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Festival de Cannes : un barnum des marques

Par Patrice de Plunkett (*)

 

 

De plus en plus de mannequins, de moins en moins de cinéma :

 

Dans le JDD, l’historien du cinéma Aldo Tassone autopsie ce festival 2015 boursouflé de « longs métrages qui n’ont rien à y faire » (surproduction de daube globale) : « À cause de la quantité, on ne peut que perdre sur la qualité... Pourquoi sélectionner autant de films ? Pour que les marques puissent accompagner chacun d’eux ? Ça, c’est la logique du marché. »  L’envoyée spéciale du JDD parle de « festival des marques » : Cannes 2015 a été dominé par L’Oréal, Chopard, HP, Renault, et le puissant groupe Kering (Saint-Laurent, Balenciaga, Gucci, Alexander McQueen, Stella McCartney) qui s’est imposé avec un programme de conférences sur – bien entendu – le sexisme, what did you expect ? Pas dupe, la journaliste donne la parole à un confrère spécialisé : « Ce genre de débats sur le statut des femmes est un alibi. Le Festival est devenu la vitrine mondiale du luxe. On y voit de plus en plus de people, de mannequins, et de moins en moins de cinéma. C’est le royaume de l’argent et du business. L’année prochaine ou la suivante, c’est certain, ce sera pire... »

 

La nouveauté, c’est que les grandes marques préfèrent désormais envoyer sur le tapis rouge leurs mannequins : celles-ci « vendent mieux les bijoux et les vêtements que les actrices elles-mêmes. Même au dîner de l’AmfAR (**), les top-modèles étaient plus présentes que les actrices. On peut dire qu’elles ont vampirisé Cannes. C’est un fait que les relations entre les marques et le cinéma sont devenues incestueuses. On a franchi un cap. » 

 

Le franchissement de cap ne pose pas de problèmes conceptuels à Marion Cotillard. Elle a un avis sur le réchauffement climatique, mais elle n’en a pas sur la crétinisation du cinéma par les marques : « J’ai du mal à avoir une réflexion là-dessus... J’ai tissé une relation d’amitié et de fascination pour la mode... J’y ai trouvé un espace très créatif. » Son prochain tournage : l’adaptation d’un jeu vidéo.

 

Devenu barnum de marques privées, ce festival au budget de 20 millions d’euros est néanmoins financé à 50 % par les fonds publics... Est-ce ainsi que s’explique la présence de mesdames les ministres à Cannes ? Leur exhibition entre les mannequins a fait ricaner ; rendez-vous aux régionales. 

 

La dérive croissante de Cannes, amorcée depuis des décennies, aboutit à ce non-sens. Mais la vampirisation qui frappe le cinéma a son équivalent dans tous les domaines...

 

 

 

Par Patrice de Plunkett (*) - plunkett.hautetfort.com – le 24 mai 2015

 

(*) Patrice de Plunkett, né à Paris le 9 janvier 1947, est un journaliste et essayiste français, qui codirigea le Figaro Magazine… (Source Wikipédia)

(**) lutte contre le sida.