgétaires « de séquestre » en 2013.

 

Les conditions pour la jeunesse de milieux ouvriers de villes telles que Detroit, Baltimore, New York, Boston, Chicago, San Francisco et ailleurs, ne sont pas mieux que celles qui ont été brillamment décrites de façon si émouvante dans les romans de l’ère de la Grande Dépression tels que Native Son de Richard Wright.

 

Presque une personne sur quatre de moins de 18 ans aux États-Unis vit dans une famille qui se trouve en deçà du seuil de pauvreté fédéral. Un total de 16,3 millions d’Américains de moins de 18 ans vit dans la pauvreté, et un enfant sur 5 vit dans un foyer où la nourriture manque.

 

Les États-Unis sont un pays où le nombre de milliardaires augmente par bonds et le 1 pour cent supérieur monopolise une part toujours plus importante du revenu et de la richesse de la nation annuellement.

 

Les dépenses en éducation, telles que le financement de programmes d’emploi, sont réduites à tous les niveaux de gouvernement. En 2015, les États comptent dépenser 1 805 $ par étudiant en éducation supérieure, soit 20 pour cent de moins qu’avant la récession. Cinq États ont coupé leur financement en éducation supérieure de plus de 25 pour cent depuis 2008, l’Arizona ayant réduit ses dépenses de 47 pour cent.

 

L’augmentation incessante des coûts de l’éducation supérieure rend l’université inaccessible à des millions d’étudiants à faible revenu. La dette étudiante a explosé et le finissant moyen terminera avec plus de 35.000 $ de dettes en 2015.

 

Est-ce étonnant si, dans de telles conditions de misère sociale et de chômage de masse, la violence urbaine et la violence provoquée par les gangs augmentent dans les quartiers urbains appauvris, tel que l’illustre la série de fusillades qui a fait huit morts la semaine dernière à Chicago ?

 

Il n’est pas non plus difficile de cerner le lien entre de telles conditions et la transformation de la police locale en une force d’occupation militarisée, employant la violence mortelle pour réprimer la colère sociale qui bouillonne sous la surface de la société.

 

Le surintendant de la police Garry McCarthy a déclaré en réponse aux fusillades d’il y a une semaine que la police devait s’assurer que les « criminels... sentent les répercussions du système judiciaire ». À Detroit, le chef de la police James Craig a traité les jeunes de la ville de « terroristes urbains ». De telles déclarations reflètent l’inhabilité totale de l’ordre social présent de résoudre le moindre problème social.

 

La jeunesse d’aujourd’hui est la première génération aux États-Unis dont le niveau de vie a baissé, en termes absolus, comparativement à celui de ses parents. La santé d’une société peut être mesurée en fonction du futur qu’elle réserve à ses jeunes. Sous cet angle, les conditions auxquelles font face les jeunes en Amérique et à travers le monde témoignent de l’échec du système capitaliste.

 

 

 

Par André Damon - wsws.org – le 13 juillet 2015.

Koter Info's insight:


Et chez nous, n'est-ce pas déjà le cas ?


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La jeunesse, cible capitale pour l’Union Européenne

La jeunesse, cible capitale pour l’Union Européenne | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


La jeunesse, cible capitale pour

l’Union Européenne

 

 

Dès sa construction, l’Union Européenne a été pensée comme un outil au service de la bourgeoisie pour anéantir les conquêtes sociales et démocratiques du mouvement ouvrier.

 

C’est une machine pour opprimer les travailleurs qui n’a fait qu’accentuer leur exploitation en les mettant en concurrence. Pour se justifier, la construction européenne s’est cependant galvanisée de grands idéaux de progrès, d’universalisme, de liberté, etc., et se présente tout particulièrement comme une opportunité pour les jeunes.

 

Voici en effet ce que l’on peut lire sur le site de la Commission européenne : « Plus de 75 millions de jeunes entre 15 et 25 ans vivent aujourd’hui en Europe. L’UE leur offre de nombreuses opportunités en développant des programmes pour accroître leur mobilité, leur permettre de parler plusieurs langues, et les inciter à s’impliquer davantage dans l’aventure européenne. »

 

Pourtant, loin de cette vision idyllique, l’UE ne sert qu’à maintenir voire à accentuer la précarisation des jeunes. Tout d’abord, les jeunes sont les premières victimes du chômage. Le taux de chômage de moins de 25 ans atteint des sommets (23,5 %) à l’échelle européenne. Les pays qui subissent le plus les politiques d’austérité imposées par les dirigeants européens (l’Allemagne en tête) sont les plus touchés. La Grèce affiche un taux de chômage des jeunes de 57,3 %. Pour l’Espagne, il atteint 56,5 %. Les conséquences de la crise systémique du capitalisme dépassent cependant la question du chômage : elles touchent en son cœur la jeunesse et son avenir.

 


Si le taux de pauvreté moyen dans l’UE s’élève à 25,1 % en 2012, selon les statistiques officielles, il grimpe à 31,3 % chez les 16-24 ans.
Cette hausse de la pauvreté est concomitante à la précarisation et la baisse des revenus qui frappent les peuples d’Europe. En Grèce, en Espagne et au Portugal, par exemple, les salaires minimums pour les jeunes avoisinent les 500 € à temps plein. En outre, leur précarité s’accentue avec la multiplication des contrats à durée déterminée, des temps partiels et des stages. Les entreprises culpabilisent les jeunes en leur renvoyant des nécessités de compétitivité, alors même que toutes les mesures européennes sur l’éducation ont contribué à mettre en concurrence les jeunes des différents pays en détruisant progressivement la valeur des diplômes et en faisant de l’université un milieu de plus en plus élitiste, qui reproduit toutes les logiques de domination économique, sociale et culturelle.

 

Le processus en cours a pour objectif de mettre en correspondance le système éducatif avec les nouvelles exigences de l’économie capitaliste. Après l’ère de la « massification », l’enseignement est à l’ère de la « marchandisation » et se rapproche de plus en plus d’un service privatisé par les grandes entreprises.

 

Depuis 1998, le Processus de Bologne a amorcé des réformes structurelles dans le système universitaire de tous les pays d’Europe, avec pour objectif de construire « l’enseignement supérieur le plus compétitif au monde ». En France, cela s’est traduit par la loi LRU (qui a soumis les universités aux logiques néolibérales, fixant aux conditions d’enseignements des obligations de performance et de rentabilité économique par un désengagement massif de l’État). La création d’un marché européen de l’emploi n’a fait qu’accroître ces dynamiques.

 

La propagande des médias dominants au service des dirigeants politiques sur la jeunesse consiste à relayer l’illusion que l’UE aurait fait de la jeunesse une « priorité ». Pour justifier cette promesse, un certain nombre de programmes ont été mis en place, en particulier afin de promouvoir la « mobilité ». Tous sont des leurres qui ne font que renforcer les inégalités économiques inhérentes au système capitaliste. Ainsi, le programme Leonardo par exemple, qui se présente comme « un programme mis en place par l’Union Européenne ayant pour but la mise en œuvre d’une politique de formation professionnelle en Europe » s’apparente en fait à du travail gratuit, où les jeunes sont payés une misère. C’est l’une des nombreuses manières que les capitalistes ont trouvées pour exploiter les jeunes en dépit des lois en les payant en dessous de tous les minima sociaux.

 

Le célèbre programme Erasmus est lui aussi particulièrement discriminant et contribue pleinement au renforcement des inégalités déjà existantes dans un système éducatif qui n’a pour projet que de reproduire les inégalités sociales qui lui préexistent. En effet, s’il entend permettre aux étudiants de faire leurs études à l’étranger, elle ne le permet que pour ceux qui en ont les moyens. Alors même que les étudiants en France sont plus de la moitié à vivre dans la difficulté financière, le manque de moyens (près de la moitié vit en dessous du seuil de pauvreté !) est encore plus criant quand il s’agit d’étudier à l’étranger. Plus de 20 % renoncent à se soigner par manque de moyens, il est donc encore moins envisageable d’imaginer partir étudier à l’étranger.

 


Mais, le programme Erasmus est aussi discriminant parce qu’il sélectionne les étudiants en fonction de leurs résultats, alors que les statistiques montrent que la précarité renforce les difficultés scolaires. Le salariat, par exemple, favorise largement l’échec, simplement parce qu’il implique moins d’heures disponibles pour le travail scolaire.

 

L’hypocrisie totale des gouvernants européens vis-à-vis de la jeunesse est particulièrement criante lorsque l’on sort du cadre continental et que l’on replace les politiques de l’Union européenne dans le cadre du système impérialiste qu’elle alimente. Alors même qu’elle prétend défendre la jeunesse, l’UE organise un massacre institutionnel de masse, en particulier des jeunes qui veulent « tenter leur chance » en Europe, avec le maintien de la forteresse Europe, renforcée par l’agence FRONTEX, dont le budget est en permanente augmentation.

 

 

 

Par Anya & Naïm - Investig’Action - le 4 juillet 2015.

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Dean Andromidas : choses vues du combat grec

Dean Andromidas : choses vues du combat grec | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : Dean Andromidas - Crédit : Institut Schiller

 

 

Dean Andromidas :

choses vues du combat grec

 

Voici la transcription de l’intervention du Dean Andromidas, rédacteur de l’Executive Intelligence Review (EIR), à la conférence internationale de l’Institut Schiller des 13 et 14 juin 2015 à Paris.

 

Je reviens d’une semaine en Grèce, mon quatrième voyage depuis cinq ans. Jusqu’à présent c’était comme visiter un camp de concentration avec toute sa souffrance et son désespoir. Ils avaient un gouvernement Quisling. Ils croyaient que leur situation était sans espoir. Aujourd’hui c’est devenu Stalingrad. La souffrance continue, mais ils ont un gouvernement élu par la population, et il a envoyé un signal fort aux Européens que les Grecs en ont assez. La souffrance continue, mais l’on se bat, et cela est très, très important. C’est aussi important pour les gens dans cette salle de comprendre ce qu’est leur responsabilité personnelle durant cette période.

 

Mais laissez-moi vous dresser le tableau de ce qui s’y passe. À chaque visite, depuis cinq ans, la situation empire de façon insoutenable. Le nouveau gouvernement de Syriza a hérité de la politique de génocide imposée par les institutions européennes. On peut voir les effets de cette politique partout : le chômage a atteint 27 %, une sous-estimation, car en réalité, il est de 45 %. Les journaux ne parlent pas des 300 000 petites entreprises qui ont fait faillite ; ils n’apparaissent pas sur les statistiques de chômage officielles. Il faut aller à Athènes pour voir tous les rideaux fermés des magasins en faillite, des magasins qui soutenaient beaucoup des familles.

 

Comment survivent ces gens ? Grâce aux retraites de leurs grands-parents – dix personnes dépendent parfois d’une seule retraite : les grands-parents, leurs enfants, les enfants de leurs enfants... Trois générations vivent d’une retraite de 400 euros par mois qui de surcroît a été réduite de 25-45 % ! Ce sont ces retraites que la Commission européenne veut empêcher le gouvernement de payer, pour que l’argent aille au remboursement de la dette due aux institutions européennes. Voilà la situation là-bas.

 

L’incertitude totale dans laquelle vit le pays est insoutenable. J’ai parlé avec des chauffeurs de taxi, avec des hommes d’affaires. L’incertitude est présente à tous les niveaux. Un retraité ne sait pas s’il va recevoir sa retraite, ou si elle lui permettra de payer les médicaments nécessaires pour rester en vie.

 

La Banque centrale européenne coupe les liquidités à la Grèce, mais inonde les banques françaises et allemandes, en faillite virtuelle, avec des liquidités presque gratuites. La Grèce elle n’a le droit à rien. Vous devez vous rendre compte de ce qu’implique le fait de ne pas avoir assez de liquidité dans le système bancaire. Des entreprises en Grèce, parfaitement viables n’ont pas d’accès aux liquidités dont ils ont besoin au jour le jour. L’Union européenne fait pression sur elles pour réduire les salaires à 300 € par mois, afin d’attirer les investissements étrangers. Mais quels investisseurs étrangers seraient prêts à investir en Grèce ? Qui voudrait venir dans une Grèce où règne l’incertitude et dont l’économie s’effondre ?

 

La zone d’affaires d’Athènes, le principal district commercial du pays, ressemble à un parc plein de seringues ! Nous avons vu des toxicomanes en train de se shooter en pleine ville.

