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Le drapeau noir de Daech flotte sur la marmite européenne

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Le drapeau noir de Daech flotte

sur la marmite européenne

Par Aristide Leucate

 

Pendant que notre sous-préfet élyséen invoque les mânes de Jacques Delors et jette d’improbables plans sur la comète européenne en appelant à une Europe de « l’avant-garde » (?), l’État islamique (EI) continue sa progression, jusqu’au cœur même de l’Europe.

 

Selon le Daily Mirror, des membres de l’État islamique achèteraient secrètement des terres dans un petit village de Bosnie-et-Herzégovine situé sur les bords de l’Adriatique. Ces derniers mois, une douzaine de combattants de l’organisation se seraient entraînés dans le village d’Ošve, entouré de forêts, avant de partir en Syrie. Mais d’autres villes comme Gornja Maoča ou Dubnica abritent des institutions et mosquées salafistes régulièrement fréquentées par des Bosniaques candidats au djihad. D’après un récent rapport de l’ONG Atlantic Initiative, la Bosnie-et-Herzégovine fournirait le plus gros des effectifs de l’Europe du Sud-Est partant combattre dans les rangs de l’État islamique.

 

Comment en est-on arrivé là ?

 

Artificiellement créée par les accords de Dayton-Paris du 14 décembre 1995, la Bosnie-et-Herzégovine est scindée en trois entités, dotées d’un statut d’autonomie sans qu’aucune ne puisse véritablement revendiquer le statut d’État indépendant, seule la Bosnie-et-Herzégovine pouvant prétendre à ce rang, au sens du droit international : la République serbe de Bosnie (composée de Bosniens non musulmans), la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine (en majorité croato-bosniaque) et le petit District de Brčko sous mandat de l’ONU.

 

 

Lire aussi : France, États-Unis, Égypte : l’État islamique frappe sans relâche

 

 

Il faut bien comprendre que cette région a toujours été une poudrière ethnicoreligieuse où cohabitaient des Slaves de confession catholique (Croates), orthodoxe (Serbes) et mahométane (Bosniaques). Dès lors ont dominé, tour à tour, l’Empire ottoman soutenant les musulmans, l’Empire austro-hongrois catholique et le jeune royaume de Yougoslavie, favorable aux orthodoxes.

 

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la République fédérative populaire (socialiste en 1963) de Yougoslavie est proclamée, tandis que la République populaire de Bosnie-Herzégovine (nation musulmane en 1964) en devint une entité fédérée. À la mort de Tito, en 1980, la Yougoslavie autoritaire et autogestionnaire vacille sur ses bases fragilisées par des irrédentismes politiques, ethniques et territoriaux.

 

À l’orée de la décennie 1990, la Yougoslavie se disloque en multiples États indépendants en même temps que ses peuples s’abîment dans une guerre fratricide, certaines puissances occidentales (États-Unis, Allemagne, France) ainsi que la Russie d’Eltsine ayant, alors, fait le choix de ne pas soutenir la Serbie (la France contribua pour beaucoup à la sécession de celle-ci d’avec ses provinces historiques que furent le Kosovo-et-Métochie – foyer originel de la nation serbe – et la Voïvodine).

 

Les Balkans sont la tête de pont des États-Unis entre l’Europe et le « grand Moyen-Orient ». Aussi ne doit-on pas s’étonner que l’islam (sunnite et wahhabite) y gagne en influence, celui-ci n’ayant cessé d’être instrumentalisé par le Grand Sam pour, précisément, contrer la Russie (la plus grande base militaire américaine d’Europe, baptisée Bondsteel, est implantée au Kosovo).

 

N’est-ce pas Jacques Bainville qui, dans Les Conséquences politiques de la paix, écrivait que « d’ordinaire, en politique, les effets sont aperçus quand ils commencent à se produire, c’est-à-dire quand il est trop tard » ?

 

 

 

Par Aristide Leucate (Docteur en droit, journaliste et essayiste) - bvoltaire.fr – le 21 juillet 2015.

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La balkanisation de l’Ukraine

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Photo : alors que des volontaires croates rejoignent l’armée ukrainienne pour combattre les Novorossiens, l’États-Unienne Kolinda Grabar-Kitarović est devenue, le 18 février 2015, présidente de Croatie. Son pays, qui se prépare à faciliter le démembrement de la Serbie en l’amputant de la Voïvodine, devrait logiquement s’impliquer officiellement dans la guerre en Ukraine. Rejouant le passé, les Croates s’allient à l’Empire du moment contre la Russie.

