Économie digitale : Adam Smith contre Karl Marx ? | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : Adam Smith & Karl Marx

 

 

Économie digitale : Adam Smith contre Karl Marx ?

 Par Bruno Colmant (*)

 

Nous entrons de plain-pied dans la mondialisation digitalisée, caractérisée par l’automatisation de nombreux processus grâce à l’interconnectivité autorisée par Internet.

 

La digitalisation conduit à remplacer les tâches humaines répétitives par la robotisation ainsi qu’à projeter les hommes dans des espaces cognitifs inconnus avec l’assistance de l’Intelligence Artificielle. Cette révolution « industrielle » va pulvériser les rapports sociaux.

 

Les acteurs de cette révolution sont connus : il s’agit des grandes entreprises de télécommunications et d’informatique. Outre une position quasi monopolistique entretenue par leurs moyens financiers et leur capacité d’innovation, les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple) sont aussi des groupes américains.

 

Ces entreprises vont aspirer les gains de productivité qui correspondent normalement au taux de croissance de l’économie.

 

Déjà maintenant, des entreprises dominent les États qui sont écartelés entre leurs populations de citoyens consommateurs et ces mêmes entreprises, dont les consommateurs-citoyens, utilisent les services.

 

En particulier, les États européens sont écartelés entre la nécessité d’assurer l’ordre social dans un contexte de dettes publiques impayables et des entreprises étrangères géographiquement mobiles qui accaparent une grande partie des gains de productivité.

 

Si cette intuition (simpliste et pessimiste) se confirme, alors la gestion domestique des économies européennes devrait s’étatiser tandis qu’une sphère marchande serait dominée par quelques acteurs internationaux sur lesquels le contrôle étatique deviendrait caduc.

 

On pourrait même imaginer que ces entreprises internationales fassent et défassent les classes moyennes de pays désignés selon leurs intérêts commerciaux et que les États en soient réduits à devoir négocier des concordats fiscaux afin de conserver assez d’emplois et d’activités localement. Qui serait alors le garant de la démocratie ?

 

Tout pourrait se passer comme si Adam Smith animait la mondialisation digitalisée tandis que Karl Marx (ou Hegel) était convoqué pour assurer la solidarité sociale.

 

Ce serait bien sûr une version « orwellienne » de nos sociétés et il est peu probable que l’avenir s’assimile à cette sordide science-fiction.

Encore que…

 

Il faut parfois se faire peur pour s’éviter des cauchemars ultérieurs.

 

 

 

Par Bruno Colmant (*) - blogs.lecho.be – le 15 février 2015

 

(*) Bruno Colmant est membre de l’Académie Royale de Belgique, Docteur en Économie Appliquée (ULB) et Master of Science de l’Université de Purdue (États-Unis). Il enseigne la finance appliquée et l’économie à la Solvay Business School (ULB), à la Louvain School of Management (UCL), à l’ICHEC, à la Vlerick Business School et à l’Université de Luxembourg. Sa carrière est à la croisée des secteurs privés, publics et académiques. (Source : blogs.lecho.be)