 

Le costume national est devenu le blue-jeans et pas celui de marque ; l’ordinaire. Les gens sont au chômage et ce n’est pas que dans les rues qu’on voit les gens porter des blue-jeans, mais aussi dans les ministères !

 

Mais, il y a aujourd’hui une résistance. Le gouvernement est dirigé par le parti Syriza qui n’avait jamais fait plus de 4 % avant les élections de janvier. Mais le peuple a voulu envoyer un signal fort aux Européens, les Grecs en ont assez. Et Syriza n’est pas la gauche caviar. Certains de ses dirigeants sont issus du Parti communiste traditionnel. D’autres sont des étudiants qui avaient été torturés sous la Junte militaire. Syriza est un phénomène unique.

 

La Grèce a une histoire de résistance de 3 000 ans, face aux Perses, aux Ottomans et à l’Empire britannique. La guerre contre les Britanniques n’est pas terminée.

 

La question de la résistance est très profonde en Grèce. En 1942, un jeune de 16 ans est monté dans l’Acropole pour arracher le drapeau nazi, et cet acte a lancé la résistance. Il a actuellement 90 ans, et il siège au Parlement européen. Et c’est là la nature de la résistance grecque. Il y a des résistants de tous les âges, mais en particulier chez les retraités, des gens qui ont été au gouvernement ou dans la politique, mais qui n’avaient pas été actifs avant cette crise. Aujourd’hui ils mènent la bataille de leur vie. Beaucoup d’entre eux ont 70 ans. Comme l’ancien ambassadeur Chrysanthopoulos, un ancien diplomate qui a dû vendre sa voiture, quitter son appartement et emménager une maison de campagne à partir d’où il mène son combat.

 

Et il n’est pas le seul. Il y a aussi Mikos Theodorakis, le compositeur moderne grec le plus célèbre. Il fêtera bientôt son 90e anniversaire. Il est très malade : les séquelles de la torture durant la résistance lors de la IIe guerre mondiale, de la guerre civile dans les années 40 et de la junte militaire dans les années 60 et 70, ont fini par affecter sa santé et il n’est plus aussi actif.

Mais cet homme est une légende vivante, un symbole de la lutte. Il a pris les poèmes souvent émouvants des poètes grecs modernes, qui ont vécu les guerres civiles et l’occupation nazie et dont certains ont reçu le prix Nobel, et en a composé des œuvres musicales. Dans les années 50 et 60, il a utilisé sa musique pour mobiliser la population politiquement. Et bon nombre de jeunes qui ont fait partie de son mouvement sont aujourd’hui au gouvernement. La résistance est donc là !

 

Un conducteur des taxis que j’ai rencontré m’a dit : « Le gouvernement essaie » de changer les choses. Puis il a rajouté : « vous savez, nous ne nous sentons pas comme une partie de l’Europe ; nous pensons que nous sommes propriétaires de l’Europe. Nous les Grecs avons créé l’Europe. »

 

Beaucoup d’hellénistes, des Professeurs européens d’histoire de la période classique, disent que la population grecque d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celle de la Grèce antique. Mais si vous dites cela aux Grecs actuellement, ils vous tuent, parce qu’ils pensent que c’est leur histoire et c’est là qu’ils puisent la force pour résister.

 

Cela reflète bien leur attitude. L’un de mes amis est un ingénieur. Tous sont lourdement taxés : ceux qui ne sont pas encore nés, ceux qui sont au chômage, et leurs impôts sont plus élevés s’ils ont des enfants. Il m’a dit : « Nous les ingénieurs, nous payons des impôts, malgré le fait que beaucoup d’entre nous ne travaillent pas. » Car ils ont un statut des consultants indépendants. Beaucoup d’entre eux sont endettés au fisc. « Nous nous rencontrons à l’Association des ingénieurs et nous débattons de la situation du point de vue de Socrate et de Platon, afin d’appliquer leurs conceptions à la compréhension et à la lutte contre la crise. »

 

Que pouvons-nous faire ?

 

Je me suis demandé, qu’est-ce que je peux proposer à ces gens ?

 

Ils connaissent l’existence de l’oligarchie financière. La séparation stricte entre les banques d’affaires qui spéculent, et les banques de dépôts et de crédit utiles à la collectivité – la loi Glass-Steagall de l’époque de Roosevelt – fait partie de leur programme, et la plupart des gens veulent « pendre » les banquiers.

 

De facto, ils se sont déjà rapprochés des BRICS. Ils agissent à ce niveau. Mais je ne vais pas leur dire « vous n’avez qu’à quitter la zone euro ». Pourquoi la Grèce, le plus faible des pays européens, devrait-elle faire ce pas qui est le plus difficile ? La Grèce n’est pas l’Allemagne, ou la France. Elle n’a pas les ressources pour prendre cette responsabilité à ce stade. Ils dépendent de leurs importations. Qui va payer les médicaments qu’ils doivent importer ?

 

Comme disent les militaires, la Grèce est aujourd’hui sur la ligne de front. Elle a une mission et elle est en train de se battre pour l’accomplir.

 

Je leur ai donc parlé de la guerre que nous sommes en train de mener de notre côté pour changer globalement ce système. Je leur ai apporté les idées et les analyses de Lyndon LaRouche qui a une compréhension très grande de la situation des États-Unis et qui se bat là-bas pour rétablir la loi Glass-Steagall - c’est notre mouvement qui a mis cette question sur l’agenda – et pour que les États-Unis soutiennent la dynamique des BRICS.

 

La campagne présidentielle de l’ancien gouverneur du Maryland, Martin O’Malley, pourrait être aussi une percée de ce point de vue. Pour LaRouche, il est le seul candidat compétent pour le poste à ce stade, parce qu’il a mis au cœur de sa campagne la lutte contre Wall Street, et la nécessité de rétablir la loi Glass Steagall. Notre mouvement n’est pas en train d’organiser le vote pour O « Malley en tant que tel. Nous agissons pour créer les conditions pour qu’émerge un candidat présidentiel digne de ce nom aux États-Unis, un candidat s’attaquant à ces problèmes au sein de la Maison-Blanche.

 

Les Grecs doivent aussi agir pour favoriser ce changement aux États-Unis et une fois qu’un changement de cette nature aura lieu, nous aurons le pouvoir de changer la politique en Europe. Ceux qui sont proches du pouvoir ont compris cela rapidement. Pas de doute pour eux : il faut agir dans cette direction.

 

Et ici, qu’avez-vous fait, vous qui êtes dans cette salle, pour mettre fin à l’oligarchie prédatrice responsable de la situation en Grèce et de celle qui se répandra à l’Europe tout entière si nous ne l’arrêtons pas ? Voilà ce qui doit guider nos actes, ici.

 

En Grèce, il y a un auteur célèbre et très aimé, Nikos Kazantzakis. Il a écrit dans la première partie du siècle dernier. Et sur sa tombe on peut lire l’inscription suivante : « Je ne crains rien, je n’attends rien, c’est pourquoi je suis libre ». La question est : « J’agis, pas avec l’espoir qu’il y aura nécessairement un changement ; mais je dois agir en raison de mon humanité ! »

 

Voilà l’attitude que beaucoup de Grecs ont actuellement, et c’est celle que nous devons avoir lorsque nous quitterons cette salle. Notre arme est le Glass-Steagall qui pourra terrasser l’oligarchie. Nos alliés sont les BRICS et notre pouvoir, sont les idées que nous pouvons générer pour sauver l’humanité. Pas seulement aujourd’hui, mais dans 50, 100, 200 ans. Voilà donc ce qui se joue en Grèce actuellement.

 

 

 

Par la Rédaction de Solidarité & Progrès – le 25 juin 2015.

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Grèce : entre culpabilité, honte et salissure morale

Grèce : entre culpabilité, honte et salissure morale | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Illustration : resistanceauthentique.wordpress.com


 

 

Grèce : entre culpabilité, honte

et salissure morale

 

Si, d’aventure, la Grèce quitte la zone euro, nous serons honteux.

Profondément honteux. Fugacement apaisés, mais rongés de culpabilité.

Ce projet politique de monnaie unique, sans aucun fondement économique satisfaisant, devait apporter la croissance.C’était l’héritage de la jeunesse des années soixante devenue mature. Pas celui des vieux patriciens qui dirigent le continent.

 

Car qui sont ces gens qui nous dirigent sans aucun sens de l’histoire ? Sans comprendre que c’est dramatique d’avoir plongé tous les pays du Sud dans un chômage inextricable et la moitié de sa jeunesse sans emploi ?

 

Comprennent-ils qu’ils deviennent les censeurs d’une histoire qui leur échappe ?

 

Et si une monnaie ne doit pas découler d’un acte politique, mais d’un alignement économique qui était inexistant, c’est justement aujourd’hui qu’il faut considérer l’euro sous l’angle de la politique, et pas de l’exclusive économie.

 

Lors de cette crise, le premier réflexe fut d’assouvir la jeunesse à l’austérité et à la rigueur.

Dans les pays du Sud, elle tomba au champ d’honneur de la monnaie, qu’on voulait forte au détriment du travail qu’il fallait appauvrir.

 

C’est Bernanos qui avait raison quand il suggérait que tous les vingt ans, la jeunesse pose aux vieillards une question à laquelle ils n’ont pas de réponse.

 

Je le dis paisiblement : le Nord de l’Europe sortira sali d’une sortie de la Grèce de l’euro.

 

 

Par Bruno Colmant - blogs.lecho.be – le 18 juin 2015.

http://blogs.lecho.be/colmant/2015/06/grèce-entre-culpabilité-honte-et-salissure-morale.html

  

Bruno Colmant est membre de l’Académie Royale de Belgique, Docteur en Économie Appliquée (ULB) et Master of Science de l’Université de Purdue (États-Unis). Il enseigne la finance appliquée et l’économie à la Solvay Business School (ULB), à la Louvain School of Management (UCL), à l’ICHEC, à la Vlerick Business School et à l’Université de Luxembourg. Sa carrière est à la croisée des secteurs privés, publics et académiques.

 

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La troisième voie européenne

La troisième voie européenne | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : electronlibre.info


 

La troisième voie européenne

Par Bruno Colmant (*)

 

Les bouleversements qui ont traversé l’économie européenne au cours des 25 dernières années sont stupéfiants. Mais après avoir été une terre malheureuse, l’Europe doit anticiper des mouvements économiques de grande envergure. Longtemps confinés aux pays adjacents, les flux du commerce se sont détendus vers l’Est du planisphère. La carte économique du monde se redessine de façon spectaculaire.

 

Dans ce contexte, l’Europe politique souffre peut-être d’un déficit de capacité d’anticipation. Qui aurait pu augurer, par exemple, que certains des pays ressortissants à la zone BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) ne seraient pas uniquement les lieux de délocalisation d’activités industrielles ou de marchés de consommation en décollage, mais aussi ceux à l’origine de stratégies de consolidation, comme la sidérurgie ? Ce redéploiement des forces économiques était prévisible depuis les années quatre-vingt, au cours desquelles Deng Xiaoping a enclenché le cap de la modernisation chinoise, avec l’objectif pour son pays de devenir une puissance mondiale au milieu du XXIe siècle.

 

Bien sûr, la croissance ne sera pas plane, car certains auspices sont funestes. On anticipe déjà des chocs pétroliers, exacerbés par la raréfaction de la ressource et la fragilité des moyens de transport. On prévoit aussi des frictions militaires, qui s’ordonneront avec les flux énergétiques. Avec beaucoup de lucidité, François Mitterrand, le visionnaire humaniste, l’avait chuchoté confidentiellement en 1995 : cette guerre économique sera à mort. De Gaulle aussi, en prophète désespéré et fataliste, l’avait imaginé en la craignant, cette Europe économique, de l’Atlantique à l’Oural.

 

Mais où la garnison européenne va-t-elle pousser ses feux dans ce plan de bataille économique ? Deviendra-t-elle un continent mature, à la démographie déclinante et peut-être stabilisé socialement ? Et comment va-t-elle surmonter son vieillissement, source de frictions sociales (pensions, immigration compensatoire) ? Comment les pouvoirs politiques, à peine affranchis de plusieurs décennies de protectionnisme, vont-ils réconcilier la mobilité des capitaux, et la protection et la formation du travail ? La solidarité sociale sera-t-elle fondée sur l’assistanat ou sur des logiques d’assurances déjà appliquées dans les pays nordiques ?

