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Europe : l’échec de la stratégie du « containment »

Europe : l’échec de la stratégie du « containment » | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : Pablo Iglesias, leader de Podemos, durant les élections locales (Crédits : ANDREA COMAS)

 

 

Europe : l’échec de la stratégie

du « containment »

 

En jouant la ligne dure contre la Grèce, les créanciers voulaient faire un exemple politique. Cette stratégie semble avoir échoué entièrement, comme le démontrent les élections de dimanche en Espagne et en Pologne.

 

Les élections locales espagnoles du dimanche 24 mai signent, au-delà du contexte local, l’échec de la stratégie des Européens depuis le coup de tonnerre de la victoire de Syriza le 25 janvier dernier. Le refus du compromis avec le gouvernement grec a été caractérisé par le rejet complet des « listes de réformes » présenté par Athènes, par la mise en place d’un processus d’asphyxie financière de la Grèce et l’insistance sur des mesures d’austérité que l’on hésitait à imposer au gouvernement conservateur d’Antonis Samaras.

 

 

Les buts des créanciers de la Grèce

 

Quel était le but de cette stratégie ? Certainement pas, comme on essaie de le faire croire, assurer le remboursement des dettes contractées par la Grèce auprès de ses « partenaires. » Assure-t-on un tel remboursement en menant un pays au bord du défaut, en réduisant les moyens d’action de son gouvernement et en faisant peser sur sa croissance la menace d’un défaut et d’une sortie de la zone euro ? Quoi qu’en disent les experts patentés, la raison eût voulu dans cette affaire que les créanciers, tout en prenant des garanties que les Grecs étaient prêts à leur donner, laissent travailler le nouveau gouvernement grec. L’accord du 20 février, où Athènes acceptait de payer son dû et se reconnaissait liée par les « accords existants », ce qui était déjà des concessions considérables, aurait dû suffire aux créanciers. L’intérêt économique de toute l’Europe était de rapidement régler cette affaire grecque afin de se concentrer sur la timide reprise.

 

 

La stratégie du « containment »

 

Mais on a tout fait pour faire durer la crise grecque. C’est que, en réalité, la stratégie des créanciers était avant tout politique. Effrayés de voir débarquer dans leurs réunions feutrées des énergumènes sans cravate et professant des idées horriblement keynésiennes, les dirigeants européens ont voulu « faire un exemple » afin de « contenir » la poussée de ceux qui osent remettre en cause les choix pris depuis 2010.


Cette stratégie était la même que celle du président américain Harry Truman, au début de la guerre froide, ce « containment » dont la Grèce fut, une des plus cruelles victimes par une guerre civile qui l’a durablement marquée. Pour éviter d’autres « dominos » de tomber, pour éviter que d’autres pays victimes de la logique des « sauvetages de l’euro » ne demandent à leur tour une restructuration de leurs dettes, il fallait mettre le gouvernement Tsipras à genoux. Il fallait que le Premier ministre hellénique finisse par reconnaître la vérité des choix économiques imposés par les créanciers. Alors, preuve eût été faite qu’il « n’y a pas d’alternative » puisque même ceux qui professe une alternative finissent par accepter le bréviaire. Dès lors, à quoi bon voter encore contre la pensée économique dominante ?

 

 

La leçon espagnole

 

Ce calcul a échoué. Quoi qu’il advienne, non seulement la résistance grecque place les créanciers désormais dans la position de devoir prendre le risque d’un défaut hellénique, mais la recherche d’une capitulation politique grecque n’a pas permis de contenir les oppositions ailleurs. C’est le principal enseignement des élections espagnoles du 24 mai. Certes, il convient de rappeler que le parti populaire (PP) de Mariano Rajoy demeure le premier du pays. Il faut aussi souligner combien le mouvement anti-austérité Podemos semble être un phénomène urbain.


Mais « l’exemple grec » n’a pas dissuadé les électeurs espagnols de « châtier » les deux grands partis qui avaient soutenu l’austérité en 2011. Podemos, que les sondages disaient en déclin, a frappé les esprits en s’imposant comme une force centrale à Madrid et Barcelone, mais aussi à Saragosse. Quant au parti « centriste » Ciudadanos, sorte de copie du grec Potami, parti « rénovateur », mais « pro-européen », il a percé de façon bien plus limitée que ce que l’on pensait. Enfin, la poussée de la gauche, toutes tendances confondues, est très nette. Bref, si Podemos n’est certes pas « aux portes du pouvoir » et si l’Espagne n’est pas la Grèce, la stratégie du « containment » a certainement échoué ce dimanche.

