Ukraine/Donbass : l’enfer « proeuropéen »
se déchaîne de nouveau
L’agglomération de Donetsk a été secouée par 249 explosions en 9 heures, selon les estimations de l’OSCE ce matin. En dehors de Donetsk, il y a une morgue comprenant une vingtaine de cercueils empilés, et un camion fermé servant d’entrepôt mortuaire. C’est de nouveau l’enfer « proeuropéen » qui se déchaîne sur les habitants du Donbass, alors qu’on apprend que 25 % des résidents de Kiev n’ont plus l’électricité, faute de pouvoir payer les factures…
Les attaques ces dernières 24 heures contre les zones situées près de Telmanovo, entre le sud-est de Donetsk et le nord-est de Mariupol, ont pu être réalisées par l’artillerie ukrainienne grâce, en partie, aux renseignements collectés par des membres de la mission de l’OSCE, quelques jours avant lors de leurs inspections et qui ont signalé les emplacements des forces républicaines au commandement ukrainien.
Rien d’étonnant en somme quand on se souvient que l’OSCE avait fait le même coup en 1998-1999 au Kosovo contre les forces serbes, ce qui avait permis à l’Alliance atlantique de préparer ses bombardements.
Vers 14 h 15 (heure locale) aujourd’hui, plusieurs témoins disent avoir aperçu des hélicoptères de combat qui décollaient d’un aérodrome près d’Odessa et prenaient la direction de la région de Donetsk. À Kherson, d’autres témoins disent avoir vu dans le ciel, volant assez bas, des avions militaires d’attaque au sol, probablement des SU-25M1, allant en direction du Donbass, eux aussi. Porochenko, le potentat de Kiev, a affirmé qu’il fera « tout » pour reprendre la main sur les régions séparatistes du Donbass. En tout cas, son armée est en pleine préparation pour une offensive d’envergure.
Situation incertaine à Marinka
Vidéos 1 & 2 : la situation hier dans Marinka vue par la télé kiévienne : les commentaires n’ont aucun intérêt, seules les images comptent. À l’évidence, les forces de Kiev sont dans la partie la plus à l’ouest du bourg.
« Si le rapport de forces est en faveur de Kiev, les forces républicaines ont en revanche l’avantage du terrain et de la motivation. Le front craque comme un bras de fer dont on ne sait pour le moment de quel côté il va pencher… », notait Erwan Castel (qui est sur place) le 1er juin en évoquant la situation sur Marinka dont la ligne de front était tenue par deux bataillons de la Garde républicaine de Donetsk.
Hier, sous couvert de pilonnages massifs de Donetsk et de sa banlieue, les forces ukrainiennes ont réussi à déplacer de Novoselovka vers Marinka et Krasnogorovka au total deux compagnies mécanisées renforcées de chars lourds avec environ 300 fantassins, plus des éléments des forces spéciales de Kirovograd. Toutefois, les forces armées de la RPD ont stoppé net les forces pro-Kiev et maintiennent le contrôle de la majeure partie au nord du gros bourg. Les combats se sont calmés sur cette zone, mais la situation reste tendue. Les FAN ont réalisé des gains substantiels sur le terrain, mais rien n’est encore terminé.
Dans le bourg de Marinka, l’avance républicaine avant-hier, après un certain succès initial, fut entravée en raison de l’activité de l’artillerie lourde de Kiev. Les FAN tiennent ce soir la zone de l’hôpital et le nord du bourg, alors que le centre-ville est toujours disputé. L’opération de mercredi semble avoir coûté aux FAN une cinquantaine de tués et près de 160 blessés, selon le président de la République populaire de Donetsk, Aleksandr Zakharchenko, et plus de 400 combattants auraient été éliminés du côté ukrainien, avec plus d’un millier de blessés. Une soixantaine de véhicules auraient été détruits. Lors d’une conférence de presse à Donetsk, aujourd’hui, un prisonnier de la 28e brigade a estimé le nombre de pertes ukrainiennes à 200 tués. Des chiffres à prendre avec prudence.