 

L’économiste français Alain Minc résume l’alternative qui s’offre aujourd’hui à l’Europe : Sera-t-elle une « Suisse, avec des musées en plus », ou dupliquera-t-elle le modèle canadien, reflétant lui-même les traditions européennes d’un État social avec les exigences de la concurrence anglo-saxonne ?

 

À l’intuition, c’est cette seconde voie, sans doute définie par défaut, qui devra être suivie, avec comme corollaire un rééquilibrage du contrat social et fiscal en faveur du travail. Les réformes couvriront, par exemple, les exigences de l’enseignement, qui devra ajuster la mobilité des travailleurs et surtout, résoudre le paradoxe d’un chômage structurel et d’une immigration importante. Au reste, l’immigration prendra elle-même des formes inconnues : elle se couplera à des immigrations de capitaux, mais aussi de compétences raréfiées par l’accession des baby-boomers à la retraite. C’est donc l’équilibre intergénérationnel du travail et de ses revenus (différés ou non) qui fera l’objet des ajustements fiscaux et financiers.

 

Certains imaginent que le statu quo économique européen est souhaitable et justifié par une certaine tradition collective. C’est insensé. La fin de la guerre froide l’avait prédit : l’Europe devra inéluctablement, ajuster le curseur de son degré de compétitivité vers une économie de marché éclairée. Sa logique devra être innovatrice plutôt que contemplative. Et, finalement, on a peut-être enterré trop vite les débats idéologiques qu’on croyait appartenir à un cycle économique révolu.

 

L’Europe continentale sera toujours à la recherche de cette fameuse troisième voie, entre la collectivisation étatique et le cynisme mercantile de certaines économies. Cette troisième voie, c’est peut-être l’indécision entre les modèles libéral et nordique.

 

 

Par Bruno Colmant (*) – blogs.lecho.be – le 11 juin 2015

 

(*) Bruno Colmant est membre de l’Académie Royale de Belgique, Docteur en Économie Appliquée (ULB) et Master of Science de l’Université de Purdue (États-Unis). Il enseigne la finance appliquée et l’économie à la Solvay Business School (ULB), à la Louvain School of Management (UCL), à l’ICHEC, à la Vlerick Business School et à l’Université de Luxembourg. Sa carrière est à la croisée des secteurs privés, publics et académiques.


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Les réformes du chômage en Belgique. La mise en cause d’une indemnisation à durée illimitée

Les réformes du chômage en Belgique. La mise en cause d’une indemnisation à durée illimitée | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Dessin : ysope.over-blog.net

 

 

Les réformes du chômage en Belgique. 

La mise en cause d’une indemnisation

à durée illimitée

 

À ne pas lire la richesse de l’histoire des formes de l’indemnisation du chômage en Belgique et notamment les expériences de déconnexion du salaire et de l’emploi dont elle est porteuse, les organisations syndicales, en s’arcboutant au contraire sur un modèle assurantiel, sont réduites à l’impuissance face aux attaques faites aux droits des chômeurs.

 

En Belgique, l’institution d’une « assurance-chômage » générale et obligatoire date de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Jusque-là, les travailleurs pouvaient s’affilier sur une base volontaire à des caisses syndicales éventuellement subsidiées par les pouvoirs publics. À partir de 1945, ce sont désormais des cotisations sociales obligatoires qui financent majoritairement l’ensemble de la sécurité sociale (complétées, en cas de besoin, par des recettes fiscales). Elles sont versées à l’Office national de la sécurité sociale (ONSS) qui les redistribue ensuite entre les différentes branches de la sécurité sociale.

 

 

1945 : un forfait salarial illimité

sans condition de durée de cotisation

 

En matière de chômage, un organisme public est créé en 1945 pour assurer la gestion paritaire du système (allocations des fonds, aide au placement, contrôles, etc.). Rebaptisé l’Office national de l’emploi (ONEm) en 1961, ce dernier a depuis vu ses missions de contrôles et de placement progressivement scindées selon une distinction linguistique (néerlandophone, francophone) à partir de 1978, puis régionalisées à partir des années 1980.

 

Dans ce dispositif, les syndicats ont réussi à garder leur rôle historique d’intermédiaire dans le paiement des allocations de chômage, ce qui explique en partie le taux de syndicalisation particulièrement élevé du pays (plus de 50 %). En effet, bien qu’il soit également possible de percevoir ses allocations de chômage par le biais d’une caisse « neutre » – la CAPAC (« Caisse auxiliaire de paiement des allocations de chômage ») –, le fait de s’affilier à un syndicat s’accompagne d’une série d’avantages appréciés des chômeurs (versement anticipé des allocations, assistance juridique, etc.). Côté syndical, cela a toutefois eu des conséquences ambiguës, Faniel y voyant par exemple une des principales causes du « processus de modération et de bureaucratisation des appareils syndicaux belges » tout en reconnaissant que « ce système a également contribué à consolider les organisations syndicales et leur a permis d’accéder à des leviers d’intervention dans la vie socio-économique, y compris pour assurer une défense réelle de leurs affiliés sans emploi (et plus largement des chômeurs) » [1]

 

En matière d’indemnisation, la législation de 1 945 traduisait à la fois l’objectif prioritaire du plein-emploi et une logique de solidarité entre travailleurs salariés censée venir pallier les cas de chômage temporaire (et involontaire). En effet, si c’est bien le versement d’une cotisation préalable qui ouvre en priorité le droit à l’indemnisation, aucune durée minimale de cotisation n’était prévue pour en bénéficier (certains jeunes y ayant même droit sur la seule base de leurs études, dans la mesure où celles-ci les préparaient à l’exercice d’un travail salarié). En outre, une fois acquise, l’indemnisation ne souffrait (en principe) d’aucune limitation dans le temps. Enfin, son montant était fixé forfaitairement à 50 % « du salaire minimum d’un manœuvre adulte » pour les hommes, et 50 % « du salaire minimum d’une femme adulte » pour les femmes, éventuellement majoré ou minoré de 10 % en fonction de la commune de résidence.

 

On est donc loin d’une prestation contributive dont le montant et la durée dépendraient des contributions passées, puisque deux jours ou vingt ans de cotisations donnent droit à une même indemnisation forfaitaire et illimitée dans le temps. Mais il ne s’agit pas non plus d’assistance. D’abord, parce que l’allocation repose sur une exigence (même purement formelle) de réciprocité : il faut avoir au moins vocation à contribuer un jour au système pour en bénéficier. Ensuite, parce qu’elle couvre un risque, le chômage, dont la simple réalisation suffit à la fonder, indépendamment de l’éventuel état de besoin de son bénéficiaire. Logiquement, les corollaires de ce système sont, d’une part, l’exclusion des travailleurs indépendants et des femmes au foyer, ou encore des vagabonds qui relèvent quant à eux de l’assistance publique, et d’autre part, la possible exclusion temporaire des personnes en « chômage volontaire » après refus ou démission d’un « emploi convenable » ou licenciement pour faute.

 

 

La construction d’un modèle assurantiel-solidaire

 

Dans les trois décennies qui suivent 1945, on assiste à une consolidation du système sur une base assurantielle-solidaire selon une double dynamique. D’une part, soucieux de limiter les « abus » potentiels, le gouvernement met en place des dispositifs destinés à les encadrer. En 1951, il introduit une durée minimale de cotisation pour lutter contre les « affiliations abusives » (dix mois, réduits à trois mois pour les moins de dix-huit ans). Cette condition sera renforcée en fonction de l’ancienneté à partir de 1961, toujours pour éviter des affiliations de dernières minutes de la part de travailleurs n’ayant jamais cotisé (par exemple les travailleurs indépendants).

 

Parallèlement, en 1948, les sanctions pour « chômage volontaire » sont renforcées, tandis qu’apparaît en 1951, un mécanisme de contrôle du « chômage anormalement long » qui vise surtout les catégories de chômeurs (des femmes en particulier) réputées ne pas avoir besoin d’un emploi ou peu motivées à en (re) trouver un. Les sanctions sont toutefois rarement appliquées et elles dépendent de l’avis d’une commission consultative régionale paritaire, ce qui en diminue encore la systématicité.

 

D’autre part, cette fois sous la pression des revendications syndicales, le régime d’indemnisation du chômage est étendu à de nouvelles catégories de bénéficiaires, comme d’autres jeunes ou certains travailleurs à temps partiel. Mais surtout, les montants sont régulièrement revalorisés, soit par la suppression progressive des discriminations entre chômeurs (entre hommes et femmes, entre différentes catégories de commune, etc.), soit par des réévaluations ponctuelles. Plus encore, la logique salariale de l’indemnité s’affirme contre la logique du forfait, d’abord avec le passage de 50 % à 60 % du salaire minimum de référence en 1962, et surtout avec l’introduction en 1971, du mode de calcul fondé sur un pourcentage du dernier salaire (60 % la première année puis 40 % à partir de la seconde année, sauf pour les « chefs de ménage »), tandis qu’est posée, en 1974, la liaison des montants à l’évolution générale des salaires, hors index.

 

Ces avancées participent de la socialisation croissante du salaire qui s’observe alors en Belgique comme ailleurs et qui passe non seulement par une hausse de la part du salaire indirect dans la masse salariale, mais également par le développement d’institutions politiques de négociation des montants, évolutions et autres conditions de l’ensemble des salaires : les « Accords interprofessionnels » (AIP) négociés tous les deux ans entre patronat et syndicats à partir des années 1960 en sont probablement l’expression la plus aboutie. En matière de chômage, les syndicats y défendent avant tout le renforcement du caractère solidaire du régime d’indemnisation, de même qu’une augmentation des montants alloués de manière à assurer des conditions de vie décentes aux chômeurs. Cette dernière position les avait d’ailleurs poussés à se montrer réticents au calcul de l’allocation sur la base du dernier salaire, dans la mesure où ils craignaient ses effets sur les inégalités de revenus entre chômeurs (dans les faits, celles-ci seront limitées par des montants plafonds relativement bas et des montants planchers supérieurs au salaire minimum) [2].

 

Cette dynamique va être interrompue avec le chômage de masse et le ralentissement économique qui s’installent à partir du milieu des années 1970. Entre 1973 et 1983, le nombre de chômeurs passe de 125 000 à 700 000. Malgré des variations conjoncturelles mineures, ce niveau se maintiendra par la suite, mettant à mal le consensus sur un régime assurantiel-solidaire censé couvrir un chômage limité et temporaire. Au contraire, alors que celui-ci apparaît de plus en plus massif et de longue durée, les réformes vont se succéder. Malgré des trajectoires parfois ambiguës en raison du contexte institutionnel propre à la Belgique, celles-ci iront toujours dans le sens d’un recul général du droit des chômeurs.

 

 

Entre « allocation tutélaire » et « salaire différé »

 

Schématiquement, on peut distinguer deux grandes vagues de réformes. La première s’étend de 1 980 à 2 004 et elle a principalement pour effet de rapprocher l’allocation de chômage d’une logique d’« allocation tutélaire » propre aux régimes assistantiels [3]. Cela passe d’abord par la réintroduction d’une forte sélectivité en fonction des besoins, en particulier dans la lignée de la création en 1980 du statut de « chômeur cohabitant ». Celui-ci introduit en effet une distinction entre les chômeurs (surtout des chômeuses en réalité) n’ayant pas d’enfant à charge et qui sont domiciliés avec au moins une autre personne disposant d’un revenu, et les autres, qu’ils soient « chefs de ménage » ou « isolés ». À ce titre, ils ou elles voient leurs conditions d’indemnisation régulièrement dégradées, que ce soit au niveau des montants, des contrôles, ou encore de la durée avec par exemple l’introduction en 1986 de l’exclusion automatique des cohabitants dont la durée de chômage excède une moyenne calculée en fonction de leur lieu de résidence. Et cela alors qu’elles/ils ont payé des montants de cotisations identiques à ceux des « chefs de ménage » ou des « isolés ».

 

Dans un second temps, la dérive de l’allocation de chômage va porter sur le comportement attendu de ses bénéficiaires. En effet, si les chômeurs ont toujours été considérés comme devant rechercher un emploi, jusque-là cette obligation était restée largement « passive ». Elle concernait le seul chômage « volontaire » et/ou « anormalement long ». Plus encore, alors que les changements de politique économique favorisaient l’installation d’un chômage de masse structurel dans le courant des années 1980, des évolutions réglementaires étaient venues conforter l’idée qu’un nombre élevé de chômeurs étaient tout simplement perdus pour le marché de l’emploi et qu’il fallait tenir compte de cette nouvelle réalité : facilitation des conditions d’indemnisation pour les travailleurs à temps partiel involontaires, possibilité de cumuler des heures de travail rémunérées dans les secteurs public ou associatif avec ses indemnités de chômage, multiplication des dispenses pour les « chômeurs âgés », etc.

