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Vers une guerre américaine en Europe ?

Vers une guerre américaine  en Europe ? | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

© AP Photo/ Mindaugas Kulbis

 

Vers une guerre américaine  en Europe ?

Par Nicolas Bonnal (*)

 

Rien ne fera reculer les Américains : leur situation économique et financière est désastreuse ; le Pentagone d’esprit mercenaire a pris le pouvoir avec l’État profond déclencheur de certains des attentats que l’on sait ; et la Russie surtout leur fait horreur parce qu’elle est depuis trop d’années le seul pays du monde susceptible de leur résister.

 

Le 13 juin, un article du NYT, signé MM. Schmidt et Meyers nous annonce froidement que les USA vont envoyer 5 000 hommes et 1500 chars en Europe orientale. Il faut mettre fin à l’agression russe en Europe, car les Russes vont en effet envahir la Pologne et les pays baltes, en attendant le Portugal et le Maroc…

 

Le nombre impressionnant de commentaires diffusés permet pour une fois de connaître l’opinion de nos chers Américains : un tiers est pour la guerre, un tiers hausse les épaules, un dernier tiers enfin remarque comme nous le caractère aberrant et criminel de la position belliqueuse de leur pays.

 

On se doute que ce ne sont pas ces naïfs qui feront reculer Bush frère & fils, Clinton-femme et Obama, le fidèle disciple de Brzezinski, le Polonais qui voulait anéantir la Russie ! Sur cet intellectuel relativement dément, on rappellera un livre, le Grand Échiquier et ces phrases qui décrivent les raisons de la totale soumission allemande ou japonaise, soixante-dix ans après Dresde ou Hiroshima : « À bien des égards, la suprématie globale de l’Amérique rappelle celle qu’ont pu exercer jadis d’autres empires, même si ceux-ci avaient une dimension plus régionale. Ils fondaient leur pouvoir sur toute une hiérarchie de vassaux, de tributaires, de protectorats et de colonies, tous les autres n’étant que des barbares. »

 

Vassaux ou barbares ! Parlez-nous des droits de l’homme ! Un peu plus bas, le mentor d’Obama ironise : 

« L’Europe de l’Ouest reste dans une large mesure un protectorat américain et ses États rappellent ce qu’étaient jadis les vassaux et les tributaires des anciens empires. Cette situation est assurément malsaine, pour l’Amérique comme pour les nations européennes. »

 

Cette situation n’est pas « malsaine » pour Obama, et c’est donc le début de cette guerre américaine en Europe, qui se soldera par notre extermination ou par une partition ruineuse du continent. Tout cela se fera avec la collaboration des élites européennes qui obéissent à Washington et saccagent au nom du libre-échange ou du grand remplacement l’avenir de leurs peuples.

 

Comme je l’ai déjà montré, tous les dirigeants baltes ont été élevés en Amérique ou y firent leurs études, dans les deux disciplines de ces temps apocalyptiques : la finance et la psychologie. Freud et Rothschild au service d’un Hitler remis en selle par l’Occident le 9 mai dernier. Exagération ? Jeb Bush, frère de qui l’on sait, l’homme aux deux millions de morts en Irak, est venu insulter en Europe Vladimir Poutine la semaine dernière. La femme de l’ex-président Clinton compare Poutine à Hitler : oubliés les 26 millions de tués par le führer qui traitait les peuples est-européens en esclaves ou y gazait les juifs !

 

Poutine étant Hitler, tous les moyens sont bons pour déclencher la guerre. Le coup d’État de Maïdan (tueurs type Gladio pour déquiller les manifestants rétribués dix dollars par jour, le tout sous les drones de CNN, cette annexe comme Hollywood, du Pentagone) a annoncé la couleur.

