Europe allemande, Europe américaine | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

Illustration : unionrepublicaine.fr


 

Europe allemande, Europe américaine

 

 

Ceux qui militaient pour la construction européenne en espérant y voir une puissance capable de s’opposer dans un monde supposé multipolaire aux autres blocs, notamment la super puissance américaine, avaient depuis longtemps déchanté, tout au moins sur le plan géostratégique.

 

L’affaire ukrainienne, notamment, avait montré que la Pologne, les États scandinaves et d’autres pays européens secondaient directement l’Amérique dans sa volonté démente de « détruire » la Russie. Mais on pouvait espérer que, au sein de l’Union européenne, l’Allemagne et la France modéreraient un temps cette offensive américaine, comme les accords de Minsk2 avaient pu le faire croire.

 

C’était à propos de l’Allemagne oublier que celle-ci était depuis la Seconde Guerre mondiale la plate-forme avancée des Américains pour contenir d’abord, faire reculer ensuite, la Russie, au profit de l’empire d’outre-Atlantique. Les révélations d’Edward Snowden, relayées par l’indépendant Der Spiegel, avaient montré que l’Allemagne collaborait depuis des décennies, via notamment ses services secrets, avec les services américains, dont la NSA, mais aussi l’US Army et le département d’État. En fait, ce grand pays européen représentait la base opérationnelle américaine la plus importante sur le continent européen.

 

Mais il aurait été bien naïf de penser que l’emprise américaine sur l’Allemagne se limiterait au plan politique. Il était évident que dans tous les domaines où l’Europe disposait d’entreprises compétitives, qu’elles soient militaires ou civiles, dès que ces entreprises s’ouvriraient un tant soit peu aux participations allemandes — et comment faire autrement dans le cadre de l’Union européenne ? Elles seraient pénétrées via les participations allemandes par les services secrets américains.

 

Autrement dit, les naïfs, répétons-le, qui se réjouissaient de voir se construire des entreprises européennes, comportant inévitablement une forte participation allemande, n’imaginaient pas que ces entreprises européennes seraient dès le début, du fait de la trahison allemande en pleine guerre économique, une porte ouverte à l’espionnage et aux mauvais coups américains.

 

Or nous venons d’apprendre, toujours par le Spiegel, que l’Allemagne espionnait ses partenaires européens pour le compte des États-Unis et avait fait du BND (les services de renseignement extérieur allemands) le sous-traitant des Américains en matière de surveillance, d’espionnage économique, industriel et diplomatique.

 

Ainsi les responsables politiques, Français notamment, les hauts fonctionnaires européens, les parlementaires font l’objet d’un espionnage permanent des services allemands pour le compte des États-Unis. Mais cela ne se limite pas aux questions politiques. Les premières cibles sont industrielles, autrement dit les entreprises européennes, notamment celles qui concurrencent directement les entreprises américaines ou qui travaillent pour la défense.

 

 

Airbus

 

C’est ainsi que parmi les groupes espionnés, outre feu Alcatel Lucent et Wanadoo, figure EADS, devenue Airbus Group depuis 2014, dont l’État allemand est le 2e actionnaire derrière la France. Mais aussi Eurocopter, devenu Airbus Helicopter, filiale détenue à 100 % par Airbus Group. Airbus a déjà perdu plusieurs marchés devant Boeing, du fait d’informations obtenues par la NSA, notamment un contrat de 6 milliards de dollars avec l’Arabie Saoudite et Saudi Arabian Airlines.

 

On pourrait espérer que ces entreprises stratégiques se protègent dorénavant des intrusions extérieures. Mais que faire si le loup est dans la bergerie, si notamment les membres allemands de l’entreprise, qui sont comme il se doit au courant de tout, renseignent directement les Américains, sans d’ailleurs se préoccuper ce faisant de se tirer des balles dans le pied ?

 

Airbus est en train de passer presque totalement sous contrôle allemand, les intérêts français ayant été éliminés. Mais les mêmes naïfs évoqués plus tôt se consolaient en se disant que l’Europe industrielle ne pouvait se concevoir sans de fortes participations allemandes. Dorénavant ils devront se dire que l’Europe industrielle ne peut pas se concevoir sans de fortes participations américaines et au service direct de Washington.

 

Espérons que Dassault n’acceptera jamais de capitaux allemands. Sinon, adieu les exportations de Rafales.

 

 

 

Par Jean Paul Baquiast - europesolidaire.eu - le 1er mai 2015.