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Pour la PAIX - Mobilisons-nous !

 Par Pierre Laurent

 

« Aujourd’hui, l’affirmation de la paix est

le plus grand des combats »

 

Ces mots prononcés par Jean Jaurès en janvier 1914 résonnent en nous avec intensité. Ces mots résonnent en nous, parce que nous voici nous aussi à un moment d’une extrême gravité.

 

Comme vous, je suis inquiet et révolté. Inquiet de voir la violence, la guerre se développer et se répandre à travers le monde particulièrement dans les pays où les peuples vivent déjà dans la misère et l’humiliation ; et je suis révolté de voir les dirigeants des premières puissances mondiales, les mêmes qui nous parlent depuis 20 ans de « lutte contre le terrorisme », employer toujours les mêmes méthodes, à commencer par les interventions militaires, pour un résultat qui n’est pas seulement nul au regard de leurs propres objectifs mais qui empire toujours la situation.

 

Ces dirigeants qui s’entendent si bien pour régler l’ordre du monde à la place de tous, pour soutenir tous les dictateurs possibles de Saddam Hussein à Ben Ali, en passant par Bachar Al-Assad jusqu’à ce qu’ils ne leur servent plus, fondent les points de croissance de nos pays, non sur les salaires et le pouvoir d’achat de nos peuples ou la réindustrialisation, mais sur le commerce des armes et le contrôle des ressources pétrolières ou gazières, et des richesses naturelles de continents entiers comme c’est le cas en Afrique dont les pays, à cause de décennies d’ajustements structurels, n’ont même pas les moyens de traiter l’épidémie d’Ebola – et avec lesquels notre solidarité doit se manifester plus que jamais.

 

La guerre, toujours la guerre comme unique solution – pourtant, détruire ce qui est déjà détruit ne permet pas de construire quoi que ce soit.

 

Oui, le commerce des armes, c’est Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, qui s’en félicite le 9 septembre, avec un incroyable cynisme « Ne boudons pas notre plaisir : les résultats de 2013 sont en forte hausse, et ce en dépit d’une très rude concurrence internationale, et la tendance au recul des dépenses militaires des États occidentaux, qui orientent à la baisse le marché de l’exportation de Défense. La France grâce à notre mobilisation collective a obtenu des résultats meilleurs encore qu’en 2012. En un an, les exportations d’armement ont réalisé un bond de près de 43 %, avec un total de 6,87 milliards d’euros de prises de commandes en 2013. Ces résultats, qui sont exceptionnels au regard de ces dernières années, mais surtout prometteurs, permettent à la France de figurer parmi les cinq premiers exportateurs mondiaux de matériels de défense, aux côtés des États-Unis, du Royaume-Uni, de la Russie et d’Israël. »

 

« Sans les exportations d’armement, précise-t-il, le déficit commercial de la France, sur la période 2008-2013, aurait été de 5 à 8 points plus élevé chaque année. » Et peu importe que ce commerce alimente les répressions, les crimes de guerre, les trafics d’armes, les guerres privées ou le mercenariat que notre gouvernement prétend combattre avec sa politique étrangère et de défense.

 

Car ces ventes d’armes si profitables financièrement en 2013, où et à qui ont-elles servi ? Quelle menace terroriste ont-elles endigué ? Certaines vendues à la Turquie d’Erdogan ont servi à réprimer les manifestants de la place Taksim faisant 6 morts et plus de 4 000 blessés. D’autres sont allés en Tunisie sous le gouvernement d’Ennahda. D’autres encore en Israël pour, à lui seul, un total de plus de 35 millions d’euros… ont sans nul doute servi lors des bombardements et l’offensive terrestre israélienne qui a fait plus de 2 000 morts palestiniens et plus de 12 000 blessés l’été dernier.

 

Non, pour ce gouvernement, les ventes d’armement participent à regonfler la balance du commerce extérieur, alors « continuons… » Et, on nous dit aussi : « Pour contenir la menace terroriste qui se répand, nous devons intervenir militairement ».

 

Mais d’où sortent ces forces obscures comme l’État islamique qui décime un peuple entier ? Elles ne sortent pas de nulle part. N’ont-ils rien retenu, nos dirigeants, des interventions en Afghanistan, en Irak, en Libye ? Lequel d’entre eux aura l’honnêteté d’avouer qu’elles ont été des désastres enfonçant les peuples dans l’humiliation et la misère ?

