Accélération, mais vers quoi ? | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Dessin : Anthropocène : y a de l’orage dans l’ère (Dessin Sylvie Serprix) liberation.fr


 

 

Une accélération, mais vers quoi ?

 

Les Hommes modifient le monde qui les entoure depuis maintenant des dizaines de milliers d’années. C’est dans leur nature, ils façonnent et modifient l’environnement existant et restent indifférents devant les conséquences de leurs actions.

 

L’échelle et la rapidité des transformations survenues depuis les années 1950 ont été presque incroyables. Si stupéfiants sont ces transformations que les scientifiques les ont ces quelques soixante-cinq dernières années surnommées la « Grande accélération ».

 

L’explosion de notre population, la demande accélérée en ressources naturelles, notre attitude je-m’en-foutiste face à la pollution et à la destruction des habitats ne font qu’augmenter ce qui était autrefois une pression encore tolérable sur les écosystèmes du monde.

 

Il y a seulement cent quatorze ans, la population humaine s’élevait à 1,6 milliard d’âmes. Nous sommes aujourd’hui plus de 7,2 milliards d’humains sur Terre, et selon les Nations-Unies, nous devrions être 9,6 milliards en 2050 – c’est 68,5 millions de personnes nées chaque année entre 2015 et 2050.

 

La variante inférieure des estimations des Nations-Unies pour 2100 est de 6,7 milliards d’habitants sur Terre. Leur variante supérieure est de 16,6 milliards et la ligne médiane se situe à 11 milliards.

 

« Le problème de ces prévisions de long terme est qu’elles sont basées sur des suppositions quant au taux de naissances – et que nous ne disposions toujours pas de méthode fiable de prédiction des niveaux de fertilité à une génération, et encore moins à un siècle » — Nicholas Eberstadt, American Enterprise Institute.

 

La croissance démographique ralentit, mais elle ne s’arrête pas, et il n’y a aucune chance que nous assistions à un renversement au cours de ces 35 prochaines années.

 

« Le pouvoir des populations est supérieur au pouvoir qu’a la Terre de fournir aux Hommes de quoi survivre. Une mort prématurée devra un jour ou l’autre venir rendre visite à la race humaine. Les vices de l’humanité sont les ministres de la dépopulation. Ils sont les précurseurs d’une armée de la destruction, et finissent souvent le travail eux-mêmes. Mais s’ils venaient à perdre cette bataille pour l’extermination humaine, des épidémies, des pestilences et des pestes viendront emporter des milliers d’Hommes. Si leur succès était incomplet, d’inévitables famines prendraient la main, qui viendraient durement niveler la population avec les ressources alimentaires du monde » , Thomas Malthus, 1798, An Essay on the Principle of Population.

 

Eser Boserup, agriculteur et économiste, adopte le point de vue opposé. Selon lui, la croissance démographique est le moteur de la productivité des sols – la capacité de notre planète à offrir refuge aux Hommes est basée sur les capacités de nos systèmes sociaux et de nos technologies plus que sur nos limites environnementales.

 

Que son un, deux ou sept milliards de personnes sur une planète qui, pour reprendre Bordland, le père de la Révolution verte, aurait une capacité de dix milliards d’habitants ? Nous devrions avoir une importante marge de développement.

 

Mais faire passer au second rang les limites environnementales ne me donne pas beaucoup d’espoir pour l’avenir. La Terre peut être assez vaste pour un, quatre, neuf ou dix milliards d’habitants. Mais viendra un nombre où nous en demanderons plus à la Terre que ce qu’elle pourra nous fournir. Et beaucoup pensent que ce nombre a déjà été dépassé.

 

 

Dépassement écologique

 

Pendant une majorité de l’Histoire humaine, nous avons sans aucun doute consommé des ressources à un taux bien moindre que la capacité de notre planète à les régénérer.

 

Nous avons malheureusement franchi un palier critique. La demande que nous imposons aujourd’hui aux ressources de notre planète semble avoir commencé à dépasser le rythme auquel la nature est capable de les renouveler.