 

 

 

La balkanisation de l’Ukraine

Par Miroslav Lazanski (*)

 

La guerre qui ravage actuellement l’Ukraine s’internationalise. Les clivages qui apparaissent dans les Balkans ne sont pas nouveaux. Ils étaient là durant le démembrement de la Yougoslavie, et auparavant durant la Seconde Guerre mondiale. Pour Miroslav Lazanski (*), c’est une vieille partition que l’on rejoue.

 

 

Lav Tolstoï a écrit, dans Guerre et paix, que « La veille de l’année 1812, il y eut une concentration des pouvoirs en Europe occidentale, partie de l’Ouest vers l’Est, vers les frontières de la Russie. » Je ne sais pas ce que ce grand écrivain et penseur dirait aujourd’hui s’il pouvait jeter un coup d’œil sur l’Europe du début du 21e siècle. C’est comme s’il avait déjà prévu à son époque « l’otanaïsation », l’encerclement de la Russie et les pressions politiques et psychologiques sur les États neutres pour qu’ils rejoignent l’Alliance.

 

Ce qui a été commencé en Europe en 1999 lors des bombardements de la République fédérale de Yougoslavie continue aujourd’hui avec la tragédie en Ukraine. Les images des immeubles et ponts détruits sont invraisemblables ; des maisons brûlées, des cadavres dans les rues. Tout cela dans l’Europe du 21e siècle ! Et ce n’est pas un film, mais la cruelle réalité. L’Europe politique s’est tue à propos des mêmes images en Yougoslavie en 1999, et aujourd’hui elle est indifférente à la souffrance humaine en Ukraine.

 

L’Europe politique a imposé au peuple d’Ukraine un choix « soit/soit », et par là, la guerre. Après les Accords de Minsk 2 [1], certains pensent encore, en Europe et encore plus aux États-Unis, que le fait d’envoyer de l’aide militaire à Kiev pourrait changer la situation militaire sur le terrain. Mais aucun missile antichar occidental ne pourra changer le rapport des forces parce que les soldats de Kiev n’ont pas été formés à les utiliser, ils auraient besoin d’au moins six mois d’entrainement et d’apprentissage. Les systèmes d’artillerie de l’OTAN ne sont pas compatibles avec les systèmes en possession de l’armée ukrainienne. L’Occident peut fournir à l’Ukraine de simples véhicules blindés pour transporter l’infanterie, ce que les Britanniques ont déjà fait, de l’électronique pour les communications radio et des radars d’artillerie, ce qui a déjà été livré à Kiev.

 

Cependant, si l’OTAN livrait à Kiev d’autres types d’armement, ou s’il envoyait ses propres spécialistes d’entrainement militaire, on pourrait voir apparaître dans le Donbass des chars T-80 et T-90 au lieu des T-72. On verrait alors quels missiles seraient efficaces. L’entrée d’une unité de l’OTAN en Ukraine provoquerait l’entrée de l’armée russe sur le théâtre d’opérations. Dans un conflit conventionnel sur ce terrain, aucune armée occidentale, même pas celle des États-Unis, ne pourrait vaincre l’armée russe, parce que les généraux occidentaux oublient de toute évidence la doctrine du Maréchal Otarkov, toujours actuelle dans l’armée russe : vaincre pendant la première phase d’un conflit conventionnel par la destruction des cibles clés très profondément en territoire ennemi, dès les premiers moments de la guerre, et conquérir rapidement le territoire ennemi par l’avancement de l’armée de terre.

 

C’est une victoire totale pendant la première phase de la guerre, une victoire sans utilisation de l’armement nucléaire tactique. La stratégie de l’offensive, avec comme but la pénétration profonde dans le territoire ennemi sans utiliser des armes nucléaires, a été l’essence de la vision soviétique de la guerre en Europe. Les États-Uniens ont essayé de faire mieux avec la doctrine de la « bataille air-terre 2000 ».

 

C’est précisément la raison pour laquelle ni les USA ni l’OTAN n’enverront leurs forces en Ukraine, parce qu’ils n’ont aucune chance pour vaincre dans une guerre conventionnelle. En effet, si les troupes de l’OTAN ou des USA se trouvaient en situation d’échec en Ukraine face à l’armée russe, Bruxelles et Washington devraient décider soit d’admettre la défaite avec toutes ses conséquences politiques et militaires, soit d’utiliser des lanceurs munis d’armes tactiques nucléaires.

 

Dans cette situation, sachant que des Tomahawks peuvent atteindre des cibles en Russie en cinq ou six minutes, le Kremlin aurait peu de temps pour décider, ordonner et exécuter une riposte nucléaire. Il devrait intervenir au bout de trois minutes maximum, faute de quoi, il ne pourrait pas lancer de contre-offensive, les missiles états-uniens ayant déjà atteint leurs cibles russes.

