Livre : « Manifeste pour la Vraie Démocratie » d’André Tolmère | Koter Info - La Gazette de LLN-WSL-UCL | Scoop.it


Livre : « Manifeste pour la Vraie Démocratie » d’André Tolmère

 

La démocratie en France, nous sommes maintenant nombreux à savoir que ça n’existe pas, et que ça n’a jamais existé. Le seul exemple qu’il nous reste de l’Histoire, c’est Athènes, dont le fonctionnement sera largement repris comme modèle au cours du livre. Certains, par fatalisme, se disent qu’une réelle démocratie, à l’inverse du système de gouvernement représentatif aux allures démocratiques, n’est que pure utopie. Toutefois, à travers cet essai, l’auteur va tenter de prouver à ces sceptiques l’aisance avec laquelle nous pourrions mettre en place, dès à présent, un système réellement démocratique.

 

« La politique est au cœur de tous les problèmes. On ne peut rien changer sans changer la politique, et on ne peut changer la politique sans changer ses règles du jeu. Il ne pourra y avoir un réel renouvellement de la politique si l’on ne remet pas en question l’ordre établi par les jeux politiciens. Il faut en arriver à une rénovation radicale de la politique et redonner ses lettres de noblesse à une démocratie qui a singulièrement besoin de redorer son blason. »

 

André Tolmère semble avoir étudié la théorie révolutionnaire, puisque selon lui, c’est l’aspect politique qui prévaut sur l’aspect social. Son point de vue est net, il faut avant tout retirer le pouvoir des mains des politiciens qui sont totalement corrompus ou fous, et complètement névrosés par la qualité de leurs privilèges sur leurs concitoyens. L’auteur défend un point de vue très proche du principe anarchiste, qui veut que tout pouvoir corrompe et que toute autorité qui s’impose est nécessairement illégitime. Selon lui, il est donc primordial d’arrêter de concentrer le pouvoir dans les mains d’une petite caste, et il est urgent que les citoyens s’organisent pour reprendre leur place dans la vie politique du pays.

 

« Le pouvoir crée une inégalité entre celui qui le détient et celui qui n’en est pas pourvu. Il donne à l’un la possibilité de dominer l’autre qui ne peut que subir. Ceci, quelle que soit sa nature : pouvoir de l’argent, pouvoir de la force ou de l’intelligence, pouvoir hiérarchique (dans l’entreprise ou dans l’appareil d’État), pouvoir politique. »

 

L’essayiste nous explique en détail, parfois même un peu trop d’ailleurs, que c’est l’objectif fondamental des politiciens que de diviser pour mieux régner, et que cela est même intrinsèque à leur fonction. Il met à nu de nombreuses idées, dont par exemple celle que l’accès au travail et aux promotions se ferait sur la base de la méritocratie ; en citant le Principe de Peter il nous démontre que les politiciens n’ont pas cette position grâce à leur compétence, mais plutôt grâce à leur incompétence. L’auteur prouve à qui avait encore besoin de voir cela prouvé, que l’unique capacité que les politiciens possèdent, c’est de se faire élire, et réélire malgré les scandales judiciaires.

 

« L’État n’est qu’une façade derrière laquelle agissent des hommes. Le pouvoir de l’État est aux mains des hommes politiques qui recherchent la position de leader. Président élu ou dictateur, cela revient au même : les citoyens fondus dans la masse doivent suivre et subir. »

 

Militant pour que le pouvoir revienne aux citoyens, il est évident que ce livre dénonce l’absence totale de possibilité pour ceux-ci de participer à la vie politique du pays, même au plus petit échelon. Il ne semble plus être à démontrer que l’élection, principe antidémocratique, vise à créer une aristocratie, c’est-à-dire un gouvernement des meilleurs, puisque par définition quand on vote, on essaye de voter pour le « moins pire ».

 

Nous nous souvenons tous du référendum pour une Constitution Européenne, celle-ci fut refusée par les Français, mais adoptée par leurs « représentants ». Et les exemples se multiplient, qui peuvent être recensés en bon nombre et amène l’auteur à conclure que les institutions qui sont supposées être un minimum démocratique, sont constamment bafouées, ou sont truquées de base, afin de ne jamais exprimer la volonté réelle des citoyens.

