David Gosset : l’UE doit s’engager sur la Nouvelle Route de la Soie | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it

 

David Gosset : l’UE doit s’engager sur

la Nouvelle Route de la Soie


 

Dans un article remarquable sur la Nouvelle Route de la Soie, publié le 6 mars 2015 sur le site du Huffington Post, David Gosset appelle l’UE à saisir la main tendue par la Chine lorsque ce grand pays propose à l’Europe une coopération sur le projet de Nouvelle Route de la soie.

 

« Ce serait pour le premier partenaire commercial de la Chine, l’Union européenne, tout simplement de l’aveuglement stratégique que de manquer les opportunités offertes par Xi Jinping », souligne Gosset.

 

David Gosset est le fondateur du Forum Euro-Chinois et directeur de l’Academia Sinica Europaea à la China Europe International Business School (CEIBS) de Shanghai, Pékin et Accra. Il est également à l’origine du New Silk Road Initiative (NSRI).

 

À la lumière de l’éclairage que nous offre ce texte, nous vous demandons une fois de plus de signer l’appel de l’Institut Schiller intitulé : « L’Europe et les États-Unis doivent abandonner leur approche géopolitique et coopérer avec les BRICS ! »

 

 

La Nouvelle Route de la Soie est une voie juste pour la paix et la prospérité sur le continent eurasiatique.

 

Retrouvant graduellement sa centralité historique, la Chine s’avance sur la grande scène mondiale en développant activement une nouvelle stratégie dans le cadre d’une vision globale. Bien loin d’être une formule vide, la « Nouvelle Route de la Soie » dont le Président chinois Xi Jinping a fait une priorité, ne sera pas seulement l’un des sujets les plus discutés de l’année, mais elle va profondément marquer le futur de la Chine et de ses relations avec l’Eurasie.

 

S’appuyant sur des capacités de financement considérables provenant de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures et le Fonds de la Route de la Soie, la « Ceinture économique de la Route de la Soie », d’abord présentée à l’occasion d’une visite au Kazakhstan du Président Xi Jinping six mois après sa prise de fonction, et la « Route de la Soie maritime du 21e siècle » sont les deux axes principaux, l’un continental, l’autre maritime, de la « Nouvelle Route de la Soie ».

 

Certains analystes chinois aiment faire référence au caractère « jie », « entre ») pour visualiser une configuration dans laquelle le Pays du Milieu apparaît comme une clef de voûte : dans la partie supérieure du caractère, un toit, le trait de gauche représentant la « Ceinture économique de la Route de la Soie », celui de droite la « Route de la Soie maritime du 21e siècle » et, dans la partie inférieure, d’un côté le couloir Chine (Xinjiang) — Pakistan, de l’autre, le couloir Chine (Yunnan) — Myanmar-Bangladesh-Inde. Il faut noter que les quatre vecteurs sont orientés vers le continent africain.

 

La « Chine-Monde » est certainement l’une des caractéristiques qui définit la renaissance chinoise, l’ouverture du Pays du Milieu permet à l’extérieur d’influencer, sans toutefois en altérer l’essence, l’intérieur, mais une Chine ouverte enrichit aussi le système qui l’entoure. La « Nouvelle Route de la Soie », qui n’est pas sans rappeler les dynamiques de la dynastie Tang, Song ou de la première moitié des Ming, est une illustration de ce mouvement de projection globale.

 

Certains observateurs souligneront que le regain d’intérêt de Pékin pour le continent eurasiatique peut être compris, en termes géopolitiques, comme une réponse au pivot américain vers l’Asie initiée par l’administration de Barack Obama, cependant, la « Nouvelle Route de la Soie » ne doit pas être interprétée comme une réaction tactique qui s’opposerait à d’autres initiatives, elle vient tout simplement s’ajouter à des relations bilatérales entre la Chine et les États-Unis qui veulent être « d’un nouveau type ». Plus généralement, la Chine ne définit pas sa politique étrangère de manière négative en s’opposant à tel ou tel, elle est en recherche constante de synthèses dynamiques dans un réseau de relations inclusives.

 

Le pays dont l’économie, dépassera bientôt celle des États-Unis, a intégré l’idée que la puissance doit être synonyme de responsabilité et que cette dernière renforce, d’ailleurs, la première. De ce point de vue, la « Nouvelle Route de la Soie » est un plan Marshall aux caractéristiques chinoises, elle rassure les pays qui voisinent avec une grande puissance responsable, contribue à leur croissance tout en les plaçant, certes, dans un ordre qui aura d’abord été conçu par Pékin. Avec la « Nouvelle Route de la Soie » et son caractère international et coopératif, c’est le principe souvent souligné par Pékin de « réémergence pacifique » qui prend une forme plus concrète.