 

Autrement dit, la frontière entre l’utilisation tactique et stratégique de l’armement nucléaire est dangereuse. Le risque d’implosion est effrayant, l’une et l’autre partie pourrait interpréter l’utilisation de l’armement nucléaire tactique comme une introduction de l’utilisation de l’armement nucléaire stratégique. Dans ce cas, seul Dieu pourrait aider la planète. Selon l’opinion du professeur Lowell Wood du Laboratoire National de Livermore (États-Unis) datant de 1982, entre 500 millions et 1,5 milliard de personnes périraient. Et comme la technologie nucléaire a entretemps progressé, le nombre de morts serait beaucoup plus important.

 

Est-ce que ceux qui voudraient internationaliser le conflit ukrainien pensent à cela ?

 

L’opinion publique en Russie est ces jours-ci surprise par l’arrivée de citoyens croates en renfort de l’armée de Kiev, du Pravyi Sektor et de la Garde Nationale d’Ukraine. Seuls ceux qui ne connaissent pas l’Histoire sont surpris. Les soldats de l’État indépendant croate se sont battus pendant la Seconde Guerre mondiale au côté d’Hitler à Stalingrad, tandis que sur le Front de l’Est il n’y eut aucun Serbe. L’État indépendant croate avait envoyé sur le Front de l’Est son aviation. Le général Franjo Dzal était l’un des pilotes qui abattait les avions russes. À l’époque de l’ex-Yougoslavie, la Croatie avait d’excellentes relations avec l’Ukraine et la Serbie avec la Russie. Dans quelle mesure la religion a influencé cela (en Ukraine il y a des catholiques et des uniates) est une longue histoire. Quoi qu’il en soit, les Croates se sont mis du côté de l’Ukraine, et les Serbes, d’après les volontaires, du côté de Donbass.

 

On a balkanisé l’Ukraine. On y continue la guerre que nous avons arrêtée en 1945…

 

 

 

Par Miroslav Lazanski (*) - RÉSEAU VOLTAIRE INTERNATIONAL - BELGRADE (SERBIE) - le 25 février 2015

 

(*) Miroslav Lazanski : né en 1950 à Karlovac, Croatie. Diplômé de la Faculté de Droit à Zagreb, où il a débuté sa carrière de journaliste. Après avoir travaillé pour plusieurs journaux et magazines, en 1991 il commence à travailler pour le quotidien serbe Politika, où il travaille encore aujourd’hui. Il a été reporter de guerre en Syrie, Afghanistan, Tchétchénie, Congo, Irak, Iran, Liban, Yémen et Lybie. Il a réalisé des interviews de personnalités de l’OTAN, de l’URSSS, et d’une cinquantaine de ministres des Affaires étrangères, de hauts militaires des armées russe, chinoise et japonaise. C’est le seul journaliste yougoslave qui a navigué à bord du sous-marin atomique USS Tautog, qui a volé à bord d’un F-14, qui a visité le porte avions USS John F. Kennedy et qui a volé dans un Mig-29. Il a été l’invité des académies militaires en Russie, Japon, Etats Unis, Australie, Italie, Grande-Bretagne, Allemagne, Roumanie, etc. Il a tenu une rubrique dans le journal grec Kathimerini, dans le journal japonais Securitarian, et The Diamond Weekly. Il est auteur de dix ouvrages.

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Massacre de Srebrenica : « Hommage aux victimes »

Massacre de Srebrenica : « Hommage aux victimes » | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : Mémorial Srebrenica-Potocari de cette « tuerie sans nom » en Bosnie. REUTERS/Dado Ruvic

 

 

Massacre de Srebrenica :

« Hommage aux victimes »

 

Le philosophe Daniel Salvatore Schiffer (*) adresse un hommage aux victimes du massacre des musulmans de Bosnie par les Serbes il y a vingt ans. Selon lui, rétablir la vérité est essentiel pour réconcilier les peuples déchirés des Balkans.

 

Ce 11 juillet 2015 voit la commémoration du vingtième anniversaire du massacre de Srebrenica : plus de 8 000 musulmans de Bosnie, hommes et adolescents confondus, y furent trucidés sans pitié, sous le regard atterré, mais impuissant de 400 « casques bleus » néerlandais, entre les 8 et 11 juillet 1995, par les forces militaires serbes, alors commandées par le tristement célèbre général Ratko Mladic, militaire ayant jadis appartenu à l’armée yougoslave, avant le démembrement de ce pays, elle-même. 