 

 

Cauchemar espagnol

 

Ce résultat est un vrai cauchemar pour les dirigeants européens. D’abord, parce que, comme la victoire de Syriza le 25 janvier, le succès de Podemos à Madrid et Barcelone et l’effondrement partout des Conservateurs permet de relativiser le « miracle économique espagnol » qui serait le fruit des « réformes douloureuses. » Les Espagnols ont, dans les urnes, ruiné ce storytelling devenu récurrent pour faire accepter lesdites réformes, notamment de ce côté-ci des Pyrénées. Ensuite, parce que les élections du 20 novembre présentent un défi délicat pour l’Europe. Si Podemos participe au pouvoir, il y aura une remise en cause de l’idéologie dominante en Europe, et un nouveau domino tombera. Si, en revanche, les deux partis traditionnels s’allient dans une « grande coalition » qui fait tant rêver les fonctionnaires européens, Podemos deviendra la première force d’opposition et on risque de reporter la chute du domino espagnol à plus tard.

 

 

Suite au Portugal et en Irlande ?

 

Le « containment » semble avoir échoué dans les autres pays qui ont connu les visites de la troïka. Si la greffe « Podemos » n’a pas pris au Portugal et si l’extrême gauche n’y progresse pas, les socialistes portugais n’hésitent plus à reprendre des éléments de langage de la gauche radicale et évoquent notamment désormais une négociation sur la dette. En Irlande, le Sinn Fein pourrait aussi l’an prochain faire une percée et prendre la première place, ce qui, là aussi, viendrait, là aussi, remettre en cause le fameux « retour du Tigre celtique grâce à l’austérité. » Dans ces deux cas non plus, le traitement infligé aux Grecs n’a pas eu l’effet espéré par les dirigeants européens.

 

 

Les eurosceptiques de droite ont aussi le vent en poupe

 

Mais il y a encore pire. La stratégie du « containment » n’a pas davantage réussi à calmer l’essor des eurosceptiques de droite. Pour une raison simple : la dureté avec laquelle les Grecs sont traités a alimenté le fonds de commerce « anti-Grec » et plus largement anti-euro de ces mouvements. La méfiance des créanciers de la Grèce a été prise comme preuve de la réalité des clichés contre ce pays. Une bénédiction pour des mouvements comme les Finnois de Timo Soini, arrivé en deuxième position le 19 avril lors des élections législatives finlandaises, mais plus généralement pour tous les eurosceptiques du nord. De même, l’utilisation par les créanciers des oppositions internes à la zone euro entre les « bons élèves pauvres » (baltes ou d’Europe centrale) et « les mauvais élèves » du sud pour faire céder Athènes a été du pain béni pour les mouvements nationalistes de ces pays. Sans compter que ces pays ont pu aussi voir dans la renaissance de la crise grecque la confirmation de trois de leurs présupposés : l’incapacité de la bureaucratie bruxelloise, la mise en danger par l’Europe de l’argent des contribuables et la faillite des « sauvetages » de 2010-2011.

 

Aussi l’euroscepticisme fleurit-il toujours davantage au nord et à l’est. Dimanche où les électeurs polonais ont infligé une gifle retentissante à Bruxelles en élisant contre toute attente à la présidence de la République le conservateur eurosceptique Andrzej Duda, contre le candidat du président du Conseil européen et ancien premier ministre Donald Tusk !

 

 

L’appel de Matteo Renzi

 

Le « containment » prend donc l’eau de toute part. Les dirigeants européens devraient donc d’urgence repenser leur stratégie vis-à-vis de la Grèce, mais, plus généralement, les fondements de leur pensée économique. Les électeurs n’ont pas toujours tort et leurs « protestations » révèlent aussi une forme de réalité économique que les dirigeants s’obstinent à ne pas vouloir appréhender au nom du « long terme. » Cet aveuglement qui fait de toute politique alternative un « populisme » mène l’Europe dans le mur. Matteo Renzi qui, ce week-end, devra faire face à des régionales difficiles, a, une nouvelle fois, appelé l’Europe à « changer. » Sera-t-il entendu ? Tout commencerait par la construction d’une vraie discussion avec Athènes. Plus que jamais l’avenir de l’Europe se joue en Grèce.

 

 

Par Romaric Godin - latribune.fr – le 26 mai 2015.

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La bien triste Europe de monsieur Leparmentier

La bien triste Europe de monsieur Leparmentier | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : la Grèce est-elle coupable de ses propres maux ? (Crédits : reuters.com)

 

 

La bien triste Europe de monsieur Leparmentier

 

L’éditorialiste du Monde rejette sur les Grecs la faute de leurs maux. Et refuse tout nouveau soutien au nom du choix du peuple hellénique. Réponse au nouveau mishellénisme français.

 

Il fut un temps béni où les grands écrivains français faisaient de leur philhellénisme une vertu et un courage. Il fut un temps où Chateaubriand pouvait s’enorgueillir de placer dans ses Mémoires d’outre-tombe cette réaction des Grecs à sa sortie du Ministère : « Leurs espérances les plus fondées étant dans la générosité de la France, ils se demandent avec inquiétude ce que présage l’éloignement d’un homme dont le caractère leur promettait un appui. » Les temps ont bien changé et, désormais, l’heure est davantage au mishellénisme d’un Pierre Loti qui n’avait à la fin de sa vie pas de mots assez durs pour la « Grécaille. »

 

Aussi la grande presse ne se lasse-t-elle pas de nous décrire les Grecs comme seuls responsables de leurs malheurs actuels. Et pire, comme travestissant à dessein cette vérité éclatante pour faire payer aux autres leur propre gabegie. Tel serait donc le « masque de la tragédie grecque. » Et c’est sous ce titre que l’éditorialiste du Monde, Arnaud Leparmentier, a mené une charge contre cette « victimisation » des Grecs qui, en réalité, sont les vrais coupables de la crise.

