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Le nouvel État fantoche de Bruxelles dans les Balkans : Vojvodine

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Le nouvel État fantoche de Bruxelles

dans les Balkans : Vojvodine

Par Wayne MADSEN (*)

 

Si l’Union Européenne et l’OTAN parviennent à leurs fins, la province serbe de Vojvodine va fusionner avec le Kosovo. Pour mémoire, le Kosovo avait été arraché par l’Union Européenne et l’OTAN à la Serbie pour constituer un État ethnique albanais dirigé par l’organisation terroriste appelée Armée de Libération du Kosovo (ALK). Vojvodine s’annonce d’ores et déjà comme le prochain État indépendant fantoche des Balkans.

 

Après avoir assisté à la création de toutes pièces de la province du Kosovo par les troupes de l’OTAN à la suite de machinations de l’Union Européenne, la Serbie est aujourd’hui sur le point de perdre la province de Vojvodine, dans le fertile bassin du Danube, pour le compte des manipulateurs de frontières de Bruxelles. Si l’on se fie aux derniers commentaires de l’ancienne sous-secrétaire générale de l’OTAN en charge de la diplomatie et présidente croate nouvellement élue Kolinda Grabar-Kitarovic, la Croatie sera le prochain rempart mis en place par l’OTAN, qui prévoit de retirer le contrôle de Vojvodine à la Serbie.

 

But de l’opération : en faire une « terre d’accueil » indépendante, pluriethnique et multilingue, pour les Hongrois, les Roms, les Slovaques, les Croates, les Roumains ainsi que des réfugiés albanais amenés récemment en bus dans la région par l’UE depuis le sud de l’ancienne Yougoslavie.

 

Les médias financés par Soros et les ONG parlent d’ores et déjà de Vojvodine comme le « Kosovo hongrois », même si la population de la province est constituée à 66 % de Serbes. Comptant 25 groupes ethniques, Vojvodine est la région qui présente la plus grande diversité ethnique d’Europe. Pour les planificateurs de guerres de l’OTAN et les spécialistes de l’ingénierie démographique de Soros, Vojvodine offre un terrain fertile pour les conflits ethniques et la poursuite de la « balkanisation des Balkans ».


Les Hongrois ne représentent que 13 % de la population, les Croates 2,7 % et les Slovaques 2,6 %. Soros et les manipulateurs des médias néoconservateurs ont appelé à ce que Vojvodine devienne une terre d’accueil pour le peuple (« gitan ») rom. Pourtant, les Roms ne représentent que 2,1 % de la population. Les projets irrédentistes roumains concernant Vojvodine sont risibles quand on sait que les Roumains n’y représentent que 1,3 % de la population. Les Bunjevci (proches des Croates) et les Ruthènes, quant à eux, n’en représentent qu’une partie infime.

 

Après l’avoir emporté – sur le fil du rasoir par 50 à 49 %, résultat « arrangé » par George Soros selon certains – sur le président sortant Ivo Josipovic, Grabar-Kitarovic n’a pas perdu de temps et s’est empressée de jeter le gant à la Serbie dans son discours de victoire.

 

Elle s’est déclarée disposée à se battre pour l’autonomie des Croates de Vojvodine, message codé signifiant son soutien à la sécession de cette région de la Serbie. Kolinda Grabar-Kitarovic a également annoncé son intention de restaurer d’étroites relations avec l’Allemagne. Ce n’est pas une surprise pour qui connait les liens historiques qui unissent son parti, l’Union Démocratique Croate (HDZ) aux oustachis nazis croates, qui avaient mis en place un gouvernement fantoche inféodé au Troisième Reich.

 

L’irrédentisme de Grabar-Kitarovic concernant les Croates de Vojvodine, en particulier de la majorité croate du district de Srem, mais également d’Herzégovine, constitue ce qu’on pourrait qualifier dans la Croatie d’aujourd’hui de « néo-oustachisme », autrement dit, un nationalisme extrême.

