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Grèce : l’Issue

Grèce : l’Issue | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Illustrations : Peter Kœnig - couverture du livre "Implosion" de Peter Kœnig : thriller économique sur la guerre, la destruction de l’environnement et la rapacité des grands groupes - Inédit en français - Universe – 2008 - 336 pages

 

 

Grèce : l’Issue

 

Ce que la troïka est en train de faire à la Grèce en ce moment est le summum du terrorisme financier. C’est le supplice de la baignoire appliqué à l’économie. C’est du chantage à l’état pur. Ces gens sont des fascistes néolibéraux qui mettent la Grèce devant un dilemme : « soit vous nous proposez une liste acceptable de mesures d’austérité*, soit nous vous en imposons une ». Sous-entendu : ce plan d’austérité, vous feriez mieux de l’accepter sous peine d’être mis en faillite et de vous retrouver expulsés de l’union monétaire européenne, voire même de l’U.E. C’est là ce dont ils les menacent. C’est là ce que Bruxelles fait à un pays frère, à un des siens**. Il ne reste plus le moindre brin de solidarité dans cette si mal nommée « Union ». Cette « Union » ne mérite pas d’exister.

 

« Aucune solidarité » est la marque distinctive de l’Europe. On la voit s’étaler partout sur la carte. Un autre exemple flagrant est son refus d’accorder l’asile aux réfugiés transméditerranéens victimes des guerres et des conflits suscités par Washington et mis en œuvre avec la totale complicité de l’Europe : Libye, Syrie, Soudan, Irak, Égypte, Somalie, Afrique Centrale, Yémen, et d’autres encore.

 

En Grèce, la troïka applique la stratégie des « objectifs inversés ». L’U.E. ne veut pas que la Grèce, ou tout autre membre, si économiquement faible soit-il, de l’Union quitte l’Eurozone. Une sortie de la Grèce (« Grexit » en pidgin. NDT) pourrait provoquer une réaction en chaîne. En menaçant la Grèce d’expulsion, ces braves gens la poussent à implorer leur pitié.

 

Au début de ces mois de « négociations » sans fin, Madame Lagarde, la Dame de Fer du FMI, le prototype de la marionnette des maîtres de Washington, a eu le culot de déclarer qu’elle voulait traiter « avec des adultes » un plan d’austérité « plus sérieux ». On ne saurait mieux incarner le suprématisme du FMI.

 

Il faut dire que c’est le FMI, bras armé du trésor US, qui mène le bal à Bruxelles. L’U.E., vassale exemplaire, danse comme le pipeau joue, en totale complicité idéologique. Un gouvernement socialiste, dans l’U.E., ne peut tout simplement pas être toléré, et ce d’autant moins que le pays loge, sur son sol, la base-clé de l’OTAN en Europe. Les Grecs sont pénalisés pour avoir eu l’audace d’élire un gouvernement socialiste. Comment osent-ils ! Le verdict ne s’est pas fait attendre.

 

Il est cependant très surprenant de voir avec quelle inflexibilité M. Tsipras et Syriza défendent l’idée de rester à tout prix dans l’Eurozone. Pourquoi diable ? Les jours de l’Euro, vieux d’à peine 15 ans, sont comptés. Qui ne se rappelle le temps heureux où nous avions nos propres monnaies nationales ? Avec l’arrivée de l’Euro, les Européens se sont retrouvés esclaves d’un système bancaire prédateur. L’Europe a abandonné sa souveraineté à un gang de mégamonstres bancaires, tous liés à Wall Street.

 

En réalité, la Banque Centrale Européenne (BCE) n’est pas une banque centrale du tout, mais un simple instrument de Wall Street. M. Draghi, le président de la BCE, est un ancien cadre de Goldman Sachs, ce qui signifie que Goldman Sachs dirige la politique monétaire et économique de l’Europe.

 

Reste ce mystère : pourquoi se suicider, pourquoi entraîner le suicide d’une nation entière en s’accrochant à tout prix à un bateau qui coule ? Car, oui, le système monétaire occidental, avec son économie rapace fondée sur le dollar, est condamné à mort. Ce n’est qu’une question de temps. Les mots fatidiques sont écrits sur le mur.

