Européisme et nazisme... Das Jahr 2015 (Partie 2/3) | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : Yórgos Ioánnou (1927-1985)



Européisme et nazisme... Das Jahr 2015 (Partie 2/3)

Par Panagiotis Grigoriou (*)


Suite de la partie 1/3


Pour Yórgos Ioánnou, à la conscience humaine marquée à jamais par les plus sombres des nuances du gris, la méfiance était depuis devenue la règle. Pour ce qui est de la CCE, évoluée par la suite en Union européenne, le futur lui a donné raison. La Grèce a perdu ses (déjà) marges étroites d’autonomie politique et économique, ses industries ont périclité, 40 % des terres cultivables sont abandonnées, et plus de dix mille petits et grands caïques — ces embarcations traditionnelles faites en bois et utilisées par les pêcheurs — ont été détruits depuis 2010, faisant suite aux directives de l’UE. Plus de dix mille ingénieurs ont d’ailleurs quitté le pays en cinq ans, d’après leur union professionnelle (journaux grecs du 7 mars).


Et voilà, que (paraphrasant Ioánnou), de voleurs sans scrupules bien de chez nous, très nombreux, ou encore, avec la complicité active de certains malfrats internationaux (lobbyistes d’Athènes, de Bruxelles, de Paris et de Berlin), ont suffisamment sillonné le pays... des subventions européennes et également, celui des juteux contrats, par exemple d’armement (les deux faces de la même médaille). Ainsi, les... salopards et les fainéants, ont trouvé le filon pour s’enrichir facilement et pour s’offrir ainsi la belle vie, parmi eux : journalistes, universitaires, écrivains, syndicalistes et évidemment, politiciens et entrepreneurs. Ces derniers constituent en Grèce la caste liée au pouvoir clientéliste du PASOK et de la Nouvelle démocratie.


Et en Grèce, pour ainsi faire dans l’analogie jusqu’aux détails, pays au régime despotique de la dette imposée, via le mécanisme de l’arme absolue contre les souveraineté et la démocratie, à savoir l’euro, l’administrateur dépêché sur place par Angela Merkel, Horst Reichenbach, officiellement, chef de la « Task Force » en Grèce, mandaté par la Commission européenne), fêtait par exemple son anniversaire en mars 2013 dans le quartier chic du centre d’Athènes à Kolonáki, en présence de nombreux ministres et sous de mesures de sécurité draconiennes (Radio Real-FM, 07/032013). Autres temps ?


L’historien et écrivain anglais Mark Mazower dans son ouvrage « Hitler’s Empire. Nazi Rule in occupied Europe » (Londres, 2008), évoque cet article : « Das Jahr 2000 » (L’Année 2000), texte étonnant, car... futurologue, que Joseph Goebbels publia dans la revue « Das Reich », le 25 février 1945. Dans son ultime effort de propagande, deux semaines seulement après la conférence de Yalta, le haut dignitaire nazi, établissait alors le lien entre l’Europe du futur et le national-socialisme. Une « Europe unifiée sous la direction de l’Allemagne », et surtout « cette Europe certainement unie en l’an 2000, celle des enfants de nos enfants, à un moment futur, où cette guerre ne sera qu’un lointain souvenir ». 


Cet ouvrage de Mark Mazower — lequel à ma connaissance n’a pas été traduit en français — démontre alors combien l’Allemagne des nazis, et cela, à l’instar des autres pays dans les années 1940, n’a pas incarné la rupture présentée en plus comme étant radicale, ni avec le passé... et encore moins, vis-à-vis d’une certaine suite dans l’histoire européenne. Pour faire court, il faut comprendre que le projet européiste n’est pas né avec le nazisme, car il l’a précédé, et ensuite... il l’a (mal) accompagné, pour finalement lui succéder. C’est donc un projet, initié et voulu par les élites financières et industrielles de l’Allemagne, et autant par celles des pays voisins de l’eurocentre, France, Belgique, et Pays-Bas notamment. La mondialisation s’y ajoutera alors plus tardivement.


Durant l’été 1940, le ministère de l’Économie du Reich avait prévu la création d’une forme de Paneurope de l’économie, basée, non pas sur l’intégration totale des pays, mais plutôt, ayant la forme de l’union des économies nationales derrière l’impulsion des accords conclus, entre les grands acteurs du secteur privé, sous le regard des responsables gouvernementaux, s’agissant bien évidemment de l’Europe de l’Ouest.


Utilisant les réseaux et les relations entre les industriels et datant de l’avant-guerre, le ministère (du Troisième Reich) a financé des rencontres, entre ces industriels et financiers. L’idée centrale étant « l’américanisation » des industries périphériques, certains industriels furent alors un moment nourris du fantasme, de créer un Parlement européen industriel, sous le patronage de l’Allemagne.


Gustav Schlotterer, l’homme à qui Walter Emanuel Funk, ministre de l’Économie (1938-1945) et président de la Reichsbank (1939-1945), avait confié le dossier du nouvel ordre économique en Europe, rencontra des industriels français, Néerlandais et Belges vers la fin de l’été 1940, dans le but de promouvoir une collaboration dans le long terme. L’industriel et financier Belge Paul de Launoit (1891 — 1981), un authentique eurovisionnaire, s’en enthousiasma : « La Rhur, le sud des Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et le nord de la France, constituent une entité économique naturelle du charbon et de l’acier. Nous... entrepreneurs (nous) devons percer les frontières entre les États et ainsi apprendre à collaborer ».


Parfois même, les forces armées de l’Allemagne avaient protégé des intérêts industriels non allemands, contre les... OPA de l’époque, initiées par les firmes allemandes. Parmi ces entreprises protégées : Gevaert (Belgique), Unilever et Phillips (Pays-Bas), note Mark Mazower (pages 267-269 de la traduction en grec, de son livre).