 

Grabar-Kitarovic n’a également guère apprécié la décision prise récemment par le Tribunal international de La Haye, qui a rejeté l’accusation de la Croatie selon laquelle la Serbie aurait commis un génocide pendant la guerre de 1991-1995 entre la Croatie et l’ex-République Fédérale de Yougoslavie, alors dominée par la Serbie. Le Tribunal international a également rejeté la demande reconventionnelle de la Serbie à l’encontre de la Croatie, suscitée par les accusations de génocide par les forces croates, soutenues par des mercenaires étatsuniens lors de l’Opération Tempête. La guerre éclair des forces croates et de leurs conseillers étatsuniens contre la République Serbe de Krajina, dans l’est de la Croatie, visait à l’épuration ethnique de la population serbe.

 

Pour donner un autre exemple des liens étroits entre le néonazisme et le sionisme, le conseiller politique de la présidente Grabar-Kitarovic, et chef de l’équipe de transition, n’est autre que la cinéaste documentaire Jadranka Juresko Kero. Elle aussi a été implantée par les États-Unis dans les structures de gouvernance de l’Europe de l’Est, et soutient avec acharnement Israël et la cause sioniste.

 

Juresko Kero réside dans l’Upper East Side de Manhattan depuis 1999. Elle est mariée à Domagoj Kero, ancien consul général de Croatie à New York. On sait que si le HDZ l’emporte aux prochaines élections parlementaires, Grabar-Kitarovic souhaite que Juresko Kero soit son Premier ministre. Le pays serait alors gouverné par un duo féminin. Lorsqu’elle était ambassadrice aux États-Unis, Grabar-Kitarovic a favorisé des accords commerciaux entre la grande société de produits alimentaires croate Podravka et les distributeurs étatsuniens, entre autres, de goulache de bœuf et de terrine de poulet. Le hasard faisant bien les choses, la branche nord-américaine de Podravka est justement dirigée par le mari de Juresko Kero, Domagoj Kero.

 

Grabar-Kitarovic et ses alliés néoconservateurs répandent en Vojvodine, avec une insistance croissante, l’idée que la région n’a jamais été serbe, mais qu’avant la Première Guerre mondiale elle faisait partie de l’Empire austro-hongrois. Répétant le scénario de l’Ukraine orientale après le coup d’État fomenté conjointement par les néonazis et les sionistes contre le gouvernement élu démocratiquement de Viktor Ianoukovitch, la langue serbo-croate et l’alphabet cyrillique se voient aujourd’hui éclipsés en Vojvodine, les non-Serbes cherchant à réestampiller la province comme nation germano-hongroise utilisant l’alphabet latin.

 

Les séparatistes bénéficient du soutien non dissimulé du Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban et du nouveau président roumain, issu d’une ethnie allemande, Klaus Iohannis.

 

De toute évidence, Vojvodine est la prochaine cible de l’alliance néoconservatrice de George Soros. L’Union Européenne transfère actuellement des Albanais du Kosovo, de Macédoine et du Monténégro en Vojvodine.

 

En arrivant à Novi Sad, principale ville de Vojvodine, les interlocuteurs de l’UE donnent 35 euros aux Albanais pour se disperser dans la province et y revendiquer le droit de résidence permanente. Selon le dernier recensement effectué en Vojvodine, le nombre de musulmans s’élevait à 3 360. Toutefois, la transplantation d’Albanais musulmans issus d’autres régions de l’ex-Yougoslavie par l’UE vise clairement à alimenter une rébellion pour l’indépendance, à l’instar de ce qui s’est passé au Kosovo.

 

En Vojvodine, toutes les organisations de Soros et néoconservatrices se montrent extrêmement actives. On y trouve notamment le National Endowment for Democracy et l’Open Society Institute de Soros. Boja Pajtić, président du gouvernement provincial de Vojvodine, qui parle couramment le hongrois et l’anglais, est comme un poisson dans l’eau au milieu des agents des ONG financées par Soros et la CIA dans la province.