 

Est- ce que les Grecs qui croient encore à l’image volée en éclats du « glamoureux » euro savent cela ? Est-ce que le citoyen européen lambda se rend compte que l’épargne de toute sa vie peut se dissoudre du jour au lendemain dans l’air léger ?

 

La Commission Européenne vient d’édicter une loi qui donne aux banques le droit de voler – oui, de voler – l’argent qu’elles ont reçu en dépôt, si cela doit les sauver de l’effondrement. Cela s’appelle « bailing in » (renflouement de la dette par saisie d’actifs), par opposition à « bailing out » (plan de sauvetage par prêt-accroissement de la dette), qui a constitué le crime précédent – mineur – de voler l’argent des contribuables.

 

Le « bail-in » a déjà été expérimenté à Chypre : rappelez-vous comment, le 25 mars 2013, un essai de fonctionnement d’une nouvelle stratégie de sauvetage des too-big-to-fail (« trop gros pour faire faillite ») s’est déroulé à la face du monde à Chypre, où 50 % des dépôts bancaires ont été volés par les banques. Le reste de l’Europe s’est contenté de sourire moqueusement : voilà qui ne pourrait jamais nous arriver à nous. Ils ont même, avec dédain, appelé cette entourloupe « marge de sécurité ». Aucune solidarité alors, aucune solidarité aujourd’hui.

 

À partir d’août 2015, cette stratégie de duperie et de vol aura force de loi dans l’Eurozone. On dirait que pas un seul Européen n’en a conscience. Sinon, ce serait la ruée sur les banques. Ou peut-être les gens se bercent-ils de l’illusion que cela n’arrivera jamais. Cela arrivera. Ce n’est qu’une question de temps. Mais le jour où cela arrivera, il sera trop tard pour agir. C’est maintenant qu’il faut le faire. Un des moyens d’action consiste à sortir de l’Eurozone.

 

La Grèce a une occasion unique de sortir de la zone euro gracieusement, la tête haute,  en disant à la troïka, et en particulier au gang fratricide de Bruxelles, que, pour elle, honorer les engagements pris à l’égard du peuple grec est une priorité – plus d’austérité, plus de privatisation des services publics ni de la propriété publique, plus de fermetures d’hôpitaux – et que,  pour ces raisons honorables, la Grèce sort de la zone euro, ne capitule pas, ne capitulera jamais. Ce pas de la capitulation, c’est une décision sage qui conduira la Grèce vers un avenir différent, un avenir prospère.

 

Il y a deux manières de s’y prendre. La première serait de se déclarer en faillite à la fin de juin, dans l’incapacité où est le pays de rembourser les 1,6 milliards d’euros dus au FMI pour son plan de « sauvetage » mal-conçu. Cette illustre, mais criminelle institution a déjà déclaré le 25 juin qu’elle ne prolongerait pas d’un jour la date d’échéance du 30, car ce serait « contraire à sa politique ».

 

Faire faillite n’est pas un phénomène nouveau. C’est arrivé à bien des pays avant la Grèce : l’Argentine, la Bolivie, l’Equateur et, oui, l’Allemagne. Selon l’historien économique allemand Albrecht Ritschl, l’Allemagne s’est déclarée en cessation de paiement pas moins de trois fois au XXe siècle. La dernière fois, dans les années 1990. Il qualifie les faillites de l’Allemagne de « plus énormes défauts de paiements dans l’histoire de l’Europe ».

 

La dette grecque fait pâle figure, comparée aux faillites allemandes. Pourquoi personne ne semble-t-il s’en souvenir ? C’est simple : parce que les médias dominants, qui sont tous  vendus, se gardent bien d’en parler jamais.

