Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL
686.5K views | +2 today
Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL
La Gazette des campus de LLN et de WSL-UCL ainsi que diverses infos intéressantes visant la vérité ou l'autre vérité (qui que ce soit qui la dise, mais sans forcément prôner l'auteur).  -  Duc
Curated by Koter Info
Your new post is loading...
Your new post is loading...
Scooped by Koter Info
Scoop.it!

De la Chine à Assad, l’aventure c’est l’aventure (Partie 1/2)

De la Chine à Assad, l’aventure c’est l’aventure (Partie 1/2) | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo : Christina Lin

 

 

De la Chine à

Assad, l’aventure c’est l’aventure

Par Philippe Grasset

 

(Partie 1/2)

 


Un bloc militaire eurasien va-t-il prendre forme pour combattre l’Armée de la Conquête lancée contre la Syrie ?

 

Pour une fois, attardons-nous à une prospective assez audacieuse, qui se formule avec le titre « Un bloc militaire eurasien va-t-il prendre forme pour combattre L’Armée de la Conquête lancée contre la Syrie ? ». L’auteur(e) est une dame, Christina Lin, qui n’est ni une amatrice ni une rêveuse impénitente. Elle est chercheuse à l’université SAIS-John Hopkins, au Centre des relations transatlantiques, après avoir été directrice de la politique chinoise au département de la Défense (Pentagone). Elle a publié un livre qui témoigne de son expertise chinoise qui lui est évidemment naturelle puisqu’elle est d’origine taïwanaise, La nouvelle Route de la soie : la stratégie de la Chine dans le grand Moyen-Orient.

 

Sa spécialisation à cet égard porte sur l’évolution stratégique de la Chine, non pas dans le cadre asiatique/pacifique, mais à l’inverse, dans le cadre eurasien et par rapport au monde moyen-oriental ; donc l’évolution de l’Eurasie qui nous concerne directement, puisque la Russie y est partie prenante avec la question tchétchène – la Russie qui est l’objet d’une crise fondamentale avec le bloc BAO (NDLGazette : bloc BAO = bloc américaniste-occidentaliste) à propos de l’Ukraine.

 

Sur son blog de Times of Israel et à la date du 13 juin 2015, Lin publie un article intitulé « Assiste-t-on à l’émergence d’un bloc militaire eurasien pour combattre l’Armée de la Conquête » en Syrie ? ». Ce texte précise de façon dramatique l’intérêt que Lin, en tant que spécialiste des affaires chinoise et eurasienne en connexion avec le Moyen-Orient, porte à la situation spécifique des rapports de la Chine avec la crise syrienne, et cela dans un contexte que nous qualifierions par exemple d’« eurasien-élargi » ; c’est-à-dire, un contexte marqué par la proximité nouvelle de la Chine avec la Russie, des relations de l’Eurasie avec l’Iran qui est sur le point de changer de statut avec la fin possible des sanctions, tout cela impliquant les divers pays rassemblés pêle-mêle dans diverses organisations, essentiellement les organisations telles que la SCO (Organisation de Coopération de Shanghai, ou OCS en français), la CSTO (l’Organisation du Traité de Sécurité Collective) rassemblant au départ les anciennes républiques de l’URSS, voire les BRICS. Tout cela est écrit dans la perspective désormais très proche des réunions de la SCO et des BRICS, en juillet en Russie.

 

L’idée centrale de Lin porte sur l’intérêt inquiet de la Chine pour la situation syrienne, en cas de chute d’Assad, – avec la crainte qu’une chute d’Assad conduisant à une prise du pouvoir par des djihadistes et une certaine « stabilisation » de la crise syrienne « libèrent » des combattants de cette nébuleuse pour des expéditions vers l’Eurasie et notamment vers la province chinoise musulmane du Xinjiang. (La même logique, aussi bien d’inquiétude et de tension concerne la Russie vis-à-vis de la Tchétchénie, voire l’Inde vis-à-vis du Cachemire, – nous sommes bien dans le contexte de l’Eurasie.)

 

Dans un article précédent, le 12 mai 2015, Lin avait développé le point particulier de l’intérêt de la Chine pour la crise syrienne, et la tendance de cette puissance à défendre Assad contre ses ennemis djihadistes. À ce propos, Lin impliquait la Turquie, principale instigatrice avec l’Arabie Saoudite de l’assaut djihadiste contre Assad, constatant ainsi un « antagonisme objectif » entre les Chinois et les Turcs. Cet antagonisme a des racines plus profondes, qui concernent la population des Ouïghours, musulmane sunnite et turcophone, habitant le Xinjiang et ayant des revendications à cet égard, au travers de l’organisation TIP (Turkistan Islamic Party), avec des perspectives qui emplissent de terreur le pouvoir central chinois. Il y a donc un vieux contentieux entre Erdogan lui-même et les Chinois, concernant d’une part les ambitions nécessairement mégalomanes du premier et les inquiétudes évidemment obsessionnelles des seconds, tout cela par rapport au Xinjiang et aux Ouïghours…

 

« En 1995, quand M. Erdogan était maire d’Istanboul, il a donné à une partie du parc Sultan Ahmet (Mosquée Bleue) le nom d’Isa Yusuf Alptekin, le leader du mouvement d’indépendance du Turkestan oriental et l’ennemi juré de la Chine des années 1990. Après la mort d’Alptekin, Erdogan a érigé un monument commémoratif dans le parc en souvenir des Sehitlerinin (ou martyrs) du Turkestan oriental, qui avaient perdu la vie dans la « lutte pour l’indépendance. » En 2009, les relations bilatérales sont tombées au plus bas lorsque [Erdogan] a qualifié la répression chinoise au Xinjiang de « génocide » et que, en 2014, le porte-parole de l’AKP, le Daily Sabah, s’est mis à servir une rhétorique anti-chinoise du même acabit. »

 