 

 

Le conte de fées balte

 

Cette comédie en forme de tragédie décrite sous la plume de cet éditorialiste commence par un conte de fées, celui du modèle balte. C’est une figure incontournable du mishellénisme contemporain. Le succès de l’ajustement balte montrerait en effet avec éclat l’incroyable manque de volonté des Grecs. Comme tous les vrais contes, il se termine mal : les travailleurs et courageux Baltes doivent finir par payer pour les indolents Grecs (ce qui est faux, car la contribution au capital du MES n’est pas un prêt à la Grèce). Mais comme tous les contes, c’est aussi un travestissement de la réalité.


Car à lire Arnaud Leparmentier, on a l’impression que les Baltes ont agi, tandis que les Grecs n’ont rien fait. Or, « l’ajustement » des deux pays baltes que cite l’auteur est moins violent statistiquement que celui des Grecs. Le PIB lituanien a perdu 18 % ? Celui de la Grèce a reculé de 25 %. Les salaires lituaniens ont baissé ? Les Grecs aussi et d’un quart. Bref, les « efforts » que semble tant apprécier l’auteur ont été fournis autant sur les bords de l’Égée que sur ceux de la Baltique. Sauf évidemment à nier l’actuelle misère et la souffrance du peuple grec. Mais le défaut principal des Grecs, pour l’éditorialiste, c’est d’oser se plaindre quand les Lettons ont ajusté « toujours avec effort et discrétion. »

 

Les Baltes ont retrouvé la croissance plus rapidement que les Grecs ? Certes, mais c’est précisément la preuve que les mêmes recettes appliquées à tous ne donnent pas les mêmes résultats. Parce que les structures économiques ne sont pas les mêmes. La géographie, la capacité industrielle, la culture, l’histoire pèsent sur l’économie. La culture économique des pays baltes n’est pas celle de la Grèce, elle est davantage influencée par le traumatisme soviétique et par l’influence germanique. Les pays baltes ont commencé leur nouvelle vie en 1991 vierge de dettes, alors que dès l’indépendance en 1830, les Européens ont imposé un fardeau financier à Athènes. Autre différence : le modèle économique différent, basé sur l’exportation depuis le début pour les petits pays baltes, centré sur la consommation pour la Grèce.

 

Tout ceci suggérerait une politique plus fine, plus adaptée que celle qu’a menée la troïka. À moins de considérer l’économie comme une science exacte indépendante et de nier qu’il s’agisse d’une science sans doute trop humaine, mais néanmoins humaine. Au reste, le miracle balte n’est pas si radieux. Si la Lituanie a retrouvé en 2013 son niveau de PIB de 2007, ce n’est pas le cas de la Lettonie qui est encore 10 % en deçà. L’émigration a été massive, dans des pays à la démographie déjà déclinante. Ce « miracle balte » pourrait être un mirage, car il a gravement obéré l’avenir de ces pays.

 

Mais peu importe : si la politique appliquée sous les applaudissements des belles âmes européennes en Grèce depuis 2010 n’a pas donné les mêmes résultats que dans les pays baltes, c’est bien une raison suffisante pour en changer. Et, dès lors, le raisonnement économique de Syriza de stopper l’austérité est pleinement justifié.

 

 

Étrange Europe

 

Au final, cette course aux taux de croissance après les ajustements est un peu dérisoire. Après la pluie vient le beau temps. En détruisant un quart de la richesse du pays, en coupant les salaires à la hache, il est logique que la croissance revienne ou qu’à tout le moins le PIB se stabilise. Mais est-ce le modèle que l’Europe propose aujourd’hui à ses peuples ? Détruire de la richesse pendant quelques années pour avoir le plaisir d’afficher de beaux taux de croissance « à la balte » afin de « rattraper » les effets de cette chute ? À n’en pas douter, l’enthousiasme ne saurait manquer devant un tel projet !

 

Dans l’Europe d’Arnaud Leparmentier, tous les États sont strictement indépendants les uns des autres. Les résultats des pays sont mesurés à l’aune de la détermination des peuples à réaliser leurs « ajustements nécessaires » en silence. Il loue ainsi la « discrétion » de la Lettonie. Là encore, c’est un beau projet pour l’Europe que de mettre en permanence en concurrence des États en leur demandant d’être plus compétitifs que leurs voisins. C’est un beau projet pour l’Europe que de comparer sans cesse Baltes et Grecs, Allemands et Français, etc. Là encore, la fraternité entre les peuples ne manquera pas d’en sortir grandie.

 

 

Des Allemands innocents et dupes ?