 

Se déclarant incapable de rembourser sa dette, la Grèce déclarerait en même temps qu’elle sort de l’Eurozone, qu’elle reprend son autonomie monétaire et fiscale, et qu’elle revient à sa propre monnaie : la drachme. L’étape suivante consisterait à nationaliser et réguler les banques grecques, à réactiver la Banque Centrale Grecque en tant qu’institution souveraine apte à conduire sa propre politique monétaire et à se servir des autres banques pour faire redémarrer l’économie nationale ; elle consisterait ensuite à négocier sa dette de 360 milliards d’Euros avec ses créanciers – avec une drachme dévaluée – à ses propres conditions.

 

Une solution plus audacieuse, mais totalement légale – appelons-la le plan B – consisterait, pour la Banque Centrale Grecque souveraine à produire (électroniquement, comme le font toutes les banques y compris la BCE) sa propre monnaie : l’Euro. « Imprimer » sa propre monnaie est le droit souverain de toute nation. L’Euro est toujours la monnaie de la Grèce. Pour une banque, produire de l’argent, c’est produire de la dette. Dans ce cas, la Banque Centrale de Grèce produirait (créerait) une dette interne de 1,6 milliard d’euros pour rembourser le prêt du FMI à la fin du mois de juin : dette interne à traiter intérieurement, sans interférence extérieure. Il n’y a aucune règle de l’U.E. ou de la BCE qui interdise à une banque centrale de créer sa propre masse monétaire. Cela peut ne s’être jamais produit, mais ce n’est contraire à aucune règle. Ce serait un « coup de maître » probablement admiré par des tas de pays se débattant dans le même genre de situation.

 

En même temps, la Grèce déclarerait quitter l’Eurozone, revenir à la drachme, nationaliser et restructurer son système bancaire, lequel pourrait alors prêter de l’argent aux secteurs productifs et de services, dans le but de réorganiser rapidement son économie. C’est là une action légale et souveraine.

 

À Bruxelles, ils seraient sans doute furieux et sous le choc. Appelleraient-ils au boycott dans toute l’U.E. et même au-delà ? Peut-être. Et alors ? N’y a-t-il pas la Russie et la Chine et les autres pays des BRICS et de l’OCS (Organisation de Coopération de Shanghaï) qui pourraient « renflouer » la Grèce en lui procurant des biens de première nécessité ? Ces pays sont de ceux qui n’ont pas encore oublié la signification du mot « solidarité ». La Grèce pourrait très vite se retrouver entourée d’amigos, même d’Europe, d’amis qui pensent de la même manière et souhaitent agir de concert, mais qui n’ont simplement jamais osé.

 

Comme l’a dit récemment un des plus brillants économistes russes, Sergeï Glazyev, l’avenir de la Grèce est dans la diversité, y compris à l’Est ; il consiste à restaurer et à développer son économie en association avec la Russie et avec la Chine et d’être partie prenante dans la nouvelle Route de la Soie, une initiative chinoise de développement économique qui va s’étendre, depuis Shanghaï, à travers l’Asie Centrale et la Russie, et peut-être même l’Europe si et quand l’Europe se réveillera.

 

Ce système malsain et malade que dirige Washington a besoin d’une douche froide et d’une bonne gifle.

 

La Grèce, indéniablement, continuera à faire partie de l’Europe, mais elle pourrait bien aussi devenir la voie d’accès à une NOUVELLE Europe d’états souverains fédérés, pour lesquels la solidarité serait un principe d’union, une Europe découplée de l’hégémonie du dollar et arrachée aux crocs de l’Empire US en décomposition.

 

 

 

 

Par Peter Kœnig (informationclearinghouse.info) - Traduit par c. l. pour Les Grosses Orchades - reseauinternational.netle 30 juin 2015.


Notes : 

*C.-à-d. de privations conduisant à la perte du droit le plus élémentaire à la vie. NDT.

**Comme l’a expérimenté naguère la Yougoslavie. NDT.

 

Pendant presque toute sa carrière (trente ans) Peter Kœnig a travaillé pour la Banque Mondiale en qualité d’économiste et de spécialiste des ressources en eau. À ce titre, il a voyagé dans toutes les parties du monde. La plupart des scènes de son roman Implosion (voir ci-dessous) proviennent de sa propre expérience. Son épouse et lui vivent en Europe et en Amérique du Sud. Leurs deux filles et leur fils vivent en Suisse. On peut le joindre à l’adresse implosion.pk@rcn.com.