 

L’échec de Minsk si prévisible permet de dénoncer une interminable « agression russe » qui justifiera la guerre courte ou nucléaire voulue par les pontes du Pentagone et les élites hostiles américaines (le même NYT précise le même jour qu’il y a maintenant 12 % de sans-abri à Los Angeles). Obama, dont l’agenda « culturel » n’est visiblement pas de protéger les Européens, a pu se vanter d’avoir suscité un renversement de pouvoir à Kiev dans l’indifférence générale. La diabolisation de la Russie fera le reste aux yeux et aux oreilles d’une opinion publique anesthésiée — dixit l’historien du fascisme Payne en parlant des opinions occidentales. Un article utile fait aux USA 10 000 connexions, une chanson de Lady Gaga (voyez sur YouTube) fait un milliard de connexions et un million de commentaires. Avec un tel peuple de zombies, les élites américaines peuvent tout se permettre.

 

Qui reculera ? L’impérialisme stade suprême du capitalisme… La violence impérialiste et capitaliste des Américains est légendaire : voyez l’Amérique du sud (épargnée en ce moment), voyez la hideuse et déshonorante guerre contre l’Espagne en 1898, voyez la destruction du Japon, voyez Hiroshima, voyez Dresde, voyez le Vietnam, voyez la guerre du golfe ou de Libye. Voyez même en temps de paix le comportement des GI dans les bases (cf. Johnson sur Okinawa).

 

Mais notez ce que je vais écrire : l’effondrement de votre niveau de vie, la liquidation de vos industries, le grand remplacement ethnique en cours en Europe et même aux États-Unis ont été rendus possibles par la chute de l’Union soviétique et de sa si honnie Armée Rouge.

 

Ce n’est pas moi qui le dis, mais le prix Nobel US Joseph Stieglitz. François Mitterrand l’avait compris qui disait redouter le jour où « ils allaient avoir les mains libres ». Les actionnaires, les managers, les experts ne sont en effet plus gênés depuis. C’est le siècle des excès, des manipulateurs de symboles, pour reprendre l’expression de Robert Reich, ex-ministre du Travail de Clinton-mari.

 

Rien ne fera reculer les Américains : leur situation économique et financière est désastreuse (voyez John Williams, Michael Snyder, Paul Craig Roberts) ; le Pentagone d’esprit mercenaire a pris le pouvoir avec l’État profond déclencheur de certains des attentats que l’on sait (voyez Griffin, Chalmers Johnson, Peter Dale Scott, tant d’autres courageux auteurs américains) ; et la Russie surtout leur fait horreur parce qu’elle est depuis trop d’années le seul pays du monde susceptible de leur résister ou, dit-on, de les détruire.

 

Une guerre nucléaire partielle, qui détruirait partiellement l’Europe, rapatrierait nos capitaux là-bas, et soumettrait ad vitam l’usine et la banque chinoise un peu désobéissantes ces temps derniers, ne leur fera certes pas peur. On peut même prévoir un scénario ukrainien appliqué à l’Europe : une guerre déshonorante menée par des lâches surarmés et qui rongerait le continent des décennies durant.

 

On souhaite bonne chance au président Vladimir Poutine.

 

 

Par Nicolas Bonnal (*) (fr.sputniknews.com) - reseauinternational.net - le 16 juin 2015.


(*) Nicolas Nonnal est un écrivain français né à Tunis en 1960… (Source Wikipédia)


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Poutine et le baromètre ukrainien

Poutine et le baromètre ukrainien | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : Sommet de Minsk © REUTERS/KIRILL KUDRYAVTSEV

 

 

 Poutine et le baromètre ukrainien

Françoise Compoint (*) interviewe Jean Géronimo (**)

 

Plus vaste dans ses enjeux que certains ne le pensent, le conflit ukrainien dans toute son infinie complexité est en quelque sorte la pierre de touche ou le baromètre de la stratégie poutinienne.

 

Les dernières interventions de Vladimir Poutine ainsi que celles de son ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov et celles du représentant permanent de la Russie auprès du conseil de sécurité de l’ONU, Vitali Tchourkine, confirment cette volonté prépondérante de stabilisation multilatérale caractérisant une politique d’équilibre que certains penseurs qualifient de westphalienne.

 

On a beau dire que la Russie est un pays agresseur obsédé par des douleurs fantômes acquises suite à l’effondrement de l’URSS, il n’en demeure pas moins certain que les évènements qui ont démarré par le putsch de février 2014 et qui ont progressivement conduit à l’impasse de Debaltsevo ne résultent pas d’une mainmise de l’armée russe sur le Donbass — sans quoi nous parlerions déjà de l’impasse de Kiev —, mais bien d’une série de provocations fomentées de l’extérieur et dont la visée fait écho aux pronostics formulés par Brzezinski en 1997. (NDLGazette : voir ici le PDF du livre complet « Le Grand Échiquier, l’Amérique et le reste du monde » ici).