 

Lequel d’entre eux cessera cette hypocrisie de salon et reconnaîtra qu’ils ont joué délibérément avec le feu en en faisant des alliés de circonstances, en laissant des puissances régionales leur fournir des armes et des hommes, en contribuant à faire tomber en déliquescence des États entiers comme en Irak, en Libye ou au Mali, en attisant le confessionnalisme et le communautarisme, en laissant la misère et l’humiliation grandir.

 

Et maintenant que suggèrent-ils ces stratèges émérites ? De recommencer !


Oui, le monde est dangereux, car il est profondément inégalitaire, et que les fanatiques se nourrissent d’abord de cela : de la misère, de l’injustice, des inégalités et de leur cortège d’humiliations. Ils profitent du vide laissé par des États défaillants, corrompus, et des blessures de sociétés fragmentées et divisées par les haines religieuses ou raciales.

 

Ceux qui au lendemain des attentats du 11-septembre ont parlé d’un soi-disant « choc des civilisations » ont en fait tout mis en œuvre pour le créer. Se dire « occidental » aujourd’hui pour un pays comme la France ce n’est pas seulement se penser et se vouloir supérieur, ce qui est déjà grave, mais c’est avoir plusieurs siècles de retard, c’est rester englué dans l’esprit colonial. La France, ce n’est pas ça. C’est celle de l’internationalisme, des libertés, des droits, de l’égalité et de la fraternité entre tous les peuples du monde.

 

Ma conviction, et celle de millions de femmes et d’hommes de progrès et de démocrates en France, en Europe et dans le monde, est que nous devons mettre une ardeur inégalée à unir nos forces et nos voix pour enrayer cette folle mécanique.

 

Le capitalisme mondial et financiarisé, et sa crise historique, profonde, inédite entraînent les peuples du monde vers de plus grandes souffrances – et ceux qui veulent instaurer des régimes théocratiques dignes du Moyen-Age ne cherchent rien d’autre qu’à entraîner les peuples et le monde en arrière : dans ces pays, il y a des forces progressistes et démocratiques qui résistent et qui ont besoin de notre solidarité.

 

Si les États-Unis demeurent la première puissance mondiale, s’ils imposent à tous leur diktat dans la marche du monde et sur la logique qui prévaut aux relations internationales, avec la complicité de dirigeants qui comme en France démissionnent de l’indépendance et de la souveraineté de nos nations, les États-Unis sont en réalité désormais incapables de maîtriser le cours des événements. Ils sont dépassés par les monstres qu’ils ont eux-mêmes contribué à créer pour diviser et affaiblir des sociétés entières.

 

Ce monde est dangereux parce qu’il n’est pas démocratique, parce que les relations internationales ne se déroulent pas sur un pied d’égalité : il y a les puissants en perte de vitesse, peu nombreux (le club du g7 ou la bande du g20), et le reste du monde, la majorité, qui devrait accepter cette hiérarchie.

 

La Guerre froide terminée, l’OTAN ne devrait même plus exister. Cette organisation politique et militaire est un anachronisme qui n’a aucune légitimité au regard des conventions et du droit international, et de la Charte des Nations unies et qui, comme on le voit, dans la crise ukrainienne attise le feu.

 

Non vraiment, il n’y a aucun espoir du côté de l’OTAN dont tous les membres sont réduits à des vassaux des États-Unis. La France n’a rien à faire, n’a rien à gagner dans cette alliance qui la prive de son indépendance politique et diplomatique, et qui l’entraîne sur tous les sentiers de la guerre.

 

À chaque fois, la réponse est militaire, strictement militaire, alors qu’à chaque fois, ces situations de violence et de destruction se sont installées en plusieurs années et qu’il était possible de faire d’autres choix, d’autres politiques fondées sur le développement, la coopération et la solidarité avec pour objectif l’éradication de la pauvreté, et la sécurité dans tous les domaines : santé, éducation, habitat, emploi et la lutte contre les trafics…

 

Oui « l’affirmation de la paix » est aujourd’hui « le plus grand des combats », car tout est fait pour empêcher les peuples de l’espérer et de la construire. Tout au contraire est facteur de division. On nous dit qu’un « monde sans leader » ne peut pas fonctionner et qu’à tout prendre, il faut accepter qu’il y ait un chef, que ce soit les États-Unis et leurs alliés dans l’OTAN.

 

Il ne faut pas nous laisser impressionner : un monde sans chef ne veut pas dire un monde sans loi ni droit. Ce dont nos peuples ont besoin c’est d’égalité et d’égalité devant le droit international comme d’égalité dans le droit au développement, de partage des ressources et des richesses, de démocratie.

 

 

 

Par Pierre Laurent - partage-le.com – le 21 janvier 2015