Koter Info's insight:


Vous aussi, participez au référendum grec du 5 juillet 2015, cliquez sur ce lien !


Vos prénom, nom et localité seront imprimés au dos d'une carte postale géante qui sera remise à l'ambassade de Grèce, au plus tard ce vendredi 3 juillet.


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Le maintien de la Grèce dans la zone euro coûtera 100 milliards d’euros

Le maintien de la Grèce dans la zone euro coûtera 100 milliards d’euros | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : sans-langue-de-bois.eklablog.fr


  

Le maintien de la Grèce dans la zone euro

coûtera 100 milliards d’euros

Par Bruno Colmant (*)

 

La dette publique grecque devra être rééchelonnéeC’est une évidence que seuls les économistes d’eau douce ne comprennent pas.

 

En effet, l’euro est une monnaie trop forte pour une économie qui est génétiquement faible, telle celle de la Grèce.

 

En temps normaux, la Grèce aurait dû s’acquitter d’un taux d’intérêt plus élevé (ou prime de risque) sur ses emprunts afin d’indemniser ses créanciers contre la dévaluation régulière de la Drachme.

 

L’entrée dans la zone euro de la Grèce constitua donc pour ce pays un effet d’aubaine unique, puisque cette prime de risque fut gommée. La Grèce put emprunter à des conditions allemandes dont elle « emprunta » le rating.

 

Mais aujourd’hui, la dévaluation de la Drachme ne peut être effectuée que par un abattement de sa dette publique, exprimée en euro.

 

La question est de savoir de quel pourcentage la dette grecque devrait être abattue ?

 

Ce pourcentage devrait correspondre à celui de la dévaluation de la Drachme par rapport à la monnaie unique si ce pays quittait la zone euro.

 

Sur base de différents textes (certes imprécis), on peut estimer ce pourcentage d’abattement à 50 %.

 

Ce sera le taux perte qui devra être absorbée par les créanciers de la Grèce, dont les pays européens sont les principaux, sur un capital de près de 200 milliards (sous une forme de prêts directs ou au travers d’un organisme de stabilisation) prêté à la Grèce.

 

Le maintien de la zone euro coûtera donc 200 milliards d’euros fois 50 %, soit 100 milliards d’euros aux autres États membres de la zone euro.

 

Le calcul est bien sûr simplifié et simpliste, mais son ordre de grandeur est intuitivement correct.

 

Il s’agit bien sûr d’une perte sèche pour les créanciers de la Grèce puisque les intérêts qu’ils auraient reçus en Drachmes auraient été largement supérieurs à ceux qu’ils reçoivent actuellement.

 

 

 

Par Bruno Colmant (*) - blogs.lecho.be – le 21 février 2015.

Source : http://blogs.lecho.be/colmant/2015/02/le-maintien-de-la-grèce-dans-la-zone-euro-coûtera-100-milliards-deuros.html



(*) Bruno Colmant est membre de l’Académie Royale de Belgique, Docteur en Économie Appliquée (ULB) et Master of Science de l’Université de Purdue (États-Unis). Il enseigne la finance appliquée et l’économie à la Solvay Business School (ULB), à la Louvain School of Management (UCL), à l’ICHEC, à la Vlerick Business School et à l’Université de Luxembourg. Sa carrière est à la croisée des secteurs privés, publics et académiques.


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Un défaut européen

Un défaut européen | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Illustration :

1) liste des remboursements de la Grèce jusqu’à la fin de 2015

2) évolution de la dette grecque

 

Un défaut européen

 

La probabilité d’un défaut de la Grèce sur sa dette souveraine apparaît aujourd’hui plus élevée que jamais. Depuis ces deux dernières semaines, il est pour la première fois explicitement évoqué par des responsables grecs. Ceci marque un changement dans le discours officiel du gouvernement.