« De plus, un article de juillet 2014 a contesté la légitimité des revendications de la Chine sur le Xinjiang et a fait dire au vice-président du Congrès mondial ouïghour : La question du Turkestan oriental est sous la responsabilité de la Turquie. Ankara a, en outre, contesté l’autorité de Pékin sur les Ouïghours chinois, en accueillant, en novembre, les réfugiés clandestins ouïghours capturés en Thaïlande, ce qui a provoqué la réaction indignée de la Chine qui a immédiatement demandé à la Turquie de cesser d’interférer dans les affaires intérieures de la Chine et de soutenir l’immigration clandestine… [qui] nuit à la sécurité des pays et des régions concernées. »

 

Dans ce texte, Lin appréciait la Turquie comme étant, aux yeux des Chinois « le Pakistan d’un Afghanistan que serait la Syrie », organisant un flux constant de nouveaux combattants djihadistes avec la fourniture de toute la logistique nécessaire et la profusion de faux passeports turcs, certains de ces combattants venus du Xinjiang en tant que fidèles Ouïghours, pour alimenter l’« Armée de la Conquête » anti-Assad dont les Turcs sont, avec les Saoudiens, les principaux pourvoyeurs et qui rassemble un patchwork de diverses organisations djihadistes. Lin signale, dans un autre article, du 1er juin 2015, que cette « Armée de la Conquête », qui est l’objet d’une grande hostilité de la part de Daesh/ISIS parce qu’elle est formée d’entités nationales qui s’affirment comme telles, contre l’organisation islamiste fondamentale qui caractérise Daesh, a le potentiel de devenir elle-même un autre « État Islamique ». Parmi ces références « nationales », on trouve le TIP des Ouïghours du Xinjiang.

 

« Le 25 avril 2015, une coalition de forces rebelles menée par l’affilié d’al-Qaïda, Jabhat al-Nusra (JN), le Parti du Turkistan islamique dirigé par les Ouïghours chinois (PTI), le groupe ouzbek Imam Bukhari Jamaat (IBJ), et le groupe Katibat Tawhid wal Jihad, a écrasé l’armée syrienne à Jisr al-Shughur au nord-ouest du gouvernorat syrien d’Idlib. Selon un article récent du Terrorism Monitor, du fait que la coalition rebelle soutenue par la Turquie, le Qatar et l’Arabie saoudite bénéficie d’une ligne d’alimentation directe qui va de la province turque de Hatay jusqu’à Idlib, pourrait permettre aux « rebelles d’avoir assez de ressources pour établir un État de facto au nord-ouest de la Syrie qui serait dirigé par Jabhat al-Nusra et soutenu par plusieurs milices d’Asie centrale ». Ceci corrobore les conclusions du rapport de 2012 de la DIA, publié récemment, selon lesquelles les États arabes du Golfe et la Turquie voulaient créer un mini-État salafiste en Syrie pour faire pression sur le régime d’Assad. »

 

« L’état de facto, qu’ISIS condamne parce qu’il autorise la présence de symboles jahliyya (préislamiques) aux côtés de symboles islamiques – comme le drapeau nationaliste bleu du « Turkestan oriental » et le drapeau de l’Armée syrienne libre – poserait désormais une menace à la sécurité de la Chine et des pays d’Asie centrale qui craignent de servir de base arrière aux groupes militants pour lancer des attaques sur leurs fronts. De fait, les groupes rebelles chinois ETIM et PTI ont autrefois utilisé l’AfPak (l’Afghanistan/Pakistan)* comme rampe de lancement pour des attaques terroristes contre la Chine, et maintenant la Syrie/Turquie est considérée par Pékin comme leur nouveau AfPak. »

 

Depuis 2012, les Chinois sont intervenus à plusieurs reprises auprès des Turcs et d’Erdogan directement pour faire cesser ces pratiques qui établissent un lien fâcheux (pour les Chinois) entre le conflit syrien et les grandes régions d’Eurasie, mais tout cela sans beaucoup de succès. Il est difficile de faire changer d’avis Erdogan, car il se charge lui-même de cette besogne, et dans tous les sens.

 

L’on est évidemment conduit à penser qu’il ne ferait guère de doute que cette situation sera un des grands sujets d’entretien des réunions de juillet en Russie, où l’Inde et le Pakistan, et sans doute l’Iran, devraient être admis comme nouveaux membres de la SCO. Lin ne recule plus désormais devant l’image de la SCO se constituant en « OTAN de l’Est », concept jusqu’alors écarté en général, et surtout, et avec la plus grande vigueur, par les Chinois…

 

Mais la situation évolue très vite et la SCO devient un formidable rassemblement de producteurs d’énergie, une structure naturelle pour soutenir le grandiose projet de « Nouvelle Route de la Soie » de la Chine et, surtout, un instrument militaire promis à une coopération, sinon une intégration militaire (du point de vue technique) grandissante si les perspectives d’affrontement dues à l’immense désordre moyen-oriental menacent de déborder ce cadre.

 

La nouvelle ontologie belliciste instaurée par ISIS/Daesh passant du terrorisme à la constitution en État islamique, imitée éventuellement par le projet concurrent de Daesh des autres organisations djihadistes de l’« Armée de la Conquête », transforme à mesure les ripostes militaires. La SCO, qui prévoit une collaboration active dans la lutte contre le terrorisme, devrait voir cette collaboration antiterroriste envisager une évolution vers une collaboration militaire du type OTAN, à mesure de l’affirmation de la transformation des terrorismes en structures à prétention étatique…

Lin poursuit dans cette voie : « Avec les nouveaux dirigeants nationalistes que sont Poutine, Xi et Modi à la barre, Moscou, Pékin et Delhi mettent de côté leurs rivalités stratégiques en Eurasie. Et, en mai, ils ont annoncé qu’ils mèneraient leur premier exercice antiterroriste conjoint plus tard dans l’année – unis par la menace commune de déstabilisation de leur patrie par ISIS et l’islam radical.

