Ukraine/Donbass : la junte de plus en plus divisée, le front de plus en plus sous pression | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it



Ukraine/Donbass : la junte de plus en plus divisée, le front de plus en plus sous pression

 

Combien de temps reste-t-il à vivre au régime de Kiev ? On parle d’un an et demi, peut-être moins. La situation est catastrophique, non seulement du point de vue militaire, mais aussi et surtout au niveau économique et social. Partout, les contestations grondent, les Ukrainiens semblent comprendre très progressivement qu’ils ont été abusés par l’Union européenne et les États-Unis. Désormais, ils sont de plus en plus nombreux à chercher une solution de sortie à cette crise sans précédent. Malgré une pression militaire kiévienne croissante, la ligne de front ne bouge toujours pas. Les renforts acheminés, les unités mécanisées et les moyens d’artillerie déployés en masse ne laissent aucun doute quant aux intentions offensives du commandement ukrainien, mais le spectre d’Ilovaïsk reste prédominant dans les esprits. Aussi, il n’est pas certain que la troupe soit enchantée de monter à l’assaut des lignes républicaines…

 

 

Il faudra attendre le milieu de l’été, au plus tôt, avant de voir les militaires canadiens amorcer leur mission de formation en Ukraine, alors que les armements lourds et sophistiqués promis par Washington n’arrivent toujours pas et que l’Administration US semble de plus en plus réticente à les livrer de crainte qu’ils ne tombent entre les mains des Russes, comme le radar de contre-batterie de mortiers lourds capturé dans le chaudron de Debaltsevo en mars.

 

Une réticence liée aussi à la situation d’un régime qui est de plus en plus fragile, divisé par des luttes internes, des purges et qui présente une incapacité totale à faire face à la situation alarmante dans laquelle il a mis le pays, un peu plus de 16 mois après le coup d’État du Maïdan.

 

 

L’honneur du général Kolomiyets

 

Le régime de Kiev a du souci à se faire. Outre les vagues de purges qui affectent ces derniers temps les services de sécurité, la garde nationale et même l’armée, voilà que l’ancien assistant du ministre de la Défense de l’Ukraine, le « major général » (équivalent à un général de corps d’armée) Aleksandr Kolomiyets, est passé à la résistance, avec d’autres officiers, et a rejoint les forces armées de la République populaire de Donetsk ! L’officier général avait passé 19 ans à la tête de la région militaire de Donetsk. Autant dire qu’il s’agit d’une belle « prise » pour les forces de Nouvelle Russie.

 

Au préalable, le général Kolomiyets a pris soin de mettre sa famille à l’abri. Il assure que beaucoup de militaires ukrainiens cherchent à passer du côté des indépendantistes : « Le moral de l’armée ukrainienne est au plus bas, officiers et généraux se rendent compte du caractère criminel de la politique du pouvoir en place à Kiev et ne veulent pas combattre ».

 

Il n’est pourtant pas le premier officier supérieur à prendre fait et cause pour la Nouvelle Russie. Précédemment, l’ex-responsable des douanes à Lugansk, Oleg Tchernooussov, ainsi que les frères Alekseï et Yuri Mirochnitchenko, du Service de renseignement extérieur de l’Ukraine et de l’ambassade ukrainienne à Paris, avaient rejoint les séparatistes en raison de leur désaccord avec la politique de Kiev.

 

 

Accrochages et pilonnages

 

Ces dernières 72 heures, si la ligne de contact n’a absolument pas bougé, les pilonnages des zones urbaines se sont poursuivis. Donetsk, Gorlovka, Marinka et Shirokino sont les quatre zones où les affrontements sont les plus intenses et les frappes de l’artillerie kiévienne particulièrement meurtrières pour les civils. On notera aussi l’augmentation de l’intensité des combats au nord-ouest de Lugansk.

 

La zone se situant au nord de l’ancien chaudron de Debaltsevo, vers Svetlodarsk, est aussi très animée ces dernières heures : plusieurs accrochages accompagnés de frappes d’artillerie ont été recensés vers Kalinovka. On signalait vers 17 h 30 hier l’évacuation sanitaire de plusieurs combattants de l’armée ukrainienne, blessés.

 

La zone de Donetsk est toujours la proie des frappes massives de l’artillerie kiévienne et des accrochages de plus en plus durs, comme Gorlovka d’ailleurs. Au nord-ouest de Donetsk, une mine a explosé il y a deux jours au passage d’un BMP du « bataillon OUN », blessant notamment le commandant adjoint de l’unité. Un autre paramilitaire a eu une commotion cérébrale et a dû être évacué vers l’unité des soins intensifs dans un hôpital de Dniepropetrovsk. Dans le même secteur géographique, une attaque au mortier de 120 des zones résidentielles du quartier (district) de Kuibyshev dans l’agglomération de Donetsk par des éléments du 11e bataillon d’infanterie mécanisée (ex-bataillon de défense territoriale) « Kyivska Rus » sous le commandement du colonel Aleksey Savic a tué un homme et blessé deux femmes.

 

Marinka reste le secteur le plus chaud de la zone de Donetsk : jour et nuit, les accrochages se succèdent aux frappes d’artillerie. Mais le bourg reste toujours une sorte de no man’s land que les forces de Kiev tentent de se réapproprier, sans succès jusqu’à présent.

 

 

 

Plus au sud de Donetsk, le secteur de Dokuchaevsk est toujours soumis aux tirs de mortiers lourds à partir des positions ukrainiennes situées juste à l’ouest de la N20 (voie expresse Donetsk – Mariupol). Ces frappes régulières et à l’aveugle sont le fait d’éléments de la 72e brigade mécanisée du colonel Grishchenko. Ce sont essentiellement les civils qui paient cette stupide tactique de harcèlement : ces dernières heures un homme a été tué et une autre a été blessée.

