Européisme et nazisme... Das Jahr 2015 (Partie 3/3) | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : Yórgos Ioánnou (1927-1985)

 


Européisme et nazisme... Das Jahr 2015 (Partie 3/3)

Par Panagiotis Grigoriou (*)

 

Suite des parties 1/3 et 2/3 



Je remarque une fois de plus que ce livre n’est toujours pas traduit en langue française, et que le plus souvent, les biographies des personnages historiques précédemment évoqués sont inexistantes ou évasives dans la documentation en langue française, et très exactement, lorsqu’il est question de la période du nazisme. Il faut alors se documenter autrement, en consultant la bibliographie (et même internet), en anglais ou en allemand.

 

Par exemple, Wikipédia en français, mentionne certes, que lorsque Robert Schuman (comme on sait, ministre sous la Troisième République, sous le Gouvernement de Vichy et sous la Quatrième République), s’est réfugié sur ses terres lorraines, il a été arrêté par la Gestapo et mis au secret dans la prison de Metz avant d’être transféré à Neustadt (actuelle Rhénanie-Palatinat) le 13 avril 1941, grâce à un allègement des conditions de détention obtenu par Heinrich Welsch. Cependant, il faut lire (un peu) l’allemand, pour apprendre que Heinrich Welsch, Ministre-Président de la Sarre en 1955 et 1956 avait été le Représentant spécial de l’autorité du commissaire du Reich pour la réunification de l’Autriche au Reich allemand, et de 1940 à 1945, le Chef de l’administration judiciaire allemande en Lorraine occupée.

 

Notre regretté Yórgos Ioánnou, très humble dans son existence et aux manières... comptées comme on dit parfois, il était tout le contraire d’un écrivain prétentieux, méconnaissait éventuellement certaines des histoires... parallèles de l’européisme, revisitées par Mark Mazower. Cependant, le grand écrivain n’ignorait pas le sens de l’histoire.

 

D’où son hostilité devant l’européisme de 1978... comme de 1940. Ioánnou portait en lui les stigmates de l’Occupation allemande, de l’extermination de la très importante communauté juive de Thessalonique, sa ville, ceux de la famine et du sang versé enfin, et cela, jusqu’à l’expérience de la guerre civile. Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les rentrées fiscales de l’État (délabré) en Grèce couvraient à peine 6 % quant à ses besoins et dépenses (Mazower, page 273).

 

Mark Mazower (et il n’est pas le seul parmi les historiens), estime, d’après ses sources, que la guerre civile en Grèce avait été une politique délibérée de la part des occupants allemands. La famine en Grèce, la seule famine en Europe du Sud et de l’Ouest à l’exception de celle qu’éprouvèrent les Pays-Bas, mais pour d’autres raisons, rappelait plutôt la « gestion des territoires » conquis plus à l’Est (Pologne, Union soviétique), et les... millions de morts, entre massacres et famine organisée à travers ces espaces. En tout cas, les autorités occupantes allemandes n’ont rien fait pour épargner la famine aux Grecs, plus de cent mille morts ont été dénombrés à Athènes et dans les Cyclades, durant déjà le premier hiver de l’Occupation en 1941.

 

« Nous ne devons pas nous faire du souci pour les Grecs. D’autres après eux seront touchés par le même phénomène », déclarait alors Hermann Göring au printemps 1942. Et la presse allemande du moment en rajoutait : « Est-ce vraiment nécessaire de gaspiller les vivres destinés aux forces de l’Axe pour maintenir en vie les habitants des villes grecques ? Sachant alors, que ces gens sont plutôt des voleurs, des trafiquants, des contrebandiers, des entremetteurs et des oisifs ». Ou encore, « Il faut encore voir jusqu’où iront-elles les forces de l’Axe, si durablement éprouvées dans leur lutte, s’agissant de nourrir en Grèce, une population de quelques millions de fainéants » (Mazower, page 280).

 

Un... argumentaire assez parallèle en somme de celui en usage en ce moment... lorsqu’il est question du... devoir des Grecs et de leur comportement vis-à-vis de « leur » dette, ce qui ne veut pas dire cependant que les Allemands d’aujourd’hui sont les nazis d’hier, mais peut-être plutôt, que certains stéréotypes et survivances culturelles peuvent alors durer longtemps (en Allemagne, en Grèce ou ailleurs) et surtout, que les élites ne changent pas, car la géopolitique demeure, mondialisation ou pas d’ailleurs.