 

Durant le même mois, la Chine et la Russie ont également conduit, au large de la côte syrienne, l’exercice naval « Mer commune 2015 », immédiatement suivi en juin par « Pont de l’Amitié 2015 », un autre exercice naval de l’Égypte et de la Russie, près du port égyptien d’Alexandrie où la Russie souhaiterait établir une nouvelle base navale. »

 

L’Égypte et la Syrie viennent également d’exprimer leur volonté d’adhérer à l’OCS pour lutter avec les autres États membres contre les islamistes politiques et les salafistes djihadistes de Frères musulmans, des affiliés d’al-Qaïda, d’ISIS, d’ETIM et de PTI qui menacent de déstabiliser leurs pays.

 

En janvier, on avait discuté de la question d’accepter la Syrie au sein de l’OCS pour contrer l’OTAN et le plan occidental de remplacer Assad par les salafistes, et pour empêcher l’avènement d’un Damas islamiste qui exporterait l’extrémisme et radicaliserait ces états d’Eurasie qui ont une importante population musulmane sunnite. »

 

Dans un sommet de juillet 2014 à Tachkent, l’OCS dirigée par la Chine a également examiné la possibilité de fusionner avec l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC), l’alliance militaire dirigée par la Russie, puisque la plupart de leurs membres respectifs appartiennent aux deux organisations. De 2012 à 2015, l’Iran, l’Égypte et l’Inde ont eu des entretiens avec l’OTSC sur le statut d’observateur et une éventuelle adhésion ; l’Iran a déjà actuellement le statut de candidat. ISIS, avec son expansion rapide et sa volonté de conquérir le territoire de l’OCS, et les djihadistes salafistes d’al-Qaïda soutenus par la Turquie, membre de l’OTAN, et les pays arabes du Golfe, pourraient, tel un hameçon fiché dans la mâchoire des pouvoirs eurasiens, les entraîner sur la ligne de front de la bataille contre l’Islam radical en Syrie et en Irak. »

 

L’OCS mène déjà des exercices militaires conjoints similaires à ceux de l’OTAN, sous le nom de Mission de paix. En août dernier, les membres de l’OCS ont conduit un exercice de contre-terrorisme à grande échelle visant à repousser des séparatistes soutenus par l’étranger, en Mongolie intérieure, impliquant 7 000 soldats, dont la presse occidentale a très peu parlé.

 

L’OCS était jusqu’à présent un bloc interne de sécurité collective et non une alliance de défense collective contre des menaces externes, mais étant donné le danger croissant de terrorisme, d’extrémisme et de séparatisme en provenance de l’extérieur de son territoire, l’OCS s’intéresse désormais à l’extérieur. »

 

Si l’OCS et l’OTSC fusionnaient pour former une alliance militaire eurasienne de lutte contre le terrorisme, pourraient-elles éventuellement mettre des bottes sur le terrain en Syrie et en Irak ? En 2012, le bruit a couru que la Chine, la Russie, l’Iran et la Syrie envisageaient de conduire un immense exercice militaire impliquant 90 000 soldats. Si l’Iran et la Syrie rejoignaient tous deux l’OCS, cet exercice pourrait avoir lieu et s’appeler la nouvelle Mission de paix 2016 de l’OCS. »

 

La Chine s’est battue contre la Turquie dans la guerre de Corée de 1950 à 1953, quand la ligne rouge de Pékin a été franchie. On peut se demander si la Turquie, en utilisant la Syrie pour recruter les Ouïghours et stimuler le séparatisme Xinjiang, ne cherche pas à provoquer à nouveau le dragon chinois. En outre, si l’Iran se joint à une alliance militaire collective, cela aurait aussi sans doute pour effet d’exclure une éventuelle opération militaire des États-Unis et d’Israël contre son programme nucléaire illicite.

 

« Les États-Unis et l’OTAN feraient peut-être bien de conseiller à leurs alliés arabes du Golfe et de Turquie de se retirer de cette armée djihadiste de conquête et de se concentrer sur la lutte contre ISIS, plutôt que de saboter la coalition anti-ISIS sous commandement étasunien et d’inciter, par leurs provocations, des États nucléaires eurasiatiques à passer d’une opération de contre-terrorisme à une grande guerre entre superpuissances. »

 

 

 

Par Philippe Grasset (Dedefensa) - lesakerfrancophone.net - traduction des parties en anglais : Dominique Muselet – le 17 juin 2015

 

Note

* Af-Pak est le nouvel acronyme inventé par le gouvernement américain pour désigner l’Afghanistan/Pakistan

Koter Info's insight:


Voir la suite de l’article intitulé :

« De la Chine à Assad, l’aventure

c’est l’aventure »

(Partie 2/2) ici

 

No comment yet.
Scooped by Koter Info
Scoop.it!

Obama réarme

Obama réarme | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Source photo  : lintegral.over-blog.com + E&R

 


 

Obama réarme

 

Alors que la presse atlantiste salue la nouvelle Doctrine US de sécurité nationale comme une volonté d’explorer d’abord des moyens non-militaires pour résoudre des conflits, Thierry Meyssan y a lu une profession de foi impérialiste et une déclaration de guerre au monde. Nos lecteurs pourront se reporter au document original, téléchargeable au bas de cette page, pour vérifier qui dit vrai.

 

Le président Obama vient de rendre publique sa Doctrine de sécurité nationale (National Security Strategy), un document qui explicite les ambitions de son pays et dont on attendait depuis longtemps la publication. Tout en maniant la « langue de bois », il y définit sa vision de l’impérialisme. En voici le décryptage :

 


A— Les huit entraves à la domination impériale

 

— Le premier obstacle, c’est la diminution des dépenses militaires. « La force n’est pas le premier choix des États-Unis, mais parfois leur choix nécessaire », aussi doivent-ils conserver leur écrasante supériorité en la matière [leur budget militaire est supérieur à celui de tous les autres États du monde cumulés] et doivent-ils cesser d’y faire des économies.