 

« L’exemple français est presque une caricature, mais la plupart des pays prétendument démocratiques ne se demandent pas plus que nous quelles sont les institutions susceptibles de favoriser le plus largement possible la démocratie. Ils préfèrent toujours des institutions qui renforcent le pouvoir politique d’une oligarchie au détriment  des citoyens auxquels on donne, de loin en loin, au gré des consultations, un os à ronger électoral. Le procédé est redoutablement efficace puisqu’il empêche le peuple, chien docile de ses maîtres, d’aboyer trop fort ou de devenir enragé et de les mordre. Pire : les maîtres, même s’ils changent de temps en temps, ce qui constitue une suprême astuce pour satisfaire et endormir le vilain toutou, tirent de l’animal toute leur légitimité dont ils se parent et qu’ils retournent contre lui pour mieux le mater. »

 

Donc, c’est là que se trouve l’utopie : croire fermement, et avec conviction que le changement peut se produire par les urnes. L’idée de notre auteur, et c’en est une qui ne date pas d’hier, puisqu’elle était déjà développée par Gracchus Babeuf en 1796, c’est que la base de la démocratie c’est l’égalité politique. Selon ces deux écrivains, la liberté politique découle de l’égalité, et non l’inverse, et c’est pourquoi ils désirent ériger en principe fondateur d’une réelle démocratie ceci : 1 citoyen = 1 citoyen. Actuellement, dans le système de gouvernement représentatif, aristocratique et oligarchique, 1 citoyen équivaut à 1 voix. L’auteur explique d’ailleurs qu’aux élections législatives par exemple, chaque voix ne se vaut pas, et qu’en fonction de la région où le votant se trouve, il aura un vote plus ou moins important, c’est-à-dire que son vote vaudra plus ou moins de députés que quelqu’un qui voterait dans une autre région.

 

« En 2002, l’UMP et l’UDF réunissent 50% des suffrages aux législatives et raflent 70% des sièges à l’Assemblée Nationale. Le Front National, avec un potentiel de 18% obtenus à la présidentielle, est laminé et n’obtient pas le moindre député. Les “démocrates” qui se réjouissent de ce résultat devraient plutôt s’inquiéter : leur démocratie est bien malade. »

 

Même ceux qui disent défendre la démocratie et la République mentent. C’est évident, si la démocratie c’est le pouvoir du peuple par le peuple, que l’élection c’est le moyen de connaitre l’opinion du peuple, alors s’opposer, ou ne pas faciliter l’expression représentative et proportionnelle de la volonté des citoyens, ne serait-ce pas cela être anti-démocrate ? L’idée que Marine Le Pen puisse partager des idées avec nous est cocasse, surtout lorsque l’on s’intéresse à sa vision géopolitique, néanmoins il est évident que pour quiconque se revendique démocrate, et adopte la fable de l’élection avec candidats comme moyen de déterminer avec exactitude la volonté des citoyens, ne pas avoir presque 20% des citoyens représentés par le pouvoir législatif est au moins un déni de démocratie, si ce n’est, pour les plus candides, une violation de l’État de droit. Faudrait-il déjà, pour les moins candides, que ce fameux État de droit existe.

 

« Jean-Jacques Rousseau, en son temps, déplorait le recours à la représentation. S’inclinant devant l’incontournable obstacle, il préconisait le mandat impératif. Les représentants élus étaient obligés d’appliquer à la lettre le mandat reçu de leurs électeurs. Les démocrates du dix-huitième siècle, admirateurs de l’Antiquité, n’étaient pas des partisans de la démocratie grecque. Le pouvoir démesuré qu’elle accordait au peuple les effrayait. Il y a une aversion totale et une méfiance absolue des révolutionnaires américains et français pour le modèle démocratique athénien. Car ces messieurs les révolutionnaires étaient issus des élites bourgeoises, et ils entendaient bien faire prévaloir leurs ambitions et les étendre»

 

Premièrement nous ne sommes pas dans un État représentatif du peuple, et deuxièmement, nous ne devrions pas souhaiter nous y trouver. Le seul « joker » qui assurerait la réelle représentativité des opinions exprimées par les citoyens, c’est celui qui est invalidé par l’article 27 de la Constitution de 1958, à savoir le mandat impératif. Le mandat impératif, c’est ce qui permettrait aux citoyens de rédiger le programme des élus, de le leur donner, et de les obliger à le respecter. Ajoutons à cela l’idée des élections sans candidat, on pourrait s’attendre à un résultat assez surprenant. François Hollande, Jacques Chirac, le président français d’origine hongroise N.Sarkozy, ou François Mitterrand auraient-ils été élus sans rédiger leurs mensonges électoraux, et sans faire campagne pour rendre ceux-ci crédibles ?