 

Or, la situation change à partir des années 1990, notamment avec l’émergence des réflexions sur « l’État social actif ». Il s’agit désormais d’« activer » les prestations sociales pour éviter qu’elles n’entretiennent une forme d’« assistanat » chez leurs bénéficiaires, par exemple en les liant à l’obligation faite aux chômeurs de prouver qu’ils recherchent activement un emploi. En Belgique, ce principe est introduit en 2004. Il est alors défendu au nom du tri qu’il permettrait d’effectuer entre « bons » et « mauvais » chômeurs, une condition « indispensable », selon ses promoteurs, pour pérenniser certains des fondements mêmes du système, à commencer par son caractère illimité dans le temps ou encore l’existence d’un régime spécifique d’allocations perçues sur la seule base des études, les allocations d’attente (rebaptisées « allocations d’insertion » en 2012). Prévues à l’origine pour les « jeunes », celles-ci permettent en réalité à de nombreux travailleurs précaires de bénéficier d’allocations de chômage dans la mesure où les conditions d’accès aux allocations sur base d’un travail en Belgique sont parmi les plus restrictives des pays de l’OCDE.

 

Cela n’empêche pas ces deux « particularismes » d’être à leur tour attaqués, à partir de 2012, par une nouvelle vague de réformes dont la logique sous-jacente s’inspire cette fois du « j’ai cotisé, j’ai droit » propre au modèle du « salaire différé ». Cela passe d’abord par l’introduction de la dégressivité accrue et généralisée des allocations de chômage, une manière détournée de saper la portée du principe d’illimitation dans le temps du versement de ces allocations. Jusque-là, seuls les chômeurs « isolés » et « cohabitants » voyaient leurs allocations diminuer après un an de chômage (respectivement à 50 % et 40 % du dernier salaire). Désormais, toutes les catégories de chômeurs sont visées, selon un rythme qui tient compte de leur passé professionnel.

 

Après un maximum de quarante-huit mois de chômage, les montants cessent de tenir compte du dernier salaire pour atteindre des sommes forfaitaires de 1 090,70 € pour les chefs de ménage, 916,24 € pour les isolés et 483,86 € pour les cohabitants. En « contrepartie », le gouvernement a assoupli les conditions d’accès à ces allocations et il en a également augmenté les montants en début de période (65 % durant les trois premiers mois, au lieu de 60 % auparavant), autant de signes supplémentaires de sa volonté de renforcer le lien entre contribution et prestation.

 

Parallèlement, il s’est également attaqué, cette fois plus directement, au régime spécifique des allocations sur la base des études, qui n’ont pas de fondement contributif. Le bénéfice de ces allocations a été limité à un maximum de trente-six mois à compter du trentième anniversaire, une mesure qui a entraîné 18 432 exclusions pour le seul mois de janvier 2015. En outre, alors qu’il fallait jusque-là avoir été inscrit comme demandeur d’emploi durant neuf mois pour en bénéficier (à condition d’en faire la demande avant trente ans et d’avoir terminé un cycle complet d’études), ce délai a été porté à douze mois et il est désormais ponctué de deux contrôles de recherche d’emploi, dont l’échec peut à chaque fois reporter l’échéance de six mois.

 

Sur ce point, de nouvelles modifications introduites en 2014 vont encore plus loin, d’une part en abaissant à vingt-cinq ans (contre trente ans auparavant) l’âge maximal pour demander à bénéficier de ces allocations, et d’autre part en exigeant que les personnes qui en font la demande avant vingt et un ans puissent témoigner de la réussite d’un cycle d’études complet...

 

L’objectif est clair – et assumé comme tel – seuls quelques étudiants auront encore le droit de bénéficier de cette exception au principe assurantiel, les autres étant plutôt invités à se tourner vers les Centres publics d’action sociale (CPAS) pour (éventuellement) toucher le Revenu d’intégration sociale (RIS), l’équivalent belge du RSA français.

 

 

Comment sortir d’une position syndicale défensive ?


Les principaux syndicats belges peinent à dépasser des positions strictement défensives qui ne leur permettent, dans le meilleur des cas, que de limiter la casse. Cette situation tient en partie à la matrice « assurantielle-solidaire » dans laquelle ils continuent d’inscrire leurs revendications en matière de chômage. En effet, celle-ci repose sur l’idée d’un financement des « inactifs » par les « actifs ». Dans un contexte de chômage de masse, elle prête donc naturellement le flanc aux discours alarmistes sur l’insoutenabilité du déséquilibre qui en résulte, justifiant à la fois la lutte contre les « profiteurs » et la baisse généralisée des conditions d’indemnisation. Ne reste alors aux syndicats que le recours à un registre moral qui ne pèse pas lourd face à l’évocation des « contraintes économiques » et une défense de l’emploi dont on sait tout ce qu’elle a pu signifier de reculs sociaux ces dernières décennies.

 

Pourtant, une autre solution existe. Elle consiste à défendre le droit au chômage comme expression d’un droit politique au salaire, déconnecté de toute référence à l’emploi. Un tel droit s’appuie évidemment sur la revendication connexe d’une maîtrise collective (et politique !) des conditions de production et de reconnaissance de la valeur économique, dont la socialisation du salaire initiée à partir de 1945 a justement offert un vecteur privilégié avec lequel il serait dès lors urgent de renouer.

 

Ni suspect, ni victime, le chômeur devient ainsi un producteur à part entière, dont la rémunération préfigure une pratique salariale débarrassée des institutions capitalistes du marché du travail, de la propriété lucrative et de la mesure de la valeur par le temps [4]. Outre son intérêt politique, cette position a l’avantage de rejoindre les préoccupations d’un nombre croissant d’actifs pour qui le problème n’est pas tant de « trouver du travail » que de faire reconnaître, notamment par le biais d’un salaire, le travail qu’ils réalisent déjà, mais en dehors de la sphère de l’emploi. En effet, pour ces militants, bénévoles, artistes et autres « producteurs hybrides », l’allocation de chômage est moins vécue comme une « aide » temporaire que comme la condition de possibilité de leur propre production alternative. Or, face à cette réalité, le discours syndical du retour à l’emploi ignore tout ce qui s’est développé, précisément sans subordination à un employeur, durant ces trente dernières années, en Belgique comme ailleurs, mais particulièrement en Belgique du fait du caractère illimité dans le temps de l’allocation de chômage [5].


En le reconnaissant et en passant de la revendication du plein emploi à celle du salaire à vie et de maîtrise par les salariés de l’outil de travail, les syndicats ne sortiraient-ils pas d’une double impuissance ? Vis-à-vis du gouvernement et des employeurs tout d’abord, qui se heurteraient alors à des mots d’ordre qu’ils récusent radicalement alors qu’ils ont beau jeu aujourd’hui de prétendre qu’ils partagent les mêmes préoccupations fondamentales que les syndicats en matière de création d’emplois. Vis-à-vis, ensuite, de nombre de jeunes qui refusent le marché du travail et de chômeurs qui, en n’étant plus vus par les syndicats comme des « travailleurs sans-emploi », viendraient enrichir l’action collective de leur militantisme.

 

 

 

Par Cédric Leterme econospheres.be – le 3 juin 2015

 

Références :

Faniel J., « Belgique — Le système d’assurance-chômage : un particularisme en sursis ? », Chronique internationale de l’IRES, n° 108, 2 007.

Friot B., L’enjeu du salaire, La Dispute, Paris, 2 012.

Higelé J.-P., « Quel salaire pour les chômeurs ? », Les notes de l’IES, n° 4, 2 009.

Monaco M., Müller T. et Pascon G., Choming Out, D’Une Certaine Gaieté, Liège, 2 012.

Palsterman, P., « La notion de chômage involontaire (1945-2003) », Courrier hebdomadaire du CRISP, vol. 21, n° 1806, 2 003, p. 5-48.

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USA - Quand l’économie décline, la guerre menace

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Photo : Paul Craig Roberts

 

USA - Quand l’économie décline, la guerre menace

Par Paul Craig Roberts (*)

 

Les événements marquants de notre temps sont l’effondrement de l’Union soviétique, le 11 septembre, la délocalisation de l’emploi et la déréglementation financière. Ces événements sont à l’origine de nos problèmes de politique étrangère et de nos difficultés économiques.

 

Les États-Unis ont toujours eu une haute opinion d’eux-mêmes, mais avec l’effondrement de l’Union soviétique, cette autosatisfaction a atteint de nouveaux sommets. Nous sommes devenus le peuple d’exception, le peuple indispensable, le pays choisi par l’Histoire pour exercer son hégémonie sur le monde. Cette doctrine néoconservatrice exonère le gouvernement US des contraintes du droit international, et permet à Washington d’user de la coercition à l’encontre d’États souverains pour refaçonner le monde à son image.

 

En 1992, pour protéger le statut de puissance unique de Washington qui a résulté de l’effondrement de l’Union soviétique, Paul Wolfowitz a élaboré ce qu’il est convenu d’appeler la doctrine Wolfowitz. C’est le fondement de la politique étrangère de Washington. Voici son énoncé :

 

« Notre premier objectif est d’empêcher l’émergence d’un nouveau rival, sur le territoire de l’ancienne Union soviétique ou ailleurs, qui constitue une menace comparable à celle de l’Union soviétique. Cette considération dominante sous-tend la nouvelle stratégie de défense régionale. Elle exige que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour empêcher un pouvoir hostile de dominer toute région dont les ressources seraient suffisantes, avec un contrôle consolidé, pour disposer d’un pouvoir global. »

 

En mars de cette année, le Conseil des relations extérieures a étendu cette doctrine à la Chine.

 

Washington est désormais engagé dans le blocage de la montée en puissance de deux grands pays possédant l’arme nucléaire. C’est cet engagement qui justifie la crise provoquée par Washington en Ukraine et son exploitation comme propagande contre la Russie. La Chine est aujourd’hui confrontée au nouvel axe de la politique étrangère de Washington baptisé Pivot to Asia. La construction de nouvelles bases navales et aériennes US vise ainsi à lui assurer le contrôle de la mer de Chine méridionale, aujourd’hui considérée comme une région vitale pour les intérêts nationaux des États-Unis.

 

Le 11 septembre a servi à lancer la guerre des néoconservateurs pour l’hégémonie au Moyen-Orient. Le 11 septembre a également servi à fonder l’État policier aux États-Unis. Pendant que les libertés civiques y fondaient comme neige au soleil, les États-Unis étaient en guerre pendant quasiment tout le début du XXIe siècle, des guerres qui nous ont coûté, selon Joseph Stiglitz et Linda Bilmes, au minimum 6 trillions de dollars [milliers de milliards, NDT]. Ces guerres ont très mal tourné. Elles ont déstabilisé les gouvernements dans une région importante pour la production d’énergie. Ensuite, elles sont largement responsables de la prolifération de terroristes, dont la répression a servi à justifier officiellement ces guerres.

 

Tout comme l’effondrement de l’Union soviétique a donné libre cours à l’hégémonie US, il a entraîné la délocalisation de l’emploi. L’effondrement soviétique a convaincu la Chine et la Russie d’ouvrir leurs marchés de la main d’œuvre, largement sous-exploités, au capital US. Les grandes entreprises US, même réticentes, incitées par la menace d’OPA menées par les grands distributeurs et Wall Street ont transféré à l’étranger leurs activités de fabrication industrielles et des services professionnels tels que le génie logiciel. 

 

Cela a décimé la classe moyenne états-unienne et immobilisé l’ascenseur social. Le PIB et l’assiette fiscale US se sont envolés en Chine et en Inde en même temps que les emplois. La vraie classe moyenne US a cessé de croître et a décliné. En l’absence d’augmentation du revenu pour stimuler l’économie, Alan Greenspan a eu recours à l’endettement des consommateurs, procédé qui a cependant fait son temps. L’économie est aujourd’hui en panne.

 

Lorsque les biens et les services produits par le travail délocalisé sont introduits aux États-Unis, ce sont des importations qui ne font que dégrader la balance commerciale. Les étrangers profitent de leurs excédents commerciaux pour acquérir des titres, des actions, des entreprises et des biens immobiliers US. En conséquence, les intérêts, les dividendes, les gains en capital et les loyers ne tombent plus dans l’escarcelle des États-Unis, mais de pays étrangers. Cela ne fait que creuser davantage le déficit actuel.