 

Ces mêmes agents coopèrent étroitement avec la sous-secrétaire d’État en charge des affaires européennes Victoria Nuland, celle-là même qui a guidé Grabar-Kitarovic vers la victoire en Croatie et se tient prête à lancer les provocateurs professionnels arrivés récemment de Roumanie, de Hongrie, d’Albanie et des camps roms des Balkans dans une guerre d’indépendance pour Vojvodine.

 

Si le scénario est inspiré de l’Ukraine, on a tout lieu de penser que ce que Nuland et ses néoconservateurs ont en tête pour Vojvodine sera de chasser les Serbes, afin de disposer d’un pays accueillant pour les sociétés pétrolières et gazières occidentales désireuses d’exploiter les réserves d’hydrocarbures dans le secteur de Banat, dans la partie orientale de Vojvodine.

 

La Serbie a été amputée du Kosovo pour permettre à un pipeline de traverser les Balkans et offrir aux États-Unis une base militaire permanente, Camp Bondsteel. Aujourd’hui, l’indépendance de Vojvodine offrira à l’OTAN un approvisionnement stable en pétrole et en gaz naturel de Banat, et la vallée fertile du Danube pour la production d’aliments génétiquement modifiés. À l’instar de l’Ukraine, le complexe militaro-industriel occidental s’intéresse à Vojvodine pour extraire des hydrocarbures par fracturation hydraulique et confier l’agriculture à Monsanto.

 

Ce qui se déroule à Vojvodine n’est rien d’autre que de l’ingénierie démographique. On s’efforce de marginaliser la population serbe de Vojvodine en procédant de la même manière qu’avec les Serbes résidant auparavant dans les enclaves Zubin Potok, Zvečan, Kosovska Mitrovica et Leposavić, dans le nord du Kosovo, mais que l’UE s’est empressée d’oublier pour déclarer le Kosovo comme État albanais indépendant.

 

Aujourd’hui, l’OTAN et d’autres provocateurs occidentaux ont amené les villes ukrainiennes de Lougansk, Donetsk et Marioupol à figurer en première page des quotidiens au titre de zones de tuerie. Si des forcenées néoconservatrices telles que Grabar-Kitarovic, Juresko Kero et Nuland parviennent à leurs fins, les bains de sang de demain porteront le nom de villes situées sur les zones de fracture ethnique de Vojvodine, telles que Novi Sad, Sremska Mitrovica, Kanjuza et Subotica.

 

 

 

Par Wayne MADSEN (*) - traduit par Gilles Chertier pour Réseau International

 

Source :

http://m.strategic-culture.org/news/2015/02/15/brussels-next-balkans-ersatz-state-vojvodina.html

 

(*)Wayne Madsen : ancien contractant de la National Security Agency (NSA), devenu journaliste spécialisé sur le renseignement électronique, puis sur le renseignement en général. Il a notamment été chef de rubrique de la revue française Intelligence Online jusqu’à son rachat par Le Monde. Il publie le Wayne Madsen Report et intervient régulièrement sur la chaîne satellitaire Russia Today. (Source : voltairenet.org)


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La « politique-Système » des USA en Ukraine mise à nu

La « politique-Système » des USA en Ukraine mise à nu | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Source de la carte : mondialisation.ca

 

La « politique-Système » des USA en Ukraine mise à nu

 

Le 22 décembre 2014, nous présentions des extraits d’une interview de George Friedman, de Stratfor, au quotidien russe Kommersant. Nous observions aussitôt, en fonction des extraits qui étaient présentés (l’interview initiale est en russe) qu’il s’agissait d’un événement sensationnel, puisqu’on pouvait interpréter l’intervention de Friedman quasiment comme la première reconnaissance quasi officielle de l’action offensive et subversive des USA en Ukraine, contre toute la narrative du bloc BAO (NDLGazette : bloc BAO = bloc américaniste-occidentaliste) à cet égard.