 

Dans cette Europe, l’auteur dessine l’image d’un autre mythe, celui des Allemands « dupes » des Grecs qui n’ont pas su corriger ce qui semble, pour lui, être des tares congénitales. Braves Allemands, travailleurs, qui ont eux aussi « ajusté », qui sont solidaires (pour payer leurs propres créances, devrait-on ajouter) et, surtout, nous dit l’auteur qui ont sacrifié leur sacro-saint Mark auquel ils tenaient tant en croyant la promesse qu’il n’y aurait pas de « transferts » en Europe. Mais si cela était vrai, alors, les Allemands n’ont été dupes que d’eux-mêmes. Comment pouvaient-ils croire qu’une union monétaire pouvait tenir debout sans mécanisme de solidarité interne ? Comment ont-ils pu se convaincre qu’une zone aussi hétérogène n’aurait pas besoin d’un système de compensation pour pouvoir tenir debout ?

 

Mais là aussi, on est dans le mythe. Si les Allemands ont abandonné le Mark, c’est qu’ils y trouvaient leur intérêt. L’euro les protège des dévaluations compétitives de l’Europe et l’austérité leur assure des importations bon marché, tout en gelant les capacités d’investissement dans les autres pays qui pourraient déboucher sur des innovations venant concurrencer les exportations allemandes. L’euro dans sa configuration actuelle est une bénédiction pour l’Allemagne. Et c’est aussi pour cela que, malgré ses réticences, Angela Merkel a accepté de le sauver en 2010 puis en 2012. Du reste, on n’oubliera pas que ces Allemands sur le sort desquels s’apitoie l’éditorialiste du Monde ne sont pas tout blancs dans cette affaire.

 

Lorsque Gerhard Schröder a engagé ses réformes qui font rêver tous les éditorialistes français, il s’est appuyé sur un gel du pacte de stabilité, sur le fait que l’Allemagne alors était seule à « ajuster » et, enfin, sur des taux bas garantis alors par la BCE de Jean-Claude Trichet. Ces trois éléments ont eu des répercussions dans les pays du sud de la zone euro. Incapables de rivaliser avec une Allemagne meilleure marché, les États comme l’Espagne et la Grèce ont décidé de se concentrer sur la demande intérieure. C’était parfait : les taux bas assuraient un financement à bon compte à la dette publique grecque et à l’immobilier espagnol. Et surtout, il y avait preneur. Car les banques allemandes étaient alors très heureuses de pouvoir recycler l’immense excédent courant de leur pays dans ces circuits plutôt que dans la demande intérieure en Allemagne qui risquait de nuire à sa compétitivité externe... L’indolence grecque n’est pas la seule responsable de la crise européenne. Et si les responsabilités sont partagées, alors le coût doit l’être.

 

 

Logique restructuration

 

À ce sujet, on ne se lassera pas de répéter qu’une restructuration de la dette grecque est tout ce qu’il y a de plus logique. Les Européens ont imposé à Athènes un système de cavalerie financière pour sauver l’euro plus que la Grèce : ce système était voué à l’échec dès le premier jour, non pas en raison de l’indolence des Grecs, mais parce que les bases économiques sur lesquelles se sont fondés les calculs étaient fausses : l’austérité n’a pas rétabli la confiance et les effets multiplicateurs de cette politique étaient sous-estimés. Cette erreur, nos gouvernements, français, allemands, italiens, l’ont toute faite. Ils doivent aujourd’hui l’assumer. C’est ce qu’exige cette raison économique brandie en permanence pour justifier les souffrances des Grecs. Mais voilà, comme le notait Bossuet, « le riche à qui abonde n’est pas moins impatient dans ses pertes que le pauvre à qui tout manque »...

 

 

La gabegie hellénique

 

Venons-en à présent au cœur du propos d’Arnaud Leparmentier : l’austérité n’est pas la cause du problème grec, c’est la gabegie grecque qui continue et justifie que l’on soit ferme avec le nouveau gouvernement hellénique. Personne évidemment ne peut nier que les dysfonctionnements de l’État et de la société grecque soient à l’origine des difficultés du pays. Du reste, nul n’en est plus conscient que les Grecs eux-mêmes, car, ne l’oublions pas, ils en sont les premières victimes, bien plus que le gentil et travailleur contribuable allemand. C’est précisément pour cette raison qu’ils ont voulu changer de majorité.

 

Les deux partis, Nouvelle Démocratie et le Pasok, que l’Europe a soutenu sans vergogne et qu’Arnaud Leparmentier semble tant regretter, sont en effet les constructeurs de cet État inefficace et captateur. Et la troïka n’a pas changé la donne : les coupes se sont concentrées sur le bas de la fonction publique, sur des objectifs chiffrés, jamais sur l’efficacité. Quiconque a traversé un service d’urgence en Grèce pourra s’en convaincre aisément. Les licenciements de fonctionnaires (un tiers des effectifs tout de même, ce n’est pas mal pour des indolents) ont été décidés sur des critères bien peu transparents. Les popes et les armateurs — dont l’auteur fustige avec raison les avantages fiscaux — ont été protégés. Et ce n’est pas Antonis Samaras qui prévoyait de changer cet état de fait : il est le candidat des popes et des armateurs. Avec Alexis Tsipras, Syriza était pour les Grecs, le vrai parti de la réforme. L’auteur devrait s’en réjouir, mais il est sans doute aveuglé par l’amitié entre Antonis Samaras et ses héros, Angela Merkel et Mariano Rajoy...

