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L’administration américaine lance une alerte

à une offensive ukrainienne

Par Laurent Brayard (*)

 

Le 16 juillet dernier, le département d’État des États-Unis et le Bureau des affaires consulaires ont lancé une alerte à propos des voyages en « Ukraine ». Dans un document inquiétant qu’il fallait lire entre les lignes, l’administration américaine présentait une situation très alarmante de la situation en Ukraine émettant même d’inquiétants sous-entendus sur des possibilités d’embrasement de la guerre, d’invasion de la Crimée et d’autres fantaisies qui en disent long sur l’implication américaine dans le conflit.

 

Selon une alerte déjà lancée le 5 janvier 2015, l’administration américaine invite « tous les citoyens américains vivant actuellement dans la région où s’y trouvant en visite à quitter dans l’instant l’Est de l’Ukraine ». Cette recommandation laisse rêveuse et semble de mauvais augure. Les raisons de cette alerte sont motivées soit par des informations venues de Kiev qu’une attaque générale sera bientôt lancée (avec l’aide américaine), soit pour des raisons de pure propagande dont l’Occident est inondé quotidiennement. Dans le cas d’une offensive, il est évident que les instructeurs américains travaillent d’arrache-pied à la formation des troupes ukrainiennes, le chiffre de 70 000 hommes est avancé. Dans la rhétorique américaine, contrairement à la française ou l’européenne, il n’est par contre nullement question d’une armée russe dans le Donbass, mais « de séparatistes soutenus par la Russie ». Avec un certain regret dans les lignes affichées par le département d’État, il est dit que « les séparatistes continuent de contrôler les zones de Donetsk et Lougansk et que malgré un cessez-le-feu entre les séparatistes [définis comme Russes !] et les Ukrainiens, de violents affrontements continuent entraînant la perte de milliers de blessés et de morts ». La citation ne laisse pas indifférente notamment sur le sujet des milliers de morts et blessés… Régulièrement les propagandes de l’Union européenne et américaine insinuent que ces milliers de personnes sont décédées ou ont été blessées du fait des Russes et des « séparatistes russes ». C’est oublier qu’au moment de l’insurrection, les insurgés réclamaient une autonomie comme celle qui avait été accordée à la Crimée en 1991. En réponse les forces de Porochenko avaient attaqué le Donbass et bombardé les populations civiles.

 

Il y a ici deux poids, deux mesures, d’un côté « le méchant » dictateur Bachar al Assad bombardant son peuple. De l’autre le « gentil » démocrate Porochenko bombardant son peuple. La guerre se déroulant sur le territoire des insurgés, il est évident qu’à l’exception des soldats ukrainiens, toutes les victimes sont des habitants du Donbass. Cette subtilité qui échappe régulièrement, pour ne pas dire en permanence à nos journalistes est pourtant capitale. Comment l’Union européenne, la France, peuvent-elles soutenir le massacre de civils qui par ailleurs ont eux-mêmes décidé de leur sortie de l’Ukraine par un référendum et élus démocratiquement des assemblées ? Le 10 mai dernier, la Chancelière Merkel insistait pour que des élections aient lieu dans le Donbass, insinuant par là que la liberté du Donbass devait être votée par toute l’Ukraine… Ceci reviendrait à organiser un référendum en Écosse où toute la Grande-Bretagne déciderait du sort d’un peuple, vous comprendrez facilement l’injustice qui serait faite aux Écossais aussi bien qu’aux Novorossiens. Le document américain continuait de manière pernicieuse sur le sujet des citoyens américains qui seraient entrés dans le Donbass par la frontière russe. Il est dit « que ces citoyens ne seront pas autorisés par l’Ukraine à passer du côté ukrainien [sous-entendu en cas de danger] » et que « des Américains ont été menacés, détenus ou enlevés par les séparatistes ». Cette dernière assertion a deux utilités, la première mettre en garde les activistes américains pro-Donbass, journalistes, humanitaires et volontaires dans l’armée insurgée de manière à peine déguisée, la seconde de tenter de faire peur à ceux qui auraient la curiosité ou la tentation de faire le pas. Manœuvre puérile qui devient franchement nauséeuse lorsqu’il est soudain question de la Crimée…