 

— Le second, c’est le danger interne de révolte armée. Depuis les attentats du 11 septembre, la peur du terrorisme a permis de développer la surveillance des citoyens. Ainsi, le Patriot Act a « protégé des individus vulnérables à des idéologies extrémistes susceptibles de les pousser à des attaques sur le sol » états-unien.

 

— Le troisième, c’est le terrorisme transnational que les États-Unis ont créé et qu’ils doivent sans cesse maîtriser. Afin que la lutte contre cette entrave ne soit pas détournée pour régler des comptes intérieurs, elle sera toujours accomplie dans un respect scrupuleux de la loi US [pas de la loi internationale puisque l’organisation du terrorisme est un crime international].


— Le quatrième, c’est le relèvement de la puissance russe et accessoirement les provocations de la République populaire démocratique de Corée, désignée sous le nom de Corée du Nord de manière à se souvenir que les États-Unis ne l’ont toujours pas vaincue et qu’ils peuvent toujours reprendre cette guerre.

 

— Le cinquième, c’est l’éventuelle accession de nouveaux États au statut de puissance nucléaire, ce qui leur permettrait de résister à Washington. L’opinion publique internationale pense ici à l’Iran, mais le président Obama pense en réalité à la Corée. Et peu importe qu’il n’ait jamais tenu ses promesses de dénucléarisation ni que l’OTAN serve à violer les engagements signés du Traité de non-prolifération.

 

— Le sixième, c’est l’évolution du climat qui pousse des populations à migrer et donc menace le statu quo.

 

— Le septième, c’est la remise en cause du contrôle exclusif des États-Unis sur les espaces communs.

 

D’abord, le cyberespace : les États-Unis étant à la fois propriétaires de l’Internet et disposant d’un système gigantesque d’écoutes illégales, ils ne s’attendaient pas à ce que certains utilisent ce mode de communication pour ne pas payer les redevances des brevets, droits d’auteur et autres droits des marques qui constituent aujourd’hui une rente, la première source de revenus.

 

Ensuite, l’espace : les États-Unis soutiennent le projet européen de Code de conduite sur les activités spatiales ce qui est un moyen d’échapper au projet russo-chinois de Traité d’interdiction de placement d’armes dans l’espace.

 

Enfin, l’air et la mer. Depuis la Charte de l’Atlantique, les États-Unis et le Royaume-Uni se sont autoproclamés police de l’air et des mers. Ils garantissent la libre circulation des marchandises et étendent ainsi leur thalassocratie.

 

— Le huitième, c’est le risque d’une épidémie. Depuis un an, les États-Unis ont mis en place avec une trentaine de leurs alliés le Global Health Security Agenda qui vise à détecter et contenir les épidémies aussi bien qu’à répondre au bioterrorisme.

 

 

B— Les objectifs économiques

 

En premier lieu, il s’agit de faire travailler les États-Uniens, non pas pour qu’ils puissent vivre avec un meilleur niveau de vie, mais pour qu’ils assurent la puissance économique du pays.

 

Deuxièmement, les États-Unis rencontrent un problème de sécurité énergétique non pas parce qu’ils auraient du mal à s’approvisionner — ils sont désormais excédentaires grâce au pétrole mexicain dont ils se sont discrètement emparés — mais parce que la Russie prétend suivre leur exemple en contrôlant le marché mondial du gaz.

 

Troisièmement, le leadership US en matières scientifiques et technologiques ne doit plus reposer sur l’immigration des cerveaux, qui tend à se raréfier, mais sur son propre système scolaire.

 

Quatrièmement, le nouvel ordre économique doit faire des États-Unis la première destination des investissements dans le monde. Dès lors tous leurs encouragements à développer les investissements ici ou là sont de pure forme.

 

Cinquièmement, les États-Unis doivent utiliser l’extrême pauvreté dans le monde pour imposer leurs produits.

 

 

C— L’idéologie

 

Les États-Unis sont irréprochables en matière de « Droits de l’homme ». Cette expression doit être comprise au sens anglo-saxon de protection des individus face à l’arbitraire des États, mais surtout pas au sens des Révolutionnaires français pour qui le premier « Droit de l’homme et du citoyen », ce n’est pas d’élire des dirigeants parmi les élites, c’est d’être son propre dirigeant.

 

L’Administration Obama a mit fin à la pratique de la torture et garantit les droits de ses prisonniers. Peu importe que les membres de la CIA ayant pratiqué des expériences sur des prisonniers ne soient pas poursuivis pour leurs crimes ni qu’aucune enquête n’ait été conduite sur les 80 000 personnes qui furent illégalement détenues en eaux internationales sur des bateaux de la Navy durant l’ère Bush. De même, on est prié de croire que la NSA ne collecte aucun renseignement pour réprimer des opinions politiques ni qu’elle transmette ses renseignements à l’Advocacy Center afin de favoriser les entreprises US lors des appels d’offres internationaux.

 

Les États-Unis défendent des principes universels : la liberté d’expression [sauf pour les télévisions serbes, irakiennes, libyennes et syriennes qu’ils ont détruites], la liberté de culte [mais pas la liberté de conscience] et de réunion, la capacité de choisir ses leaders de manière démocratique [sauf pour les Syriens qui ont élu Bachar el-Assad à 88 %], et le droit à une procédure et une justice équitable [mais uniquement en ce qui concerne le droit pénal chez les autres]. Ils défendent les communautés les plus vulnérables, telles les minorités ethniques et religieuses [mais ni les Yazidis ni les catholiques ou orthodoxes du Proche-Orient], les handicapés, les LGTB [uniquement parce que ça ne leur coûte rien], les personnes déplacées [sauf les Mexicains qui tentent de franchir la frontière] et les travailleurs migrants.