Ils se résument à ceci : l’Ukraine sera l’un des cinq pivots stratégiques nécessaires à l’avènement de la domination anglo-américaine à l’échelle mondiale, sa vocation consistera à être le noyau critique de la sécurité de l’Europe avec la France, l’Allemagne et la Pologne ce qui gommera automatiquement son statut de trait d’union entre l’Est et l’Ouest.

 

Or, comme on a pu le constater dès le printemps, ces plans furent contrariés par le soulèvement du Donbass auquel la Russie ne s’est pas opposée sans toutefois, contrairement à ce qu’on lui reproche, recourir à l’ingérence cette pratique étant plus familière à l’OTAN. Déçu, l’auteur du Grand Échiquier enjoint les pays occidentaux à « prépositionner » des troupes dans les pays baltes parce que Poutine pourrait essayer de tester la force de frappe de l’OTAN. Qui sait si le maître du Kremlin n’irait pas jusqu’à mettre la main sur Riga et Tallin ? Autrement dit, il s’agirait de dissuader un leader de faire quelque chose qu’il ne lui serait jamais venu à l’idée de faire dans la mesure où cela n’aurait aucun sens. Le ridicule frise l’absurde et ne sert une fois de plus qu’à endoctriner les foules.

 

Jean Géronimo est docteur en économie et spécialiste des questions économiques et géostratégiques. Il est l’auteur de La pensée stratégique russe, entre réforme et inertie et nous a livré son analyse du positionnement de la Russie face au drame ukrainien.

 

Radio Sputnik. « Le sommet qui s’est récemment tenu à Minsk a été qualifié de « sommet de la dernière chance », sinon, c’est la guerre. De quelle guerre s’agirait-il selon vous ? Serait-ce une guerre entre l’OTAN et la Russie si l’on va jusqu’au bout du raisonnement ?

 

Jean Géronimo. Il s’agit avant tout d’une stratégie de dramatisation pour accélérer l’accord, mais aussi pour faire pression sur Moscou en le culpabilisant. Après, il est vrai qu’un risque de conflit entre la Russie et l’OTAN existe bel et bien ce qui nous amène à nous interroger sur deux points. Théoriquement, une guerre entre la Russie et l’OTAN est impossible l’Ukraine n’appartenant pas à l’Alliance. Qui plus est, tant la Russie que l’OTAN sont a priori contre toute idée de guerre. Pratiquement, la guerre est néanmoins possible. Si des dérapages interviennent — j’entends par dérapages des pièges tendus par des États hostiles à la Russie comme la Pologne ou les États baltes — il n’est pas exclu que l’OTAN invoque un devoir moral d’ingérence ce qu’il avait fait durant la guerre en Irak en 2003, en ex-Yougoslavie en 1999 et en Libye plus récemment.

 

Par ailleurs, je considère que la guerre a commencé au début des années 2000, c’est ce que j’ai appelé dans mon livre « la guerre tiède ». Depuis cette période précise, l’Ukraine est considérée comme une pièce stratégique sur l’échiquier eurasien. Cette guerre tiède et le statut stratégique de l’Ukraine au cœur de celle-ci explique deux choses : d’une part, la révolution de couleur qui a eu lieu à Kiev avec le coup d’État du 22 février, d’autre part, le conflit périphérique auquel nous assistons. Cette révolution est l’expression du soft power développé dans la doctrine américaine actuelle et présenté comme étant une alternative aux guerres frontales. Elle fait appel au quatrième pouvoir et aux ONG. Son objectif fondamental consiste à pénétrer l’espace postsoviétique afin de donner le pouvoir à des dirigeants dociles et contrôler les espaces énergétiques vitaux, en l’occurrence ukrainiens.