 

En fait, si l’on regarde les remboursements à venir que la Grèce doit faire, il est clair que sans un accord avec les pays de l’Eurogroupe un défaut est inévitable.

 

 

Le Premier ministre grec, M. Alexis Tsipras a déclaré de manière récurrente qu’entre les paiements qui sont dus pour les salaires et les pensions et le remboursement des intérêts ou du principal de la dette, le gouvernement choisirait les premiers et non les seconds[1].

 

Il a récemment rappelé, devant une assemblée des cadres de son parti SYRIZA, que son gouvernement avait déjà fourni des efforts colossaux, mais qu’il n’était pas question de franchir les « lignes rouges » qui avaient été établies au début de la négociation, en février dernier. Quant au ministre des Finances, le charismatique Yannis Varoufakis, il a répété les mêmes choses, tout en ajoutant qu’il avait enregistré les négociations qui se sont tenues ces derniers jours lors du sommet européen de Riga[2]. Ce durcissement, apparent, du discours se comprend fort bien dès que l’on entre dans une logique de négociation. Le gouvernement grec s’est lié explicitement les mains avec les fameuses « lignes rouges », ce qui équivaut soit à user de la « coercive deficiency » comme on a déjà eu l’occasion de le dire[3], ou encore ceci s’apparente à l’attitude d’Ulysse se faisant attacher au mat de son navire pour entendre les sirènes alors que son équipage porte des bouchons de cire[4].

 

Mais, si le gouvernement grec fait état de progrès dans la négociation, il semble bien que du côté de l’Allemagne on ait une vision très différente des choses. Concrètement, la position du gouvernement grec s’apparente à celle-ci : « nous avons fait le maximum ; c’est à vous (les Européens) de faire votre part du travail, sinon nous irons au défaut ». En fait, il semble bien que l’on ait déjà dépassé le stade du « jeu » et que l’on cherche à savoir sur qui portera le blâme du défaut. Car, il faut ici comprendre que si techniquement le défaut n’entraîne pas automatiquement la sortie de la zone euro, en réalité, politiquement, il s’accompagnera d’une suspension du mécanisme d’approvisionnement en liquidités des banques grecques (ELA). Dans ces conditions, le gouvernement grec n’aura pas d’autres choix que de mettre en place une monnaie parallèle, qui deviendra rapidement la Drachme. Dans les faits, un défaut provoquera très probablement une sortie de l’Euro.

 

 

Le défaut est-il inévitable ?

 

Il faut comprendre que cette question d’un possible, et aujourd’hui probable, défaut de la Grèce n’est importante que parce qu’une large part de la dette grecque est détenue par la BCE et les différents fonds européens, qu’il s’agisse du FESF ou du MES. Sur un total de 315,5 milliards d’euros de dette, 141,8 milliards sont détenus par le FESF, 52,9 milliards dans des prêts bilatéraux avec les pays de la zone euro, 27 milliards sont détenus par la Banque Centrale Européenne et 25 milliards par le FMI.

 

Un défaut obligerait les pays qui ont contribué à ces fonds de les provisionner à hauteur du montant de la dette répudiée. En agitant la question du défaut, le gouvernement grec signifie à ces partenaires, mais qui sont aujourd’hui aussi ses adversaires, de l’Eurogroupe que ce sont eux, et non le peuple grec, qui subira la conséquence de leur inconséquence.

 

Car, sur ce point, il y a eu une profonde inconséquence de la part des pays de la Zone Euro. Quand il est devenu clair que la dette grecque s’apparentait à une pyramide financière, ce que l’on appelle un « système Ponzi », en 2010, ces pays auraient dû accepter que la Grèce fasse défaut sur une partie de sa dette. Mais, ceci fut refusé pour deux raisons.

