Devant la douloureuse révolte du peuple grec, certains catholiques français ne réagissent pas en chrétiens | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


Devant la douloureuse révolte du peuple grec, certains catholiques français ne réagissent pas en chrétiens

Par Patrice de Plunkett (*)

 

 

Je lis sur Twitter des fureurs anti-Grecs effarantes, dans le plus pur style Versailles 1871. De dignes messieurs cathos traitent de « délire » la note de ce blog, hier, sur le référendum : 

 

Pourquoi « délire » ?  Lisez cette note d’hier : elle essaie d’expliquer ce qu’est l’Union européenne depuis le putsch ultralibéral des années 1990, et comment la sphère financière (qui contrôle l’UE) a poussé les Caramanlis et les Papandréou à la carambouille depuis des dizaines d’années. La BCE est présidée aujourd’hui par un ex-dirigeant de Goldman Sachs, la mégabanque qui a perpétré le pire en matière de dette grecque dans les premières années 2000*. En 2015, le peuple grec, étranglé par les merkéliennes conséquences de ces manipulations financières, se débat pour ne pas succomber. Question de vie ou de mort : il a mis au pouvoir (et vient de confirmer) le jeune Tsipras, qui joue le tout pour le tout.

 

Tout ça va peut-être finir en catastrophe, mais comment ne pas comprendre les douleurs et l’angoisse des Grecs voyant s’effondrer la société autour d’eux y compris les services hospitaliers ? Comment ne pas être ému de leur fierté dimanche soir, et de la forêt de drapeaux bleu et blanc brandis par la foule de Syntagma ?

 

Se permettre une insolence face aux puissants qui vous coulent, n’est-ce pas du courage ?

 

Eh bien, non : pour les dignes messieurs, c’est une honte. Ils jugent honteux de braver la sphère financière, dont ils font généralement partie eux-mêmes.

 

Et ils le disent avec une sorte de haine qui, de leur part, n’aurait pas surpris Léon Bloy. L’un d’eux hier traitait le peuple grec de bandits et d’escrocs. C’est l’esprit de Versailles en 1871 : « « Au mur ! », disait le capitaine/La bouche pleine et buvant dur... »

 

Le problème est que ces insulteurs ajoutent à leur nom, sur leur compte Twitter, le noun des chrétiens d’Orient. Et que leurs autres tweets, depuis des mois, affichent d’imputrescibles certitudes catholiques conservatrices... Car oui et ô combien, ils sont catholiques ! archicatholiques ! certainement plus catholiques que ce pape Bergoglio qui sent le communisme à plein nez !

 

Mais c’est à voir. Est-on catholique quand on ne réagit pas en chrétien ? Est-on catholique, quand on ne ressent aucune compassion si nos intérêts financiers sont en jeu ? Est-on catholique, quand on parle comme si servir Mammon c’était servir Dieu ?

 

Il y a du ménage moral à faire dans le catholicisme français. Armons-nous du double balai d’Evangelii Gaudium et de Laudato Si : et hardi les gars.

 

 

 

Par Patrice de Plunkett (*)plunkett.hautetfort.com – le 7 juillet 2015

 

 

NDLGazette : (*) Patrice de Plunkett, né à Paris le 9 janvier 1947, est un journaliste et essayiste français, qui codirigea le Figaro Magazine… (Source : Wikipédia)

 

 

Notes :

* D’après La Tribune de Genève, 02/2012 :

<< Ce sont les banques de Wall Street, comme Goldman Sachs, qui ont permis à la Grèce de s’endetter en cachette, bien au-delà des limites fixées par Bruxelles. Et cela, grâce à des montages financiers complexes, qui ressemblent curieusement aux subprimes responsables de la pire crise mondiale des 80 dernières années. Et ce n’est pas tout. Après avoir aidé le gouvernement hellénique à vivre largement au-dessus de ses moyens, les mêmes banques se sont mises à investir dans des fonds spéculatifs pariant qu’Athènes serait bientôt en défaut de paiement !  Mais reprenons. La dissimulation s’est produite peu après l’entrée de la Grèce dans la zone euro, en 2001. En adoptant cette monnaie, Athènes s’était engagé à ne pas dépasser 3 % de déficit budgétaire. Une règle que les autorités ont réussi à contourner grâce à l’offre de Goldman Sachs : pour obtenir tout de suite des milliards de dollars, il leur suffisait de renoncer à l’avenir à des taxes d’aéroport, à des recettes du loto, etc. Cela s’appelle un « échange de devises ». Techniquement, ce n’est pas un emprunt. Il n’y a pas d’intérêts à inscrire au budget. De l’argent est à disposition maintenant, qui fera défaut plus tard. On repousse le problème. C’est de la mauvaise gestion d’État, mais c’est tentant pour des politiciens obsédés par leur cote de popularité. Et à l’époque, ces « contrats dérivés » n’étaient pas interdits...  C’est donc en toute légalité que Goldman Sachs a empoché une commission de 300 millions de dollars pour avoir monté l’opération.


Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Le New York Times croit savoir qu’en novembre 2011, le président de la banque, Gary Cohn, s’est rendu en personne à Athènes pour proposer de refaire le coup. Un peu comme on propose un second emprunt à quelqu’un qui ne peut plus renflouer sa carte de crédit. La Grèce a refusé. Depuis 2004, ces opérations ne sont plus autorisées dans l’Union européenne. Plus dérangeant encore : la même banque investit dans des « credit default swaps », qui parient sur l’incapacité de la Grèce à honorer les intérêts de sa dette. De la pure spéculation qui nourrit la méfiance des investisseurs et des créanciers face à Athènes. Le cercle vicieux est enclenché.

 

>>> Je résume : après 2001, Goldman Sachs, numéro 1 du casino global, a spéculé contre la Grèce tout en se faisant rémunérer par Athènes pour « l’aider » à « gérer » sa dette. Elle l'a aidé à maquiller son déficit budgétaire, et provoqué ainsi la crise de la zone euro tout entière. Rappelons aussi que Mario Draghi (que nos journalistes appellent avec tendresse « super-Mario ») fut vice-président de Goldman Sachs en Europe de 2002 à 2005. Qui s'en souvient aujourd'hui ? Pas les dignes messieurs.