 

 

La pire atrocité depuis la Seconde Guerre mondiale

 

Cet abominable carnage, attesté par d’indéniables preuves matérielles, dont plusieurs charniers emplis de cadavres ensanglantés, est la pire des atrocités — on le sait désormais — que l’Europe ait connues depuis la Seconde Guerre mondiale : un acte d’une effarante barbarie, inconcevable pour toute raison humaine comme pour toute civilisation digne de ce nom, qui restera gravé telle une tache indélébile sur l’histoire séculaire des Serbes. 

 

Aussi est-ce un hommage empli de compassion, doublé d’un imprescriptible devoir de mémoire, que le monde libre et démocratique tient à adresser ces jours-ci, à juste titre, aux victimes, ainsi qu’aux membres encore vivants de leurs familles endeuillées, de cette tuerie sans nom. 

 

 

Srebrenica : massacre ou génocide ?

 

Mais, tout ceci étant dit et admis, reste cependant, tant sur le plan juridique que linguistique, sinon éthique et même philosophique, une énorme question, que l’Organisation des Nations-Unies (l’ONU) elle-même n’arrive pas à trancher de manière définitive, contrairement au Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (le fameux TPIY), ainsi que l’a donné à voir, pas plus tard que ce 9 juillet 2015, le veto de la Russie sur la qualification, pour ce massacre, de « génocide ». 

 

Davantage : il n’est pas jusqu’à Rony Broman, ancien président d’une ONG aussi réputée que Médecins sans Frontières, et que l’on ne peut donc guère soupçonner d’une quelconque sympathie envers le régime serbe de ces sombres années-là, qui ne se soit refusé à utiliser objectivement, pour ces mêmes faits, aussi horribles soient-ils, le terme de « génocide » bien qu’il reconnaisse certes là, comme tout le monde, y compris les actuelles autorités de Belgrade (le président de Serbie, Tomislav Nikolic, et son Premier ministre, Alexandar Vucic), un indiscutable « crime de guerre » et même, pis encore, un effroyable « crime contre l’humanité » ! 

 

 

Le terme « génocide » n’est pas si évident

 

Explication : le terme de « génocide » signifierait qu’il y aurait eu une volonté expresse et délibérée, de la part des forces militaires et paramilitaires serbes, d’exterminer, d’éradiquer totalement, la population bosno-musulmane de Srebrenica ; or, seuls les hommes en âge de se battre y ont été alors tués ; les femmes, les enfants, les malades et les vieillards y ont été, quant à eux, épargnés et ont pu quitter ainsi, sains et saufs, la région. 

 

Entendons-nous : semblable mise au point, frappée au coin de la rigueur analytique, n’excuse certes en rien — la nuance, aussi bien conceptuelle que factuelle, est de taille — les Serbes, ni ne justifie ou ne minimise en rien, au niveau de leur réelle culpabilité, leurs impardonnables crimes ; prétendre le contraire serait faire preuve, en plus d’une patente mauvaise foi, du plus abject des révisionnismes, sinon des négationnismes, historiques ! 

 

 

Crimes serbes et crimes bosno-musulmans

 

Mais il existe encore un autre point à clarifier en cet épineux et douloureux dossier : c’est celui, concernant toutes les parties en cause (Serbes, Croates et musulmans) lors de ce terrifiant conflit qui ravagea l’ex-Yougoslavie, des criminels de guerre

 

Car une adéquate, précise et juste résolution de l’ONU devrait également condamner, là aussi pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité », les atrocités commises également par les forces militaires et paramilitaires bosno-musulmanes, alors sous la férule de Naser Oric. C’est, du reste, le général Philippe Morillon en personne, alors commandant en chef des troupes de la Force de protection des Nations unies (FORPRONU) sur place, qui l’atteste en un implacable « j’accuse », hélas trop peu entendu par le conformisme médiatique tout autant que l’antiserbisme ambiant : « Dans la nuit du Noël orthodoxe, nuit sacrée de janvier 1993, Naser Oric a mené des raids sur des villages serbes... Il y a eu des têtes coupées, des massacres abominables commis par les forces de Naser Oric dans tous les villages avoisinants », avait en effet eu le courage de déclarer, sans tabou ni langue de bois, ce haut-gradé français. 

 

 

Oric s’est rendu coupable des pires crimes

 

Ces villages serbes dont Morillon parle ici, je les ai moi-même parcourus en voiture, ainsi que je le relate dans mon livre intitulé Requiem pour l’Europe — Zagreb, Belgrade, Sarajevo (Éditions L’Âge d’Homme), au printemps 1993, le 21 mai très exactement. Ils ont pour tragique nom, répartis entre les petites villes de Zvornik et Bratunac, situées à proximité du fleuve Drina (frontière naturelle entre la Bosnie et la Serbie, que chanta naguère le grand écrivain serbe, prix Nobel de littérature, Ivo Andric) : Tekija, Milici, Staklar, Kravica, Nova Kasaba, Konjevic Polje, Jezestica, Silijkovici, Kajici, Ranca, Repovac et Cerska.

