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Le tout-Paris tweete "good luck" à Hillary Clinton

 Par Patrice de Plunkett (*)

 

La sujétion française s'affiche une fois de plus :

 

 « I'm running for president. Everyday Americans need a champion, and I want to be that champion... » Archétype de la classe dominante, Hillary Clinton – qui vit dans un verdoyant palais new-yorkais [1] et dont la fortune dépasse 25 millions de dollars – tweete qu'elle veut être la candidate de l'Américain moyen, ce qui montre un fier culot de sa part : la presse US annonce que le trésor de guerre de la campagne Clinton, alimenté par les grands intérêts financiers, va se monter à 2,5 millions de dollars.

 

Mais voilà : comme si Hillary était élue d'avance (« Queen Hillary the Inevitable », ironisent les sites contestataires américains), les dirigeants de la classe politique française lui tweetent des félicitations. Et ils le font tous en anglais, car leur allégeance ne va pas à un parti : elle va à l'Amérique en soi.

 

— Manuel Valls (sobre) : « Good luck @HillaryClinton !»

 

— Nicolas Sarkozy (redevenant Sarko-l'Américain) : « Good luck @HillaryClinton ! I know how strong your passion is for the United States. - NS. »

 

— Marisol Touraine (polarisée) : « Go Hillary ».

 

— Christiane Taubira (faisant des phrases à sa manière, et copiant-collant quatre mots d'un poète américain) : « @HillaryClinton running, good news ! Could fair winds strengthen your sails and give you wings [2]. 'Hold fast to dreams' Langston Hughes - ChT »

 

Les humoristes prétendront que ces enthousiasmes parisiens viennent d'une lecture littérale du premier communiqué de presse de John Podesta, chef de la campagne Clinton, texte qui semblait dire – en raison d'une faute de frappe – que la candidate avait «combattu les enfants et la famille durant toute sa carrière » : « Hillary has fought children and family all his career »... Manquait évidemment le mot « for ».

 

 

Les analystes préféreront disséquer la réaction du tout-Paris.

 

Sur qui se porte son enthousiasme ?

 

Sur une femme politique d'une remarquable brutalité, résolue à tout pour enrayer le déclin de l'empire américain. La vision planétaire hillaryenne est-elle si différente de celle des néoconservateurs, qui ont mis à feu et à sang le Proche-Orient (et veulent en faire autant avec le monde slave) ?

 

En 2013, Mme Clinton avait voté pour l'invasion de l'Irak, cause de toutes les catastrophes ultérieures.


En 2014, parlant en tant qu'ex-chef de la diplomatie américaine, elle assimilait Vladimir Poutine à Hitler : ce qui impliquait en pointillé une entrée en guerre des Etats-Unis. Depuis six mois elle fait savoir qu'elle désapprouve les raisonnables velléités d'Obama en direction de Téhéran...

 

Sur le plan économique, Mme Clinton se pose en incarnation de l'âge d'or que fut, aux yeux de Wall Street, la présidence de son mari.

 

Souvenons-nous de Bill Clinton abolissant le Glass-Steagall Act de 1933 (qui séparait banque de dépôt et banque d'investissement) : d'où, entre autres, la naissance de Citigroup qui allait coûter 300 milliards au gouvernement américain en novembre 2008 !

 

L'abolition du Glass-Steagall Act avait été obtenue par les principaux banquiers US, réunis à la Maison-Blanche le 13 mai 1996  en compagnie du secrétaire du Trésor : le clintonien Robert Rubin, ex-patron de Goldman-Sachs... Ce qui suivit cette réunion allait « coûter quelques milliers de milliards de dollars à l'économie mondiale, favoriser l'envol de la dette des États, et provoquer la perte de dizaines de millions d'emplois ». [3]

 

C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la jubilation courtisane de nos hommes et femmes politiques (ainsi que des neuf dixièmes de la presse française), à l'idée de voir la Maison-Blanche redevenir le siège des Clinton.

 

Mais les américanolâtres français ont deux caractéristiques : ils parlent mal anglais et ils ne comprennent rien aux Américains. Fin mars, le Washington Post faisait remarquer que l'indice d'opinions en faveur de Mme Clinton était inférieur à 50 %, et que son classement en tête des précandidats démocrates tenait moins à ses talents qu'à la pagaille chez les républicains.

 

Quant à Downtrend.com, en guerre contre « l'oligarchie corrompue qui contrôle le perchoir », il compare carrément les allégations de Mme Clinton (au sujet de ses courriels illégaux) à celles de... Richard Nixon au sujet du Watergate.

 

Mais n'allez pas expliquer tout ça chez Nicolas Sarkozy ou chez nos ministres : on rirait beaucoup de vous.

 

 

Par Patrice de Plunkett (*) - plunkett.hautetfort.com – le 13 avril 2015

(*) Patrice de Plunkett est un journaliste et essayiste français, qui codirigea le Figaro Magazine… (Source Wikipédia)

Notes :

[1] Alors qu'elle et Bill emménageaient dans cette résidence fastueuse, Mme Clinton déclarait : « nous sommes dead broke (complètement fauchés). »

[2] « Que des vents favorables donnent force à vos voiles et vous donnent des ailes », lui écrit-elle... Taubira, c'est le maire de Champignac. (Comme disait le vieux pastiche :  « la vie est un tissu de coups de poignards qu'il faut savoir boire goutte à goutte »).

[3] Le Monde diplomatique, juin 2010.