 

 

L’austérité, pas coupable ?

 

Quant à l’austérité, elle a échoué sur toute la ligne en Grèce : le choc qu’elle a provoqué a aggravé les maux grecs et a empêché tout vrai redressement de l’économie. Pour dégager un excédent primaire inutile aux Grecs, on a payé le prix fort : un appauvrissement radical de la population qui se traduit dans des faits comme l’augmentation de la mortalité infantile ou la présence d’un quart de la population sous le seuil de pauvreté. Des faits que l’éditorialiste du Monde ne juge pas utile de rappeler puisque ce ne sont que des « dommages collatéraux » de la bonne politique.

 

Pour Le Monde, le service de la dette grecque étant fort faible du fait de la magnanimité européenne, la restructuration de la dette devient inutile. Rien de plus faux : la Grèce n’a pas accès aux marchés. Son problème est donc le déficit budgétaire final qui ne peut être comblé que par de nouveaux « efforts » ou par une aide extérieure supposant de nouveaux « efforts. » Son autre problème est le remboursement du capital de la dette qui ponctionne des sommes là encore insoutenables puisqu’il n’est possible, comme en France ou en Espagne, de reprendre de la dette pour le financer (en France, lorsqu’un emprunt arrive à échéance, il est remboursé par un nouvel endettement).  La Grèce est donc condamnée comme Sisyphe à toujours faire pire. Elle est donc condamnée à une croissance insuffisante et à une austérité sans fin.

 

 

Une démocratie à deux vitesses

 

Reste enfin la démocratie. Arnaud Leparmentier refuse absolument l’idée de la remise en cause démocratique de l’austérité. Il estime qu’il existe deux « légitimités » démocratiques en Europe : une en faveur de l’austérité, l’autre contre. Et pour prouver que l’Europe démocratique fonctionne, il cite la chute du gouvernement slovaque de 2011 sur la question de l’aide à la Grèce. Certes, mais la réalité, c’est que depuis 2010, la légitimité anti-austéritaire a toujours perdu. On a vu ce qu’est devenue la légitimité démocratique française en 2012. On a vu François Hollande, auréolé de sa victoire devoir courber l’échine et accepter un pacte budgétaire signé par son prédécesseur pour un plat de lentilles. On a vu un gouvernement français menacer des députés français pour les convaincre à trahir leur mandat et ratifier ce pacte budgétaire. On a vu des gouvernements en Italie et en Grèce tomber par la volonté d’Angela Merkel. On a vu les manœuvres contre le projet de référendum grec de novembre 2011 sur l’austérité. On a vu des unions nationales contraintes par l’Europe en Grèce ou en Italie. On a vu l’austérité se poursuivre en Italie malgré la défaite électorale du parti du Premier ministre choisi par l’Europe, Mario Monti, pour mener cette politique. On a vu les manœuvres pour effrayer les Grecs en juin 2012. Le 25 janvier, les Grecs ont choisi une autre voie. Si l’Europe la leur refuse, ils devront décider si leur « légitimité démocratique » est inférieure ou non à celle de l’Allemagne ou de la Slovaquie...

 

Au final, que retenir de cet éditorial ? L’image d’une Europe condamnée aux « ajustements », refusant toute solidarité interne et en même temps toute différence, montant les peuples les uns contre les autres, établissant une démocratie sur la base de critères économiques. L’Europe dont rêve Arnaud Leparmentier n’est en fait qu’un immense gâchis.

 

 

 

Par Romaric Godin latribune.fr – le 6 février 2015

http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20150206trib083bb894c/la-bien-triste-europe-de-monsieur-leparmentier.html

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Le « populisme » de Syriza est-il la source des maux de la Grèce ?

Le « populisme » de Syriza est-il la source des maux de la Grèce ? | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : le nouveau gouvernement grec est-il le seul à avoir sapé la confiance dans le pays ? (Crédits : Forex)

 

 

Le « populisme » de Syriza est-il la source

des maux de la Grèce ?

 

Un économiste allemand estime que la Grèce paie, par le ralentissement de son économie et la fuite des capitaux, le « prix du populisme » de ses nouveaux dirigeants. Une vision qui constitue une pièce importante du storytelling des créanciers, mais qui peine à convaincre.

 

Dans le bras de fer qui se joue en ce moment entre Athènes et ses créanciers, un des nerfs de la guerre est la communication. Chacun regarde en effet par-dessus l’épaule de l’autre sa propre opinion publique. Et on le sait : le secret moderne d’une bonne communication, c’est le storytelling, la capacité à raconter une belle histoire que l’on peut croire. Voici quelques siècles, on appelait cela un mythe ou un conte.