Selon le document, la Crimée serait elle aussi formellement non recommandée parlant « d’annexion illégale et d’abus contre les populations locales par les autorités [russes] empêchant les Américains de circuler dans cette région à partir de l’Ukraine de Kiev ». Nous trouvons ici la sempiternelle propagande américaine de base, mais qui n’est pas non plus anodine. Derrière se cache à la fois la nécessité de rendre la situation économique de la Crimée la plus mauvaise possible dans l’espoir de générer des troubles internes. La Crimée est en effet depuis l’époque tsariste, une destination de tourisme majeure, non seulement pour les Slaves et particulièrement les russophones, mais aussi pour de nombreux Européens de l’Ouest. En laissant entendre que les autorités russes se livreraient à des répressions et des tracasseries, le document vise à toucher le tourisme en Crimée.


Dans un second temps, le document vise aussi à marteler que le seul régime légal est celui de Kiev, activement soutenu par les États-Unis qui ont organisé et financé les différentes étapes de la révolution brune de l’Euromaïdan. Pour enfoncer le clou, mais aussi relier la Russie et les insurgés au drame de l’avion malaisien la partie suivante du document fait état : « de la préoccupation des États-Unis par la grave menace pour l’aviation civile dans les régions de Dniepropetrovsk et Simferopol ». Nous rappellerons seulement que depuis le drame de l’été 2014, les informations contenues dans les boîtes noires de l’avion sont toujours bloquées par les Occidentaux… Si elles avaient contenu des informations accablantes pour la Russie, il est évident qu’elles auraient été publiées dans l’instant, or voici une année qu’elles sont bloquées.

 

La dernière partie du document est intéressante, elle fait état notamment, et il s’agit du premier document occidental que je lis à ce sujet, de groupes de résistances dans les régions de Kharkov et Odessa, villes à très fortes minorités russophones (en oubliant bien d’autres cités). Le paragraphe fait appel « à une extrême vigilance dans les lieux publics, d’éviter les foules et les rassemblements […] en raison de l’augmentation continue d’incidents terroristes ». Il est intéressant de constater que dans les zones occupées de l’Ukraine par les troupes de Kiev, la résistance des populations russophones souvent majoritaires a toujours été présente… la même dialectique du terrorisme était utilisée par les Allemands et les collaborateurs de Vichy pour qualifier les résistants de terroristes. Vous jugerez vous-mêmes là encore du cocasse d’une telle annonce. Si Porochenko n’avait pas bombardé lui-même ces populations et accepté l’autonomie demandée, il est évident qu’aucune résistance ne se serait produite dans les zones majoritairement russophones (soit environ 55 % du pays) et que l’exemple de milliers des leurs massacrés, exécutés ou jetés en prison n’incite pas évidemment à la coopération, mais plutôt justement à la résistance, cette résistance qui en 1943 était insultée quotidiennement par les médias dominants au service des nazis. L’histoire se répète, dans les articles de la constitution de 1793 se trouvait l’article 35, il disait « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».

 

 

 

Par Laurent Brayard (*) - novorossia.today – le 20 juillet 2015.

 

 

(*) Laurent Brayard : né à Clermont-Ferrand (origines dans la Bresse et le Lyonnais). Historien spécialiste des Armées de la Révolution et de l’Empire, secrétaire de la SEHRI, la société d’études historiques révolutionnaires et impériales et membre correspondant de la Société d’Émulation de l’Ain, l’une des plus anciennes sociétés savantes de France (créée en 1746). Rédacteur et journaliste à La Voix de la Russie vivant à Moscou depuis bientôt deux ans. Il poursuit ses travaux historiques en Russie et écrit un livre sur une famille russe durant la tourmente de la Seconde Guerre mondiale, de 1940 à 1948… (Source : ici)