Mistral,TGV: urgence souveraineté | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : flottille de TGV chinois — Crédit : Reuters

 

Mistral, TGV : urgence souveraineté

 

La France se décidera-t-elle à prendre le train du progrès en marche avec les BRICS, ou sombrera-t-elle, emportée par les ultimes pulsions d’Empire anglo-américaines ?

 

Les implications de ce choix n’ont jamais été aussi évidentes. À plusieurs reprises et pas plus tard qu’à la dernière réunion du Dialogue Asie-Europe (ASEM) à Milan, la Chine, avec qui la France entretient les meilleures relations sous le gouvernement actuel, a invité notre pays et l’Europe à rejoindre le programme de Nouvelle route de la soie lancé par le président Xi Jinping.

 

Il s’agit de désenclaver le cœur de l’Eurasie en construisant de grandes infrastructures routières, ferroviaires et énergétiques. Outre les 50 milliards de dollars de la nouvelle Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures (AIIB), créées par la Chine en octobre, elle a alloué un fonds spécifique de 40 Mds $ pour ce projet.

 

Jean-Pierre Raffarin, sénateur et vice-président du Sénat qui, en tant que président de la Fondation prospective et innovation, joue un rôle très utile de facilitateur de la coopération économique entre la France et la Chine, a bien expliqué récemment sur son blog ce qu’est cette politique. Après avoir rencontré les plus hautes autorités politiques, économiques et civiles du pays, le message qu’il nous adresse est que « la France est en bonne place » pour participer à ce projet et que « le président Xi Jinping se félicite d’avoir construit une relation solide avec François Hollande ».

 

Exemple, le grand succès du Forum 1 000 PME, qui s’est tenu à Chengdu du 23 au 26 octobre : « 500 entrepreneurs français, 5 000 rendez-vous, plus de 200 accords signés, 5 présidents de régions présents, un jeune ministre, Mathias Fekl, des parlementaires, des équipes et structures compétentes, UbiFrance, Futurallia, Mofcom, Banque de Chine, CCI... Une maison régionale inaugurée pour promouvoir les produits du Sud-ouest français. »

 

Allant à l’encontre de tout ce qui se dit dans nos médias sinophobes et russophobes, Raffarin rappelle les principes diplomatiques définis par le président Xi Jinping : « Pas de conflit, respect mutuel de l’indépendance nationale, coopération équilibrée et renforcée avec les grands pays. »

 

Il s’avère que notre méthode est bonne et plaît aux Chinois : « Ceux qui vendent plus à la Chine qu’ils n’y produisent (comme l’Allemagne) souffriront davantage que ceux qui, comme la France, ont choisi des stratégies de coproduction. »

 

 

Sous le coup de la menace

 

Tout autre, hélas, est notre politique envers la Russie, qui conduit à saboter les relations commerciales établies après la fin de la Guerre froide, qui avaient fait de notre pays, en 2013, le troisième fournisseur européen de la Russie et de celle-ci le troisième partenaire commercial de la France, hors Union européenne et Suisse, avec des échanges bilatéraux de 18,3 milliards d’euros.

 

Les atermoiements de François Hollande concernant le contrat Mistral illustrent à quel point notre politique a été prise en otage par les courants impériaux à Londres et Washington, prêts à provoquer une guerre mondiale contre la Russie pour l’obliger à capituler à leurs diktats.

 

Effrayant même de voir à quel point ces milieux contrôlent la politique éditoriale de deux de nos principaux journaux, Libération et Le Monde, dont on connaît, par ailleurs, les grosses difficultés de trésorerie, ceci expliquant sans doute cela...

 

Le dossier publié le 25 octobre par Libération sur les « réseaux de Poutine » en France, avec à sa une un portrait du Président russe auquel il ne manque que les dents de Dracula, et les quatre dossiers du même type publiés par Le Monde, constituent de véritables menaces contre des acteurs de premier plan de notre pays, dont le seul tort est de défendre le droit de la France à avoir une politique indépendante avec la Russie.