 

La première était – et elle est toujours – une question de principe. La Zone Euro, pour l’appeler de son nom véritable l’Union Economique et Monétaire, prévoit que chaque pays est responsable, et lui seul, de ses finances publiques. On pourrait alors penser que cette responsabilité aurait pour conséquence de laisser un pays endetté faire défaut. Mais, cette solution a été interdite au nom du sauvetage de l’Euro. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel sont tombés d’accord pour considérer qu’il était impossible de tolérer un défaut dans la zone euro. Là se trouve la première inconséquence ; on construit une Union monétaire et une monnaie unique, et l’on refuse aux pays à la fois les ressources du fédéralisme et la possibilité d’un défaut. Cette inconséquence est primordiale.

 

Mais il y a une seconde raison. En fait, les dirigeants européens étaient tétanisés par le fait que des banques allemandes et françaises étaient largement engagées sur la dette grecque. S’ils ont refusé la possibilité d’un défaut, ce fut essentiellement pour éviter une nouvelle crise bancaire qui aurait révélé les inconséquences dans la gestion et dans la supervision de ces banques. Nous avons ici une deuxième inconséquence.

 

Refusant le défaut, les gouvernements de la zone euro ont mis sur pied un système complexe de refinancement de la Grèce dont les effets sur l’économie du pays se sont révélés catastrophiques. En fait, on demandait à la Grèce de supporter une dette de plus en plus importante alors que son économie se contractait.

 

Cette troisième inconséquence a provoqué la crise sociale gravissime que la Grèce connaît aujourd’hui, et qui a porté SYRIZA au pouvoir. Dans ses conditions, le choix proposé par Tsipras et Varoufakis, soit la dette grecque est pour partie annulée et pour partie restructurée sur le modèle de ce que l’on a consenti à l’Allemagne en 1953, soit il y aura un défaut de la Grèce était clair. Ici encore, et c’est la quatrième inconséquence, les pays de l’Eurogroupe n’ont pas voulu d’une solution « à l’allemande » sur le modèle de l’accord de 1953 avec ce pays. Ils devront très probablement affronter le défaut.

 

 

Défaut grec ou défaut européen ?

 

Un défaut n’est pas la fin du monde. Mais, ce défaut aura incontestablement des conséquences tant économiques que politiques importantes. Il va signer l’écroulement d’une grande partie de la politique de l’Union européenne, à la fois quant à ses méthodes que quant à ses objectifs. Il pourrait entraîner le début de la fin pour l’Euro.

 

En ce qui concerne les méthodes, la négociation avec la Grèce a été menée en dépit du bon sens ou, plus exactement en dépit du bon sens démocratique (ce qui, il faut en convenir, n’est pas tout à fait la même chose). On a cherché à discréditer, à menacer, voire à corrompre, les négociateurs grecs. Ces négociations se tiennent d’ailleurs dans la plus grande obscurité. On ne tient pas de minutes des déclarations des uns et des autres, et on laisse à la presse le soin de réaliser des « fuites » dont le contenu est incontrôlable en l’absence justement de ces minutes. Yannis Varoufakis l’a très bien dit sur son blog, reconnaissant qu’il enregistrait les négociations pour que l’on sache un jour à quoi s’en tenir quant au comportement des uns et des autres : « Et peut-être devrions-nous questionner les institutions européennes dans lesquelles des décisions d’une importance fondamentale sont prises, au nom des citoyens européens, mais dont les minutes ne sont ni prises ni publiées.

Le secret et une presse crédule ne sont pas de bons augures pour la démocratie européenn» [5].

 

Quand on sait que Varoufakis est en réalité un défenseur du projet européen, il faut comprendre, et il faut entendre, l’ampleur et la portée de sa critique. Effectivement, c’est la démocratie européenne, non pas en tant que principe (déjà bien malade depuis 2005 et le refus de prendre en compte les référendums tant français que néerlandais), mais en tant que système de règles opérationnelles et devant assurer la responsabilité des acteurs pour leurs actes, qui est aujourd’hui absente. On sait bien que sans responsabilité il n’y a plus de démocratie. Ce que dit Varoufakis c’est que l’Union européenne n’est plus, dans son fonctionnement quotidien un système démocratique.

