Tsipras-Thésée, la Grèce et l’Europe : y aura-t-il mise à mort du Minotaur€ €uropéen et sortie du Labyrinth€ de l’€uro ? | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


Tsipras-Thésée, la Grèce et l’Europe :

y aura-t-il mise à mort du Minotaur€ €uropéen

et sortie du Labyrinth€ de l’€uro ?

 


Et la Crète, fumant du sang du Minotaure

Racine, Phèdre, I, 1

 

Comme l’écrit F. Lordon dans un papier très intéressant publié le 19 janvier dernier en donnant une excellente analyse économique que l’on n’enseignera jamais dans les facultés ni ailleurs, l’alternative qui s’ouvre à Syriza au lendemain de sa victoire est des plus simples : passer sous la table ou la renverser.

 

http://blog.mondediplo.net/2015-01-19-L-alternative-de-Syriza-passer-sous-la-table-ou#forum

 


I- Un simple constat : la zone euro est techniquement morte

 

Nul ne peut vraiment prévoir ce que seront les prochains jours qui suivront la nomination d’un nouveau gouvernement issu des élections législatives grecques qui viennent de porter Alexis Tsipras et son parti de la gauche radicale Syriza au pouvoir.

 

Il n’y a peut-être que J-L. Mélenchon en France pour se réjouir par procuration d’une victoire qui n’est pas la sienne en appelant au Grand Soir. Chacun ses mythes, après tout.

 

Une chose est cependant certaine : avec de nouveaux dirigeants tels que MM. Renzi et B. Grillo en Italie, A. Tsipras en Grèce et peut-être P. Iglesias avec Podemos en Espagne, une génération nouvelle est en train de reléguer au magasin des accessoires toutes les formations politiques conservatrices telles le Pasok et Nouvelle démocratie, éreintées par ces décennies de clientélisme, de compromission et d’incapacité qui ont miné la Grèce.

 

Mais en est-on bien sûr ? Que d’autres partis politiques européens puissent se féliciter de cet événement politique pour entrevoir un appel d’air ou le début d’un sursaut antilibéral me semble relever pour autant d’un futur incertain dans la mesure où, en jeune homme bien élevé, le nouveau dirigeant grec est parfaitement conscient du fait qu’il dispose d’avantages économiques non négligeables qui font qu’il ne remettra peut-être pas l’essentiel en cause...

 

cf. l’intéressante analyse de J. M. Daniel :

 

http://www.causeur.fr/syriza-tsipras-grece-31229.html

 

Mais sait-on jamais ? « La Troïka, c’est du passé ! », a ainsi déclaré M. Tsipras, tout en ajoutant qu’il faut « trouver une nouvelle solution viable qui bénéficie à tous » et que « la Grèce apportera ses propres propositions et un plan de réformes, sans déficit supplémentaire. » 

 

Nul doute que ses propos auront été attentivement suivis par les 19 ministres des Finances de l’Eurogroupe réunis ce jour à Bruxelles pour discuter :

— de la prolongation du deuxième plan d’aide internationale octroyé à la Grèce en 2012 à hauteur de 130 Mds € et dont le versement de la dernière tranche de 3,6 Mds € demeure conditionné par la poursuite de réformes exigées par ladite Troïka.

 

— de la mise en place d’un éventuel troisième plan d’aide à hauteur de 10 Mds €, histoire de protéger les banques grecques, mais surtout de verrouiller en échange un nouveau ripolinage des mesures d’austérité imposées à un pays qui reste débiteur d’une dette évaluée à 320 Mds € (soit 170 % du PIB), et dont chacun sait ou se refuse à admettre qu’elle ne sera jamais remboursée.

 

En réalité chacun a désormais parfaitement compris que la zone euro est techniquement morte et que la BCE est destinée à devenir très prochainement une « bad bank », une structure de défaisance dont l’objet sera de gérer cette épave financière que représente la dette de la Grèce dont l’importance la rend irrécouvrable et qui ne sera jamais payée.