 

Les États-Unis soutiennent les démocraties émergentes, particulièrement après le printemps arabe. C’est pourquoi ils ont soutenu Al-Qaïda dans sa révolution contre la Jamahiriya arabe libyenne et le soutiennent encore contre la République arabe syrienne. Ils luttent également contre la corruption, sachant qu’ils n’ont rien à se reprocher puisque les membres du Congrès ne touchent pas d’argent en cachette pour modifier leurs votes, mais le déclarent sur un registre.

 

Les États-Unis continueront à subventionner des associations à l’étranger en choisissant leurs interlocuteurs de manière à pouvoir camoufler leurs coups d’État en « révolutions colorées ».

 

Enfin, les États-Unis s’attacheront à prévenir des massacres de masse [mais pas à ne pas en pratiquer eux-mêmes comme celui des 160 000 Libyens qu’ils avaient reçu mandat de protéger et qu’ils bombardèrent]. Pour ce faire, ils soutiendront la Cour pénale internationale [à la condition qu’elle ne poursuive pas de fonctionnaires US].

 

 

D— Le Nouvel ordre régional

 

— Extrême-Orient : Bien que la Chine soit en compétition avec les États-Unis, ils éviteront la confrontation et « chercheront à développer une relation constructive » avec Pékin. Néanmoins, comme on n’est jamais assez prudent, ils poursuivront le déplacement de leurs troupes vers l’Extrême-Orient et se préparent dès à présent à la Guerre mondiale.

 

— Europe : Les États-Unis continueront à s’appuyer sur l’Union européenne qu’ils ont imposée aux Européens, leur principal client. Ils ne manqueront pas d’utiliser l’UE, leur « partenaire indispensable », contre la Russie.

 

— Proche-Orient : Les États-Unis garantissent la survie de la colonie juive de Palestine. Pour ce faire, ils continueront à la doter d’une très importante avance technologique militaire. Surtout, ils poursuivront la construction d’une alliance militaire entre Israël, la Jordanie et les pays du Golfe conduits par l’Arabie saoudite, ce qui enterrera définitivement le mythe du conflit israélo-arabe.

 

— Afrique : Les États-Unis subventionneront de « Jeunes leaders » qu’ils aideront à être démocratiquement élus.

 

— Amérique latine : Les États-Unis lutteront pour la démocratie au Venezuela et à Cuba, qui persistent à leur résister.

 

 

E— Conclusion

 

Concluant son exposé, le président Obama souligne que ce programme ne pourra être accompli qu’en restaurant la coopération entre Républicains et Démocrates, ce qui est une manière de rappeler son projet d’augmentation des dépenses militaires.

 

Pour être comprise, la nouvelle Doctrine de sécurité nationale doit être replacée dans son contexte. En 2010, le président Obama avait abandonné la théorie de la « guerre préventive », c’est-à-dire le droit du plus fort de tuer qui bon lui semble. Cette fois-ci, il abandonne le projet de « remodelage du Moyen-Orient élargi ». Compte tenu des principes énoncés plus haut, on peut en conclure que les États-Unis vont repousser Daesh vers la Russie, qu’ils ne reconnaîtront finalement pas l’indépendance du Kurdistan irakien, et qu’ils confieront la sécurité d’Israël à la Jordanie et à l’Arabie saoudite et non pas à la Russie comme envisagé en 2012.

 

La Doctrine Obama restera dans l’Histoire comme le constat d’un échec et l’annonce d’une catastrophe : Washington abandonne son projet de réorganisation militaire et se lance à nouveau dans le développement de ses armées.

 

Au cours des 70 dernières années, le budget militaire du pays a toujours été en augmentation, sauf en 1991-95 lorsqu’ils pensaient conquérir le monde par la seule voie économique, et en 2013-14 lorsqu’ils prirent conscience de leur désorganisation. En effet, depuis plusieurs années, plus ils mettent d’argent dans leurs armées, moins celles-ci fonctionnent. Cependant personne n’a réussi à réformer le système ni Donald Rumsfeld ni Chuck Hagel. Par conséquent, il faudra toujours nourrir plus le Moloch, à la fois d’un point de vue budgétaire et en lui offrant des guerres à livrer.

 

 

>>> Voir le rapport en question ici :

National Security Strategy, USA 2015 (original en anglais)

 

 

 

Par E & R - voltairenet.org – le 9 février 2015


No comment yet.
Scooped by Koter Info
Scoop.it!

Boko Haram : une opération secrète de la CIA pour diviser et régner en Afrique ?

Boko Haram : une opération secrète de la CIA pour diviser et régner en Afrique ? | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Photo :  duffelblog.com 


 

 

Boko Haram : une opération secrète de la CIA

pour diviser et régner en Afrique ?

 Par Julie Lévesque (*)


Le but de la présence militaire étasunienne en Afrique est bien documenté : contrer l’influence chinoise et contrôler des endroits stratégiques et des ressources naturelles, y compris les réserves de pétrole. Cela a été confirmé il y a plus de 8 ans par le département d’État étasunien :


En 2007, le conseiller du département d’État étasunien, le Dr J. Peter Pham a commenté les objectifs stratégiques d’AFRICOM :

« protéger l’accès aux hydrocarbures et autres ressources stratégiques abondantes en Afrique, une tâche qui consiste à protéger la vulnérabilité de ces richesses naturelles et à s’assurer qu’aucune autre tierce partie intéressée, comme la Chine, l’Inde, le Japon ou la Russie, n’obtienne des monopoles ou des traitements préférentiels ». (Nile Bowie,.US AFRICOM Commander Calls for “Huge” Military Campaign in West Africa, Global Research, 11 avril 2012)

 

Au début février, « de passage au Centre d’études stratégiques et internationales à Washington, D.C., le chef d’AFRICOM, le général David Rodriguez, a appelé à une campagne de « contre-insurrection » de grande envergure menée par les États-Unis contre des groupes en Afrique de l’Ouest ».