 

Résumons. La mise à mort du gouvernement SYRIZA/ANEL est en cours d’exécution par ces mêmes élites européistes, avec... l’aimable participation des funestes népotistes d’Athènes. Aucune reculade Syriziste ne leur suffira dans la mesure où, quoi qu’il arrive, ce gouvernement porte en lui le germe de la résistance. Et à notre connaissance, des amis (politiques) de SYRIZA en Allemagne en sont bien conscients, d’où un certain désarroi pas forcément exprimé publiquement.

 

D’autres amis allemands voudraient aussi stopper la machine infernale de l’intérieur, ils sont très minoritaires, en tout cas pour l’instant. En plus, du point de vue des élites, il va falloir raconter quelque chose aux autres peuples de la funeste UE, surtout maintenant. Car les élites européistes du temps de la mondialisation ne semblent pas vouloir épargner à terme les habitants de l’Eurocentre, du sort exactement réservé aux Grecs et aux autres... peuplades du Sud.

 

 

Mark Mazower note que le répertoire d’idées et de pratiques dans lequel puisèrent les nazis (pour en rajouter), est bel et bien profondément européen, et plus précisément colonialiste. Contrairement aux autres Puissances (France, Grande-Bretagne), l’Allemagne a tenté de coloniser l’Europe, telle fut enfin la grande... innovation du Vingtième siècle. Parmi ces pratiques, le double système juridique, le double statut, « mutatis mutandis » allant de l’indigénat... à la citoyenneté, par exemple.

 

Ainsi et encore, les régimes politiques imposés au nom de la dette et par le mémorandum comportent autant un paramètre bien de ce type. Cela n’est pas encore tout à fait visible par tout le monde et pourtant. De ce point de vue, l’européisme « progressiste » du Parti de la gauche européenne (SYRIZA compris), tourne alors dans un vide abyssal et surtout, cela se voit. Les travailleurs en Grèce se demandent alors au nom de quel principe, les droits du travail, la Sécurité sociale, les salaires ou enfin, le sens de la vie et de la mort ne sont plus les mêmes en Grèce et en Allemagne. Après tout, au bout de cinq années de saignée sociale, humaine et symbolique, la dette ne cesse alors d’augmenter.

 

La mise à mort du gouvernement SYRIZA/ANEL, ou sinon sa soumission totale, sous forme par exemple de coalition nouvelle incluant le PASOK et le parti initié entre Berlin et Bruxelles « To Potami » (Rivière), ce qui revient au même pour la Gauche et pour ANEL, n’est pas aussi facile que prévue. Les élites oublient parfois que les peuples arrivent à mettre leur grain de sable dans l’Histoire.

 

Nos annalistes et écrivains d’hier et d’aujourd’hui, entrevoient parfois assez clairement les fentes du temps humain qui est le nôtre ; ils y mettent autant et à leur manière, le grain de sable nécessaire. Leur seul héritage à la manière de Yórgos Ioánnou. Jusqu’à la prochaine fois.

 

Enfin, c’est la première fois qu’un dirigeant d’une des trois composantes de la Troïka, formée par le FMI, la Commission et la BCE, le dit face caméra. « L’argent a été donné pour sauver les banques françaises et allemandes, pas la Grèce », a déclaré Paulo Batista, l’un des 19 élus parmi les 24 membres du conseil d’administration du Fonds monétaire international. »

 

Rixes et combats de rue... planétaires. « Das Jahr 2015 », Année 2015.

 

 

Par Panagiotis Grigoriou (*) - greekcrisis.fr – le 8 mars 2015

 

(*) Panagiotis Grigoriou : historien et ethnologue, il porte un regard à la fois ethnographique et de chroniqueur (correspondant en France de NemecisMag 2000-2008). Depuis 2008, parcourant une bonne partie de la Grèce continentale, il s’est rendu sur plus d'une trentaine d'iles en mer Égée et Ionienne, il a rencontré le quotidien de plusieurs milieux sociaux et culturels, touchant aux fractures qui se multiplient tant au niveaux des syllogismes collectifs, qu'à celui des relations interpersonnelles dans un contexte de temps de mutations… (Source : blogger.com)