 

Ce sont en partie de grands projets d’infrastructure qui ont contribué à l’unité du monde chinois — la Grande Muraille, le Grand Canal et plus récemment un réseau gigantesque de trains à grande vitesse par exemple —, c’est donc avec une expertise inégalée que Pékin propose de partager une expérience qui présuppose une vision de long terme et qui génère de la cohésion.

 

Le projet diplomatique de Xi Jinping a évidemment l’avantage d’envelopper l’ouest de la Chine, le Xinjiang, un sixième du territoire chinois, de facto le cœur du continent eurasiatique, et qui est un élément clef de la « Ceinture économique de Route de la Soie ».

 

Ce serait pour le premier partenaire commercial de la Chine, l’Union européenne, tout simplement de l’aveuglement stratégique que de manquer les opportunités offertes par Xi Jinping dans une vision, dont la portée, va bien au-delà de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS).

 

2015, année du 40e anniversaire des relations entre la Chine et l’Union européenne, doit marquer un nouveau départ dans les relations entre les deux régions qui se situent aux extrémités d’un même continent, l’Eurasie.

 

Alors que l’Agenda stratégique de coopération Chine-UE 2020 et les négociations sur un accord d’investissements sont des développements positifs, Bruxelles doit répondre de manière active à l’initiative de la « Nouvelle Route de la Soie ». S’il ne le faisait pas, Bruxelles prendrait le risque d’isoler l’UE d’un projet majeur qui sera, en tout cas, grâce à la volonté politique et à la puissance économique de Pékin une force structurante des relations internationales.

 

Un Fonds sino-européen pour la « Nouvelle Route de la Soie » pourrait être un mécanisme utile pour financer de grands projets — infrastructure, énergie, économie verte — au service d’une Eurasie pacifique et prospère.

 

L’Italie, où la Route de la Soie revêt une signification particulière, l’Allemagne, le pays de Ferdinand von Richthofen le géographe à qui l’on doit l’expression même de « Seidenstrasse » Route de la Soie — et la France, qui a su souvent, depuis le Général de Gaulle, concevoir une politique audacieuse et indépendante à l’égard de la Chine, se doivent d’encourager l’Union européenne à répondre de manière adéquate à l’appel ambitieux de la « Nouvelle Route de la Soie ».

 

L’Eurasie est sous la menace immédiate d’un terrorisme territorialisé qui ne sera pas vaincu par des drones, des machines à tuer qui, au contraire, engendre toujours plus de haine. En répondant aux besoins à long terme de progrès économique et social, la « Nouvelle Route de la Soie » crée les conditions pour éliminer les racines de l’extrémisme.

 

En outre, l’approfondissement des synergies entre l’Union européenne et la Chine, double moteur aux deux extrémités de la « Nouvelle Route de la Soie », serait une invitation lancée à la Russie, lien indispensable dans un réseau de coopération transeurasiatique, à agir comme un co-architecte d’une Eurasie coopérative.

 

Le Japon, une nation qui fait face à de multiples crises, mais dont l’économie demeure la troisième du monde, n’est pas, en théorie, exclu de la « Nouvelle Route de la Soie », c’était bien l’Europe et Nara que l’ancienne Route de la Soie, toujours un objet de fascination pour les élites japonaises, reliait. En cette année qui coïncide avec la commémoration du 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Tokyo peut choisir de renouer avec ses profondes racines eurasiatiques et devenir l’un des moteurs d’une Eurasie plus intégrée.

 

La « Route de la Soie maritime du 21e siècle » qui va encore renforcer les liens entre la Chine et l’Asie du Sud-Est, accorde un rôle important à la province du Fujian. Xi Jinping, qui a passé de nombreuses années dans cette province maritime en face de Taiwan crée une situation dans laquelle Taipei peut contribuer au succès d’un projet international majeur et, par là même, jouir d’une plus grande visibilité.

 

À côté du « Rêve chinois » qui s’adresse plus spécifiquement au peuple de Chine, Xi Jinping propose une vision humaniste et de progrès qui va au-delà des intérêts nationaux immédiats. Basée sur l’expérience qui a conduit à la modernisation de la Chine, inspirée par l’idéal chinois de l’universalisme, Da Tong, ou Grande Harmonie, la « Nouvelle Route de la Soie » est un « Rêve eurasiatique », un rêve qui doit être aussi le nôtre. Cheminons ensemble sur cette voie juste !

 

 

 

Par la Rédaction de Solidarité & Progrès – le 9 mars 2015