 

Le chef du Commandement des opérations spéciales des États-Unis (SOCOM), le général Joseph Votel, a fait des remarques similaires la semaine dernière à l’Académie West Point de l’Armée étasunienne, affirmant que les équipes de commandos étasuniens doivent se préparer à de nouveaux déploiements contre Boko Haram et l’État islamique. (Thomas Gaist, US AFRICOM Commander Calls for “Huge” Military Campaign in West Africa, World Socialist Web Site, 2 février 2015)

 

Mark P. Fancher a souligné l’hypocrisie et « l’arrogance impérialiste » des pays occidentaux, qui « malgré la condamnation universelle du colonialisme », sont toujours prêts « à déclarer publiquement (sans excuses) leurs plans d’expansion et de coordination de leur présence militaire en Afrique » (Marc P. Fancher, Arrogant Western Military Coordination and the New/Old Threat to Africa, Black Agenda Report, le 4 février 2015)

 

Plus de troupes en provenance du Bénin, du Cameroun, du Niger, du Nigeria et du Tchad sont maintenant déployées pour lutter contre Boko Haram.

 

Cette nouvelle guerre contre une autre entité terroriste obscure en Afrique n’est pas sans rappeler la campagne de propagande ratée de Kony 2012, drapée dans des idéaux humanitaires. Elle est utilisée comme un écran de fumée pour éviter d’aborder la question des victimes de la guerre contre le terrorisme et les causes réelles du terrorisme, et afin de justifier une autre invasion militaire. Il est vrai que Boko Haram fait des victimes, mais le but de l’intervention occidentale en Afrique n’est pas de venir à leur secours.

 

Le conflit le plus meurtrier dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale, celui qui fait toujours rage, se passe au Congo et l’élite occidentale et leurs médias ne s’en préoccupent pas. Cela démontre que les interventions militaires ne sont pas destinées à sauver des vies.


Pour comprendre pourquoi les médias se concentrent sur Boko Haram, nous avons besoin de savoir qui est derrière cette organisation. Quel est le contexte sous-jacent et quels intérêts sont servis ?

 


Boko Haram : une autre opération clandestine des États-Unis ?

 

Boko Haram est basé dans le nord du Nigeria, le pays le plus peuplé et la plus grande économie d’Afrique. Le Nigeria est le plus grand producteur de pétrole du continent et détient 3,4 % des réserves mondiales de pétrole brut.

 

En mai 2014, African Renaissance News a publié un reportage détaillé sur Boko Haram et la possibilité que l’organisation soit une autre opération secrète de la CIA visant à prendre le contrôle du Nigeria :


[L] e plus grand prix pour l’AFRICOM, qui vise à implanter une Pax Americana en Afrique, serait de réussir dans le pays africain le plus stratégique, le Nigeria. C’est là qu’entre en perspective la question de Boko Haram qui fait rage actuellement et la prédiction de l’Intelligence Council des États-Unis sur la désintégration du Nigeria en 2015, dont on a beaucoup parlé [...] (Atheling P Reginald Mavengira, Humanitarian Intervention” in Nigeria: Is the Boko Haram Insurgency Another CIA Covert Operation? Wikileaks, African Renaissance News, 8 mai 2014)

 

Dans les années 1970 et 1980, le Nigeria a aidé plusieurs pays africains « défiant ainsi clairement les intérêts des États-Unis et de leurs alliés occidentaux, une opposition ayant entraîné à l’époque un recul des initiatives occidentales en Afrique ». (Ibid.)

 

Le Nigeria exerce son influence dans la région grâce au leadership du Groupe de contrôle de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (ECOMOG, droite), une armée composée de soldats de divers pays africains et mise en place par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Le groupe est intervenu dans la guerre civile au Liberia dans les années 90. Le Liberia a été fondé en 1821 par les États-Unis et a été dirigé par des Américano-Libériens pendant plus d’un siècle.

 

Les puissances occidentales, en premier lieu les États-Unis, ne sont évidemment pas prêtes à laisser les Africains avoir une armée multinationale dans laquelle ils ne détiennent pas de rôle de premier plan. L’ACRI, qui devint plus tard l’AFRICOM, a été formé en 2000 pour contenir l’influence du Nigeria et contrer l’ECOMOG, évitant ainsi l’émergence d’une force militaire africaine dirigée par des Africains.

 

Selon les documents de Wikileaks mentionnés dans l’article de Mavengira ci-dessus, l’ambassade étasunienne au Nigeria constitue :

une base d’opérations pour des actes de subversion de grande envergure et à grande portée contre le Nigeria, notamment l’écoute des communications du gouvernement nigérian, l’espionnage financier d’éminents Nigérians, le soutien et le financement de groupes subversifs, d’insurgés, de propagande de discorde entre les groupes disparates du Nigeria et l’utilisation de chantage relié aux visas afin de contraindre et d’amener des Nigérians de haut rang à agir en faveur des intérêts étasuniens. (Mavengira, op. cit., c’est l’auteure qui souligne)

 

Mavengira fait partie de la GreenWhite Coalition, un « groupe de défense citoyen bénévole composé de Nigérians de tous les groupes ethniques et de toutes les convictions religieuses ». Il écrit que le but ultime des opérations clandestines étasuniennes dans son pays consiste « à éliminer le Nigeria comme potentiel rival stratégique des États-Unis sur le continent africain ». (Ibid.)

 

Une enquête sur la secte Boko Haram par la Coalition GreenWhite a révélé que la « campagne de Boko Haram est une opération secrète organisée de la Central Intelligence Agency (CIA) étasunienne coordonnée par l’ambassade étasunienne au Nigeria ». Les États-Unis ont déjà utilisé leurs ambassades pour des opérations secrètes. L’ambassade de Benghazi s’est révélée être la base d’une opération secrète de trafic d’armes pour les mercenaires luttant contre Bachar Al-Assad en Syrie. Quant à l’ambassade en Ukraine, une vidéo de novembre 2013 a émergé récemment montrant un parlementaire ukrainien l’exposant comme le point central d’une autre opération clandestine destinée à fomenter des troubles civils et à renverser le gouvernement démocratiquement élu.

