Ces banques qui tirent profit  des conflits armés | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it



Ces banques qui tirent profit  

des conflits armés

Par Thierry Brugvin

 

Le procédé est classique et peut se résumer ainsi :


(I) attiser les conflits discrètement en s’appuyant sur ses propres agents ;


(II) s’enrichir par la vente d’armes ;


(III) passer pour le sauveur vis-à-vis du camp des vainqueurs et s’en faire un nouvel allié utile pour ses futurs profits économiques.


Le décryptage exclusif de Thierry Brugvin.

 

Pour la classe des élites économiques, industrielles ou bancaires, la répression et les guerres peuvent être très profitables pour les profits et les débouchées économiques.

 



Les banques appuient parfois la répression

des populations et au soutien des dictateurs.

 

Bien que dès 1973, les Nations Unies aient qualifié l’apartheid, de crime contre l’humanité, la communauté financière a continué à concéder des prêts au gouvernement sud-africain. C’est majoritairement les fonds publics, mais par l’aide bilatérale qui ont financé l’Afrique du Sud. En 1993, l’État sud-Africain devait 90 % de ses aides extérieures à long terme à quatre pays : États-Unis, la France, l’Allemagne et la Suisse. « Durant toute la période d’apartheid, au moins 30 grandes banques et 230 de moindre envergure furent engagées pour financement du régime » (Ramos, 2008 : 82-83). Cette aide financière était réalisée en parallèle au soutien des États-Unis, via la France, à la création de la bombe nucléaire sud-africaine.

 

L’appui des banques fit l’objet de plaintes, notamment à New York, par les victimes de ce régime d’apartheid, en 2002, par l’apartheid Kumlumani Support Group. La plainte portait contre 21 banques et entreprises étrangères. Parmi ces banques on compte Barclay National Bank, Crédit Suisse, Deutsche Bank AG, Ford, J.P Morgan Chase (Bank) et parmi les entreprises BP, Chevron Texaco, Shell, et Total Fina-Elf pour la France. Une autre plainte avait été déposée pour le même motif, dès 1992, par d’autres victimes (Ramos, 2008 : 84).

 

 

Certaines banques soutiennent des marchands d’armes

à la guerre et la dette de guerre.

 

« Les dettes de guerre considérées comme illégitimes dérivent de prêts qui ont financé des plans belliqueux à des fins impérialistes (étendre la domination d’un pays sur un autre par la force) » à des fins d’annexion ou de conquête d’un pays, par le moyen d’opérations de guerre (Ramos, 2008 : 86).

 

L’invasion du Timor oriental par le dictateur indonésien Suharto (1965-1998) fit 60 000 morts en 1976, puis 200 000 morts en 1979 près du tiers de la population du Timor Oriental (1). Cette invasion a été soutenue financièrement par les États-Unis et leurs alliés (Australie, Grande-Bretagne…) et la Banque Mondiale. Les États-Unis quadruplèrent leur aide économique durant cette période. (2).

 

Eric Toussaint et Damien Millet nous rappellent aussi que durant « les années 1950, l’intervention de cette dernière et du FMI en Amérique latine a été marquée par les priorités de la politique étrangère de Washington. Les institutions de Bretton Woods ont soutenu le dictateur nicaraguayen Anastasio Somoza pendant près de trente ans, jusqu’à son renversement en 1979.

 

Au Guatemala, en 1954, elles boycottent le gouvernement progressiste de Jacobo Arbenz, puis s’empressent de soutenir la junte militaire qui l’a renversé.

 

En Amérique du sud, elles sabotent les régimes démocratiques qui entreprennent des réformes tendant à réduire les inégalités : au Brésil, dès 1958, opposition au président Juscelino Kubitschek, qui refuse les conditions fixées par le FMI, puis boycottage de son successeur João Goulart quand celui-ci annonce une réforme agraire et la nationalisation du pétrole en 1963.

En revanche, dès la mise en place de la junte militaire, en avril 1964, le FMI et la Banque mondiale accourent. Ils font de même en septembre 1973, au Chili, après le renversement et la mort de Salvador Allende.

 

En mars 1976, en Argentine cette fois, le FMI apporte son concours à la dictature du général Jorge Videla. En avril 2002, il sera le premier (avec les États-Unis et l’Espagne de M. José Maria Aznar) à offrir ses services au bref gouvernement de facto issu du renversement du président vénézuélien Hugo Chavez ». (3).

 

 

Une autre des méthodes pour opprimer une partie de

la population s’appuie sur les dettes d’oppression.