 

Depuis, les paroles de Friedman sont devenues une référence quasi obligée de ceux qui veulent montrer la vérité de la situation en Ukraine à la lumière des responsabilités originelles, et principalement l’action putschiste des USA en février 2014.

Nous commentions les extraits des déclarations de Friedman dont nous disposions de cette façon  :

 

«[...L] a déclaration de Friedman est importante, parce que Friedman, vu sa position, vu le statut quasi-officiel de Stratfor comme société agissant pour la communauté de sécurité nationale aux USA, s’exprime avec autant de crédit de communication qu’un « officiel » de l’administration (disons qu’on pourrait le désigner comme un « officiel » — officieux). Dans ce cas, il s’agit bien à notre connaissance d’une véritable première dans le champ de la communication, pour le domaine de la manigance politique du moment ; c’est la première fois qu’un « officiel » de Washington décrit sans ambiguïté, et même avec un brin de provocation, le changement de gouvernement à Kiev comme un « coup », et ce « coup » comme une intrigue totalement machinée par Washington...»

 

Russia Insider a eu l’excellente idée de reprendre l’entièreté de l’interview de Friedman à Kommersant et de le traduire en anglais. (Voir RI, le 20 janvier 2015, traduction en anglais de Paul R. Grenier, de US-Russia.org.) Nous-mêmes avons décidé de traduire cette version anglaise en français, car elle nous a paru particulièrement importante :

 

1) d’abord par les vérités indubitables qu’elle établit sur les responsabilités fondamentales de la crise ukrainienne ; ensuite,

 

 2) parce qu’elle développe une conception géostratégique qui est celle de l’establishment US, et du Système lui-même à la lumière de l’« idéal de puissance », avec son impeccable logique interne, mais aussi et surtout avec ses distorsions fondamentales de conception et de vision du monde (y compris celle qui est attribuée à la Russie).

 

Tout cela explique la marche des événements vers l’inéluctabilité d’une crise majeure, sinon finale, dont la responsabilité sera tout entière celle des USA, c’est-à-dire celle du Système. Pas de surprise, certes, mais il est bon d’en avoir la documentation quasi officielle et abondante.

 

Voici pour l’instant la traduction de la première partie de l’interview, décrivant la logique stratégique (et historique) des USA menant à leur action en Ukraine, et l’action US en Ukraine qui porte l’entièreté de la responsabilité de l’évolution de la crise ukrainienne (qui avait déjà commencé dès novembre 2013) dans sa phase catastrophique commencée en février 2014. (On notera que, dans cette interview, Friedman affirme non seulement que le putsch de février 2014 fut complètement monté par les USA, mais il détaille la pénétration subversive en Ukraine dans ce but, depuis plusieurs années, par divers moyens de financement d’influence présentés comme tels. Friedman ne dissimule pas non plus d’autres réalités historiques qui n’ont pas leur place dans la narrative officielle-BAO : 

la reconnaissance que l’URSS fut la véritable puissance victorieuse de l’Allemagne nazie ; le cas de la Yougoslavie et du Kosovo comme premier redécoupage des frontières dans l’Europe de l’après-Guerre froide, ce qui réduit à néant la principale accusation faite contre le rattachement de la Crimée à la Russie d’être justement le premier cas d’un tel acte dénoncé comme absolument illégal et déstabilisateur.)



***

 

Kommersant : « Dans vos analyses, vous vous référez à la fragmentation de l’Europe. Comment se manifeste cette fragmentation ? »

 

George Friedman : « Durant la Guerre froide, les frontières en Europe ont été préservées. Il était entendu que, si l’on changeait quelque chose, une déstabilisation s’ensuivait. Une fois la Guerre froide terminée, le bouleversement des frontières a commencé avec la Yougoslavie. Ensuite, il y a eu les changements de facto dans les frontières des pays du Caucase. Très récemment, 45 % des Écossais ont voté pour l’indépendance. Les Catalans veulent aussi leur indépendance. »

 

