LLN/UCL - René Rezsohazy, prof, chercheur, patron et comptable | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : LOUVAIN-LA-NEUVE. UCL. INSTITUT DES SCIENCES DE LA VIE. PROFESSEUR RENE REZSOHAZY. PHOTO : RENÉ BRENY

 

 

René Rezsohazy, prof, chercheur,

patron et comptable

 

Être chercheur en Belgique aujourd’hui, c’est aussi être DRH, patron d’entreprise, scientifique, professeur, et comptable.



Rencontre avec René Rezsohazy, qui gère un modeste laboratoire à l’UCL.

 

« Je suis chercheur depuis environ trente ans. Et depuis huit ans, je n’ai plus vraiment touché à un microscope ou à une éprouvette. Aujourd’hui, je passe l’essentiel de mon temps dans du travail administratif. »

 

René Rezsohazy est « PI », pour « Principal Investigator ».

 

Son job : faire tourner un labo de biologie moléculaire et cellulaire où travaillent quatre personnes à Louvain-la-Neuve.

 

Première difficulté pour le chercheur : le financement. Les subsides peuvent venir de différentes institutions. Essentiellement, il y a le FNRS, la Région wallonne et la Communauté française. Et pour espérer décrocher un financement, il faut parfois se battre. « Les institutions financent plus facilement les meilleurs labos. Cette volonté d’excellence est tout à fait normale et bienvenue. Mais il faut surtout éviter le piège de l’élitisme. Où on ne financerait que ces labos au détriment de laboratoires plus petits, plus nombreux et plus modestes, mais qui font toujours du très bon boulot. »

 

Heureusement pour le professeur, on n’en est pas là à l’heure actuelle.


Concrètement, René Rezsohazy passe l’essentiel de son temps de travail à rédiger des projets et les soumettre. Il rédige également des comptes rendus. Il doit, en outre, gérer son équipe.

 

« Ce n’est plus vraiment un travail de chercheur, explique-t-il. Il y a tout d’abord mon travail de prof auquel je consacre pas mal de mon temps. Ensuite vient toute la gestion du labo et de l’équipe, comme si je travaillais dans un service de GRH. »

 

Le mythe du professeur qui donne cours 12 heures par semaine et passe le reste du temps dans son jardin a donc du plomb dans l’aile. « Je ne connais aucun collègue ou confrère qui travaille moins de 55 heures par semaine. »

 

Le chercheur passe beaucoup de temps à chercher… du financement.


La recherche peut coûter très cher. Particulièrement le matériel. « Pour assurer le fonctionnement du labo, il me faut trouver environ 1.000 euros par mois. Et cela ne concerne que le matériel roulant, pas la rémunération de l’équipe. Si une des machines qu’on utilise quotidiennement vient à tomber en panne, et bien, il faudra s’en passer. On n’a pas les moyens de les remplacer, chaque appareil coûte une petite fortune, impossible de l’amortir. »

 

Pour trouver de l’argent, il faut donc passer par les pouvoirs publics. Régulièrement, à des dates définies, la Communauté, le FNRS ou la Région lance des « appels » parfois dans des domaines très précis, parfois plus larges. René doit rédiger un projet qu’il soumettra en espérant qu’il soit accepté.

 

Ce projet de vingt ou quarante pages contient un sujet, un objectif, un budget de fonctionnement, la taille de l’équipe nécessaire, etc. En somme, la production que pourrait faire un chef d’entreprise.

 

S’il est accepté, le laboratoire reçoit un financement et devra rendre des comptes, une fois la recherche terminée. « En moyenne, un projet sur deux, voire un sur trois est accepté alors que la plupart du temps, ils sont très bien évalués », explique-t-il.

 

Enfin, dans la recherche aujourd’hui, il faut du concret. De plus en plus, on privilégie la recherche appliquée. « La Région wallonne, par exemple, subventionne essentiellement la recherche qui mène directement à du concret, du palpable. Il faudrait presque, quand on rédige un projet, pouvoir dire directement : « Si on fait telle recherche, une application peut être lancée sur le marché dans les mois qui suivent. » Pour la recherche fondamentale, c’est bien entendu impossible. Le seul objectif est de faire avancer la connaissance. Peut-être certaines découvertes seront utiles demain, peut-être dans dix ans, voire jamais. Mais en Belgique, quand on cherche, on trouve. Et c’est cette stimulation intellectuelle, le fait de savoir que les connaissances de l’espèce humaine avancent qui font que la passion du métier reste intacte. »

 

 

 

PAR THOMAS CASAVECCHIA - lesoir.be – le 17 mars 2015.