2003 : Bush détruit l’Irak - 2015 : l’Iran s’en empare | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it



2003 : Bush détruit l’Irak — 2015 : l’Iran s’en empare

 Par Patrice de Plunkett (*)

 

 

La géopolitique américaine serait-elle mal-voyante ?

 

Nous parlions hier de la pression de Washington contre Moscou depuis 1991. Aujourd’hui, tous nos médias parlent du siège de Tikrit et de la mainmise de Téhéran sur l’Irak. Ils constatent que l’attaque irakienne contre Daesh est encadrée (et menée en grande partie) par les forces iraniennes du « redoutable  Kacem Soleimani », le « général de l’ombre ». Chef de la force al-Qods chargée des opérations internationales des pasdaran, Soleimani s’occupe aussi de la Syrie, du Liban et du Yémen ! Du coup, constatent également nos médias, « Washington s’inquiète de l’emprise de Téhéran »...

 

Avant-hier, le général Dempsey (qui aimerait mieux ne parler que de la Russie) constatait avec irritation que l’Iran déploie dans la bataille de Tikrit « son implication la plus manifeste en Irak depuis 2004, avec de l’artillerie et d’autres moyens ». Les forces de Soleimani progressent sans appui aérien et n’en sollicitent pas, leur objectif étant visiblement de prouver que des musulmans – chiites – peuvent « libérer l’Irak de Daesh sans les Américains ». Les pasdaran iraniens étant catalogués terroristes par le Département d’État, on voit quelle gifle leur victoire sur Daesh représenterait pour Washington.

 

Aucun de nos médias n’a l’air de situer cette évolution dans le contexte des événements depuis 2003. C’est pourtant la clé de compréhension !


En 2003, Washington détruit Saddam Hussein pour diverses raisons, dont les intérêts pétroliers et l’appui inconditionnel à Ariel Sharon. Que l’Irak de Saddam soit géopolitiquement un problème pour Israël était une idée absurde, mais c’était l’idée de Sharon. Résultat en 2015 : l’Irak est sous l’emprise de l’Iran, pays dont Netanyahu proclame qu’il est le vrai grand problème géopolitique pour Israël. Cherchez l’erreur.

 

Syrie, région d’Alep – Le « groupe armé modéré » Harakat Hazm vient de capituler devant les djihadistes du Front al-Nosra, qui se sont emparés des deux cents missiles antichars TOW livrés à ce groupe par la CIA en octobre 2014* : prise dont les djihadistes se félicitent ostensiblement sur Twitter. Devant l’étendue du désastre, le reste de Harakat Hazm a décidé de se dissoudre « pour arrêter le bain de sang ». (Comme dit Thomas Legrand, omnispécialiste à France Inter : « tout le monde sait qu’il faut armer les opposants modérés »). Les missiles US étant livrés avec des instructeurs, ces derniers sont-ils tombés aux mains d’al-Nosra ? va-t-il y avoir aux USA une campagne « bring back our boys » ? ou l’affaire est-elle classified ?

 

 

 

Par Patrice de Plunkett (*)  - plunkett.hautetfort.com – le 5 mars 2015

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* C’était la première livraison d’armes d’Obama à « l’opposition modérée », sous le mot d’ordre Help the good guys. Déjà les services américains avaient eu du mal à repérer un groupe qui corresponde au label good guys.

 

 

(*) Patrice de Plunkett est un journaliste et essayiste français, qui codirigea le Figaro Magazine.