Dans le contexte de ce mouvement de fond, je ne pense pas que la situation ukrainienne (où une partie du pays est attirée par un rapprochement avec l’UE tandis que l’autre veut être proche de la Russie) est unique. La situation ukrainienne prend parfaitement sa place dans les tendances centrifuges que nous avons observées en Europe depuis un certain temps. Bien entendu et jusqu’à récemment, personne ne pensait à la question des rapports entre l’Angleterre et l’Écosse, qui semblait être réglée depuis 300 ans, et qui est réapparue de façon si soudaine et urgente. En d’autres mots, la crise ukrainienne, si elle est connectée avec la situation russe, est aussi une partie d’un processus qui marque la crise européenne elle-même. »

 

Kommersant : « Les politiciens européens disent que ce qui a causé la déstabilisation de l’Europe c’est l’action de la Russie en Ukraine. »

 

George Friedman : « Les Européens sont très fiers de ce qu’ils nomment leur « exceptionnalité ». Cela implique qu’ils se sont débarrassés de toute menace de guerre interne, depuis au moins un demi-siècle, et qu’ils ont vécu dans un monde de stabilité et de prospérité. Mais jusqu’aux années 1990, l’Europe a vécu, en fait, sous l’occupation conjointe des USA et de l’URSS. Et puis, il y a eu la Yougoslavie, et puis le Caucase. Le continent européen n’a jamais été complètement pacifié. »

 

Kommersant : « Mais les officiels US, aussi bien que les directions des États membres de l’UE, ont justifié leur politique très dure contre la Russie par le fait que, avec l’annexion de la Crimée, la Russie a « redessiné des frontières par la force » depuis la Seconde Guerre mondiale. »

 

George Friedman : « Les Américains savent que c’est un non-sens. Le premier exemple de changement des frontières par la force a été la Yougoslavie. Et le Kosovo fut seulement l’achèvement du processus. Et les USA sont directement impliqués dans ce processus. »

 

Kommersant : « Quel est le but de la politique US pour ce qui concerne l’Ukraine ? »

 

George Friedman : « Durant les cent dernières années, les Américains ont poursuivi avec constance une politique étrangère très consistante : empêcher quelque nation que ce soit de constituer une trop grande puissance en Europe. D’abord, les USA ont cherché à empêcher l’Allemagne de dominer l’Europe, ensuite ils ont cherché à limiter l’influence de l’URSS.

 

« L’essence de cette politique est ceci : maintenir aussi longtemps que possible un certain rapport de forces en Europe [qui les avantage], en aidant les partis les plus faibles, et lorsque le rapport de forces existant était [ou est] sur le point d’être modifiée, – en intervenant au dernier moment. Ce fut le cas durant la Première Guerre mondiale, lorsque les USA intervinrent seulement après l’abdication du tsar Nicolas II en 1917 pour éviter que l’Allemagne s’affirmât d’une façon prééminente. Durant la Deuxième Guerre mondiale, les USA ouvrirent un second front très tardivement (en juin 1944), après qu’il fût devenu évident que les Russes allaient l’emporter sur les Allemands.

 

» Par-dessus tout, l’alliance potentiellement la plus dangereuse, selon le point de vue des USA, a toujours été une alliance entre la Russie et l’Allemagne. Cela serait une alliance entre la technologie et le capital allemands avec les ressources naturelles et humaines de la Russie. »

 

Kommersant : « Aujourd’hui, que croyez-vous que les USA tentent de contenir ? »

 

George Friedman : « Aujourd’hui, les USA cherchent à bloquer l’émergence d’un ensemble d’hégémonies régionales potentielles : la Serbie, l’Iran, l’Irak. En même temps, les USA utilisent des attaques de diversion. Par exemple, dans une bataille, quand l’ennemi est sur le point de parvenir à une victoire, vous le frappez de façon à déstabiliser son avantage. Les USA ne cherchent pas à « vaincre » la Serbie, l’Iran ou l’Irak, mais ils cherchent à créer le chaos dans ces zones pour empêcher ces pays de devenir trop forts. »

 

Kommersant : « Et pour ce qui est de la Russie, quelle tactique utilisent-ils ? »

 

George Friedman : « La fragmentation de l’Europe est accompagnée par l’affaiblissement de l’OTAN. Les pays européens n’ont pratiquement par de réelles armées qui leur sont propres. Dans l’alliance, seuls les USA sont puissants en termes militaires. Dans le cadre de l’affaiblissement de l’Europe, la puissance relative de la Russie a considérablement grandi.»