 

 

Le storytelling des créanciers

 

Les créanciers de la Grèce avaient, on s’en souvient, bâti en 2010, un storytelling qui fit florès jusqu’à ces dernières semaines, celui du Grec dépensier et paresseux « vivant au-dessus de ses moyens » et qu’il fallait faire entrer dans le bon chemin par une bonne cure d’amaigrissement. Depuis, l’histoire a un peu changé. Il s’agit de montrer que la dégradation de la situation en Grèce s’explique par le comportement inconséquent du nouveau gouvernement hellénique. Alexis Tsipras et son équipe est donc le responsable de son propre malheur. Ce storytelling est essentiel, car il permet de tirer ces conséquences simples : que Tsipras cesse d’être Tsipras et tout rentrera dans l’ordre. Qu’il écoute donc les bons conseils de ses créanciers et la Grèce reprendra son envol vers les cieux bénis de la croissance. Mercredi 1er avril, le chef économiste de la banque allemande Berenberg, Holger Schmieding, ancien du FMI et de Merrill Lynch, a brillamment résumé ce mythe moderne sur son blog dans un texte titré « les coûts du populisme. » Holger Schmieding est un bon économiste, mais faut-il, sur ce sujet l’en croire ? Voyons dans le détail.

 

 

Une croissance grecque impressionnante avant Syriza ?

 

Premier point, essentiel à cette histoire, la Grèce, était « en voie de guérison dans le courant de 2014» Suit une batterie de chiffres soigneusement choisis. La croissance, par exemple : « 2,8 % annualisés sur les trois premiers trimestres. » Impressionnant non ? C’est logique puisque l’on a « annualisé », donc multiplié par 4 un chiffre donné. La réalité est moins extraordinaire : selon les chiffres de l’Insee grec Elstat, le PIB grec au cours des neuf premiers mois de 2014 a progressé, en valeur constante désaisonnalisée, de 803 millions d’euros, soit 0,58 % de plus par rapport à la même période de 2013. C’est tout de suite moins impressionnant. Surtout si l’on songe que cette hausse fait suite à 17 trimestres de baisse et à un recul de près d’un quart du PIB et que, donc, la période de référence est un « point bas », ce qui, on en conviendra, est bien commode pour afficher une croissance.

 

 

Pas de guérison...

 

Parler de « guérison » est donc excessif. En réalité, l’économie grecque a fini par se stabiliser. Les baisses comme les hausses ne sont pas éternelles, mais pour parler de guérison, il eut fallu voir se dessiner un vrai dynamisme interne. Or, ce dynamisme n’apparaissait pas clairement. Il vient un moment où les ménages et les entreprises doivent nécessairement se rééquiper. Au premier trimestre, l’investissement a ainsi bondi de 13 % avant de retomber (-11 % au troisième trimestre, c’est dire la qualité de la « guérison »). Aux trimestres suivants, les ménages ont augmenté leur consommation, mais il n’y avait là rien d’exceptionnel. La hausse de la consommation des ménages de 1,1 % au troisième trimestre était même inférieure à celle du dernier trimestre de 2013 (1,9 %). Enfin, la croissance des exportations n’a cessé de se ralentir au cours des trois trimestres et n’a été supérieure à celle des importations qu’au premier trimestre. Le tout avec un coût du travail unitaire salarial qui a reculé de 12,4 % entre 2010 et 2014...

 

 

Langage des chiffres et des fleurs...

 

Dans ce contexte, comme le soulignait Michel Audiard dans le film d’Henri Verneuil Le Président, « le langage des chiffres a ceci de commun avec le langage des fleurs qu’on peut lui faire dire n’importe quoi. » Y compris que la Grèce était sur la voie de la guérison. Les exportations ont progressé de 7 % sur un an au troisième trimestre ? Oui, mais la hausse était de 9,5 % au trimestre précédent, alors même que la saison touristique a été exceptionnelle cet été-là. Le salaire réel a gagné 2,8 % ? Oui, mais avec un chômage de 26 % de la population active et une inflation négative de 1,5 %. Un « sérieux rebond de l’emploi » ? De 27,1 % à 26 %, la baisse du chômage est-elle « sérieuse » ? Un excédent primaire de 1 % du PIB en 2014 ? Oui, mais cet excédent était jugé insuffisant par la troïka et n’était pas dans les clous du programme. Bref, si la Grèce allait certes « mieux », il n’y avait là rien qui ne laissât préjuger d’une croissance forte, entretenue et durable. Surtout rien qui ne disqualifie comme « populiste » une politique visant à créer les conditions d’une reconstruction d’une demande intérieure excessivement comprimée depuis cinq ans.