 

Radio Sputnik. 80 % des Ukrainiens mobilisés ont refusé de se rendre dans le Donbass pour ne pas mener une guerre, primo, inutile, secundo, fratricide. Ne croyez-vous pas qu’à ce rythme-là le pays risque d’imploser radicalement avant même le renforcement des hostilités dans le Donbass, quitte à imaginer que Porochenko soit destitué à la suite de son prédecesseur ?

 

Jean Géronimo. Une partie de l’Ukraine rejette l’évolution politique issue du Maïdan via l’ingérence occidentale et qui a provoqué une fracture irréversible. Celle-ci s’est faite en deux temps, d’abord par le putsch du 22 février 2014 qui n’est pas reconnu par une partie de la population, entre autres parce que le pouvoir qui en est issu prône une politique anti-russe et ultranationaliste s’inspirant de certains éléments propres à l’idéologie néonazie, ensuite par l’élection de Petro Porochenko le 16 mai 2014 celui-ci verrouillant l’inflexion pro-otanienne de l’Ukraine en imposant un modèle ultralibéral prévu par l’accord d’association et de libre-échange.


D’autre part, il légalise la politique répressive menée dans le Donbass depuis le 24 avril 2014 en accentuant de fait la division politique de l’Ukraine. De ce point de vue, la légitimité de Porochenko pose problème : il n’a été élu que par une partie du pays, notamment par l’Ouest. En découle que s’il a été élu avec 54 % de voix, cela ne représente que 33 % du corps électoral inscrit.

 

Il y a donc une menace d’implosion, voire celle d’un deuxième putsch vu la pression exercée par les ultranationalistes et certains courants néonazis. La révolution du Maïdan a réveillé la fracture Est-Ouest en empêchant tout retour en arrière suite au caractère sanglant du conflit, notamment celui d’Odessa occulté par les médias.

 

Je pense qu’à ce stade il reste une autonomie à négocier qui s’apparenterait à une République autonome, la décentralisation proposée étant une option irréaliste. C’est le seul moyen qui reste pour éviter une implosion totale, car l’Ukraine est une bombe géopolitique à retardement.

 


Radio Sputnik. Quelle est selon vous la stratégie de Vladimir Poutine à travers Minsk 2 ?

 

 

Jean Géronimo. Elle est simple et se résume à la défense des intérêts nationaux. Il y a une dimension diplomatique, stratégique et humanitaire.

 

Il s’agit premièrement de lutter contre l’isolement diplomatique de la Russie en développant son image internationale et en renouant le dialogue avec l’Occident.

 

Il s’agit deuxièmement de réduire la politique anti-russe et de sécuriser la périphérie postsoviétique où l’Ukraine a une part stratégique colossale. La défense de ce grand glacis de sécurité présuppose la neutralité du territoire ukrainien ce qui apparaît impossible dans le cadre de l’expansion otanienne et l’implantation projetée du bouclier antimissile américain. Si l’Ukraine appartient à l’OTAN, tôt ou tard se posera la question de la poursuite de l’expansion du système de défense antimissile américain. Cet ensemble d’enjeux fait partie des menaces prises en compte par la nouvelle doctrine de sécurité russe.

 

 

Il s’agit enfin de protéger les Russes de l’étranger. On voit bien que certains sont considérés dans les États baltes comme étant des non-citoyens ce qui fait penser aux Untermensch de l’époque hitlérienne. Il faut donc les protéger des doctrines ultranationalistes et néonazies la politique ukrainienne actuelle signifiant leur renouveau à travers la haine du Russe ou du communiste.

 

En somme, nous avons affaire à une stratégie centrée sur les intérêts nationaux, une stratégie qui est dominée par le souci de Vladimir Poutine de ne pas déstabiliser la région ».

 

 

Commentaire de l’auteur. L’abcès de Debaltsevo vient d’être crevé, mais les pertes de l’armée sont aussi grandes que profondes sont les plaies des 42 millions d’habitants d’un pays pour qui Minsk 2 représente une dernière lueur d’espoir. Si le dénouement est encore loin — quid de Kharkov, de Marioupol et d’Odessa ? — l’avenir politique de Porochenko est d’une extrême fragilité, sans quoi, aurait-il évacué sa famille hors d’Ukraine ? Cette vulnérabilité est à l’image de l’unité fragilissime d’un pays miné par la faillite et les affrontements nationaux, terrain propice à l’éclosion des pires courants extrémistes.