 

Afin de protéger la valeur du dollar sur le marché des changes face à l’ampleur du déficit des comptes courants et à la création de monnaie pour soutenir le bilan des banques trop grandes pour faire faillite, Washington contraint les banques centrales japonaise et européenne à faire tourner la planche à billets aussi. L’impression de yens et d’euros compense l’impression de dollars, protégeant ainsi la valeur de la monnaie US sur le marché des changes.

 

La loi Glass-Steagall, qui avait séparé les activités commerciales des banques de leurs activités d’investissement, a été quelque peu érodée avant d’être abrogée complètement au cours du second mandat de Clinton. Cette abrogation, en même temps que celle de la régulation des marchés de dérivés, l’abolition de la limite de position imposée aux spéculateurs, ainsi que l’énorme concentration financière qui a résulté du fait que les lois antitrust étaient désormais lettre morte, se sont traduites non par la réalisation de l’utopie du marché libre, mais par une crise financière grave et durable. Les liquidités émises par suite de cette crise ont entraîné la formation de bulles sur les marchés actions et obligataires.

 

 

Implications, conséquences et solutions 

 

Lorsque la Russie a bloqué l’invasion de la Syrie et le bombardement de l’Iran prévus par le régime Obama, les néoconservateurs se sont rendu compte que, pendant qu’ils se focalisaient sur leurs guerres au Moyen-Orient et en Afrique depuis une décennie, Poutine avait restauré la puissance économique et militaire russe

 

Le premier objectif de la doctrine Wolfowitz, empêcher l’émergence d’un nouveau rival, avait été manqué. La Russie disait « Non » aux États-Unis. Le parlement britannique s’est joint à elle en opposant son veto à la participation du Royaume-Uni à une invasion US de la Syrie. Le statut du gendarme du monde était ébranlé. 

 

Cela a conduit les néoconservateurs à délaisser le Moyen-Orient pour tourner leur attention vers la Russie. Au cours de la décennie précédente, Washington avait investi en Ukraine 5 milliards de dollars dans le financement de politiciens ayant le vent en poupe et d’organisations non gouvernementales en vue de les mobiliser pour protester dans les rues. 

 

Lorsque le président ukrainien a procédé à une analyse du rapport coût-bénéfice de la proposition d’associer l’Ukraine à l’UE, il a constaté qu’il n’était pas avantageux et l’a rejeté. C’est alors que Washington a fait descendre les ONG dans la rue. Les néonazis ont provoqué la violence et le gouvernement, qui n’y était pas préparé, s’est effondré.

Victoria Nuland et Geoffrey Pyatt ont choisi le nouveau gouvernement ukrainien et mis en place un régime vassal.

 

Washington espérait profiter du coup d’État pour évincer la Russie de sa base navale en mer Noire, seul port russe en eaux tempérées. La Crimée, qui a fait partie de la Russie pendant des siècles, a toutefois choisi de la réintégrer.

 

Dans sa frustration, Washington s’est remis de sa déception en décrivant l’autodétermination de la Crimée comme une invasion et une annexion russes. Washington a profité de cette opération de propagande pour briser la relation économique et politique de l’Europe avec la Russie en la contraignant à prendre des sanctions contre celle-ci.

 

Ces sanctions ont eu des conséquences néfastes pour l’Europe. En outre, les Européens sont préoccupés par l’attitude de plus en plus belliqueuse de Washington. Elle n’a rien à gagner à un conflit avec la Russie et craint d’être entraînée dans la guerre. Certains éléments donnent à penser que les gouvernements européens envisagent une politique étrangère indépendante de Washington

 

La virulente propagande anti-russe et la diabolisation de Poutine ont détruit la confiance de la Russie en l’Occident. Avec le commandant de l’OTAN, Breedlove, qui demande sans cesse plus d’argent, plus de troupes et plus de bases aux frontières de la Russie, la situation devient critique. Dans le cadre d’un défi militaire direct à Moscou, Washington s’efforce d’intégrer à la fois l’Ukraine et la Géorgie, deux anciennes provinces russes, dans l’OTAN

 

Dans le domaine économique, le dollar en tant que devise de réserve pose un problème au monde entier. Les sanctions et autres manifestations de l’impérialisme US conduisent certains pays, dont de très importants, à abandonner le système de paiement en dollar. Le commerce international passant de moins en moins par le dollar, la demande de cette devise chute en dépit de la disponibilité de masses considérables de monnaie résultant du Quantitative Easing [planche à billets, NDT].

 

Du fait de la production délocalisée et de la dépendance aux importations des États-Unis, la chute de la valeur du dollar sur le marché des changes entraînerait une inflation sur le marché intérieur. Les niveaux de vie baisseraient encore, ce qui menacerait par contrecoup les marchés des hydrocarbures, des actions, des obligations et des métaux précieux. 

 

La vraie raison d’être du Quantitative Easing est le soutien du bilan des banques. Toutefois, il vise officiellement à stimuler l’économie et à soutenir sa reprise. Le seul signe de reprise est le PIB réel, qui apparaît positif uniquement parce que le facteur déflationniste est sous-estimé.

 

Il est cependant bien évident qu’il n’y a pas de reprise économique. Avec un PIB négatif au premier trimestre et probablement négatif également au deuxième trimestre, on pourrait assister cet été à une nouvelle aggravation de cette longue récession. 

 

De plus, le taux élevé du chômage (23 %) est différent de ce que l’on connaissait auparavant. Au XXe siècle, après la Seconde Guerre mondiale, la Réserve fédérale maîtrisait l’inflation en ralentissant l’économie. Il s’ensuivait alors une baisse des ventes, une accumulation des stocks et des licenciements. Lorsque le chômage augmentait, la Fed inversait la vapeur et les travailleurs retrouvaient leur emploi. Aujourd’hui, les emplois ont disparu. Ils ont été délocalisés. Les usines sont parties. Les travailleurs ne peuvent plus reprendre leur emploi : il est parti.

 

Restaurer l’économie exige d’inverser le flux des délocalisations et de ramener ces emplois aux États-Unis. Ce serait possible en changeant l’imposition des entreprises. L’impôt sur le bénéfice des sociétés pourrait être fixé en fonction du lieu où elles apportent de la valeur ajoutée aux produits qu’elles commercialisent aux États-Unis. Si les biens et services étaient produits à l’étranger, le taux d’imposition serait élevé. S’ils étaient produits dans le pays, le taux d’imposition serait faible. Il serait possible de fixer les taux d’imposition de manière à compenser le faible coût de production à l’étranger

 

À en juger par la puissance du lobby des multinationales et de Wall Street, cette réforme semble toutefois improbable. J’en conclus que l’économie des États-Unis va poursuivre son déclin.


En politique étrangère, l’orgueil démesuré et l’arrogance des États-Unis, qui se considèrent comme un pays exceptionnel et indispensable, détenteur d’un droit d’hégémonie sur les autres pays, impliquent que le monde s’achemine vers la guerre. Ni la Russie ni la Chine n’accepteront le statut de vassaux accepté par le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et les autres pays d’Europe, le Canada, le Japon et l’Australie. La doctrine Wolfowitz indique clairement que le prix à payer pour la paix dans le monde est l’acceptation de l’hégémonie de Washington. 

 

En conséquence, à moins d’un effondrement du dollar entraînant celui de la puissance US, ou bien que l’Europe trouve le courage de rompre avec Washington pour suivre une politique étrangère indépendante en disant au revoir à l’OTAN, nous risquons fortement une guerre nucléaire.

 

L’agression et la propagande flagrante de Washington ont convaincu la Russie et la Chine que les États-Unis veulent la guerre, ce qui les a conduites à conclure une alliance stratégique. Le 9 mai, les commémorations de la victoire sur Hitler en Russie ont marqué un tournant historique. Les gouvernements occidentaux les ont boycottées, tandis que les Chinois prenaient leur place. Pour la première fois dans l’histoire, des soldats chinois ont défilé avec des soldats russes, et le président de la Chine était assis aux côtés du président de la Russie.

 

Le rapport du Saker sur les commémorations de Moscou est intéressant. En particulier, le tableau des victimes de la Seconde Guerre mondiale est éloquent. Comparé au nombre de morts US, britanniques et français, celui des morts russes montre très clairement que c’est la Russie qui a vaincu Hitler. Dans l’univers orwellien des pays occidentaux, la réécriture récente de l’histoire omet le fait que c’est l’Armée rouge qui a détruit la Wehrmacht. Selon la version réécrite, Obama n’a mentionné que l’armée US à l’occasion du 70e anniversaire de la reddition de l’Allemagne. À l’inverse, Poutine a exprimé sa gratitude aux « peuples de Grande-Bretagne, de France et des États-Unis d’Amérique pour leur contribution à la victoire ». 

 

Depuis de nombreuses années, le président russe insiste publiquement sur le fait que l’Occident n’écoute pas la Russie. Washington et ses vassaux européens, ainsi que le Canada, l’Australie et le Japon, n’écoutent pas lorsque la Russie dit « ne soyez pas injustes avec nous, nous ne sommes pas votre ennemi. Nous voulons être vos partenaires. »

 

Washington étant resté sourd pendant toutes ces années, la Russie et la Chine sont finalement parvenues à la conclusion qu’elles n’avaient que le choix entre la vassalité et la guerre. Si le Conseil national de sécurité, le Département d’État ou le Pentagone avaient été dirigés par des gens intelligents, Washington aurait été averti que la politique des néoconservateurs ne faisait que semer la méfiance. Cependant, le gouvernement n’étant constitué que de néoconservateurs à l’orgueil démesuré, Washington a commis une erreur qui pourrait être fatale à l’humanité.

 

 

 

Par Paul Craig Roberts (*) (strategic-culture) - traduit par Gilles Chertier, relu par jj pour le Saker Francophone - le 11 mai 2015.

 

(*) Paul Craig Roberts, économiste et journaliste paléoconservateur américain a été sous-secrétaire au Trésor dans l’administration Reagan (1981-1982), et est un des pères fondateurs des Reaganomics. Il a également été rédacteur en chef adjoint au Wall Street Journal… (Source Wikipédia)

 

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« Comme prévu, USA croissance 0 et surprise généralisée des « zanalystes »… ! »

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llustration : free.niooz.fr


 

 

« Comme prévu, USA croissance 0 et

surprise généralisée des « zanalystes »… ! »

Par Charles SANNAT (*) 

 

C’est une dépêche de l’AFP abondamment relayée comme avec cet article de Challenges.

 

Le sujet ? Une immense, une grande, que dis-je une « Kolossale » surprise avec une croissance du PIB US qui n’a progressé que de 0,2 % en rythme annualisé au premier trimestre 2015.

 

Autant dire qu’avec 0,2 % de croissance, les États-Unis d’Amérique sont loin, très loin même de la surchauffe économique que craindrait Janet Yellen, la mamamouchette de la FED, qui a les doigts sur la détente, prête à augmenter les taux d’intérêt… Enfin ça c’est pour la rhétorique parce que, encore une fois, nous, les contrariens, ne sommes pas du tout surpris loin de là, et ce n’est pas faute d’en parler dans ces colonnes.

 

 

USA : la croissance du PIB cale à 0,2 % au premier trimestre

 

« La croissance de l’économie des États-Unis a sévèrement calé au premier trimestre, plombée par l’hiver, le dollar fort et la chute des prix de l’énergie, selon la première estimation du département du Commerce mercredi.

 

Le Produit Intérieur Brut américain (PIB) n’a progressé que de 0,2 % au 1er trimestre en rythme annualisé, contre 2,2 % au 4e trimestre 2014. »

 

Il n’y a pas à dire, j’adore que les analystes analysent que l’hiver il fait froid (que l’été il fait chaud, et que même qu’on vend plus de glaces que l’hiver alors que l’hiver on vend plus de soupes que l’été vu que tout ça c’est à cause de la météo quoi…). Bref, avec ce genre d’analystes, on apprend que l’eau mouille et le feu brûle, mais alors de façon tellement hyper sérieuse qu’on se dit que s’ils ne nous l’avaient pas dit, on n’y aurait pas pensé par nous-mêmes… Remarquez, il y en a un paquet qui, ces derniers temps, ont cessé de réfléchir et de penser…

 

Et évidemment, les « zanalystes » sont surpris comme à chaque fois, c’est à la fois épuisant, navrant et réjouissant…

 

« Ce chiffre est bien en dessous des attentes des analystes qui tablaient sur un ralentissement moindre avec une expansion de 1 %…  »Haaa… les « zattentes » des « zanalystes »… Tout un poème.

