Grande-Bretagne - l’amant maudit d’Adolf Hitler (I) | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photos :

de gauche à droite :

- Adolf Hitler à Paris vaincue, 23 juin 1940

- À droite – l’amiral James Somerville (1882–1949)

- L’escadron français sous le feu de la flotte anglaise, Mers-el-Kébir, 3 juillet 1940.

- L’importante base navale française de Toulon, photo prise en 1944. On aperçoit les coques submergées du VSS Tartu, du Cassard, de L’Indomptable, du Vautour, de l’Aigle et du Condorcet.

 

 

Grande-Bretagne

l’amant maudit d’Adolf Hitler (I)

Par Nikolay STARIKOV

 

Rien ne doit se produire entre l’Angleterre et l’Allemagne qui pourrait de quelque manière que ce soit nuire au prestige de la Grande-Bretagne.  Adolf Hitler [1]

 

Lorsque Hitler réalisa que son idée de base, la création d’un puissant Reich allemand associé à la Grande-Bretagne, ne pourrait pas se concrétiser, il tenta de construire et de sécuriser ce Reich par ses propres moyens militaires. Ainsi, le monde entier devint son ennemi. Joachim Von Ribbentrop [ 2]

 

 

…Le 22 juin 1940, la France capitula. La flotte navale française fut désarmée. Cependant, aucun document ne fut signé ordonnant que les vaisseaux de guerre français soient transférés ou cédés aux Allemands. La France promit simplement d’arrêter la guerre contre l’Allemagne. Néanmoins, peut-être Hitler avait-il prévu de s’emparer des bateaux de la France d’une manière plus sournoise ? Non, certainement pas. Après sa victoire, les demandes de l’Allemagne étaient assez modestes et ne ressemblaient en rien au vol caractérisé que leur infligèrent les Alliés à Versailles. Et pourquoi cela ? Parce que Adolf Hitler n’avait jamais prévu d’entrer en guerre avec la Grande-Bretagne et la France.

 

Et même à ce moment-là, après avoir vaincu les Français, il n’était guère intéressé par le pillage et préférait convaincre ces pays de rejoindre sa cause, qui devait finalement mener à la tant attendue paix avec la Grande-Bretagne. Hitler n’avait pas l’intention de continuer la guerre avec l’Ouest. Au contraire, le Führer était prêt à signer un traité de paix avec Londres. Et les Anglais trouveraient les termes de ce futur accord de paix plutôt acceptable. Hitler n’avait aucun désir de dépouiller les Britanniques ou de les priver de leur position de souverain du monde. Le Führer voulait poser les bases d’une alliance éternelle entre l’Allemagne et la Grande-Bretagne. « Il était tellement sûr que les Anglais accepteraient son traité même après la chute de la France, qu’il n’avait aucun projet de poursuite de la guerre avec la Grande-Bretagne. »[3] – écrit William Shirer, un journaliste américain qui travailla pour le Troisième Reich.

 

L’idée que le dirigeant allemand voulait conquérir la Grande-Bretagne après sa prise de la France n’est rien d’autre que le produit de l’imagination surexcitée des historiens occidentaux. Ni Hitler ni les plus grands commandants de l’armée allemande n’étaient préparés à combattre les Britanniques.

 

Le 20 juin 1940, l’amiral Raeder demanda à son Führer, « et maintenant que fait-on à propos des Britanniques ? » Mais il n’eut aucune réponse. Dix jours plus tard, le chef des opérations de la Wehrmacht, le général Jodl, soumit un mémorandum à Hitler, qui déclarait que la guerre contre l’Angleterre devait être politique.[4]

 

À ce propos, Alfred Jodl, qui fut plus tard pendu à Nuremberg, était chargé de la planification stratégique de l’armée allemande.

 

Néanmoins, l’idée d’une issue paisible à la guerre contre leur protégé Adolf Hitler ne faisait pas partie des plans de la Grande-Bretagne. Lors de l’été 1940, les principes politiques britanniques restaient inchangés : des milliards de livres ne furent pas dépensés afin d’éviter que l’Allemagne nazie puisse devenir l’égale partenaire des gentlemen londoniens. Après tout, la guerre avec la Russie/URSS n’avait pas encore commencé.

