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L’Ukraine brune, Marteau Blanc et paganisme

 Par Laurent Brayard (*)


Les SS de Himmler avaient une grande fascination pour le paganisme qu’ils considéraient à plus d’un titre comme une possibilité de revenir aux sources premières de la civilisation germanique. Cette fascination pour une forme de mysticisme païen, s’exprima à travers l’introduction d’un folklore et le lancement de recherches à travers le projet de l’Ahnenerbe, Ahnenerbe Forschung und Lehrgemeinschaft, Société pour la recherche et l’enseignement de l’Héritage ancestral. À travers l’histoire, l’archéologie, l’anthropologie, les SS tentèrent de lancer des ponts entre leurs théories raciales et une réalité historique. Il en va de même en Ukraine où fleurissent depuis quelques années de nombreux symboles étranges connectés avec une forme revisitée de l’histoire.

 

Les runes scandinaves et germaniques remises au goût de la SS se retrouvent particulièrement dans les partis néonazis qui fleurissent en Ukraine. Le plus puissant d’entre eux, Svoboda a entamé une mutation pour faire un nettoyage de façade de ce folklore néonazi prenant ses sources dans les fondements du nationalisme ukrainien. À l’exemple des nazis qu’ils servirent dans les bataillons de supplétifs entre 1941 et 1945, les Ukrainiens ont très tôt aggloméré à leur propre dialectique et rhétorique nationaliste nombre de symboles. Il en va ainsi des wolfsangels, les runes nazies, réutilisées par exemple pour créer de nouveaux symboles, comme pour le bataillon Azov, unité nationaliste non régulière qui s’est illustrée tristement dans le Donbass par des actes innommables de barbarie.

 

Cette tradition des insignes caractérisant une unité SS a été ainsi reprise pour les bataillons ukrainiens. Le bataillon Azov a repris à l’envers le wolfsangel de la 2e division de waffen SS Das Reich célèbre pour ses exactions dans le village d’Oradour-sur-Glane. Plus loin nous retrouvons l’aigle, cher également aux nazis avec le bataillon Donbass, ce dernier plutôt relié avec le bataillon Aydar et au mouvement clairement néonazi du Pravy Sektor.

 

Le Soleil noir, l’emblème très connu et apprécié par les nazis, qui se retrouve dans le château de Wewelsburg acquis par Himmler en 1934 pour en faire une sorte de centre culturel et de quartier général de la SS, a été repris également en fond par l’emblème du bataillon Azov. Les têtes de mort ne sont pas en reste apparaissant avec le trident ukrainien, emblème nationaliste qui pourrait se comparer aux faisceaux de l’État Vichy, sur de nombreux insignes de militaires ukrainiens. Elles rappellent avec froideur une autre insigne nazie celle de la 3e division de waffen SS Totenkopf. Cette division était la base et le dépôt fournissant les gardiens et les officiers dévolus à la surveillance dans les camps de concentration. Ceux qui étaient choisis faisaient « des stages pratiques » dans le sinistre camp de Dachau avant d’être mutés dans d’autres camps. La tête de mort est un très ancien symbole, affectionné de longue date des Allemands et des Prussiens et qui se retrouvaient sur les uniformes des hussards à tête de mort, inspirant jusqu’à la Révolution française qui fonda également un régiment des Hussards de la Mort (qui ne compta jamais qu’un escadron et fut versé dans le 14e de Chasseurs à cheval dès 1793).

 

Les couleurs ont aussi leur importance, noire et rouge d’ailleurs similaires à celles utilisées par les nazis avec la croix gammée, noire et blanche chères aux runes et aux uniformes de la SS et enfin pour l’Ukraine, bleu et jaune.

 

Le trident qui orne l’écu des armoiries de l’Ukraine est un des plus anciens symboles préhéraldiques connus. Reliés à la dynastie des Riourikides, les Varègues (Vikings de l’Est) qui fondèrent la Rus' de Kiev, l’ancêtre commun de la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine, nous comprenons mieux pourquoi, les nationalistes ukrainiens et la quasi-généralité des partis ukrainiens ont la tentation comme les SS de puiser à la source mère.