Mais le but de cette contre-attaque, dès le départ, n’était pas de percer en profondeur dans le dispositif ukrainien, mais d’enrayer une attaque massive lancée sur l’ouest de Donetsk dans la nuit du 2 au 3 juin à partir de Marinka et de Krasnogorovka par les éléments de la 28e brigade mécanisée et du « bataillon Kiev-1 ». D’ailleurs l’engagement de seulement 1.500 combattants et d’un bataillon de 40 chars de la brigade « Oplot » côté républicain ne permettaient pas d’exploiter une éventuelle percée.
Les FAN en ont profité pour « nettoyer » Marinka, éliminer les positions d’artillerie les plus proches de leurs lignes de départ, quelques postes de commandement, et mettre la main sur une partie de la logistique ukrainienne sur ce secteur (vivres, munitions, carburant…). Il s’agissait donc plus d’un raid de riposte qu’autre chose.
D’autant qu’au sud, vers Volnovakha, la situation devient de plus en plus inquiétante.
Le bilan de cette opération sur Marinka est très positif, finalement, pour les FAN. Les DRG ont collecté une foule de renseignements, certaines unités de pointe ayant même atteint Georgivka, voire au-delà (Kurakhovo) sur la N15, avant de rebrousser chemin, une fois le « travail » accompli. Le dispositif ukrainien a été fortement ébranlé, plusieurs batteries d’artillerie et leur logistique ont pu être neutralisées, les capacités de réaction des forces de Kiev ont été ainsi testées et s’avèrent être toujours assez médiocres.
Assaut ukrainien entre Donetsk et Mariupol
Si, toute la journée d’hier, l’artillerie ukrainienne s’est déchaînée sur les positions républicaines sur l’ensemble du pourtour du front du Donbass, durant cette journée du 5 juin, elle s’est concentrée notamment sur les positions de première ligne et même contre les 2e et 3e échelons des FAN situées entre le sud-est de Donetsk et le nord-est de Mariupol. L’artillerie lourde kiévienne a durement frappé une partie de la nuit les forces républicaines et les agglomérations à l’aveugle, notamment vers Starobeshevo et Telmanovo.
Vers 22 h puis vers 23 h 10, heure de Paris, c’est le bourg de Razdolnoe, à 15 km au nord de Telmanovo et au sud de Starobeshevo, qui a subi les premières frappes de Grad et d’Uragan positionnés vers Starognatovka.
Ces frappes ont fait de nombreuses victimes et des dégâts considérables. Plusieurs explosions ont eu lieu près du terrain de jeu pour enfants. Un jeune garçon a reçu des éclats en pleine poitrine, une vieille dame a été blessée dans sa cuisine, au 4e étage d’un immeuble, elle a survécu miraculeusement, une petite fille de 4 ans a été tuée…
Les FAN ont immédiatement réagi en frappant avec leurs batteries Grad des positions ukrainiennes près de Volnovakha.
À l’évidence, les forces de Kiev auraient pour objectif de capturer Dokuchaevsk, puis d’avancer sur Starobeschevo et de progresser jusqu’aux faubourgs sud de Donetsk. Hier soir, quelque 40 blindés ukrainiens étaient signalés à l’ouest de Starobeshevo en positon d’attente. En milieu de matinée, on craignait une possible attaque ukrainienne vers Belokamenka (à 20 km au nord – ouest de Telmanovo). Vers 20 h (heure locale), le secteur était toujours sous le feu des obusiers de 122 mm D-30 ukrainiens. Et dans le même secteur, Belokamenka Selo et Grigorovka (plus au sud) recevaient une heure plus tard des frappes concentrées de mortiers de 120.