Parallèlement, Berlin a voulu imposer le Reichsmark comme étant la devise la plus importante en Europe, il a ainsi obligé les autres pays à faire obligatoirement transiter leurs échanges commerciaux et surtout monétaires et financiers via la capitale de l’Allemagne, cela, tout en unifiant et en uniformisant le secteur financier du continent européen (page 270).


Ce n’est pas la BCE... et pourtant ! En tout état de cause, la primauté absolue de la politique raciste d’Hitler a lourdement hypothéqué la réalisation d’un tel programme européiste, durant la guerre en tout cas, ou même, sous sa variante très strictement (et au sens très étroit) national-socialiste. Dans ce sens, il est historiquement anachronique et donc inexact, que de caricaturer Wolfgang Schäuble ou Angela Merkel en nazis. Si certaines consciences très collectives, persistent alors ainsi dans leurs anachronismes, c’est plutôt je dirais, parce que le modèle de domination qui leur est proche (historiquement et par le truchement de la mémoire) est celui de l’Allemagne des années trente et quarante du court Vingtième siècle ; ce dernier s’avère finalement... plus long que prévu.


C’est aussi parce que la modélisation... suffisamment germanique de cette ultime UE ne laisse guère de doute, quant au... Printemps totalitaire déjà fleuri du projet, et cela ne peut plus être occulté par la propagande et encore moins, par les euphémismes (de « gauche » comme de droite) du genre par exemple : « le déficit démocratique de l’UE qu’il va falloir combler ».


Sauf qu’il ne s’agit pas exclusivement des élites allemandes, mais autant, de celles de la France et des autres pays de l’eurocentre, suivies par les paraélites périphériques, celles d’Athènes par exemple, politiquement issues en partie de la Collaboration et dont certains grands acteurs économiques du temps si tragiquement présent... en ce « Das Jahr 2015 », sont les descendants des affairistes, des trafiquants et des escrocs du temps de l’Occupation allemande des années 1940. C’est alors ainsi qu’une partie de leurs liens... naturels avec les conglomérats industriels et financiers allemands (et autant européistes), remontent exactement à cette période (je vais y revenir dans un autre article pour ce qui est des... Grecs).


Et pour rendre l’histoire... un peu plus juste, Mark Mazower précise que lorsque Rober Schuman a initié son projet de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), à l’origine de l’actuelle Union européenne, il a ainsi facilité la tâche aux industriels et aux propriétaires des mines de charbon à traverser les frontières et à commercer.


De nombreux participants avaient participé aux négociations analogues dix ans auparavant, arrangées par le ministère de l’Économie du Troisième Reich, lorsqu’il fut question de l’organisation de tels cartels européens, coordonnant potentiellement leurs productions alors dans ce but. Une généalogie très analogue est détectable, dans les projets, alimentaires, et de la production agricole en Europe, entre une certaine autarcie visée par l’Allemagne nazie (mais uniquement pour l’Ouest du continuant) et la Politique agricole commune (PAC).


Le nouvel ordre de l’Allemagne national-socialiste avait joué son rôle dans l’émergence de l’européisme de l’après-guerre. Sûrement, les architectes du Marché commun étaient incontestablement gaullistes, antinazis et antifascistes avérés. Cependant, certains personnages-clefs, œuvrant pour le dossier européiste, mais travaillant dans les coulisses, Français, Belges et surtout Allemands, avaient servi le nazisme, sauf qu’ils en ont été déçus.


Hans Peter Ipsen par exemple, juriste nazi ayant fait carrière au sein des autorités militaires occupantes à Bruxelles durant la guerre, il devient ensuite, le plus grand spécialiste du droit des Communautés européennes en Allemagne Fédérale. De même, parmi des économistes et hommes d’affaires nazis, membres du « Cercle Européen » (« Europakreis ») qui se réunissaient à l’Esplanade Hôtel de Berlin sous le Troisième Reich, certains ont joué un tout premier rôle dans la politique et l’économie de l’Allemagne de l’après-guerre.


Parmi eux, Ludwig Erhard, ministre fédéral de l’Économie de 1949 à 1963 et chancelier fédéral de 1963 à 1966, considéré comme le père du « miracle économique allemand », puis, les banquiers, Hermann Abs, président de la Deutsche Bank (1957-1967) et Karl Blessing, membre du Conseil d’administration de la Reichsbank allemande sous le Troisième Reich (1937-1939) et... Président de la Deutsche Bundesbank (1958-1969).


Ces hommes, ayant perdu dès le début des années 1940, toute conviction quant à la victoire finale du Troisième Reich durant la guerre, estimaient néanmoins, qu’aucune reconstruction économique de l’Europe ne pouvait se faire, autrement qu’à travers la prépondérance de l’Allemagne. Autrement dit, l’Allemagne pouvait perdre la guerre, mais gagner la paix. Sous cet angle alors — note enfin Mark Mazower — les pires craintes des euroscepticistes sont fondées, ce qui fait en tout cas apparaître la CEE, comme une vision des nazis (pages 571-572).




Par Panagiotis Grigoriou (*) - greekcrisis.fr – le 8 mars 2015


(*) Panagiotis Grigoriou : historien et ethnologue, il porte un regard à la fois ethnographique et de chroniqueur (correspondant en France de NemecisMag 2000-2008). Depuis 2008, parcourant une bonne partie de la Grèce continentale, il s’est rendu sur plus d'une trentaine d'iles en mer Égée et Ionienne, il a rencontré le quotidien de plusieurs milieux sociaux et culturels, touchant aux fractures qui se multiplient tant au niveaux des syllogismes collectifs, qu'à celui des relations interpersonnelles dans un contexte de temps de mutations… (Source : blogger.com)