Ukraine : Areva signe un contrat pour la fourniture d’uranium, au grand dam de Westinghouse | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it



Ukraine : Areva signe un contrat pour la fourniture d’uranium, au grand dam de Westinghouse

 

S’il était nécessaire de prouver que l’Ukraine constitue un enjeu économique et financier de taille au sein de l’échiquier énergétique mondial, la nouvelle nous en donne l’occasion.

 

C’est avec peu de faste, et dans un bref communiqué qu’Areva a annoncé discrètement vendredi avoir remporté un contrat pour fournir de l’uranium enrichi à Energoatom, la compagnie publique ukrainienne qui exploite les centrales nucléaires du pays. Le montant du contrat n’a quant à lui pas été précisé.

 

Le géant du nucléaire français ajoute par ailleurs que cet uranium, dont les premières livraisons auront lieu dès 2015, sera utilisé au sein de centrales nucléaires ukrainiennes.

 

« Ce contrat démontre notre capacité à gagner la confiance de nouveaux clients », a commenté quant à lui Olivier Wantz, directeur de la division amont d’Areva, ne faisant ainsi aucunement allusion au caractère particulier de ce nouveau client  : l’Ukraine…

 

Rappelons toutefois qu’alors qu’un accident s’est produit le 28 novembre  2014 dans la centrale nucléaire de Zaporijia (ou Zaporozhskaya) en Ukraine, nous étions revenus ici même en décembre 2014 sur l’accord conclu dès 2008 entre Kiev et le groupe US Westinghouse, pour la fourniture d’assemblages d’uranium enrichi.

 

Si un rapport daté du 13 octobre 2014 publié par l’Association nucléaire mondiale rapporte que les essais de combustible menés dans la centrale d’Ukraine-Sud ont été « jugés infructueux », il n’en demeure pas moins que les deux parties ont signé en avril 2014 une prolongation jusqu’en 2020. Des menaces d’une telle importance qu’en mai 2014, le média russe Russian Time (RT) s’alarmait que Kiev ait la mémoire courte et fasse fi de la catastrophique expérience de Tchernobyl, et des risques nucléaires pour conclure l’accord nucléaire avec les États-Unis.

 

Afin d’atténuer autant que faire se peut sa dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou, le gouvernement ukrainien a « ressuscité » (selon les termes de RT) un contrat avec une société américaine en vue de fournir du carburant pour les centrales nucléaires de l’Ukraine. Et ce, alors même que l’utilisation de barres de combustible américaines a été interdite en 2012, en raison de dangereuses incompatibilités.

 

Simple hasard de calendrier ? La rivalité pour l’approvisionnement en combustible nucléaire de l’Ukraine entre la société russe TVEL et l’américain Westinghouse a pris un virage quand en avril 2014 — soit peu de temps après ce que la Russie considère comme un « coup d’État » —, Kiev a signé un nouvel accord avec le premier producteur de combustible nucléaire des États-Unis, Westinghouse Electric Company, au lieu et place de la société russe TVEL, laquelle fournit des barres de combustible en Ukraine depuis des années.

 

Rappelons que les 15 réacteurs nucléaires du pays produisent au moins 50 % (plus de 13 mégawatts) de toute la production d’électricité en Ukraine. Jusqu’alors, tout le combustible nucléaire pour les réacteurs ukrainiens (d’une valeur avoisinant des centaines de millions de dollars par an) a été produit en Russie, laquelle recycle également les déchets nucléaires de l’Ukraine.

 

Autre élément notable : Rosatom, monopole nucléaire d’État de la Russie, construit une usine de fabrication de combustible nucléaire en Ukraine, où des barres de combustible nucléaire seront assemblées en utilisant de l’uranium enrichi en Russie.

 

La compagnie Westinghouse Electric a essayé quant à elle d’utiliser à sa manière l’ancienne dépendance énergétique des pays du bloc soviétique vis-à-vis de la Russie, tout en tentant d’entrer sur le marché en Europe de l’Est depuis plus d’une décennie. À cette fin, la société a comme on pouvait s’y attendre utiliser le levier politique. En 2012, Hillary Clinton, alors secrétaire d’État US, a ainsi tenté de convaincre les dirigeants tchèques de conclure avec Westinghouse un accord d’approvisionnement en combustible nucléaire au lieu et place de la Russie.

 

En réalité, Westinghouse a d’ores déjà fourni du combustible nucléaire à la compagnie Energoatom, fournisseur de l’énergie nucléaire de l’Ukraine. Ainsi, en 2005, six assemblages expérimentaux de combustible Westinghouse, adoptés pour les réacteurs développés dans l’ex-URSS, ont été testés à l’usine sud de l’Ukraine dans l’un réacteur avec des barres de combustible russe.

 

Bien que les ingénieurs experts dans le domaine nucléaire se soient montrés sceptiques face à l’expérience pilote, le gouvernement de l’ancien président ukrainien Viktor Iouchtchenko a signé en 2008 un accord avec Westinghouse pour la fourniture de barres de combustible. Faisant fi également du fait que le combustible nucléaire américaine soit beaucoup plus coûteux et technologiquement différent. En effet, les barres russes de combustible nucléaire sont hexagonales en coupe, tandis que les Américains produisent des assemblages de combustible de section carrée.

 

À cette date, un lot de 42 assemblages de combustible a été chargé dans trois réacteurs de la centrale nucléaire du Sud de l’Ukraine pour une période standard de trois ans d’exploitation commerciale. Lorsqu’en 2012, le temps de remplacer les assemblages de combustible fut venu, les ingénieurs nucléaires ukrainiens ont constaté que les assemblages de Westinghouse s’étaient déformés durant leur exploitation et étaient restés coincés dans le noyau. Energoatom avait alors accusé Westinghouse de produire des assemblages mal conçus, ce à quoi le groupe US avait répliqué en accusant les ingénieurs ukrainiens d’avoir mal installés les barres.

 

Après cet « incident », l’utilisation du combustible nucléaire américain avait été interdite en Ukraine, tandis que les produits étaient retournés à l’envoyeur en vue d’« être corrigés ». Des experts russes ont été sollicités en vue d’aider à la réparation de l’équipement produit en ex-URSS. La Société Energoatom aura perdu environ 175 millions de dollars dans l’affaire.

 

Mais malgré toutes ces menaces et ces déboires financiers, l’Ukraine semblait jusqu’à présent vouloir inexorablement tomber dans le « piège » américain, à moins que ses choix soient quelque peu dictés.

 

Le nouveau régime au pouvoir à Kiev a en effet prolongé l’accord de 2008 pour la fourniture de combustible nucléaire jusqu’en 2020, en vue de remplacer 25 % des barres de combustible de fabrication russe, le tout étant assorti d’une option permettant de « fournir plus si nécessaire ». Raisons officielles avancées : diversifier les approvisionnements de l’Ukraine.

 

Mais désormais le gouvernement ukrainien semble avoir fait volte-face, se tournant désormais vers la France et Areva

 

 

Par Élisabeth Studerleblogfinance.com – le 24 avril 2015

Sources : Russian Time, AFP, Associated Press, SFEN, Ria Novosti