 

L’enquête de GreenWhite Coalition sur Boko Haram révèle un plan en trois étapes du National Intelligence Council des États-Unis visant à « pakistaniser » le Nigeria, internationaliser la crise et diviser le pays en vertu d’un mandat et d’une force d’occupation de l’ONU. Le plan « prédit » la désintégration du Nigeria pour 2015. Il convient de citer l’enquête en détail :

 

L’ensemble du rapport du [National Intelligence Council] est en réalité une déclaration d’intentions codée sur la façon dont les États-Unis prévoient éventuellement démanteler le Nigeria grâce à des complots de déstabilisation [...]

 


Étape 1 : Pakistaniser le Nigeria

 

Vu la réalité existentielle du fléau de Boko Haram, la vague d’attentats et d’attaques sur les bâtiments publics sont susceptibles de dégénérer dans les mois à venir.

 

Le but est d’exacerber les tensions et la suspicion mutuelle entre les adeptes des deux religions au Nigeria et de les mener à la violence interconfessionnelle [...]

 


Étape 2 : L’internationalisation de la crise

 

Les États-Unis, l’Union européenne et les Nations Unies appelleront à l’arrêt des violences. [...] Pour créer de l’effet, il y aura une couverture importante des médias internationaux sur la crise du Nigeria avec de soi-disant experts pour discuter de toutes les ramifications. Ces experts s’efforceront de créer l’impression que seule une intervention étrangère bienveillante pourrait résoudre la crise.

 


Étape 3 : La grande division en vertu d’un mandat de l’ONU

 

L’on proposera d’abord l’intervention d’une force internationale de maintien de la paix afin de séparer les groupes belligérants et/ou un mandat de l’ONU assignant différentes parties du Nigeria à des puissances occupantes. Bien sûr, les États-Unis et leurs alliés, guidés par des purs intérêts économiques, auront préalablement discuté dans les coulisses des zones à occuper [...] (Ibid., c’est l’auteure qui souligne)

 

En 2012, le Nile Bowie écrivait :

 

Le Nigerian Tribune a rapporté que Boko Haram reçoit du financement de différents groupes de l’Arabie saoudite et du Royaume-Uni, en particulier du Fonds fiduciaire Al-Muntada, dont le siège est au Royaume-Uni et à la Société islamique mondiale de l’Arabie saoudite [8]. Lors d’une entrevue menée par Al-Jazeera avec Abou Mousab Abdel Wadoud, le chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) stipule que des organisations dont le siège est en Algérie ont fourni des armes au mouvement Boko Haram au Nigeria « pour défendre les musulmans au Nigeria et arrêter les avancées d’une minorité de croisés » [9].

 

Fait amplement documenté, les membres d’Al-Qaïda (AQMI) et du Groupe islamique combattant en Libye (GICL) ont combattu aux côtés des rebelles libyens et reçu directement des pays de l’OTAN des armes [10] et du soutien logistique [11] durant le conflit libyen en 2011 [...]

 

Pour l’administration Obama, l’appui clandestin à des organisations terroristes dans le but d’atteindre ses objectifs de politique étrangère semble être la condition préalable au commandement des opérations à l’étranger. Boko Haram existe comme une division séparée de l’appareil de déstabilisation étasunien, visant à briser le pays le plus peuplé d’Afrique et le plus grand marché potentiel. (Nile Bowie, CIA Covert Ops in Nigeria: Fertile Ground for US Sponsored Balkanization, Global Research, le 11 avril 2012)

 

Des reportages indiquent également que certains commandants nigérians sont possiblement impliqués dans le financement de l’insurrection.

 

Selon le reportage, un soldat nigérian dans l’État de Borno a confirmé que Boko Haram a attaqué Gamboru Ngala en leur présence, mais que leur commandant leur a demandé de ne pas repousser l’attaque. Le soldat a dit au Service Hausa de la BBC que des hélicoptères planaient dans le ciel tandis que les attaques étaient en cours. Trois cents personnes ont été tuées, des maisons et un marché brûlés tandis que les soldats regardaient, ayant reçu l’ordre de ne pas prêter assistance à ceux qui étaient attaqués. Le soldat a déclaré que l’insurrection de Boko Haram prendra fin lorsque les officiers supérieurs de l’armée cesseront de l’alimenter.

 

Lors des enlèvements de filles de Chibok, un soldat a affirmé en entrevue à SaharaReporters,

« Nous avons reçu l’ordre d’arrêter les véhicules transportant les filles, mais dès le début de la mission, nous avons reçu l’ordre contraire, soit de nous retirer. Je peux vous assurer que personne ne nous a demandé de chercher quiconque. »

 

Certains soldats soupçonnent leurs commandants de révéler les opérations militaires à la secte Boko Haram. (Audu Liberty Oseni, Who is Protecting Boko Haram. Is the Nigerian Government involved in a Conspiracy?, africanexecutive.com, 28 mai 2014)

 

Ces commandants auraient-ils été contraints par des éléments de l’ambassade étasunienne, tel que le suggère l’enquête de Greewhite Coalition citée auparavant ?

 

Boko Haram : Le prochain chapitre dans la frauduleuse, coûteuse, destructrice et meurtrière guerre au terrorisme ?

 

Il a été clairement démontré que la soi-disant guerre contre le terrorisme a fait croître le terrorisme.