 

« Faire la paix » avec le Führer signifiait que la Grande-Bretagne perdrait sa position hégémonique internationale de la plus offensante et stupide manière possible : en créant un rival géopolitique de leurs propres mains et en partageant la suprématie mondiale avec lui. Les Britanniques ne voulaient aucunement de ce genre de paix. Ils se battraient, et se battraient jusqu’au bout. Il n’y a pas de place pour les sentiments lorsque l’on fait face à la perspective de perdre le contrôle du monde. La détermination de la Grande-Bretagne se manifestait dans les mots résolus de son Premier ministre, « pendant des années si nécessaire, tout seul s’il le faut. »[5]

 

L’Opération Catapult fut rédigée par les Britanniques en un temps record et lancée seulement 11 jours après la reddition française. L’ironie de cette situation se situe dans le fait que cette fois les Britanniques attaquaient un allié et non un ennemi. Une vilaine scène se déroula aux quais des navires de guerre français amarrés dans les ports anglais de Portsmouth, Plymouth et Devonport.

 

Évidemment, les marins français ne s’attendaient pas à être piégés par leurs compagnons d’armes. Churchill écrira plus tard : « L’action était subite et devait être une surprise ».[6] Tous les bateaux français furent capturés par les Britanniques tôt dans la matinée du 3 juillet 1940 : deux cuirassés, quatre croiseurs, huit destroyers, 12 sous-marins et environ 200 démineurs et chasseurs de sous-marins.

 

L’attaque fut tellement inattendue que seul l’équipage du sous-marin Surcouf réussit à opposer une quelconque résistance armée. Les équipages français furent débarqués de force et détenus « non sans violents incidents. »[7] Tels des pirates, les Britanniques s’emparèrent des vaisseaux qui étaient ensuite ajoutés à la Marine anglaise

 

Mais la véritable tragédie ne s’est pas déroulée dans les ports britanniques, mais plutôt aux endroits où la flotte française était amarrée : à Mers-el-Kébir situé près d’Oran, et Dakar. En cette même matinée du 3 juillet [8] un escadron britannique commandé par l’amiral James Somerville approcha Oran. L’amiral français Marcel Gensoul, le commandant de la flotte française, reçut un ultimatum de la Grande-Bretagne. Il pouvait :

 

  • Continuer à se battre contre l’Allemagne et l’Italie comme membre de la flotte britannique


  • Déplacer les bateaux vers les ports anglais et renvoyer les équipages français en France, les bateaux resteraient alors dans les mains des Anglais jusqu’à la fin de la guerre


  • Déplacer les bateaux jusqu’aux Antilles Françaises ou bien les couler dans les 6 heures. [9]

 

Si Gensoul ne trouvait aucune de ces options acceptables, il pouvait « désarmer » ses navires à l’endroit où ils étaient amarrés, mais seulement s’il le faisait « efficacement ». Cela voulait dire que l’on demandait aux Français de détruire leurs propres vaisseaux sous supervision britannique. En tant que commandant d’un groupe constitué des plus récents et plus puissants navires de la Marine française, et se trouvant dans leur port d’attache, comment auriez-vous répondu à de telles demandes, venant en plus des « compagnons d’armes » de la veille ?

 

L’amiral Gensoul rejeta l’ultimatum britannique. Cela fut reporté à Churchill et à 18:25 (la veille de la fin de l’ultimatum) le commandant des escadrons anglais reçut l’ordre final de son Premier ministre : «  les navires français doivent accepter nos conditions, se saborder ou bien vous les coulerez avant la nuit. »[10]

 

Cependant, afin de conserver un effet de surprise, l’amiral britannique Sommerville ouvrit le feu subitement, sans attendre la fin de l’ultimatum ! À 18:00, il communiqua par radio que l’attaque avait déjà commencé. Les marins français ne s’attendaient pas à ce que les Anglais leur tirent réellement dessus, mais c’est bien ce qui était en train de se passer ! Ce n’était ni un combat ni une bataille navale. Les marins français, qui n’étaient absolument pas préparés pour se défendre, furent exécutés.  « … Les navires d’Oran étaient, en réalité, hors d’état de se battre. Ils se trouvaient au mouillage, sans aucune possibilité de manœuvre ou de dispersion. Les navires anglais purent tirer les premières salves qui, chacun le sait, sont décisives sur mer à de telles distances. Leur destruction n’est pas le résultat d’un combat glorieux. »[11]