 

 

Un scénario exagérément rose

 

D’autant que le gouvernement ne disposait toujours pas des moyens de se financer. Syriza ou pas, le remboursement de la dette publique et de ses intérêts demeurait une gageure pour l’État grec.  Et ceci constituait une épée de Damoclès constante sur l’économie du pays. Dès l’an dernier, des chiffres sur les besoins de financement pour cette année circulaient. On évoquait déjà près de 10 milliards d’euros en plus des 7,2 milliards du plan d’aide qui demeuraient à débourser. Holger Schmieding en fait un « scénario de rêve » où « la Grèce sortait du programme avec rien de plus qu’une ligne de crédit de précaution. » Il estime maintenant, sans plus de précision, que, à cause du nouveau gouvernement, il faudra un « troisième plan d’aide » (cette fois, ce n’est plus une « ligne de précaution ») de 30 milliards d’euros. Mais c’est noircir excessivement un tableau sur un tableau précédent excessivement éclairci. La « ligne de crédit » prévue pour 2015 aurait été conditionnée et il se serait alors bien agi aussi d’un troisième plan d’aide. Surtout, cette ligne, si elle n’avait été que d’une dizaine de milliards d’euros, aurait nécessité la réalisation des objectifs d’excédents primaires de 3 % et 4,5 % du PIB en 2015 et 2016, ce que la troïka jugeait impossible sans nouvelles mesures de rigueur, notamment une hausse de la TVA. Or, ces buts étaient précisément une menace pour la croissance.

 

 

Un blocage qui existait déjà en 2014

 

Au point que le précédent gouvernement, après avoir en vain tenté d’ouvrir début 2014 — comme promis en 2012 par les créanciers — des négociations sur la restructuration de la dette, avait entamé un bras de fer avec la troïka bien avant la campagne électorale, adoptant même un budget sans son accord. Pourtant, si Antonis Samaras avait été réélu, il aurait dû se soumettre pour obtenir les fameux 7,2 milliards d’euros qu’Alexis Tsipras cherche aujourd’hui à débloquer. Ce qu’il disait vouloir refuser. La situation de blocage entre Athènes et ses créanciers préexistait donc à la victoire de Syriza qui ne l’a pas créée. Et elle reposait sur des demandes folles non pas d’Athènes, mais de la troïka.

 

 

La volonté grecque de stopper la logique de la troïka

 

Les Grecs, moins stupides que ne le pensent les économistes, ont compris alors qu’il fallait stopper cette logique. Et, non sans raison, ils ont jugé qu’Antonis Samaras n’était plus à même de résister à la troïka. Ils ont donc choisi Alexis Tsipras. Et on remarquera que la résistance du nouveau gouvernement a porté ses fruits puisque les demandes des créanciers sont moins nocives. Le 20 février, notamment, le ministre des Finances Yanis Varoufakis, a obtenu que l’objectif d’excédent primaire dépende de la conjoncture. On a donc évité une nouvelle spirale de récession. Et on voit mal comment ceci aurait pu saper la confiance. Ce qui est piquant, c’est que Holger Schmieding, admet que la troïka a commis des « erreurs majeures », mais il fustige le parti qui a permis d’éviter la répétition de ces erreurs passées. Si Syriza est populiste, l’économiste de Berenberg manque singulièrement de cohérence.

 

 

La deuxième partie du storytelling

 

Mais tout est bon pour décrédibiliser le camp d’en face. Holger Schmieding lance donc la deuxième partie de son storytelling : « les populistes grecs ont effrayé l’argent et paralysé une partie de l’économie grecque avec des paroles insensées et des propositions politiques impossibles », estime l’économiste. Pour lui, le ralentissement du quatrième trimestre (-0,4 % pour le PIB grec) et la fuite des capitaux à partir de décembre jusqu’en février sont à mettre au débit de ce « populisme. »

 

 

La fuite des capitaux, un mal nécessaire ?

 

Tout n’est pas faux dans cette analyse, évidemment. D’abord, Syriza n’est un parti de gouvernement que depuis peu. Il est inévitable dans ce cas de faire des erreurs et des cafouillages. Mais l’essentiel de la fuite des capitaux est venu d’une autre raison : Syriza avait pour ambition de rééquilibrer l’effort et de faire payer davantage ceux qui ont été le moins victimes de l’austérité. Ces mesures ont naturellement conduit à une fuite des capitaux des plus fortunés. Fallait-il ne pas faire ces propositions pour autant ? Chacun convient pourtant que les exemptions et l’évasion fiscales sont des problèmes majeurs. Il convient de ne pas oublier aussi que les capitaux ont fui devant l’ambition de Syriza de construire une administration plus efficace et moins clientéliste, là aussi une condition nécessaire de la construction d’un État solide. Fallait-il y renoncer pour ne pas effrayer les capitaux ? Mais alors la Grèce, dans ce cas précis, serait « irréformable » ! Étrange vision des réformes décidément que celle de Holger Schmieding qui vante les réformes d’un Antonis Samaras qui s’était bien gardé de toucher à ses sujets. Là aussi, la cohérence de la vision de l’économiste allemand laisse perplexe...