L’impératif stratégique de la Russie est d’établir une zone de sécurité la plus profonde possible sur ses frontières occidentales. Par conséquent, la Russie a toujours été particulièrement sensible à ses relations avec la Biélorussie, l’Ukraine, les pays baltes et les autres pays d’Europe de l’Est. Ils sont d’une très grande importance pour la sécurité nationale de la Russie.»


Au début de cette année [2014], il existait en Ukraine un gouvernement assez prorusse, mais très faible. Cette situation convenait parfaitement à la Russie : après tout, la Russie ne voulait pas contrôler complètement l’Ukraine ni l’occuper ; il était suffisant pour elle que l’Ukraine ne rejoignît ni l’OTAN ni l’UE. Les autorités russes ne peuvent tolérer une situation où des forces militaires occidentales seraient stationnées à une centaine de kilomètres de Koursk ou de Voronezh. »

 

Les USA, pour leur part, étaient intéressés par la formation d’un gouvernement pro-occidental en Ukraine. Ils voyaient que la puissance russe augmentait et ils cherchaient à empêcher la Russie de consolider cette position dans l’espace postsoviétique. Le succès des forces pro-occidentales en Ukraine devait permettre de contenir la Russie. »

 

La Russie définit l’événement qui a eu lieu au début de cette année [en février 2014] comme un coup d’État organisé par les USA. Et en vérité, ce fut le coup [d’État] le plus flagrant dans l’histoire. »

 

Kommersant : « Vous parlez bien de la liquidation de l’accord du 21 février [2014], c’est-à-dire du processus Maidan ?

 

George Friedman : « Tout le processus. Après tout, les USA ont soutenu ouvertement les groupes des droits de l’homme en Ukraine, y compris par des soutiens financiers. Pendant ce temps, les services de renseignement russes rataient complètement l’identification de cette tendance et sa signification. Ils n’ont pas compris ce qui était en train de se passer, et quand ils ont enfin réalisé ils se trouvèrent incapables de stabiliser la situation, et ils firent une mauvaise évaluation de l’état d’esprit dans l’Est de l’Ukraine. »

 

Kommersant : « En d’autres mots, la crise ukrainienne est le résultat de la confrontation entre la Russie et les USA ? »

 

George Friedman : « Vous avez là deux puissances : l’une veut une Ukraine neutre, l’autre une Ukraine qui forme un élément d’une ligne de restriction de l’expansion russe. On ne peut dire que l’une des deux parties se trompe : tous les deux agissent selon leurs intérêts nationaux. Il y a juste le fait que leurs intérêts nationaux sont antagonistes.

 

» Pour les Américains, comme je l’ai dit, il est important d’empêcher l’émergence d’une hégémonie en Europe. Récemment, les USA ont commencé à s’inquiéter des intentions et du potentiel de la Russie. La Russie est en train d’évoluer de la position défensive qu’elle avait depuis 1992 vers une restauration de son influence. Il s’agit d’une divergence des intérêts nationaux de deux grandes puissances »

 