 

Encore plus au sud-est, la zone de Granitnoe, là encore tenue par des éléments de la 72e brigade, est régulièrement le théâtre d’accrochages et de duels d’artillerie.

 

Toujours, plus au sud, le renseignement des forces armées de Nouvelle Russie fait état de mouvements d’équipements et de personnels des forces armées de l’Ukraine ces dernières 48 heures. De plus, dans le secteur de Pavlopol – Gnutovo, on note la présence de positions de tir pour l’artillerie ukrainienne et d’au moins une batterie de 6 obusiers de 122 D-30, et dans le village Lebedinskoe (3 km au nord-ouest de Shirokino) plusieurs emplacements préparés pour 3 automoteurs d’artillerie de 122 mm 2S1 Gvozdika ont été repérés.

 

Un rapport de la mission de l’OSCE confirme que le 20 juin, le pont qui relie Pavlopol et Orlovskoe (sur le Kalmius) a été complètement détruit, vraisemblablement suite à des tirs d’artillerie.

 

En outre, vers Primorskoe (5 km à l’ouest de Shirokino en bordure de mer), une batterie d’obusiers de 152 mm 2A65 MSTA-B du 3e bataillon de la 55e brigade d’artillerie assure en permanence un appui-feu pour les forces de l’unité « Azov » qui maintient la pression sur Shirokino.

 

« Azov » se maintient en première ligne, mais n’engage pas la totalité de ses effectifs en même temps : seules une ou deux compagnies tout au plus sont au contact avec les forces indépendantistes afin de maintenir la pression sur zone et la cohésion de la ligne de front.

 

Il y a deux jours, suite à un énième accrochage, l’un des points forts d’« Azov », situé à quelques centaines de mètres à l’ouest de Shirokino, a été sérieusement mis à mal, trois paramilitaires auraient été blessés (un dans un état grave et pour les deux autres le pronostic vital serait engagé). « Azov » a reconnu que de 20 h à 22 h, des frappes républicaines au mortier de 120 avaient détruit l’une de ses positions retranchées.

 

Mais il y a pire : un groupe de mercenaires géorgiens a tué par erreur trois paramilitaires ukrainiens près du village de Pavlopol (à plus de 10 km au nord-ouest de Shirokino). Des interceptions des FAN semblent indiquer que les Géorgiens auraient été incapables de différencier les Ukrainiens des indépendantistes…

 

 

Purges, paranoïa et menace putschiste

 

Avant-hier, lundi 22 juin 2015, les européistes ont reconduit la série de sanctions économiques et politique contre la Fédération de Russie et cela jusqu’à la fin de janvier 2016. La pression militaire des forces de Kiev, en violation totale des accords de Minsk-2, a donc eu l’effet escompté. De son côté, Moscou ne manquera pas de riposter de manière proportionnée à cette ingérence. Le chantage que mènent l’Union européenne et les États-Unis à l’encontre de la Fédération de Russie au sujet de l’Ukraine s’accompagne désormais d’une nécessité urgente de sauver le régime corrompu mis en place en février 2014. D’ailleurs, le potentat de Kiev, Petro Porochenko redoute l’effet boomerang induit par la destitution de son prédécesseur, Viktor Yanukovitch. Le boucher de Kiev a demandé à la Cour constitutionnelle de l’Ukraine de vérifier la conformité de la loi destituant Yanukovitch, étant avant tout préoccupé par son propre sort. La paranoïa semble progressivement gagner tous les niveaux du pouvoir kiévien : depuis l’affaire opposant Porochenko à Kolomoïsky, tout le monde soupçonne tout le monde. Les accusations d’espionnage russe sont récurrentes et on y voit des espions partout… On purge à tour de bras et nombre d’étrons venus du néant dans lequel ils n’auraient jamais dû sortir, deviennent des accusateurs publics à la petite semaine. On les trouve surtout dans les médias stipendiés par des réseaux occidentaux et au sein de la mouvance radicale.

 

 

 

Car, de son côté, l’extrême droite néonazie et néobandériste mobilise et cherche à tirer son épingle du jeu de cette situation lamentable : la mouvance de Praviy Sektor exige des autorités ukrainiennes de renoncer aux accords de Minsk-2, et de « reprendre l’offensive en vue de libérer les territoires occupés », à « punir les criminels d’Etat de l’époque de Yanukovitch » et à « procéder à des mesures anticorruption réelles ». Non contents d’avoir noyauté l’ensemble de l’appareil d’État, dont le ministère des Affaires intérieures et celui de la défense (Dmytro Yaroch, le « Führer » de Secteur droit, y a même un bureau), et de s’être attribué le contrôle de la Rada, les extrémistes galiciens veulent maintenant tenter un coup de force contre le pouvoir en place, justement au lendemain de la visite officielle de John McCain, sénateur néoconservateur américain très proche des milieux radicaux en Ukraine, comme de l’État islamique en Syrie et en Irak d’ailleurs. McCain a toujours beaucoup apprécié les extrémistes…

 

On s’étonnera donc que tous ces grands et glorieux « nationalistes » n’aient pas pris soin de faire leur paquetage pour aller rejoindre les rangs de formations paramilitaires telles que « Dnepr-1 » ou encore « Azov ». Le 3 juillet prochain, des démonstrations de rues sont prévues, notamment dans le quartier gouvernemental de la capitale ukrainienne. Il est vrai que c’est moins dangereux de fomenter une émeute en plein cœur de Kiev que de risquer sa peau sur le front du Donbass…

 

 

 

Par Jacques FrèreNationsPresse.info – le 24 juin 2015.