 

 

Une réaction modérée de Syriza

 

Du reste, Syriza semble avoir réagi de façon bien modérée face à cette fuite des capitaux. Si elle était la force « populiste » et irrationnelle que décrit Holger Schmieding, elle aurait établi depuis les premiers jours un strict contrôle des changes (du reste sans doute nécessaire). Or, le gouvernement Tsipras est si modéré qu’il a laissé les plus fortunés fuir sans réagir. En parallèle, les dirigeants grecs n’ont pas ménagé leurs efforts pour rassurer, renvoyant la hausse du salaire minimum à des jours meilleurs, renonçant à tout « acte unilatéral » face aux créanciers et renonçant à une annulation partielle de la dette. Autant de signaux qui ne peuvent être qualifiés de « populiste. » Et qui prouve que la fuite des capitaux est plus politique qu’économique.

 

 

La BCE et la fuite des dépôts

 

D’autant qu’à cette fuite des capitaux « politique » s’est ajoutée une fuite des dépôts causée par la peur du Grexit, donc par la conversion des euros détenus dans les banques grecques en euros. Les Grecs, même les plus simples, ont retiré leur argent de leur compte pour éviter une conversion forcée et pour conserver par précaution des euros fiduciaires à changer au meilleur cours après le Grexit. Qui a accéléré cette panique sinon la BCE ? C’est elle qui, le 4 février, avant l’ouverture des négociations, a envoyé un message très négatif en suspendant la dérogation qui permettait d’utiliser la dette grecque comme collatéral pour se refinancer à son guichet. Cette même BCE a ainsi fait dépendre le maintien de la Grèce dans la zone euro d’un programme de liquidité d’urgence ELA que l’on peut suspendre à tout moment. Cette épée de Damoclès a été confirmée par des élargissements au compte-goutte de ce programme au fil de l’eau. De quoi faire paniquer plus d’un déposant.

 

 

Qui a joué avec le feu ?

 

La réalité, c’est que le « populisme » de Syriza n’est pas pour grand-chose dans les problèmes actuels de la Grèce. Les mesures prises par le gouvernement Tsipras sont pour le moment réduites et peu susceptibles de décourager en soi des investisseurs (Athènes accepte même certaines privatisations). En revanche, cette crainte du défaut et du Grexit décourage pour le moment les investissements grecs et étrangers. Dans le cours de la négociation, les dirigeants grecs ont toujours pris soin d’éviter d’évoquer clairement le Grexit.  En face, Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances a évoqué un « Graccident », sans parler de la référence de Jeroen Dijsselbloem au précédent chypriote, donc à la saisine des dépôts bancaires. On aurait voulu faire pression sur le gouvernement grec en favorisant les retraits que l’on ne s’y serait pas pris autrement. Et plus généralement, on aurait voulu paralyser l’économie grecque pour faire pression sur le gouvernement que l’on ne s’y serait pas pris autrement. Car, comme le dit Holger Schmieding, « les mots comptent. » Comme ceux de Jeroen Dijsselbloem le 9 mars qui jugeait « bienvenue toute pression qui accélèrera le processus de réformes en Grèce. » Le problème principal réside en réalité dans une vision étroite des « réformes » exigées par les créanciers et leur absence de coopération. En refusant systématiquement les propositions de réformes du gouvernement grec, ils ont créé une insécurité complète pour les investisseurs.

 

 

Des remèdes inefficaces

 

Mais le refus de céder aux créanciers, n’est-ce pas du « populisme » ? Pas vraiment, dans la mesure où les remèdes proposés par la troïka ont déjà échoué. Les réformes des pensions et du marché du travail sont des totems bien peu efficaces dans la situation grecque. La priorité pour la Grèce, c’est la reconstruction. Le pays a connu économiquement l’équivalent d’une guerre, elle doit être traitée comme telle. On doit l’aider avant tout à reconstruire une demande intérieure sur laquelle les PME locales pourront prospérer. Le refus d’accepter ce fait de la part des créanciers est un aveuglement nocif pour le pays.

 

 

Populisme contre populisme

 

Du coup, l’attitude des créanciers — et de Holger Schmieding — relève aussi — et peut-être plus que celle de Syriza — du populisme. En entretenant la défiance face au gouvernement athénien, il flatte les a priori et les clichés des peuples d’Europe centrale sur les Grecs et sur l’économie, en ignorant les réalités du terrain et le besoin de collaboration que le gouvernement grec met en avant depuis les premiers jours de son mandat. Le but de ces logiques n’est que de singer jusqu’à la caricature la défense du « contribuable » européen, alors même que l’on sape ses intérêts, alors même que l’on oublie la réalité sur le terrain, la rationalité et les responsabilités. Ce populisme aussi a un coût que l’économiste de Berenberg se garde bien d’évoquer, mais que les Grecs, les Italiens, les Espagnols connaissent parfaitement. Il revient alors à l’observateur de cette crise de s’interroger sur ce seul fait : ce « populisme » est-il plus acceptable que celui de Syriza ?

 

 

 

Par Romaric Godin - latribune.fr - le 2 avril 2015.

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