 

 

Je vous rappelle que la croissance US devait être géniale !!


Pour mémoire, avec la baisse du pétrole qui redonnait du pouvoir d’achat aux Américains, la reprise en Europe, la croissance chinoise et toussa et toussa, la croissance US allait repartir de plus belle…

 

Sauf que comme les Américains n’ont plus de chômage, mais qu’ils n’ont plus non plus de consommateurs solvables vu que la population active baisse, les chômeurs ne chômant plus officiellement, mais disparaissant dans un trou noir statistique, eh bien il n’y a plus de croissance.

 

 

Tous les chiffres sont mauvais


Les investissements, qui sont les emplois de demain, sont en baisse.

 

La consommation des ménages… est en baisse.

 

Les exportations US sont en baisse.

 

Quand on regarde de plus près les chiffres d’ailleurs de ce PIB US, on se rend même compte que sans les stocks (à qui l’on fait dire ce que l’on veut), il serait même en baisse de 2,1 %, mais chuuuut !!

 

Bref, tout est mauvais et encore une fois il n’y a pas de dynamique de croissance forte, autonome, saine et durable aux USA. Il n’y a pas eu de reprise.

 

 

Attention aux bulles

 

Mais il y a partout la formation de bulles financières multiples basées sur des taux d’intérêt à zéro ou négatifs.

 

Bulle immobilière, bulle boursière, bulle de l’endettement, bulle du gaz de schiste, bulle des dettes étudiantes, bulle obligataire, bref, partout les bulles enflent, aux USA comme ailleurs dans le monde, sans que la croissance future soit de nature à atténuer les effets dévastateurs des explosions qui arrivent.

 

Du coup, finalement, on commence à nous expliquer que la FED risque de ne pas pouvoir augmenter ses taux d’intérêt aussi vite que prévu… Et avouez, vous êtes surpris non ? Il est impossible que l’on augmente les taux dans une économie mondiale sans croissance et totalement surendettée sans créer toutes les conditions d’un effondrement cataclysmique ! Et ce n’est pas faute de dire et de répéter que la FED ne peut pas augmenter ses taux… ou alors d’une manière juste très symbolique, mais le reconnaître publiquement va créer de gros problèmes économiques, car que vaut l’argent sur le moyen terme dans ce cas-là ? Et nous en revenons encore et toujours au même point.


L’effondrement par l’insolvabilité généralisée ou l’effondrement monétaire par la perte de valeur de la monnaie (et de l’épargne). Dans tous les cas, il n’y a plus aucune solution sans douleur. CQFD.

 

Il est déjà trop tard, préparez-vous.

 

 

 

Par Charles SANNAT (*) - objectifeco.com - le 30 avril 2015

.

Sources :

http://www.romandie.com/news/USA-la-croissance-du-PIB-cale-a-02-au-premier-trimestre/588853.rom

 

http://www.challenges.fr/entreprise/20150429.REU0714/la-croissance-americaine-a-pratiquement-cale-au-1er-trimestre.html

 

(*) Charles Sannat est diplômé de l’École Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d’Études Diplomatiques et Stratégiques…

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Taux d’intérêt : la mèche d’un terrifiante bombe monétaire

Taux d’intérêt : la mèche d’un terrifiante bombe monétaire | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Illustration : 2012un-nouveau-paradigme.com



Taux d’intérêt : la mèche d’une

terrifiante bombe monétaire

Par Bruno Colmant (*)


Lorsqu’on croit voir la lumière au bout du tunnel, c’est parfois… un train qui arrive en face.


Croyant engager la zone euro vers la sortie de crise, c’est donc peut-être un terrible crash frontal qui se prépare. Il est d’ailleurs d’une envergure qui est impensable, tant les paramètres économiques sont déséquilibrés.



Que se passe-t-il ?


Face à une déflation qu’elle a niée pendant deux ans, la BCE fut acculée à mettre en œuvre un immense programme de rachat d’actifs, qualifié d’assouplissement monétaire.


Il s’agit de racheter des obligations d’État auprès des banques et des compagnies d’assurances et de les transformer en monnaie. On parle d’ailleurs de « monétisation » de la dette publique. La BCE exerce donc une pression à l’achat sur les obligations d’État. Cela conduit à une augmentation de leur prix et donc à un taux de rendement qui est proche de zéro, voire négatif.


Cette situation est l’aboutissement d’une somme incalculable d’erreurs de jugement dont l’amplitude donne le frisson : la BCE et les autorités politiques européennes ont entretenu une monnaie forte et des restrictions budgétaires alors que l’économie réelle s’effondrait sous la récession et le chômage.


En un mot comme en cent : ces responsables ont fait pire que leurs grands-parents dans les années trente.



Et maintenant, que va-t-il se passer ?


Si la BCE poursuit son programme, tel qu’elle s’y est engagée, les taux d’intérêt vont s’enfoncer dans une telle négativité que les banques et entreprises d’assurances seront incapables d’assurer une rentabilité satisfaisante. De facto, le secteur financier sera nationalisé.


Par contre, si la BCE arrête prématurément son programme de rachat d’actifs, les taux d’intérêt et le cours de change de l’euro remonteront en flèche, étouffant toute possibilité de reprise économique.



Que faire ? 


Il faudra admettre que les États doivent temporairement aggraver leur déficit et leur endettement dans le but de relancer des programmes d’investissements, mais aussi – arrêtons l’hypocrisie ambiante – de payer des dépenses courantes, les pensions et les soins de santé dont RIEN n’est provisionné. Il faut donc stimuler la DEMANDE. Et il faudra continuer à faire tourner la planche à billets en espérant l’inflation.


Mais nous sommes très loin du compte.


Je l’ai souvent écrit : les dirigeants de la Commission Européenne précédente et de la BCE portent une responsabilité écrasante de leurs erreurs répétées devant l’Histoire.




Par Bruno Colmant (*) - blogs.lecho.be – le 20 avril 2015.



(*) Bruno Colmant est membre de l’Académie Royale de Belgique, Docteur en Économie Appliquée (ULB) et Master of Science de l’Université de Purdue (États-Unis). Il enseigne la finance appliquée et l’économie à la Solvay Business School (ULB), à la Louvain School of Management (UCL), à l’ICHEC, à la Vlerick Business School et à l’Université de Luxembourg. Sa carrière est à la croisée des secteurs privés, publics et académiques.


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L’avenir du travail

L’avenir du travail | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


L’avenir du travail

Par Dominique Méda (*)

 

Le paradoxe est là : d’un côté, on ne cesse de nous entretenir de la valeur-travail, de sa dégradation (notamment sous le coup des trente-cinq heures, il y a maintenant plus de quinze ans…), de son affaissement sous les coups de boutoir de l’assistanat (on payerait les gens à ne rien faire…), de la nécessité de récompenser l’effort et le mérite, mais, d’un autre, on nous propose comme seul horizon politique de considérer le travail comme un coût, qu’il faudrait absolument réduire pour gagner la bataille de la compétitivité.

 

Cette pluralité d’interprétations prend certes son origine dans l’histoire même de la notion : notre concept moderne de travail est le résultat d’une histoire au cours de laquelle les significations diverses se sont sédimentées[1]. Le travail est à la fois un facteur de production, où ce qui importe est la richesse créée (le travail n’est qu’un moyen, elle est la véritable fin) ; l’essence de l’homme, où ce qui est valorisé, c’est l’activité qui permet à chacun d’entre nous d’exprimer son individualité et sa singularité en transformant le donné ; et le pivot du système de distribution des revenus, des places, des droits et des protections. Ces trois dimensions sont contradictoires, et cette pluralité de sens fonde les conflits d’interprétation sur ce qu’est le travail.

 

Mais aujourd’hui, le paradoxe est à son comble. Car, alors que les attentes qui se portent sur le travail n’ont jamais été aussi fortes, les politiques qui prétendent mettre l’emploi au cœur de leurs préoccupations n’ont jamais autant oublié ce que le travail pourrait ou devrait être.

 

Les recherches que nous avons menées, avec Lucie Davoine[2] ou Patricia Vendramin[3], ont mis en évidence que les Français accordent une importance toute particulière au travail, à la fois parce qu’ils connaissent des taux de chômage élevés depuis longtemps (l’absence fait souffrir et comme Honneth l’a signalé, l’expérience du chômage nous permet de mieux comprendre la place du travail dans nos sociétés), mais aussi parce que les dimensions expressives et relationnelles du travail sont particulièrement plébiscitées en France.

 

D’une certaine manière, ce que Marx considérait comme un idéal est désormais tenu pour une attente légitime : supposons, écrivait-il dans les Manuscrits parisiens, que nous produisions comme des êtres humains (…) Dans ma production, je réaliserais mon individualité, ma particularité ; j’éprouverais, en travaillant, la jouissance d’une manifestation individuelle de ma vie, et dans la contemplation de l’objet, j’aurais la joie individuelle de reconnaître ma personnalité comme une puissance réelle, concrètement saisissable et échappant à tout doute… » Au terme du basculement pluriséculaire du travail-douleur (trepalium) au travail-épanouissement, la plupart des individus espèrent aujourd’hui pouvoir s’exprimer et se réaliser dans leur travail, avoir un travail intéressant, utile, plein de sens. Les entreprises ont d’ailleurs accompagné, si ce n’est suscité ces attentes, en invitant les salariés à s’engager, à s’impliquer, à mettre leur subjectivité dans le travail et en promettant qu’ils en seraient récompensés.

 

Mais ces attentes immenses sont rarement comblées : en même temps qu’elles exaltaient la prise de responsabilité et l’engagement de toute la personne dans le travail, les entreprises, bientôt suivies par les administrations, mettaient en effet en place de nouvelles formes d’organisation visant à accroître la rentabilité, développaient un management par objectifs et inauguraient une nouvelle instrumentation au service du cadrage de l’activité : indicateurs, reporting, mesure et évaluation individuelle des performances… qui conduisaient à contrôler très fortement l’autonomie prétendument accordée aux salariés. Conjuguées à l’augmentation des rythmes de travail, aux réductions d’effectif et à la pression exercée par le chômage, tout ceci a conduit à une dégradation des conditions de travail visible dans les enquêtes françaises ou européennes.

 

Mais ce n’est pas tout : depuis le même moment – la fin des années 1980 – les institutions internationales – au premier rang desquelles l’OCDE – organisent la diffusion et la mise en œuvre de recommandations selon lesquelles les pays occidentaux ne parviendront à s’adapter à la globalisation qu’à la condition de revoir en profondeur les politiques du travail et de l’emploi développées durant les décennies d’après seconde Guerre mondiale. Leurs mots d’ordre : diminution de la protection de l’emploi et des salaires, seul moyen pour les pays occidentaux de conserver leurs positions. On sait que parallèlement, le paradigme keynésien a été fortement remis en cause et remplacé par le référent monétariste, qui a accompagné la substitution du Consensus de Washington au Consensus de Philadelphie et à ses principes fondamentaux : le travail n’est pas une marchandise ; la justice sociale est la condition d’une paix durable.

 

Nous vivons depuis ce moment sous la domination de plus en plus inflexible de cette représentation du monde comme une scène où les pays s’affrontent dans une compétition économique régulée par les seules lois du commerce sans que le respect des règles internationales du travail soit organisé. Dès lors que rien ne semble s’opposer à la libre circulation des capitaux et au libre jeu des entreprises, le travail est réduit à un coût et finalement à une entrave, handicapant les entreprises dans leur course mondiale. Il ne reste plus dès lors qu’à organiser la modération ou la baisse du coût du travail – parfois seulement des taxes et cotisations qui sont assises sur le travail, parfois du salaire lui-même – et celle des protections du travail.

 

C’est ainsi que dès 1990, l’OCDE recommandait de revoir les législations régissant la rupture du contrat de travail au prétexte qu’elles décourageraient l’embauche. Le discours n’a pas changé depuis lors, mais s’est considérablement répandu : il est devenu la doxa.