 

Mais, l’échec touche aussi les objectifs de l’Union européenne. Dans le cas de la Grèce, officiellement on prétend vouloir garder le pays dans la zone euro. Mais, dans les faits, et pour des raisons diverses, on voit émerger une préférence pour l’austérité qui emporte tout sur son passage. La position de la Grèce a été soutenue par de nombreux économistes, et même le FMI a considéré que sur un certain nombre de points le gouvernement grec avait raison. Mais, rien n’y fait. Tout se passe comme si le gouvernement allemand, aidé on doit le dire du gouvernement français qui se comporte – hélas – sur ce point comme le plus complaisant vassal, comme le plus bas des laquais, voulait à tout prix imposer à TOUS les pays de la zone euro l’austérité mortifère qui est sa politique. Et on peut comprendre que des concessions à la Grèce entraîneraient immédiatement des demandes de l’Espagne.

 

Dans ce dernier pays Podemos, le parti issu du mouvement des indignés a remporté ce dimanche 24 mai de belles victoires et cela fragilise d’autant la position du Premier ministre espagnol, Rajoy. Mais, ceci est vrai aussi du Portugal et de l’Italie. Des concessions à la Grèce seraient le début d’une mise en cause générale de l’austérité, ce dont le gouvernement allemand ne veut sous aucun prétexte. À la fois pour des raisons idéologiques, mais aussi pour des raisons bien plus matérielles.

 

 

La banqueroute de l’Union européenne

 

Ce qui se profile donc à l’horizon n’est pas un défaut grec, ou plus exactement pas seulement un défaut grec. Nous assistons à la banqueroute de l’idéologie européiste, mais aussi de l’Union européenne. À travers le défaut grec, c’est une mise en défaut de la politique de l’Union européenne, prise en otage par l’Allemagne, que nous assisterons. Ce défaut sera donc un défaut européen, car il signera la fin d’une certaine idée de l’Union européenne et ouvrira une crise profonde et durable en Europe. Les institutions européennes seront atteintes dans leur légitimité. Ce défaut sera la base de la révolution qui vient.

 

 

 

 

Par Jacques Sapir (*)  (Carnet Russeurope) - agenceinfolibre.fr – le 25 mai 2015-05-29

 

(*) Jacques Sapir : Diplômé de l’IEPP en 1976, a soutenu un Doctorat de 3e cycle sur l’organisation du travail en URSS entre 1920 et 1940 (EHESS, 1980) puis un Doctorat d’État en économie, consacré aux cycles d’investissements dans l’économie soviétique (Paris-X, 1986).

A enseigné la macroéconomie et l’économie financière à l’Université de Paris-X Nanterre de 1982 à 1990, et à l’ENSAE (1989-1996) avant d’entrer à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales en 1990. Il y est Directeur d’Études depuis 1996 et dirige le Centre d’Études des Modes d’Industrialisation (CEMI-EHESS). Il a aussi enseigné en Russie au Haut Collège d’Économie (1993-2000) et à l’École d’Économie de Moscou depuis 2005.

Il dirige le groupe de recherche IRSES à la FMSH, et co-organise avec l’Institut de Prévision de l’Economie Nationale (IPEN-ASR) le séminaire Franco-Russe sur les problèmes financiers et monétaires du développement de la Russie.

 

 

Notes :

[1] Tugwell P., « Tsipras Says He Won’t Cross Red Lines in Talks With Creditors », Bloomberg International, 15 mai 2015, http://www.bloomberg.com/news/articles/2015-05-15/tsipras-says-he-won-t-cross-red-lines-in-talks-with-creditors

[2] Varoufakis Y., « The Truth about Riga », posté le 24 mai 2015 sur son blog, http://yanisvaroufakis.eu/2015/05/24/the-truth-about-riga/

[3] Sapir J., « Greece’s brinkmanship », note publiée sur Russeurope, le 4 février 2015, http://russeurope.hypotheses.org/3395

[4] Elster J., Ulysses and the Sirens
Studies in Rationality and Irrationality, Cambridge University Press, Cambridge, 1985.

[5] http://yanisvaroufakis.eu/2015/05/24/the-truth-about-riga/

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