Plus que quiconque, Poutine en a conscience ce qui explique sa fermeté face aux provocations les plus grossières et le fait qu’il ait plus d’une fois souligné — aspect passé sous silence par le mainstream médiatique — son attachement à l’unité de l’Ukraine. Mais l’unité, au stade où nous en sommes, n’est-ce pas la paix et l’interaction des régions ? Probablement. À Kiev et aux Républiques de voir comment ces conditions seront remplies.

 

 

 

Par Françoise Compoint (*) - fr.sputniknews.com – le 19 février 2015

  

(*) Françoise Compoint : journaliste. Diplômée de l’Université Lomonossov de Moscou, master de philosophie, professeur agrégée. Journaliste depuis 2012, a fait ses premières armes au sein de la « Voix de la Russie ». Sujets de prédilection : relations internationales, géostratégie, sociologie. Français et russe – langues maternelles, anglais – couramment.

 

(**) Jean Géronimo : docteur, chercheur en économie, spécialiste et expert sur les questions de la pensée économique et stratégique russe. Localisé à l’université Pierre Mendès France de Grenoble II. Il est régulièrement publié dans des revues et sites géopolitiques français, russes (et de la CEI) et italiens.

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À l’Ouest rien de nouveau, on détruit, à l’Est on construit

À l’Ouest rien de nouveau, on détruit, à l’Est on construit | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


À l’Ouest rien de nouveau, on détruit,

à l’Est on construit

Par Pepe Escobar (*)

 

 

« Il est impératif qu’aucune puissance eurasienne concurrente (des USA) capable de dominer l’Eurasie ne puisse émerger et ainsi contester l’Amérique. » Zbigniew Brzezinski, Le Grand Échiquier, 1997

 

 

Que recèle un nom, ou même un idéogramme ? Tout. Un simple caractère chinois, jiè (), qui signifie entre, illustre de façon éloquente l’initiative de politique étrangère la plus ambitieuse du nouveau rêve chinois.

 

Dans la partie supérieure de ce caractère à quatre traits qui, symboliquement, évoque le toit d’une maison, le trait à gauche correspond à la Ceinture économique de la route de la soie, et le trait à droite représente la Route de la soie maritime du XXIe siècle. Dans la partie inférieure, le trait à gauche est le corridor Chine-Pakistan, et celui à droite est le corridor Chine-Myanmar-Bengladesh-Inde, qui passe par la province du Yunnan.

 

La culture chinoise fait ses choux gras d’une ribambelle de formules, d’adages et de symboles. Même si bien des érudits chinois craignent que la nouvelle allusion au pouvoir souple de l’Empire du Milieu ne se perde en conjectures, le caractère jiè, avec toute la connectivité dont il est empreint, sert déjà de point de référence pour amener 1,3 milliard de Chinois et toute la diaspora à l’étranger à se faire une idée de la vision double (continentale et maritime) de la Nouvelle route de la soie dévoilée par le président Xi Jinping, appelée aussi Initiative de la Ceinture et de la Route.

 

Concrètement, la Nouvelle route de la soie sera dynamisée par le financement qui lui sera accordé en vertu d’un fonds spécial s’élevant à plusieurs milliards de dollars et par la nouvelle Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB). Les investisseurs européens en ont pris bonne note.

 

La Nouvelle route de la soie (les routes, en fait) symbolise le pivot de la Chine vers le cœur du continent qu’est l’Eurasie. Cela implique l’existence d’une Chine puissante enrichie encore plus par son voisinage, sans pour autant perdre son essence en tant qu’État de civilisation. On pourrait y voir une version remixée postmoderne des dynasties Tang, Song et des premiers Ming, que Pékin a habilement fait valoir dernièrement, dans le cadre d’une superbe exposition au Musée national de Chine, qui réunit des pièces rares de la Route de la soie de jadis en provenance de divers musées régionaux.

