Détournement des mécanismes démocratiques : exemple de J. Psaki sur l'Ukraine | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : Donetsk

 

Détournement des mécanismes démocratiques :

exemple de J. Psaki sur l'Ukraine

 

Le soutien inconditionnel apporté par les États-Unis à l'Ukraine oblige à des contorsions diplomatiques qui mettent en danger l'idée démocratique elle-même. Donc pour y remédier, une parade a été trouvée : exemple avec les conférences de presse de J. Psaki, porte-parole du Département d'État américain.

 

Il est admis et fréquent de se moquer de J. Psaki, des caricatures ont été faites, mêmes des dessins animés. Elle est devenue l'image de la communication américaine. Je dis bien de la communication et non de la politique. Car ces deux aspects sont ici dissociés : son rôle est de défendre l'indéfendable par tous les moyens. Or, comme justement la politique est indéfendable, il a fallu créer un personnage et sélectionner de bons intervenants.

 

La démocratie est ainsi saine et sauve grâce à un glissement de l'intérêt : des journalistes intelligents qui posent des questions intelligentes, peuvent contester, montrer l'absurdité des déclarations, ce qui n'a strictement aucune influence sur la bêtise des réponses apportées par un personnage dont le rôle est de détourner l'attention. C'est ce décalage qui permet de rassurer le bon peuple, lui permettant de penser que la liberté d'expression est sauve.


Sauf que le but de ces conférences de presses sont d'apporter une explication de la politique menée par le pays, une sorte de vulgarisation des choix politiques et des positions diplomatiques du pays.


Maintenant, il n'y a plus d'explications, il n'y a plus d'informations, il n'y a qu'une apparence, un succédané démocratique. Dernier exemple en date.

 


 

  

Lorsque que J. Psaki est interrogée par la journaliste de RT et ensuite par le journaliste de l'Associated Press sur les meurtres de civils en Ukraine, le recours à l'artillerie lourde sur les zones d'habitation, elle botte en touche. Après avoir demandé de quels évènements il s'agit, elle déclare que l'OSCE mène l'enquête, il faudra voir.


Quand on lui parle des morts civils, elle répond que l'Ukraine a le devoir de défendre sa terre contre les terroristes russes, ou soutenus par les Russes, qui envoient des soldats en Ukraine, etc.


Quand finalement, le journaliste américain lui rappelle que Donetsk est tenu par les combattants qui n'ont aucun intérêt à se tirer dessus, elle bifurque à nouveau, il faut attendre les résultats, on ne sait pas. Idem quand il lui est demandé si l'Ukraine respecte les accords de Minsk, elle répond que la Russie ne les respecte pas. Mais pas de réponse sur l'Ukraine.

 

Aucune explication sur la politique américaine en Ukraine, face à la Russie, etc. Mais l'impression est donnée qu'il s'est passé quelque chose, alors que rien n'a été dit. 

 

Car comment confronter ces "doutes" face aux faits. Sans même parler du bus hier tombé en embuscade et tous ces morts. Les combattants annoncent 24 morts et 30 blessés dans leurs rangs en 24 heures.


Si l'Ukraine ne viole pas les accords de Minsk, ils ont donc dû se suicider. Je ne vois pas d'autres explications.


Dans le même ordre d'idées, une roquette est tombée dans la cour d'une maison de retraite à Lugansk. Une soixantaine de personnes âgées y vivent. Les fenêtres ont explosées, les portes ont sautées. Ces personnes, déjà fragiles, sont en état de choc, sans électricité, chauffage, etc.

 

Quelle est l'importance de ces pauvres faits face aux grandes interrogations de la communication de Département d'État.


Nous sommes bien dans un virage concernant les mécanismes démocratiques. L'important n'est pas l'influence que va avoir la parole sur la prise de décision, l'important est la parole pour la parole.

 

 

 

Par Karine Bechet-Golovko (*) - russiepolitics.blogspot.ru – le 23 janvier 2015


(*) Karine Bechet-Golovko est une Française et une experte en droit russe, professeur invité à la faculté de droit l’Université d’Etat de Moscou (Lomonossov).