 

La réserve de munitions du cuirassé Bretagne, qui était amarré à Oran, fut touchée. Le navire explosa et sombra dans les profondeurs de la mer en quelques minutes. Le cuirassé Provence eut de gros dégâts et s’échoua ; le cuirassé Dunkerque parvint à manœuvrer légèrement et rejoignit le rivage. Bien qu’il fût endommagé par les torpilleurs britanniques, le croiseur de bataille Strasbourg réussit quand même à transpercer les lignes anglaises, accompagné de cinq destroyers et plusieurs sous-marins, et rejoindre les côtes françaises sous le feu ennemi.

 

L’amirauté britannique était rassurée, tous les nouveaux bateaux de guerre français étaient dorénavant hors service. Le dernier d’entre eux, le Richelieu, amarré à Dakar, fut attaqué par les torpilleurs anglais du porte-avions HMS Hermes et gravement touché. En tout, près de 1300 Français furent tués durant l’opération Catapult. [12]

 

En réponse à cette trahison, le gouvernement français rompit les relations diplomatiques avec l’Angleterre, sans toutefois déclarer la guerre.

 

Mais les Allemands auraient-ils pu capturer la flotte française ? Aucune chance. Ils n’essayèrent pas avant le 26 novembre 1942, deux ans après l’opération Catapult, lorsque les troupes allemandes entrèrent dans Toulon.[13] La flotte française postée là-bas fut sabordée sur ordre du gouvernement de Vichy. Trois cuirassés, 8 croiseurs, 17 destroyers, 16 torpilleurs, 16 sous-marins, 7 sloops, 3 patrouilleurs et 60 transporteurs, chalutiers et remorqueurs furent engloutis dans la mer.[14] Comme vous pouvez le constater, les Français ne cédèrent pas. Pourquoi ? Parce qu’ils ne furent à aucun moment les marionnettes des Allemands et ne prévirent jamais d’abandonner leur flotte au profit de ceux-ci ou des Anglais. La veille de cette trahison qu’était l’opération Catapult, la France avait promis à Churchill que les navires de guerre français ne tomberaient jamais entre les mains allemandes, et ce, quelles que soient les circonstances.

À suivre…

 

 

Par Nikolay STARIKOV (orientalreview.org) - traduit par Corentin Dumas pour Réseau International


Nikolai Starikov est un économiste, historien et écrivain socio-politique

(source : http://nstarikov.blogspot.be)

 

NOTES :

[1] F. H. Hinsley. Hitler’s Strategy. Pg. 81.

[2] Joachim Ribbentrop. The Ribbentrop Memoirs. Pg. 141.

[3] William Shirer. The Rise and Fall of the Third Reich. Pg. 747.

[4] MacGregor Knox. Mussolini Unleashed, 1939-1941: Politics and Strategy in Fascist Italy’s Last War. Pg. 183.

[5] Winston Churchill. The Second World War. Their Finest Hour. Pg. 197.

[6] Winston Churchill. The Second World War. Their Finest Hour. Pg. 207.

[7] Charles de Gaulle. Mémoires de guerre. Pg. 110.

[8] Les Britanniques devaient frapper la flotte française simultanément dans tous les ports s’ils ne voulaient pas perdre l’effet de surprise nécessaire à leur vœu de détruire les navires.

[9] David Thomas. Battles and Honours of the Royal Navy. Pg. 278.

[10] Brooke C. Stoddard. World in the Balance: The Perilous Months of June-October 1940. Pg. 74.

[11] Charles de Gaulle. Mémoires de guerre. Pg. 276.

[12] John Grehan. Churchill’s Secret Invasion : Britain’s First Large Scale Combined Operations Offensive 1942. Pg. 7.

[13] Peu avant cela, les Britanniques et les Américains pénétrèrent à Algiers, i.e, une colonie française en Afrique. Résistant farouchement aux Anglo-Saxons tout d’abord, l’amiral français François Darlan coopéra plus tard avec eux. Ainsi, l’Allemagne fut forcée d’occuper le reste de la France « libre », dans le but d’empêcher une potentielle invasion des Anglais et Américains.

[14] Charles de Gaulle. Mémoires de guerre. Pg. 59.