Nick Turse explique :

[Dix] ans après que Washington eut commencé à verser l’argent des contribuables dans la lutte contre le terrorisme et les efforts de stabilisation à travers l’Afrique, et que ses forces eurent commencé à exploiter le Camp Lemonnier [Djibouti], le continent a connu de profonds changements, mais pas ceux recherchés par les États-Unis. L’université de Berny Sèbe de Birmingham cite en exemple la Libye postrévolutionnaire, l’effondrement du Mali, la montée de Boko Haram au Nigeria, le coup d’État en République centrafricaine, et la violence dans la région des Grands Lacs de l’Afrique comme preuve de la volatilité croissante. « Le continent est certainement plus instable aujourd’hui qu’il ne l’était au début des années 2000, lorsque les États-Unis ont commencé à intervenir plus directement. » (Nick Turse, The Terror Diaspora: The U.S. Military and Obama’s Scramble for Africa, Tom Dispatch, 18 juin, 2013)

 


Que veulent les États-Unis en Afrique ?

 

Lorsqu’il est question d’interventions à l’étranger, des décennies d’histoire ont démontré que les objectifs déclarés de l’armée étasunienne et ses véritables intentions ne sont jamais les mêmes. L’intention réelle ne consiste jamais à sauver des humains, mais plutôt à sauver des profits et à gagner du pouvoir. Les interventions des États-Unis et de l’OTAN ne sauvent pas, elles tuent.


Celles menées depuis le début du siècle ont tué des centaines de milliers, si ce n’est plus d’un million d’innocents. Difficile de dire combien, car l’OTAN ne veut pas vraiment savoir combien de civils elle tue. Comme le notait The Guardian en août 2011, il n’y avait « pas de projet international de grande envergure consacré au bilan des décès dans le conflit en Libye », à part durant une brève période.

 

En février 2014, « on estimait qu’au moins 21 000 civils [étaient] décédés de mort violente en raison de la guerre » en Afghanistan selon Cost of War. En ce qui concerne l’Irak, en mai 2014 on comptait « au moins 133 000 civils tués, victimes de violence directe depuis l’invasion ».

 

Quant à la Libye, les médias traditionnels ont d’abord menti à propos du fait que Kadhafi avait initié la violence en attaquant des manifestants pacifiques, un faux compte-rendu destiné à diaboliser Kadhafi et galvaniser l’opinion publique en faveur d’une autre intervention militaire. Comme l’explique le Centre Belfer for Science and International Affairs, « ce sont effectivement les manifestants qui ont initié la violence ».

 

Alan Kuperman écrit :

 

Le gouvernement a réagi aux gestes des rebelles en envoyant l’armée, mais n’a jamais intentionnellement ciblé de civils ou eu recours à l’usage excessif et aveugle de la force, comme l’ont affirmé les médias occidentaux [...]

 

Le plus grand malentendu à propos de l’intervention de l’OTAN, c’est qu’elle a sauvé des vies et a bénéficié à la Libye et ses voisins. En réalité, lorsque l’OTAN est intervenue à la mi-mars 2011, Kadhafi avait déjà repris le contrôle de presque toute la Libye, alors que les rebelles se retiraient rapidement vers l’Égypte. Ainsi, le conflit était sur le point de se terminer à peine six semaines après avoir éclaté, avec un bilan d’environ 1 000 morts, incluant les soldats, les rebelles et les civils pris entre deux feux.

En intervenant, l’OTAN a permis aux rebelles de résumer leur attaque, prolongeant ainsi la guerre pendant encore sept mois et causant la mort d’au moins 7 000 personnes de plus. (Alan Kuperman, Lessons from Libya: How Not to Intervene, Belfer Center for Science and International Affairs, septembre 2013)

Malgré ces chiffres, les médias tenteront encore une fois de nous convaincre que ce dont le monde a le plus besoin en ce moment est de se débarrasser du groupe terroriste Boko Haram et qu’une intervention militaire est la seule solution, même si la soi-disant guerre contre la terreur a en fait accru le terrorisme à l’échelle mondiale. Comme le faisait remarquer Washington’s Blog en 2013, « le terrorisme à l’échelle mondiale a diminué entre 1992 et 2004… mais est monté en flèche depuis 2004 ».

 

Le Guardian rapportait pour sa part en novembre 2014 :

 

L’Index mondial du terrorisme (Global Terrorism Index) a enregistré près de 18 000 décès l’an dernier, un bond d’environ 60 % par rapport à l’année précédente. Quatre groupes sont responsables de la majorité de ces décès : le groupe État islamique (EI) en Irak et en Syrie ; Boko Haram au Nigeria ; les talibans en Afghanistan ; et Al-Qaïda dans diverses parties du monde. (Ewen MacAskill, Fivefold increase in terrorism fatalities since 9/11, says report, The Guardian, 18 novembre 2014)

 

Le Guardian omet toutefois de mentionner que tous ces groupes, y compris Boko Haram et le groupe État islamique, ont été, d’une manière ou d’une autre, armés, entraînés et financés par l’alliance des États-Unis et de l’OTAN, ainsi que leurs alliés au Moyen-Orient.


Grâce à l’appui clandestin des pays occidentaux, des marchands d’armes et des banquiers qui profitent de la mort et de la destruction, la guerre au terrorisme se porte bien. L’Occident prône des interventions militaires sans fin, feignant d’ignorer les causes réelles du terrorisme et la raison pour laquelle il se répand, cachant son rôle et de ce fait indiquant clairement son réel objectif en Afrique : alimenter le terrorisme pour déstabiliser et détruire des pays, justifiant ainsi l’invasion militaire menant à la conquête des terres les plus riches du continent africain, tout en feignant de sauver le monde de la terreur.




Par Julie Lévesque (*) - mondialisation.ca – le 3 mars 2015

 

Article publié initialement en anglais le 14 février : Is Boko Haram a CIA Covert Op to Divide and Conquer Africa?

 

 

(*) Julie Lévesque est journaliste et chercheuse au Centre de recherche sur la mondialisation

No comment yet.