 

« Le citoyen se trouve pris dans un piège schizophrénique : d’une part, il reconnaît l’État et il en a besoin, d’autre part il se sent écrasé par un appareil d’État tout-puissant. Sur le plan politique, cette schizophrénie est nourrie par l’ambiguïté et le paradoxe du statut des élus. Les élus sont les “représentants du peuple” (article 3 de la constitution de 1958) qui exercent un “mandat” (article 27). Ce mandat établit un contrat politique entre l’élu et ses électeurs. Or, non seulement ce contrat n’est pas impératif, l’élu n’est en rien obligé de se conformer aux engagements solennellement souscrits auprès de ses électeurs, mais de surcroît, élu d’une circonscription, il ne la représente pas, car il est censé être le représentant de toute la nation ! »


L’élection sans candidats, c’est un moyen de s’assurer de limiter le pôle aristocratique de ce système représentatif, afin de mettre l’accent sur le côté démocratique, mais c’est en plus un moyen d’économiser beaucoup d’argent en frais de campagnes remboursés par le contribuable. Pourquoi les politiciens ne font pas cette proposition, s’ils sont certains de leur popularité auprès du peuple, sans avoir à occuper incessamment leur poste de télévision pendant 6 mois, et si – mais ça on en doute tout de même moins – ils désirent réellement et sincèrement réduire les dépenses publiques pour le bien de la population ?

 

« Hors de là, point de salut ! On a réussi à persuader des millions, des milliards d’individus que la démocratie, c’est le suffrage universel. Non. La vraie démocratie, c’est le tirage au sort. Pourquoi a-t-on oublié que c’est le suffrage universel qui a amené au pouvoir un Adolf Hitler, dans un régime démocratique, la république de Weimar (Buchenwald n’est situé qu’à quelques kilomètres de Weimar) qui, à lui tout seul, a provoqué le plus grand cataclysme du vingtième siècle ? »

 

Mais allons encore plus loin que les élections sans candidat, puisque c’est ce que André Tolmère fait. Si l’on désire une réelle représentativité des citoyens dans le corps législateur, pourquoi ne pas tout simplement en tirer au sort ? L’idée de l’Assemblée Constituante tirée au sort, sous contrôle des citoyens, reprise notamment par Étienne Chouard lors de ses conférences commence à faire son chemin. Le hasard n’est-il pas le meilleur garant, quand on observe que l’élection ou la nomination restent toujours des principes très aristocratiques, d’une sélection totalement aléatoire, qui ne pourrait donc donner lieu à aucune discrimination, et qui offrirait à chaque citoyen l’opportunité de participer à la vie politique de son pays.

 

« On qualifie généralement d’utopique un système ou un projet irréalisable. L’ennui, c’est que cette utopie a fonctionné, et plutôt bien, pendant plus d’un siècle, il y a 2500 ans. Bizarrement, aujourd’hui ce ne serait plus possible ? L’argument tombe tout seul. Mais c’est ce même argument qui est constamment repris et asséné depuis plus de deux siècles, depuis les révolutions américaine et française : “La démocratie directe n’est pas applicable… Cela pouvait fonctionner dans le cadre d’une petite cité comme Athènes, mais c’est impossible pour un grand pays…” et hop, on a escamoté le plus important, le recours au tirage au sort, qui élimine les “élites”. Rappelons encore qu’Athènes, au cinquième siècle avant Jésus-Christ, n’était pas un village, mais une grande ville pour l’époque, une cité État, dont la population atteignait 200.000 habitants. La grande majorité des Athéniens était très attachée aux valeurs de la démocratie, les vraies, indissociables du tirage au sort. »

 

Le Manifeste pour la Vraie Démocratie appelle à la formation d’un Mouvement des Citoyens pour la Vraie Démocratie, appelé MCVD, il appelle les personnes soucieuses de la vie politique de leur pays, de leur région, ou même de leur quartier à s’organiser et à se former en groupe-citoyens. Bien que la lecture de cet ouvrage puisse être un peu difficile, de par des aspects parfois redondants, et cela surtout pour les gens déjà sensibles aux problématiques de démocratie réelle et de tirage au sort, il reste un très bon moyen d’aborder le sujet et recense une quantité d’arguments et de contre-arguments assez impressionnante, ce qui permettra de convaincre n’importe quelle personne de bonne foi, que la première vraie démocratie en France est possible, souhaitable, et qu’il faut travailler ensemble afin de la mettre en place.

 

Le livre peut être lu ici :

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/messages_recus/Manifeste_pour_la_vraie_democratie.pdf

 

 

PAR ARBY - cercledesvolontaires.fr – le 1er juin 2015.