Comme commentaire général de ce passage, on relèvera déjà la distorsion dont nous parlons plus haut, qui est un passage systématique d’une interprétation honnête des intentions russes, d’abord présentées comme naturelles et non agressives, ensuite interprétées comme un processus d’expansion (in fine apprécié comme dangereux pour le bloc BAO) sans aucune raison factuelle valable. D’abord, Friedman explique la position russe vis-à-vis de l’Ukraine comme une nécessité normale de type défensif : « L’impératif stratégique de la Russie est d’établir une zone de sécurité la plus profonde possible sur ses frontières occidentales... [...] Au début de cette année [2014], il existait en Ukraine un gouvernement assez prorusse, mais très faible. Cette situation convenait parfaitement à la Russie : après tout, la Russie ne voulait pas contrôler complètement l’Ukraine ni l’occuper ; il était suffisant pour elle que l’Ukraine ne rejoignît ni l’OTAN ni l’UE. Les autorités russes ne peuvent tolérer une situation où des forces militaires occidentales seraient stationnées à une centaine de kilomètres de Koursk ou de Voronezh. »

 

... Puis Friedman, sur la fin de cet extrait de son interview, passe brusquement au jugement que ce comportement russe qui est de rechercher à établir cette « zone de sécurité » (ou « zone tampon », si l’on veut) est en réalité un mouvement expansionniste ; il effectue ce tour de passe-passe encore plus sémantique qu’intellectuel sans s’en expliquer d’une façon objective, sinon en arguant de l’analyse de la situation par les USA, – mais sans doute est-là, pour une psychologie américaniste, la vérité objective par définition... « Pour les Américains, comme je l’ai dit, il est important d’empêcher l’émergence d’une hégémonie en Europe. Récemment, les USA ont commencé à s’inquiéter des intentions et du potentiel de la Russie. La Russie est en train d’évoluer de la position défensive qu’elle avait depuis 1992 vers une restauration de son influence. Il s’agit d’une divergence des intérêts nationaux de deux grandes puissances » (ainsi les Russes qui veulent une Ukraine neutre, qui ne veulent pas occuper l’Ukraine, qui ne voient même pas venir le putsch US, tout d’un coup deviennent expansionnistes dans l’analyse de Friedman.)

 

On voit comment Friedman passe d’une analyse qui prend en compte ce qui est la réelle préoccupation des Russes (assurer leur sécurité sur leurs frontières) à une conception offensive (la recherche de l’hégémonie) qui est en réalité une projection sur la politique russe de la conception et de la psychologie de l’américanisme qu’il prend beaucoup de temps, au début de l’interview, à détailler comme une politique interventionniste, déstabilisatrice, offensive, etc., – sous le prétexte d’empêcher une hégémonie en Europe. (Il y a beaucoup, beaucoup à dire sur l’interprétation que Friedman fait du comportement US durant les deux Guerres mondiales, comme venu d’un plan mûrement réfléchi et d’une politique rationnellement mise n œuvre.)

 

Friedman, tout en reconnaissant les spécificités de la conception russe de la sécurité nationale, est incapable de développer ce constat en admettant que les buts de la Russie sont d’assurer un équilibre en Europe prenant en compte leur sécurité nationale ; au contraire, il le transforme en projetant l’état d’esprit et la psychologie US, toute entière dominée par la politique-Système et inspirée par l’« idéal de puissance », qui est la recherche finale de l’hégémonie comme seule possibilité d’évolution de la politique et des relations internationales.

 

Ce dernier jugement est faux, basé sur une psychologie marquée par un hybris quasi pathologique. Il est démenti par l’Histoire qui montre plus d’une occurrence où une/des puissance(s) cherchèrent des conditions d’équilibre à partir de leurs propres puissances très affirmées, plutôt qu’une hégémonie déstructurante et dissolvante que certaines de ces puissances pouvaient affirmer. Le cas évident du Congrès de Vienne de 1814-1815 vient à l’esprit, comme exemple archétypique de ce refus d’une politique d’hégémonie dans le chef de certains des participants qui imposèrent finalement leurs vues (notamment la Russie, la plus forte puissance militaire de la coalition à ce moment, l’Autriche-Hongrie et la France de Louis XVIII et de Talleyrand).

 

 

Par Philippe Grasset (journaliste & écrivain) - dedefensa.org - le 21 janvier 2015

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