 

En 2003, Olivier Blanchard et Jean Tirole réclamaient, dans la droite ligne des travaux de l’OCDE, la suppression de l’intervention du juge dans le processus de licenciement et défendaient l’idée que les faibles créations d’emploi s’expliquaient par la crainte des employeurs de ne pas pouvoir se séparer des salariés recrutés. L’année suivante, Pierre Cahuc et Francis Kramarz, deux autres économistes, proposaient la mise en place d’un contrat unique, censé permettre une séparation (i.e un licenciement) plus sécurisé (pour l’entreprise). Le Gouvernement Villepin mettait alors en place un Contrat Nouvelles Embauches, un CDI réservé aux entreprises d’au plus 20 salariés, susceptible d’être rompu pendant deux ans sans qu’aucun motif ne soit donné.

 

Résultat : un durcissement de la relation de travail. Curieusement, c’est le même discours que l’on entend aujourd’hui : le travail serait trop cher et les salariés trop difficiles à licencier, et c’est ce qui expliquerait les mauvaises performances françaises en matière d’emploi. Mais pourtant entre temps, il y a eu une réforme d’importance : on a inventé un nouveau dispositif de rupture du contrat de travail, la rupture conventionnelle, qui permet de se séparer très vite des salariés. Un million sept cent mille RC ont ainsi été signées depuis 2008. Comment peut-on dire qu’il est difficile de se séparer d’un salarié ?

 

Mais plus le chômage progresse, plus l’idée qu’il vaut mieux que les gens aient un bout d’emploi plutôt que rien se répand : la quantité aux dépens de la qualité. L’emploi s’émiette, et c’est encore pire en Allemagne où sous le coup des mini-jobs et du temps partiel, les femmes travaillent désormais de plus en plus sur des temps partiels courts, plus courts qu’en France.

 

Faut-il continuer à déployer de telles politiques, qui imputent les difficultés françaises aux protections de toutes natures attachées au travail et visent à délester celui-ci pour rendre les entreprises plus légères dans la compétition mondiale ? Un tel raisonnement n’est-il pas, à terme, destructeur pour la condition salariale dans les pays européens, et vecteur d’une polarisation accrue entre des populations bien qualifiées qui parviendront à se maintenir dans l’emploi et des populations moins qualifiées, simplement vieillissantes ou sur des métiers en déclin, qui n’y parviendront pas.

 

C’est là que les scénarios que l’on nous propose, concernant l’avenir du travail, sont déterminants. Certains, très à la mode, prédisent à la fois la disparition de la moitié des emplois dans les deux décennies à venir et un changement de nature radical du travail (pour ceux qui auront la chance d’en avoir conservé un…). Le travail sera une passion, il s’exercera non plus dans des organisations hiérarchiques, mais sur des plates-formes collaboratives, le salariat aura disparu, chacun sera sa petite entreprise. Ces scénarios font néanmoins l’impasse sur l’acceptabilité sociale d’un tel processus, sur la polarisation qu’il ne manquera pas d’entraîner, et sur la question de savoir qui captera finalement la valeur et comment seront rémunérés les coopérateurs… Il ne dit strictement rien, non plus, des contraintes écologiques auxquelles nos sociétés doivent désormais faire face.

 

D’où l’intérêt d’un autre scénario, prenant au sérieux ces dernières et mettant en son cœur la reconversion écologique de nos sociétés. Sans doute permettrait-il non seulement de créer des emplois (une production écologiquement et socialement plus propre exigeant plus de travail), mais peut être aussi de changer le travail, en le désintensifiant. Peut-être un tel scénario, appuyé sur la ferme volonté d’organiser de manière civilisée le partage du travail et de redonner aux salariés la parole sur l’organisation du travail pourrait-il aussi inclure deux autres mesures : une refondation de l’idée même d’entreprise, sur le modèle du bicaméralisme proposé par Isabelle Ferreras et la remise au goût du jour du régime associationniste dans lequel il s’agit de réaliser le partage de tous les résultats de la production entre tous les sociétaires. Alors peut-être, ces diverses conditions étant remplies, le rêve d’une société où chacun accède à la gamme diversifiée des activités humaines, aux activités citoyennes, amicales, familiales, amoureuses, et à un travail ayant du sens, pourrait-il devenir réalité.

 

 

Par Dominique Méda (*) - iphilo.fr – le 7 avril 2015

 

Notes : 

[1] D. Méda, Le travail. Une valeur en voie de disparition ?, éd. Champs Flammarion, 1998.

[2] L. Davoine, D. Méda, Place et sens du travail en Europe : une singularité française ?, Document de travail du CEE, 2008.

[3] Dominique Méda, Patricia Vendramin, Réinventer le travail, PUF, 2013.

 

 

(*) Dominique Méda est une sociologue et philosophe française. Agrégée en philosophie, ancienne élève de l’École Nationale d’Administration et de l’École Normale Supérieure (Ulm), elle est inspectrice générale des affaires sociales et professeure de sociologie à l’Université Paris-Dauphine. Elle est entre autres l’auteur de Réinventer le travail (PUF, 2013, avec Patricia Vendramin) et La mystique de la croissance. Comment s’en libérer ? (Flammarion, 2013). (Source : iphilo.fr)

 


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Politique made in Belgium

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Tout baigne !


Du moins, c'est la routine, donc rien à foutre du bien-être des citoyens puisque tout se mesure en euros et non en misère !


Austérité ?   C'est quoi ?


Mot inutile quand on a les moyens financiers de pouvoir ignorer sa définition dans la vie pratique de tous les jours et, surtout, vers la fin du mois.


Duc

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France - Derrière les plans sociaux, le business des cabinets de reclassement

France - Derrière les plans sociaux, le business des cabinets de  reclassement | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : manifestation de salariés de Sanofi à Paris, en janvier 2013 (Photothèque Rouge/JMB)

 

France - Derrière les plans sociaux,

le business des cabinets de « reclassement »

 

« Il reste 230 salariés à qui il faut trouver une solution, mais je ne doute pas un seul instant que ce sera fait. » En visite à l’abattoir porcin Gad, à Josselin (Morbihan), menacé de liquidation judiciaire, Manuel Valls est plein d’enthousiasme en cette froide matinée de décembre 2014. Mais pour les salariés de l’abattoir qui restent sur le carreau, après la reprise d’une partie de l’activité par Intermarché, son discours a un air de déjà vu. La manière dont se sont conclus trois des plus retentissants plans « sociaux » des dernières années ont de quoi rendre méfiants les employés en sursis.

 

En juin 2013, l’enseigne culturelle Virgin Megastore, trop endettée, dépose le bilan : 960 disquaires et libraires se retrouvent à la porte des 26 magasins. Un an plus tôt, c’est le leader du poulet industriel Doux, plombé par des erreurs d’investissements et des délocalisations hasardeuses, après avoir été le premier bénéficiaire des subventions agricoles – 50,5 millions d’euros en 2012 (lire notre article) ! Le spécialiste du poulet surgelé place son pôle de produits frais en liquidation judiciaire : un millier de volaillers sont licenciés. En 2012, l’entreprise pharmaceutique Sanofi scie sa branche recherche : ce champion du versement de dividendes à ses actionnaires et des « bonus de bienvenue » (4 millions d’euros pour le nouveau PDG Olivier Brandicourt) annonce la suppression d’un millier d’emplois d’ici fin 2015. Sur ses sites de Montpellier et de Toulouse, les effectifs – respectivement 1 500 et 600 salariés – sont réduits de moitié (lire ici).

 

 

Des millions d’euros pour reclasser les salariés

 

Face à ces restructurations, le gouvernement brandit sa parade : le reclassement. « L’État prendra ses responsabilités pour qu’aucun ne soit abandonné sur le bord de la route », promet François Hollande aux volaillers de Doux. « Le gouvernement sera vigilant sur le sort des salariés afin qu’ils soient tous reclassés », assure aux salariés de Virgin Aurélie Filipetti, alors ministre de la Culture. Toute entreprise de plus de 50 salariés qui en licencie au moins dix est tenue de prévoir un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) pour aider les salariés remerciés à trouver un nouveau job. Ces plans intègrent de nombreux dispositifs : contrat de sécurisation professionnelle (CSP), formations, congés de reclassement, aides à la mobilité ou à la création d’entreprises…

 

L’intersyndicale de Virgin a ainsi signé un PSE « digne et décent ». 15 millions d’euros obtenus à l’issue de l’occupation de magasins par les salariés, dont un tiers consacré à la formation. Soit trois fois plus qu’initialement prévu [1]. « Un budget énorme par rapport à d’autres plans », diagnostique Anthéa, l’organisme rémunéré par l’enseigne culturelle pour accompagner le millier de futurs chômeurs.

 

Ces budgets prévus pour sauvegarder l’emploi bénéficient en partie aux « opérateurs privés de placement » (OPP) chargés d’accompagner les futurs chômeurs dans leur quête d’un nouvel emploi et d’organiser les formations ou les mobilités professionnelles. Elles sont devenues incontournables en cas de plan social. PME ou grandes entreprises y recourent pour reclasser les salariés remerciés.

 

Elles s’appellent Anthéa pour Virgin, Altédia pour Sanofi, Catalys Conseil et Sodie pour Doux. Toutes vantent leur expertise en matière d’accompagnement des sans-emploi et la vendent au prix fort : Anthéa facture ses services 1,8 million d’euros à l’enseigne culturelle, et brandit d’impressionnantes performances avec un taux de reclassement de 80 % [2].

 

« Le reclassement des chômeurs et des salariés est devenu un véritable business. Les tarifs pratiqués varient entre 2 000 et 3 000 euros par salarié suivi. À ce prix-là, la note globale affole rapidement les compteurs. À titre d’exemple, lorsqu’une usine de 1 000 salariés met la clé sous la porte, une société de reclassement peut espérer toucher plus de deux millions d’euros », décrit Cyprien Boganda, auteur du livre « Le business des faillites » [3].

 

Les politiques ont multiplié les promesses, les millions ont coulé à flots. Mais trois ans plus tard, que sont ces salariés devenus ? Ont-ils vraiment été reclassés, ou sont-ils allés grossir le cortège interminable des chômeurs ? L’argent a-t-il été utilisé à bon escient ?

 

 

Seuls 10 à 15 % des salariés licenciés retrouvent un CDI

 

« Le réveil est douloureux », lance un ex-salarié de Virgin. Un coup d’œil aux chiffres suffit pour comprendre. 10 à 15 % des personnes qui ont été licenciées retrouvent un CDI [4]. Que font les autres ? Une petite moitié alterne contrats courts et inactivité... L’autre moitié est au chômage, certains vivotent au RSA. Mais cela ne se voit pas de suite. Grâce au contrat de sécurisation professionnelle qui maintient la quasi-totalité du salaire pendant un an, « le traumatisme n’est pas immédiat », commente Nadine Hourmant, déléguée FO de Doux. Une fois l’année écoulée, l’allocation chômage, moins avantageuse, est censée prendre le relais.

 

Chez Doux, la situation est tellement critique que les syndicats ont négocié en tout douze mois complémentaires, soit deux ans de CSP. Tout le contraire du « reclassement rapide » promis par la direction au moment de la faillite... Plutôt âgés, après trente ans dans la même entreprise, les abatteurs de poulet breton ont pourtant bénéficié d’un « accueil prioritaire » dans les agences locales de l’emploi. Mais seul un licencié sur cinq a décroché un emploi de plus de six mois dans des secteurs relativement variés.

 

Deux ans après le plan social, 40 % des 3,5 millions d’euros de budget n’étaient toujours pas dépensés. Ces 1,4 million d’euros restants seront redistribués aux licenciés de Doux en avril prochain [5]. Rien de surprenant pour Joseph d’Angelo, de la fédération agroalimentaire CGT qui militait pour une réappropriation collective de l’entreprise. « La conjoncture est catastrophique », tonne-t-il.

 

 

Hémorragie de « départs volontaires » chez Sanofi

 

La crise touche aussi le secteur culturel. La moitié des 845 anciens de Virgin inscrits au programme de reclassement ont signé un contrat de travail, selon l’association des anciens salariés « les Gilets Rouges ». Mais un peu moins de 20 % sont en CDI. Au prix d’une longue attente, certains s’en sortent. À 50 ans, Philippe Royet, ancien responsable des stocks du magasin des Champs-Élysées, a d’abord tenté le secteur immobilier. Puis il a quitté le « melting-pot du chômage » en octobre pour devenir éditeur à la boutique vidéo parisienne des éditions L’Harmattan. Un CDI, enfin.