 

Hier, la Chine a mis en œuvre des projets d’infrastructure unificateurs comme la Grande muraille. Demain, elle se lancera dans un grand projet d’unification de l’Eurasie au moyen d’un train à grande vitesse. Lorsqu’on se penche sur l’ampleur de cette vision, la description de Xi comme un chef d’État qui aspire à devenir un nouveau Mao Zedong ou Deng Xiaoping se distingue par sa banalité.

 

La nouvelle aspiration de la Chine pourrait bien sûr être interprétée comme la fermentation d’un nouveau système d’influence, ordonné et centré à Pékin. Aux USA, ils sont nombreux à craindre que la Nouvelle route de la soie ne devienne, sur le plan géopolitique, un développement pacifique, une alternative avantageuse pour tous au pivot vers l’Asie de l’administration Obama, en fait mené par le Pentagone.

 

Pékin rejette l’idée même d’hégémonie. Il maintient qu’il ne s’agit pas d’un Plan Marshall. Il est indéniable que le Plan Marshall ne concernait que les pays occidentaux et excluait tous les pays et les régions que l’Occident considérait comme idéologiquement proches de l’Union soviétique. La Chine, en revanche, cherche à intégrer les économies émergentes dans un vaste réseau d’échanges et de commerce paneurasiatique.

 

 

Achtung ! Seidenstrasse ! (Attention ! Route de la soie !)

 

Il ne faut donc pas s’étonner de voir les grandes nations d’une Union européenne (UE) aux abois graviter autour de la banque AIIB [Banque d’investissement pour les infrastructures asiatiques, NDT], qui jouera un rôle clé dans la (les) nouvelle(s) route(s) de la soie. C’est à un géographe allemand, Ferdinand von Richthofen, que l’on doit le concept de Seidenstrasse (route de la soie). Marco Polo a lié à jamais l’Italie à la route de la soie. L’UE est déjà le partenaire commercial numéro un de la Chine. C’est aussi le 40e anniversaire des relations entre la Chine et l’UE, avec tout le symbolisme qui va avec. La constitution d’un fonds sino-européen pour financer des projets d’infrastructure, voire d’énergie verte, à la grandeur d’une Eurasie intégrée, est une possibilité bien réelle.

 

C’est comme si le tableau saisissant de Paul Klee, Angelus Novus, l’Ange de l’Histoire, dont le philosophe Walter Benjamin a fait l’éloge, essayait maintenant de nous démontrer l’inexorabilité de la synergie qui émane de la Seidenstrasse sino-européenne en ce XXIe siècle. Fait crucial, elle engloberait la Russie, qui constitue un élément vital de la Nouvelle route de la soie, avec la transformation prévue du Transsibérien en TGV, un projet de 280 milliards de dollars financé par la Russie et la Chine. C’est la fusion du projet de Nouvelle route de la soie à l’idée initiale du président Poutine de créer un vaste empire commercial s’étendant de Lisbonne à Vladivostok.

 

Parallèlement à cela, la Route de la soie maritime du XXIe siècle va affermir les échanges commerciaux par mer déjà frénétiques qui se font entre la Chine et l’Asie du Sud-Est. La province du Fujian, juste en face de Taiwan, où Xi a passé bien des années de sa vie, jouera un rôle déterminant. Hong Kong ne veut évidemment pas être en reste.

 

Tous ces changements sont proposés par la Chine, qui est enfin disposée à devenir un exportateur net d’une quantité massive de capitaux et la principale source de crédit pour le Grand Sud. D’ici quelques mois, Pékin va lancer le système de paiement international de la Chine (CIPS), qui devrait turbopropulser le yuan comme une importante devise mondiale pour tous les types d’échanges. Comme si la Banque AIIB ne suffisait pas, il y a aussi la Nouvelle banque de développement, fondée par les BRICS pour faire concurrence à la Banque mondiale, dont le siège social est à Shanghai.

 

On pourrait soutenir que tout le succès de la Route de la soie repose sur la façon dont Pékin va s’occuper de la rétive Xinjiang et sa population de Ouïghours [un peuple turcophone et musulman sunnite, NDT], qui devrait être considérée comme l’un des principaux maillons de l’Eurasie. Il s’agit là d’une intrigue secondaire qui pose de nombreux problèmes de sécurité, c’est le moins qu’on puisse dire, et qu’il faudra suivre attentivement d’ici la fin de la décennie. Chose certaine, la puissance du vent en provenance de Chine qui souffle vers l’Eurasie se fera sentir dans la majeure partie de l’Asie.