 

 

II-Des mesures immédiates


Mais plutôt que de trahir son électorat en illustrant la chronique d’une normalisation annoncée, si M. Tsipras voulait malgré tout saisir ce moment exceptionnel et bref qui n’appartient qu’à lui au lendemain de la victoire de son parti et vraiment marquer sa rupture avec l’indignité et le cortège de souffrances imposés à son pays par cette trinité impie que constitue la « Troïka » (F.M.I., Commission européenne et B.C.E.), peut-être devrait-il alors immédiatement mettre à mort ce Minotaure qui continue d’errer dans le Labyrinthe européen ?

 

Peut-être devrait-il tuer cet ogre financier et économique européen qui n’aura de cesse de réclamer des victimes tant qu’il continuera d’être le complice actif de l’ogre américain dont les agissements sont parfaitement décrits par l’économiste (et peut-être prochainement en charge des affaires économiques de la Grèce) Yanis Varoufakis, dans son ouvrage intitulé Le Minotaure planétaire — L’ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial (2014) ?

 

Comment M. Tsipras, nouveau Thésée, devrait-il ou pourrait-il agir sinon en désignant et en faisant juger immédiatement par la Grèce qui aurait retrouvé sa véritable souveraineté à la face de l’Europe et du monde entier les véritables responsables de sa descente aux Enfers ?

 

Peut-être a-t-il déjà commencé à agir en s’alliant avec le parti des « Grecs Indépendants », parti souverainiste de droite qui n’a pas peur de se frotter aux représentants des institutions européennes et qui lui donne désormais la majorité ?

 

Il y aurait bien entendu à juger et condamner les responsables politiques grecs, allemands, français, tous ces « créanciers » d’un pays dont ils ont aggravé le malheur en profitant de son incurie, mais aussi et surtout les véritables responsables que sont toutes ces mauvaises fées d’un ordre ordo-libéral mortifère et nécrophage qui se sont penchées sur la Grèce et l’ont introduite dans l’Euro tout en sachant qu’elle n’en avait pas la capacité.

 

Comme l’écrit avec justesse un commentateur sous l’article de F. Lordon précité :


« Déclarer un moratoire sur la dette grecque. Non pas déclarer faillite, mais lancer un audit interne : il parait que la Grèce a triché pour entrer dans l’€uro, avec l’aide de la banque Goldman-Sachs ? Eh bien, ce serait le moment de le savoir. Le gouvernement allemand sera trop content de ne pas avoir à se désavouer ni de ne pas apparaître comme antidémocratique, et laissera faire.

 

J’aimerais bien voir, dit-il (je cite) la gueule des responsables Européens quand l’ex-taulier de la zone €uro (Jean-Claude Junckers) sera convoqué par la justice grecque. Pareil pour l’ex-directeur de Goldman-Sachs Europe (Mario Draghi). Et la banque centrale grecque peut imprimer les billets, elle en a le droit et la possibilité. Pas des €uros électroniques, ça elle ne peut pas le faire, mais des billets. Tsipras a encore plein de cartes à jouer. »

 

Un peu de courage pour tuer le Minotaure, M. Tsipras !

Que la Grèce, par la volonté farouche du nouvel Héros Hellène qu’elle s’est choisi, commence déjà par lancer un mandat d’arrêt international à l’encontre de ceux qui l’ont sciemment ruinée et volée. Interpol sert à cela.

 

À dire « Ὄχι » (« Non ! ») à l’inacceptable.

 

Et nul doute que l’on se mettra à discuter de manière très constructive, non seulement de l’avenir de la Grèce, mais de celui de l’Euro et de l’Europe tout entière.  

 

 

Par Renaud Bouchard - agoravox.fr - le 26 janvier 2015


Renaud Bouchard : juriste, géopoliticien et économiste français (Doctorant CEMI-EHESS)