Ailleurs, et notamment sur le secteur de Donetsk, la pression ukrainienne n’a pas faibli. Depuis hier, sur Spartak et sur la périphérie ouest de Donetsk, les accrochages et les duels d’artillerie n’ont pratiquement pas cessé. Vers 14 h 15 (heure locale), on signalait des combats à proximité du centre commercial Métro qui jouxte l’aéroport de Donetsk, et plusieurs drones sont été aperçus au-dessus de la grande agglomération, aussitôt pris pour cibles par les bitubes antiaériens ZU-23/2 des FAN.
Alerte en Transnistrie
Alors que la République de Transnistrie, ou Pridnestrovié, vient de mobiliser quelque 50.000 réservistes, les forces de Kiev massent des troupes à sa frontière. Le phénomène n’est pas nouveau, mais prend de l’ampleur depuis quelques semaines et, surtout, depuis la nomination de Mikhail Saakachvili, l’ex-dictateur géorgien, à la tête de la région d’Odessa.
En cas de crise majeure, Tiraspol peut aligner cinq divisions d’infanterie. Ses réserves disposent de suffisamment d’armes et de matériel militaire afin de repousser une attaque, à la fois du côté de l’Ukraine et de la Moldavie. Car cette bande de terre entre la Roumanie et l’Ukraine est stratégique pour Moscou qui dispose encore d’importants dépôts de munitions (20.000 tonnes !) et de matériels divers.
D’autant que la situation peut évoluer dans le cas où la Roumanie, membre de l’OTAN, décidait d’intervenir, suite à des provocations planifiées à la fois par le Département d’État américain (et ses relais locaux) et le SBU, la police politique kiévienne véritable antichambre de la CIA depuis février 2014. Des provocations qui peuvent intervenir près de la frontière avec l’Ukraine, dans la ville de Kotovsk. D’aucuns croient savoir que des opérations de services spéciaux occidentaux et ukrainiens ouvriraient la voie à un scénario militaire destiné à forcer le Kremlin à intervenir militairement d’une manière ou d’une autre et, de facto, entraineraient une guerre régionale, voire plus.
Le SBU et certaines ONG occidentales pilotées par le Département d’État semblent avoir commencé à recruter parmi de jeunes marginaux stipendiés, dans le but de fomenter des troubles, au prétexte de provocations contre, par exemple, la nomination de Mikhaïl Saakachvili. L’important dans cette opération serait de maintenir, avec des relais médiatiques occidentaux, un principe « de droit » quant à la préservation de la souveraineté de l’Ukraine contre des « terroristes pro-russes », afin de justifier aux yeux de l’opinion occidentale la nécessité d’une intervention en Transnistrie. Déjà, à partir de Melitopol et de Nikolaev, des troupes ont déjà été transférées à l’ouest de la région d’Odessa.
Cette intervention permettrait de placer la Moldavie sous la coupe atlantiste, alors que son opinion publique semble, ces derniers temps, secouée par des revendications autonomistes croissantes, suite aux actions de Washington et de Bruxelles en Ukraine depuis plus d’un an.
Il y a donc risque de voir toute une population se tourner à nouveau vers Moscou. « Ainsi conserverait-elle une forme d’unité », commente Yves Bataille, géopolitologue français installé à Belgrade en Serbie et qui suit de près les événements.
Et de poursuivre : « Dans la région, les deux nationalismes manipulés aujourd’hui par Washington, l’ukrainien et le moldave ou grand roumain, ne peuvent agir en synergie contre l’ennemi commun russe qu’un court instant. Cette manip ne peut que péter dans les doigts de Washington, car les deux nationalismes en question sont antagonistes et donc se neutraliseront mutuellement s’ils sont activés contre le Pridnestrovié ».
Les sondages menés récemment en Moldavie démontrent que 32 % de la population soutient toujours l’idée d’adhésion à l’UE, contre 78 % en 2007. La moitié des sondés se prononcent pour l’adhésion à l’Union eurasiatique…
Par Jacques Frère – NationsPresse.info – le 5 juin 2015.