 

Par opposition à la sempiternelle pensée magique de Brzezinski, l’Eurasie deviendra probablement un enjeu politique : un partenariat stratégique sino-russe de facto, qui se manifeste dans les diverses facettes de la Nouvelle route de la soie, tout en déployant la force de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).

 

À ce moment-là, l’Iran et le Pakistan seront membres de l’OCS. Les relations étroites entre l’ancienne Perse et la Chine s’étendent sur deux millénaires et sont perçues aujourd’hui par Pékin comme une question de sécurité nationale. Le Pakistan est un maillon essentiel de la Route de la soie maritime, surtout lorsqu’on prend en compte le port de Gwadar, dans l’océan Indien, appelé à devenir aussi, d’ici quelques années, un point de transit du gazoduc IP ou Iran-Pakistan. Il pourrait être aussi le point de départ d’un autre grand schème du pipelinistan chinois, qui prendrait la forme d’un gazoduc longeant la route de Karakorum pour ravitailler le Xinjiang.

 

Pékin considère l’Iran et le Pakistan, qui forment l’intersection entre l’Asie du Sud-Ouest et l’Asie du Sud, comme des maillons stratégiques de la Nouvelle route de la soie. Ce qui amène Pékin à faire sentir sa puissance commerciale non seulement dans l’océan Indien, mais aussi dans le golfe Persique.

 

 

Nous avons une vision, nous voyagerons

 

L’inquiétude que la tournure des événements suscite à Washington fait ressortir l’absence flagrante de la moindre vision Made in the USA afin de charmer l’opinion publique paneurasiatique à ses vues. Tout ce qu’il propose, c’est une posture militaire brumeuse qui pivote parallèlement à une expansion effrénée de l’OTAN, ainsi que le racket corporatiste connu sous le nom de Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI), qu’on appelle communément en Asie la version commerciale de l’OTAN.

 

Le contrecoup de ce qui précède pourrait être déjà en préparation par l’entremise des BRICS, de l’OCS et du renforcement continuel du partenariat sino-russe. À cela s’ajoute l’expansion de l’Union économique eurasiatique (Arménie, Biélorussie, Kazakhstan et Russie, que rejoindra bientôt le Kirghizistan, puis le Tadjikistan). Au Moyen-Orient, la Syrie étudie sérieusement la possibilité d’en faire partie, et un accord commercial avec l’Égypte a déjà été conclu. En Asie du Sud-Est, un pacte avec le Vietnam sera chose faite d’ici la fin de 2015.

 

Le programme caché de la Russie et de la Chine dans leur contribution à la conclusion d’un accord sur le nucléaire entre l’Iran et le P5+1 ouvre la voie à l’admission de l’Iran comme membre à part entière de l’OCS. Au début de 2016, attendez-vous à ce que l’OCS représente au moins 60 % de l’Eurasie, une population regroupant 3,5 milliards d’habitants et une réserve pétrolière et gazière à la hauteur de celle des pays membres du Conseil de coopération du Golfe.

La véritable histoire, ce n’est pas de savoir comment la Chine va s’effondrer, comme le prétend David Shambaugh, le soi-disant expert numéro deux de la Chine aux USA (c’est qui le premier ? Henri Kissinger ?). Ce mythe a été démoli par de nombreuses sources. La véritable histoire, qu’un Asia Times revigoré va couvrir en détail dans les prochaines années [tout comme Le Saker francophone d’ailleurs, NDT], se trouve dans la manière dont les multiples aspects liés à la Nouvelle route de la soie vont configurer un nouveau rêve eurasiatique. Nous avons une vision, nous voyagerons. Bon voyage.

 

 

 

Par Pepe Escobar (*) (Asia Times) – traduit par Daniel, relu par jj et Diane pour Le Saker francophone – le 21 mars 2015

  

(*) Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007), Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge (Nimble Books, 2007), Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009) et le petit dernier, Empire of Chaos (Nimble Books).

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