 

Sanofi-Aventis a opté pour une autre stratégie : zéro licenciement affiché, du moins officiellement. Ce qui n’a nullement empêché l’hémorragie de « départs volontaires ». Avec ses 33 milliards d’euros de chiffre d’affaires, la multinationale de la santé a « les moyens d’acheter la paix sociale et de débourser assez pour convaincre les collègues de partir », regrette Marion Layssac, syndicaliste Sud sur le site de Montpellier. Son homologue toulousain, Laurent Besson, accuse la « big pharma » d’avoir joué le « pourrissement de la situation ». Les chiffres sont éloquents : 700 personnes sont parties volontairement du site de Montpellier, et 340 de Toulouse. Destination : la retraite anticipée ou le déménagement vers un autre site de l’entreprise. Ou l’aventure : la moitié des partants tente sa chance avec les grandes entreprises locales, ou se forme à de nouveaux métiers.

 

 

Un « mini Pôle-Emploi » débordé

 

« On commence à peine à utiliser les 5 millions consacrés à la formation », s’étrangle Christian Allègre, syndicaliste de Sud à Montpellier. Chacun cherche la « moins mauvaise solution » non sans stress, anxiété ou « pétages de plomb ». Heureusement, les experts de la reconversion professionnelle veillent à limiter le désastre social. « Rebondir après un licenciement économique, c’est possible », s’enthousiasme Catalys Conseil sur son site internet. Et de poursuivre, psychologue : « Il faut accepter un temps nécessaire à la reconstruction mentale du salarié. Il y a un fort sentiment d’appartenance à la grande entreprise. » Ces marchands de nouvelles vies professionnelles sont-ils à la hauteur ?


Altedia, le prestataire de Sanofi, a mis sur pied une sorte de « mini Pôle Emploi », témoignent des salariés montpelliérains. Ceux-ci y présentent leur projet personnel et leur éventuel intérêt pour un autre poste. Un logiciel répartit les postulants en fonction de leurs caractéristiques – âge, ancienneté, salaire. 40 consultants accompagnent les 350 salariés. Mais gérer des métiers aussi spécifiques que chimiste ou biologiste requiert une certaine compétence. Et Altedia se révèle bientôt n’être qu’une simple « boîte de messagerie », renvoyant les questions précises à la direction des ressources humaines de Sanofi. « On attendait parfois la réponse deux ou trois mois », poursuivent des employés. Sans parler des nombreuses erreurs de gestion à la limite de la confidentialité. Un salarié reçoit même une lettre d’avertissement de Sanofi pour avoir proposé une idée d’atelier à Altedia. Son sujet : « Comment éviter les plans sociaux ? »

 

 

Dix mois d’attente « pour rien »

 

« On redonne confiance à ceux qui sont cassés moralement », défend Valérie Garau, du cabinet Anthéa, qui accompagne les salariés de Virgin. Au téléphone, elle décrit le suivi individualisé de ces néo-chômeurs. « Redonner confiance » à Zeff, 23 ans passés à conseiller les amateurs de musique du « Megastore » Champs-Élysées, n’a pas été facile. Lors du premier rendez-vous, Anthéa se présente aux anciens employés parisiens de l’enseigne dans le sous-sol d’un bâtiment cossu de la capitale. « C’était comme un dieu capable de nous sauver des eaux », se souvient Zeff. Cela ne dure pas. Alors que débutent les entretiens individuels pour cerner le projet professionnel, « on m’a demandé de faire mon CV tout seul, de l’organiser moi-même ». Il faudra une mise au point ferme entre l’association des anciens salariés de l’enseigne culturelle pour que le suivi s’améliore : « Ma conseillère m’a obtenu des formations coûteuses, je lui dois beaucoup », reconnaît aujourd’hui Zeff. À 49 ans, il a pu lancer son label de musique et a écrit un livre en hommage aux salariés, Virgin Mega Story.

 

Beaucoup n’ont pas eu droit à la même sollicitude. Licenciée après 8 ans passés au siège social de Clichy, Virginie Sako souhaitait monter sa boutique de prêt-à-porter féminin. Elle demande à cumuler l’aide à la création d’entreprises avec le budget de sa formation manquée, car sa conseillère, malade, n’avait pas été remplacée. Le refus tombe... dix mois plus tard. « C’est de l’arnaque : ils m’ont fait miroiter un projet qu’ils ont rejeté. J’ai passé tout ce temps dessus pour rien. J’ai subi un préjudice. » Virginie vient de prendre un avocat pour obtenir d’Anthéa des dommages et intérêts. À 37 ans, elle est désormais gestionnaire d’auxiliaire de vie par intérim.

 

 

Atelier « image de soi » et « relooking » pour futurs chômeurs

 

Ignorance, incompétence ou pur abandon des salariés, les dieux du coaching ne semblent pas aussi présents que promis. À tel point que « la plupart de ceux qui ont un boulot l’ont trouvé par eux-mêmes », relève Nadine Hourmant, du côté du volailler Doux. Un nouveau job décroché sans l’aide de Pôle Emploi ni des cellules de reclassement. Celles-ci vantent pourtant leurs « techniques de recherche de l’emploi », comme cet atelier « image de soi » ou « relooking » pour plaire aux employeurs. « Je n’ai pas besoin de me changer, je suis moi », raille Nathalie Griffon, qui a travaillé pendant 23 ans sur la chaîne de poulets Doux à l’usine de Pleucadeuc (Morbihan). Une formation lui a bien été proposée : à 120 km de son domicile, dans un organisme non agréé par Pôle Emploi, sans aucuns frais de déplacement remboursé.

 

Inemployables chômeurs ? Pas vraiment : CAP en poche, Nathalie exerce depuis mai dernier comme cariste-magasinière chez un transporteur breton. À la première vague de licenciements d’octobre 2012, elle part suivre une formation de trois mois, et envoie... un seul CV. À 44 ans, elle a dégoté seule son CDD de 6 mois renouvelables, loin du monde de l’outplacement individualisé. Les cabinets de reclassement ? « Cela peut être pratique pour les CV ou les lettres de motivation. Mais ceux qui croient en ces cabinets vont vite déchanter », prévient-elle.

 

Si certains voient dans ces cabinets un « mal nécessaire » au « bilan mitigé », la plupart les accusent d’être « largement survendus ». « Ce sont des marchands de soupe qui servent à déresponsabiliser l’État », accuse la syndicaliste Nadine Hourmant. Pour se défendre, des organismes invoquent la loi qui « oblige les entreprises à faire appel à des opérateurs pour accompagner les salariés ». En réalité, si le Code du travail impose aux entreprises une obligation de reclassement, il n’évoque le recours à ce type de service qu’à titre indicatif.

 

 

Le « business du chômage », évalué à 250 millions d’euros

 

C’est dans les années 1980, lors des grandes restructurations de l’industrie métallurgique, que ces entités émergent. Internes à l’origine, le reclassement s’externalise progressivement. « Nous avons la conviction que c’est un marché fantastique », s’exalte en 1995 le PDG de Sodie, Jacques Périès, dans Libération. Sodie est alors une filiale d’Usinor, avant d’être intégré au groupe Alpha dont les activités vont du conseil aux comités d’entreprises à la gestion de restructuration... Une filiale du groupe, Secafi, conseille les représentants des salariés en cas de restructuration, Sodie s’en occupe ensuite pour les reclasser.

 

Des dizaines d’entreprises se partagent aujourd’hui le marché, de la petite association d’insertion à la holding, en passant par la filiale d’intérim. Un véritable « business du chômage », évalué à 250 millions d’euros, selon France Inter. Avec plus de 5 millions d’inscrits, Pôle Emploi opère depuis 2009 une « sous-traitance de capacité ». Traduction de cette novlangue managériale : l’accompagnement par le privé de 300 000 chômeurs, dont 60 000 licenciés économiques, en 2013. À la sortie d’un « plan social », nombre de licenciés émargent à la fois au chômage et aux programmes des cellules de reclassement. Plan social ou Pôle Emploi, on prend les mêmes et on recommence... Exemple ? Virginie Sako, ancienne de Virgin, était suivie par Sodie, qui s’occupe d’une partie des « reclassés » de Doux. Certains de ses collègues franciliens étaient accompagnés par Altedia, également en charge du plan de sauvegarde de l’emploi de Sanofi. D’autres encore avaient pour interlocuteurs Anveol, qui sous-traite pour Pôle Emploi le suivi des salariés de l’enseigne culturel.

 

 

Le public plus performant que le privé

 

« Les cabinets privés ont davantage intérêt à gérer des plans de sauvegarde de l’emploi, car l’enveloppe budgétaire est plus grande », avance la sociologue Claire Vives, auteure d’une thèse sur le sujet. Pour un « accompagnement renforcé », un sous-traitant de Pôle Emploi est rémunéré en trois fois par l’agence publique si le chômeur retrouve un travail, autour de 2 000 euros par personne suivie [6]. D’où l’empressement des professionnels à trouver n’importe quelle « sortie positive » afin de toucher la timbale. « Ils ne font pas dans la pérennité de l’emploi, glisse un ex salarié. Le seul atelier qu’ils m’ont proposé a été la visite d’un salon de l’intérim. »

 

« C’est scandaleux : on ferait mieux de renforcer le secteur public, plutôt que de donner tant d’argent au secteur privé qui n’a pas de meilleurs résultats », gronde Joseph D’Angelo, de la CGT. En juillet dernier, la Cour des Comptes a épinglé l’inefficacité des « opérateurs privés de placement », illustrant leurs faibles performances en matière de retour à l’emploi, inférieures à celles de Pôle emploi. En 2011 déjà, un rapporteur de la mission travail et emploi dénonçait « une pratique coûteuse et à l’efficacité économique contestable ».

 

 

Le sale boulot réservé à Pôle emploi

 

La loi de 2 005 a mis fin au monopole public du placement. Avant, l’accompagnement des demandeurs d’emploi demeurait une activité hors marché pour protéger justement les chômeurs, considérés comme vulnérables, d’un business de la misère. L’État ne semble pas vouloir tirer les leçons d’une décennie de dérégulation. Bien au contraire : le plan stratégique « Pôle Emploi 2015 » consiste à confier un « flux » plus important de chômeurs au privé. Le pôle public de l’emploi s’occupera des effectifs les « plus éloignés du marché du travail » tandis que le privé se concentrera sur les plus « autonomes ». Pour lui réserver de meilleures marges bénéficiaires ?


Les restructurations, elles, continuent. Sanofi cherche à vendre le site de Toulouse à la société Evotec, sans garantir l’avenir des salariés qui y travaillent encore. « On nous laisse mourir à petit feu », déplore de son côté Nadine Hourmant, de Doux, qui a vu disparaître en août dernier le comité de pilotage national pour les volaillers bretons. Sanofi a pourtant bénéficié de 150 millions d’euros en crédits d’impôt emploi (CICE) et recherche (CIR), sans aucune contrepartie. Quant au poulailler Doux, il a touché un milliard d’euros d’aides publiques en 15 ans. Pour combien d’emplois supprimés ?

 

 

Par Ludo Simbille - bastamag.net - le 25 février 2015

 Source : France Bleu


Notes :

[1

La présidente du groupe s’est elle aussi octroyée un départ « digne et décent » à hauteur de 330 000 euros, alors que le budget du PSE prévoyait 15 000 euros par salarié. Voir Mediapart.

[2]Sodie n’a pas souhaité nous répondre par souci de « déontologie » et de « confidentialité ».

[3« Le Business des faillites », Cyprien Boganda, La Découverte, janvier 2015.

[4] 14 % dans le cas de Doux, 15 % pour Virgin. Les chiffres sont légèrement plus élevés pour les cellules conventionnées par l’État : 18 % de CDI, selon la Dares.

[5]Chez Virgin, le liquidateur MJA a soldé le PSE en janvier 2015 sous forme d’indemnité versée aux salariés.

[6]Le prestataire perçoit 50 % de la somme une fois le chômeur accompagné. 25 % s’il trouve un travail en CDI ou un CDD de 6 mois, puis 25 % s’il est toujours en activité six mois après. Les OPP calculent leur rentabilité seulement sur les premiers versements, car les derniers sont trop aléatoires.


IP Consultants's curator insight, March 5, 2015 4:48 AM

Il faudrait peut-être s'interroger sur le niveau professionnel en coaching des consultants qui travaillent dans ces cabinets de reclassement ?

Christhild HORRENBERGER's curator insight, March 9, 2015 11:13 AM

Un regard critique sur le Business des faillites... - A découvrir.

Christhild HORRENBERGER's curator insight, December 18, 2016 9:07 AM
France - Derrière les plans sociaux, le business des cabinets de reclassement !