 

L’écart entre la demande humaine et l’offre de notre planète est connu sous le nom de dépassement écologique. Pour mieux comprendre ce concept, prenons l’exemple d’un compte bancaire – supposez que vous y ayez déposé 5.000 dollars qui vous rapportent des intérêts chaque mois. Un mois après l’autre, vous retirez les intérêts générés, plus 100 dollars. Ces 100 dollars sont votre dépassement financier, ou écologique, et leur retrait n’est évidemment pas illimité.

 

Les Hommes produisent actuellement plus de ressources naturelles que ce que la Terre est capable de leur fournir sur une base durable. Au taux actuel, il nous faudrait une demi-Terre supplémentaire. D’ici à 2050, nous devrions avoir besoin des ressources de deux planètes.

 

Si tout le monde se mettait aujourd’hui à consommer des ressources naturelles de la même manière qu’un Américain moyen, nous aurions besoin de 3,9 planètes.

 

Selon le Global Footprint Network, le 19 août a représenté le jour où, en 2014, l’humanité a épuisé son budget écologique global pour l’année. Pendant les quatre mois et demi restants, nous avons été en dépassement écologique.

 

 

Anthropocène

 

Un groupe d’experts vient de se réunir pour déterminer si le temps était venu de décréter l’époque dans laquelle nous visons terminée et d’en amorcer une nouvelle – une ère déterminée par l’empreinte de l’Homme sur notre planète. Cette ère devrait être baptisée anthropocène.

 

Ceux qui adhèrent à cette idée pensent que « l’influence de l’humanité sur l’atmosphère de la planète Terre et la croûte terrestre au cours de ces quelques derniers siècles est telle qu’elle ait amorcé une nouvelle ère ».

 

Mais quelle en serait la date de commencement ?

 

Les roches sont utilisées pour déterminer les différentes ères de l’Histoire de la Terre. Par exemple, le début de l’ère cambrienne marque le moment où des groupes d’animaux majeurs ont commencé à apparaître sous forme de fossiles.

 

Le groupe d’étude de l’anthropocène a proposé plusieurs dates de commencement :

 

  • Les radionucléides qui ont été laissés derrière elles par les bombes atomiques des années 1940 et 1950. Les avantages de ces marqueurs nucléaires sont que le plutonium, le césium et le strontium peuvent tous être liés à une date précise et présentent une ligne distinctive dans la roche.
  • L’utilisation du plastic à grande échelle.
  • Les émissions d’hydrocarbonés poly aromatiques issus de la consommation d’énergie fossile.
  • Dernier point, mais pas le moindre : la contamination par le plomb en raison de l’utilisation répandue de pétrole.

 

Tous ont laissé derrière eux des traces dans les roches qui composent la croûte terrestre.

 

« Peu importe quand cette nouvelle époque a commencé, nous y vivons aujourd’hui. Et si nos descendants regardaient en arrière dans des milliers d’années, ils observeraient les signes de nos actions dans la roche » — Anthropocene.info

 

 

L’indice planète vivante global

 

Fédération mondiale de la faune

L’indice planète vivante global présente un déclin de 52 % entre 1970 et 2010. Cet indice est basé sur des tendances enregistrées auprès de 10.380 populations et 3.038 mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et poissons.

 

Plus de la moitié des vertébrés de notre planète ont disparu entre 1970 et 2010.

 

 

Conclusion

 

J’aimerais proposer une date de commencement pour l’ère anthropocène : 1970.

 

Si le début de l’ère cambrienne marque le moment où des groupes majeurs d’animaux sont apparus, pourquoi ne pas prendre 1970 pour marquer le début de l’anthropocène, et définir le moment où ils ont commencé à disparaître ?

 

La question que nous devrions tous nous poser est la suivante : une grande accélération… vers quoi ?

 

Qu’avez-vous sur votre radar ? J’y conserve bien entendu l’empreinte de l’humanité.

L’empreinte de l’humanité, et la vôtre, sont-elles sur votre écran radar ?

Si elles ne le sont pas, elles le devraient.

 

 

 

Par Richard Mills 24hgold.com – le 15 avril 2015.