 

Selon les spécialistes, le trident représenterait un rapace, peut-être un faucon gerfaut en train de fondre sur sa proie en piqué. Parlons également de la Hache de Peroun également le nom d’un groupe de musique, ultranationaliste faisant référence aux anciens dieux slaves, Peroun étant l’équivalent de Thor pour les Varègues, le Dieu de la foudre et du tonnerre. L’insigne de l’unité ukrainienne du Corps Noir, fait également référence à la SS, notamment à la garde personnelle d’Adolf Hitler, la 1re division de waffen SS Leibstandarte Adolf Hitler qui était surnommée, La Garde noire tandis que le parti nazi ainsi que toute sa nébuleuse, furent désignés comme L’Ordre noir.

 

Il en va ainsi également du Marteau Blanc, un groupe néonazi fondé en Ukraine par Vladislav Goranin, un activiste nationaliste né à Kiev en 1985. Le groupe du Marteau Blanc fut fondé le 4 mai 2013, dans les prémices de l’Euromaïdan. Il se donnait pour objectif : « la destruction de l’administration d’occupation de l’Ukraine, l’élimination [physique] des criminels, hommes d’affaires véreux, mafieux contrôlant les casinos clandestins, le trafic de drogue, le commerce illégal de l’alcool, des Werewolfs [comprendre les agents de la Russie infiltrés et installés en Ukraine] etc. ».

 

Les premières actions du mouvement pour se faire la main furent des opérations coup de poing contre des tripots clandestins de jeux d’argent et d’alcool en fracassant tout à l’intérieur et en passant à tabac, clients et patrons. Habillés de noirs, portant l’insigne du Marteau Blanc, des cagoules, des treillis et des rangers, les militants du Marteau Blanc prônaient le renouveau et la Révolution sociale, de la même manière que les Camelots du Roi faisaient la chasse aux opposants et « aux métèques » dans les années 20 et 30 en France.

 

À la manière des groupes nazis qui occupèrent la rue en Allemagne à la même époque, le Marteau Blanc arguant du fait que l’État avait failli dans ses missions ; et que cet État était de surcroît à solde des « Juifs et des Moskals [insulte ukrainienne pour qualifier les Russes à la manière de notre boche pour les Allemands) » ; a formé très vite des milices et des patrouilles dans l’Ouest de l’Ukraine et à Kiev. Ces patrouilles par une action directe devaient s’attaquer à tous les trafiquants, aux officines et bureaux des organisations jugées contraires à la bonne santé de l’Ukraine, comme les sectes religieuses, mais aussi aux émigrants et aux clochards dans la rue par des pressions « morales et physiques », comprendre par des lynchages et des corrections distribuées par des gros bras à coup de gourdins.

 

Lors du 71e anniversaire de la fondation de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne, le 16 octobre 2013, le Marteau Blanc a organisé à Kiev une manifestation qui a tourné à l’émeute et à la destruction d’un casino de jeux à quelques encablures de l’Hôtel de Ville dans le centre historique. Tout naturellement, le mouvement a rejoint l’insurrection de l’Euromaïdan en novembre 2013, s’illustrant par la formation de compagnies paramilitaires.

 

Malgré sa forte implication dans la Révolution, les membres du Marteau Blanc ont toujours clamé haut et fort qu’ils ne combattaient pas pour l’intégration dans l’Union européenne, qu’ils jugeaient décadente et nocive pour l’Ukraine, mais pour se libérer de la « colonisation russe », et fonder « Une Grande Ukraine » prônant carrément l’expulsion et la déportation de tous les russophones.

 

Durant toutes les émeutes, les membres du Marteau blanc se sont montrés à l’avant-garde du Maïdan, sagement ignorés par la presse française et occidentale comme nous pouvons l’imaginer. Ils furent pourtant de toutes les violences, n’hésitant pas à tirer avec des armes à feu sur la Police et à violenter au début du Maïdan des étudiants qui réclamaient la fameuse intégration dans l’UE.