 

Ces « dossiers » suivent de près les tribunes publiées dans Le Monde du 23 octobre par George Soros, financier des révolutions de couleur contre la Russie. Le milliardaire américain y appelle l’Europe à débourser 20 milliards de dollars pour financer la guerre de Kiev contre Moscou, qui menacerait son existence même !

 

Appelons un chat un chat : après la mort inexpliquée de Christophe de Margerie à Moscou, ces déclarations s’apparentent même à des menaces de mort.

 

Le fait que notre gouvernement tergiverse sur la livraison des bateaux Mistral à la Russie, plutôt que de marquer notre indépendance sur cette question, ce qui tendrait à calmer les ardeurs guerrières de nos soi-disant alliés, n’encourage pas nécessairement nos compatriotes à défendre les intérêts de la France, ni même les leurs.

 

Dans Le Point du 6 novembre, Jean Guisnel décrit la situation d’un cluster français des industries mécaniques et défense mis sur pied en 2008 en Russie, auquel participaient neuf industriels français. Depuis le début des sanctions, cinq l’ont quitté, laissant la place à quatre groupes indiens et deux chinois ! Créé par Olivier Brisou, qui avait lancé en 2003 la société Ural Atlantic à Ekaterinbourg, ce cluster devait permettre à nos industries de défense de participer à la modernisation de l’outil de défense russe, « dont les besoins sont absolument énormes » depuis la chute du Mur, en raison de l’effondrement de l’économie.

 

Les Russes ont été particulièrement choqués de voir certaines entreprises françaises aller très au-devant même des exigences anglo-américaines. Par exemple, « la banque française de l’industriel qui a bloqué sur injonction américaine toutes les opérations de paiement (…) ou cette grande entreprise française qui a annulé la totalité des commandes reçues de Moscou par une de ses filiales, alors même que ni le produit ni le client n’étaient concernés par les sanctions ! » Résultat : une entreprise italienne et une autre, allemande, ont pris notre place !

 

 

Après le militaire, le ferroviaire

 

Autre contrat important que la France était en bonne position d’emporter, celui de la construction de la ligne de chemin de fer Moscou-Kazan (770 km pour un coût estimé à 21 milliards d’euros), convoité par Alstom.

 

En marge d’un Forum sur les infrastructures ferroviaires organisé à Sotchi le 17 octobre, le PDG des Chemins de fer russes, Vladimir Iakounine, a averti ses partenaires européens et la France :

 

« Si le gouvernement français continue d’interdire aux entreprises de collaborer avec nous, nous nous tournerons vers d’autres partenaires.»

 

Le marché du ferroviaire russe – 8 milliards d’euros annuels – était jusqu’à présent la « chasse gardée » des Européens : Siemens a construit le Sapsan qui relie Moscou à Saint-Pétersbourg, l’espagnol Talgo a fourni des liaisons entre Moscou, Minsk, Berlin et Varsovie, et Alstom a construit Allegro, reliant Saint-Pétersbourg à Helsinki.

 

La ligne Moscou-Kazan risque d’être accordée aux Chinois qui « sont insistants et intéressés : ils arrivent avec un projet clé en main, la technologie et le financement, et ils représentent en outre des partenaires stratégiques », constate Iakounine.

 

Les Russes se tourneraient déjà vers les projets avec la Chine, s’inscrivant dans sa « Ceinture eurasiatique de développement », où circuleraient des trains de conteneurs roulant à 300 km/h et plus, sur 11 000 km de voies ferrées. Un protocole d’accord a été signé à Moscou par les Premiers ministres russe et chinois pour une ligne TGV de plus de 7 000 kms, écourtant de 6 à 2 jours le voyage entre Moscou et Pékin, pour la coquette somme de 230 milliards de dollars !

 

 

Par Christine Bierre – Solidarité & Progrès – le 26 novembre 2014