 

Utiliser la dette des États donne l’occasion d’opprimer une population (dettes d’oppression). « Les dettes d’oppression résultent de prêts contractés pour financer des activités humiliantes, agressives criminelles contre la population qui s’est endettée. Il s’agit par exemple de prêts utilisés pour installer de facto, maintenir ou renforcer un régime dictatorial ou répressif, de fonds destinés à l’achat d’armes pour réprimer des soulèvements de l’opposition, de fonds destinés à la construction ou à l’intendance de centre de détention et de tortures ou de camps de concentration, de fonds destinés à la formation ou à l’entretien de corps militaires spécialisés entraînés à ces fins, etc. » (Ramos, 2008 : 79) (4).

 

Par exemple en Afrique du Sud à Sharpeville, en 1960, les forces de police ont réprimé une manifestation, ce qui se solda par 69 personnes noires mortes, 400 blessés et 11 727 arrestations (Ramos, 2008 : 81). L’année de la célèbre répression contre la manifestation étudiante de Soweto en 1976 qui fit 200 morts, le FMI, appuyé par la Grande-Bretagne et les États-Unis, fit un prêt de 464 millions de $, soit l’équivalent de ses dépenses d’équipement militaire durant cette année-là (Rudin, 2003).

 

L’Afrique du Sud, entre 1948 et 1991, a ainsi, mené une politique d’apartheid, c’est-à-dire qu’elle prônait la suprématie de la race blanche et exerçait sa domination et sa répression sur la population non blanche. Entre 1980 et 1993, on a calculé que les bénéfices légués aux entreprises étrangères qui ont commercé avec ce régime, notamment pour réprimer la population, s’élèvent à 41 milliards de $ (5). Ces méthodes permettent aux élites économiques capitalistes de faire des profits, de même que la suivante.

 

 

Financer chacun des deux camps offre l’opportunité

de gagner à tous les coups.

 

Cela peut se faire dans le cadre d’élection politique ou bien durant une guerre en finançant les armes des deux camps, Elf finançait les deux parties en conflit dans la guerre civile angolaise qui opposait depuis 1975 le gouvernement et un mouvement rebelle, l’UNITA (6).

 

Le fait d’entretenir la guerre entre deux camps en leur vendant à chacun des armes, pour les diviser et les affaiblir, va permettre au financeur de s’enrichir et d’asseoir son pouvoir, comme l’a fait notamment la France durant la guerre Iran-Irak (Vershave, 2003). Entre 2007 et 2010, durant les conflits entre le gouvernement nigérien et les rebelles du MNJ autour du prix de l’uranium notamment, Areva a aussi soutenu les deux camps en présence afin de conserver le pouvoir. Or, en 2010, des rebelles ont fait tomber le gouvernement, sans doute avec leur aide et celle du gouvernement français explique Taheruka (7). De cette manière Areva est restée présente au Niger en défendant ses intérêts, malgré les changements de gouvernements.

 

Durant la guerre de Sécession, de 1861 à 1865, aux États Unis, les dirigeants de la banque Rothschild attisèrent le conflit. Entre 1860 et 1861, leur agent Georges Bickley fit pression en faveur des États confédérés, tandis que deux autres de leurs agents, « J.P. Morgan » et d'« August Belmont », soutenaient les camps opposés, les sudistes. La banque Rothschild de Londres finança discrètement les États du Nord (Les confédérés) et celle de Paris finança les États du Sud.

 

Cependant, après la guerre, en 1862 et 1863, le Président Lincoln, qui avait compris leur manœuvre, refusa de rembourser les intérêts à la banque Rothschild. En représailles, Lincoln fut assassiné le 14 avril 1865, par John Wilkes Booth, sur l’ordre des Rothschild.

 

 

 

Par Thierry Brugvin africadiligence.com – le 5 juin 2015

 

Notes :

(1) LE MONDE DIPLOMATIQUE, mardi 29 janvier 2008, « Suharto, le dictateur canonisé ».

(2) TOUSSAINT Éric, déc. 2004, » La politique du FMI à l’égard de l’Indonésie de 1947 à 2003 », http://www.cadtm.org/imprimer.php3?id_article=709.

(3) TOUSSAINT Éric, Millet Damien, Banque du Sud contre banque mondiale, Le monde Diplomatique, juin 2007.

(4) RAMOS Laura, « Dette illégitime en fonction de la destination des fonds », in CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde), Les crimes de la dettes, Syllepse, CADTM, 2008, p. 92 et 94.

(5) RUDIN Jeff, 2003, “Odious debt revisited” in Jubilee South Journal V1, n°1.

(6) GLOBAL WITNESS, 2003, Les Affaires sous la guerre. Armes, pétrole & argent sale en Angola, Dossier noir n° 18, Agone, 240 p.

(7) TAHERUKA, février 2011.