 

Oui, Philippe Morillon — je l’affirme ici haut et fort pour en avoir été l’un des rares témoins oculaires, fût-ce indirectement — a raison. Naser Oric et ses sanguinaires hommes, s’y sont rendus là coupables, eux aussi, des pires exactions à l’encontre des populations civiles serbes, innocentes : meurtres en tous genres, tortures, décapitations, pendaisons, viols de femmes, villages incendiés, hameaux rasés au sol, maisons pillées, églises dynamitées, cimetières saccagés, terre brulée, épuration ethnique. Bref : plus une âme qui vive en cette région alors désolée ; un pan d’enfer sur terre ; hallucinant ! 

 

Mais le pire, en cette déplorable histoire, c’est que, chose aussi inacceptable qu’indigne de la part du TPIY, instance juridique censée pourtant être aussi neutre qu’impartiale, ce même Naser Oric a été acquitté, quant à lui, pour ces non moins abominables crimes !  

 

 

Une fanatique « déclaration islamique »

 

Pis : Alija Izetbegovic, alors président des musulmans de Bosnie et auteur d’une très fondamentaliste Déclaration Islamique, publiée à Istanbul en 1970, n’a jamais été inquiété par ce même TPIY. Au contraire : il est mort de sa belle mort, en héros et même martyr, à Sarajevo ! 

 

Devrais-je donc pourtant rappeler ici ce que ce même Izetbegovic écrivait en cette funeste Déclaration Islamique ? Elle y stipule textuellement, niant là de manière flagrante les valeurs mêmes de nos sociétés laïques, qu’« il n’y a pas de paix ni de coexistence entre la religion islamique et les institutions sociales et politiques non islamiques ». Et encore, ces mots terribles, dans la droite ligne de l’intégrisme religieux le plus dangereux pour la sauvegarde de nos démocraties, sinon du sens de la fraternité entre les peuples : « Avant le droit de gouverner lui-même et son monde, l’islam exclut clairement le droit et la possibilité de la mise en œuvre d’une idéologie étrangère sur son territoire. Il n’y a donc pas de principe de gouvernement laïc, et l’État doit être l’expression et le soutien de concepts moraux de la religion. » Édifiante, cette étrange et contradictoire conception, aux dires du président bosniaque, de la tolérance, où tout humanisme se voit, a priori, exclu ! 

 

C’est tout cela, précisément, qui n’est pas juste, ni équitable ni équilibré, contraire à la vérité même des faits, ainsi que vient de le regretter la Russie en imposant son veto lors de cette résolution que l’ONU a tenté de faire voter, ce 9 juillet 2015, pour qualifier ce massacre de Sarajevo de « génocide »

 

Les guerres de l’ex-Yougoslavie ont été particulièrement ignobles, à tous points de vue, tant sur le plan moral qu’humain. 

 

 

Restituer les faits aux peuples des Balkans

 

Conclusion ? Aux philosophes et historiens épris d’honnêteté intellectuelle (ce mixte de ce que le grand sociologue allemand Max Weber nomma jadis, dans un essai intitulé Le Savant et le Politique, « l’éthique de conviction » et « l’éthique de responsabilité ») de rétablir donc, à ce douloureux et important sujet, la difficile, mais indispensable vérité, ainsi que je l’écrivis en une de mes précédentes tribunes : la cruelle, mais courageuse et nécessaire vérité si l’on veut réconcilier durablement, en profondeur et non pour les hypocrites besoins d’une louable, mais superficielle « bonne conscience », ces peuples trop longtemps déchirés, sinon par une ancestrale haine, du moins par le trop lourd et dramatique poids de l’Histoire au sein des Balkans. 

 

 

 

Par Daniel Salvatore Schiffer (*) — lexpress.fr – le 10 juillet 2015.

 

(*) Daniel Salvatore Schiffer est philosophe et auteur de Requiem pour l’Europe — Zagreb, Belgrade, Sarajevo (L’Âge d’Homme, 1993) et Critique de la déraison pure — La faillite intellectuelle des « nouveaux philosophes » et de leurs épigones (François Bourin Éditeur, 2010). À paraître en septembre 2015, aux Éditions du Rocher : Kosovo, pays de la mort honorable — Journal d’une guerre oubliée

 

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