 

Le 28 décembre 2013, les forces antiémeutes du Berkout ont tenté sans succès d’arrêter ces fauteurs de trouble, ayant détruit la veille un autre casino de jeux. Par la suite l’organisation du Marteau Blanc a participé à la fondation du Pravy Sektor, en compagnie du KIP, le Comité de libération des prisonniers politiques (entendre des nationalistes néonazis ukrainiens), de l’Association supposée caritative Trident et des supporters ultras du club de football du Dynamo de Kiev.

 

Vladislav Goranin fut arrêté le 21 mars 2014 sur le soupçon d’un triple assassinat de policiers durant l’insurrection du Maïdan et le vol de leurs armes. Détenu pendant deux mois, Goranin se plaindra par la suite d’avoir été « jeté dans une voiture de police, un sac sur la tête, torturé, des dents arrachées, blessé à la tête, les tympans endommagés et les yeux crevés ». Notre aveugle ouvrait ainsi la voie aux accusations fantaisistes de Caroline Fourest quelques semaines plus tard sur des tortures et des yeux crevés sur la personne de trois agents de la police politique du régime de Kiev, le SBU. Il va de soi qu’il n’eut pas les yeux crevés et qu’il bénéficia bientôt d’une totale liberté suite à une loi votée par la Rada de Kiev qui amnistiait tous les « prisonniers politiques » de tous leurs crimes supposés ou réels avant ou durant la Révolution du Maïdan. Goranin ayant retrouvé soudainement la vue forma avec les anciens membres du Marteau Blanc, un bataillon de miliciens, le fameux bataillon Aydar comprenant une section spéciale à son nom : le Marteau Blanc.

 

Envoyé dans le Donbass dès le mois de juin 2014, Goranin et ses sbires se sont immédiatement livrés à des exactions terribles, pillages, viols, exécutions de prisonniers, de civils, enlèvements et tortures. Le bataillon fut une première fois décimé dans l’été, puis à nouveau dans la bataille de l’aéroport de Donetsk. De retour à Kiev, Goranin n’a pas hésité à déclarer à la presse que « que le fondateur de la prise de conscience nationale de l’Ukraine, c’est moi ! ».

 

En France, les médias continuent de seriner en boucle qu’il n’y a aucun nazi en Ukraine, malgré les preuves qui débordent de toute part. Selon nos médias, cette propagande viendrait de Russie et chercherait à inverser les valeurs. Pourtant les preuves sont là, il ne s’agit pas que de quelques activistes avinés sur une place d’un obscur village de Galicie. Ces hommes ont fait la Révolution brune du Maïdan.

 

S’ils tenaient les journalistes qui les défendent en Occident, notamment s’ils apprenaient que ceux-là même défendent les salles de shoot, la théorie du genre et la diversité sexuelle, alors nous ne donnerions pas cher de leurs vies. Malgré cela, pour des raisons de realpolitik, l’alliance entre le journaliste français et les énergumènes affublés de symbolique païenne et nazie à un grand avenir en France. Ces journalistes mangent à leur faim, vivent confortablement dans un pays ravagé par la crise économique.

 

L’Ukraine est loin, ils ne peuvent sentir l’odeur infecte de l’ombre de l’Ordre noir en vivant à Paris. Lorsqu’ils se couchent le soir, ils savent qu’à la fin du mois la paye sera dans une quelconque banque. Alors que demande le Peuple ? Un peu plus abruti ou un peu moins, quelle différence pour ces gens ?

 

 

 

Par Laurent Brayard (*) - novorossia.vision – le 13 avril 2015

 

(*) Laurent Brayard : né à Clermont-Ferrand (origines dans la Bresse et le Lyonnais). Historien spécialiste des Armées de la Révolution et de l’Empire, secrétaire de la SEHRI, la société d’études historiques révolutionnaires et impériales et membre correspondant de la Société d’Émulation de l’Ain, l’une des plus anciennes sociétés savantes de France (créée en 1746). Rédacteur et journaliste à La Voix de la Russie vivant à Moscou depuis bientôt deux ans. Il poursuit ses travaux historiques en Russie et écrit un livre sur une famille russe durant la tourmente de la Seconde Guerre mondiale, de 1940 à 1948… (Source : ici)